Archives des Politique - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/societe/politique/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 24 Jan 2024 03:29:32 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Témoigner au milieu des ruines de Gaza https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/temoigner-au-milieu-des-ruines-de-gaza/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54412 Dans l’oeil du public : regard sur trois journalistes palestiniens.

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Le journalisme en temps de guerre joue un rôle crucial de par sa capacité à témoigner, informer et contextualiser les événements pour le public international. En temps de guerre, les journalistes de terrain deviennent les yeux et les oreilles du monde, transmettant au mieux de leur capacité des récits complexes qui transcendent les frontières géographiques. La récente situation en Palestine aurait dû en être gage, et bien que la manipulation des médias fasse souvent partie intégrante des stratégies militaires (coupure de réseau, limitation de l’accès à Internet dans les zones attaquées…) ; les choix de publications des journaux occidentaux n’offre une perspective que très limitée du conflit. En privant le public d’un point de vue, on limite sa capacité à prendre conscience des réalités vécues par les Palestiniens.

Ainsi, en réponse à la couverture médiatique défaillante reçue par la cause palestinienne, plusieurs journalistes palestiniens se sont tournés vers des plateformes alternatives aux médias traditionnels afin d’exposer la réalité vécue par leur peuple. En soulignant l’importance du journalisme dans de telles circonstances, nous reconnaissons son pouvoir de façonner les perceptions, d’inspirer le dialogue, et de donner lieu à la pluralité des perspectives hors des médias traditionnels. Nous vous présentons donc trois profils de journalistes palestiniens qui ont su apporter une perspective complémentaire, mais pas moins vraie, durant les derniers mois.

« En temps de guerre, les journalistes de terrain deviennent les yeux et les oreilles du monde, transmettant au mieux de leur capacité des récits complexes qui transcendent les frontières géographiques »

Bisan Owda

Bisan Owda est une cinéaste palestinienne qui publie également du contenu sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Elle travaillait également auprès des Nations Unies pour l’égalité des sexes. Avant le début des bombardements et des opérations terrestres israéliennes dans la bande de Gaza, le profil Instagram de Bisan était essentiellement composé de vidéos d’elle parlant de ses projets ou de ses engagements. Ses vidéos étaient divertissantes ou informatives : elle partageait sur sa vie mais aussi sur son statut de femme, sur la situation à Gaza, et plus généralement sur la cause palestinienne. Les couleurs, le montage et les lumières de ses vidéos étaient travaillées, celles-ci étaient mêmes souvent écrites. Bisan a alors progressivement gagné en popularité, mais sa notoriété a réellement explosé à partir du moment où Israël a entamé ses interventions. Elle publie alors tous les jours – parfois même plusieurs fois par jour – des vidéos sur les conditions dans lesquelles les gazaouis et elle-même évoluent. Elle parle souvent de son expérience personnelle, du manque d’eau, de nourriture, des conditions sanitaires dans lesquelles elle vit, de la mort et de la souffrance qui l’entoure, mais réalise aussi des entrevues avec d’autres palestiniens de la bande de Gaza. Le 14 octobre, elle publie notamment une vidéo d’une jeune palestinienne porteuse de trisomie, dont la maison a été détruite, dans le but de faire valoir les enjeux spécifiques que représentent des bombardements pour les personnes atteintes d’un handicap. Ses vidéos sont une source d’information précieuse qui est depuis peu compromise par la coupure d’Internet dans la bande de Gaza. Elle appelle régulièrement le monde occidental à la grève générale, rappelant qu’il s’agit pour elle du seul espoir. Elle explique aussi souvent qu’elle ne sait pas combien de temps elle survivra. Sa maison et son lieu de travail ont été détruits lorsque la ville de Gaza a été bombardée, emportant son matériel, ses chats et une partie de sa vie.

Motaz Azaiza

Motaz est un photojournaliste qui avait pour sa part déjà une certaine notoriété avant les événements du 7 octobre dernier, étant employé par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Il est reconnu pour ses images prises à l’aide de drones représentant les paysages dévastés de la Palestine, qu’il partage avec son auditoire comptant aujourd’hui plus de 18 millions d’abonnés sur Instagram. Il est actuellement l’un des journalistes les plus suivis du réseau social. Motaz a perdu le 11 octobre dernier plus de 15 membres de sa famille en raison d’une frappe aérienne israélienne sur le camp de réfugiés Deir el-Balah, situé dans la bande de Gaza. C’est également là où Motaz a grandi. Le 7 janvier dernier, Motaz commémorait aussi sur sa page le décès de deux de ses collègues, Hamza Wael Dahdouh et Mustafa Thraya, qui s’ajoutent à la longue liste de journalistes qui ont péri depuis le 7 octobre.

Plestia Alaqad

Plestia se démarque des autres journalistes puisqu’elle fait partie d’un grand mouvement émergent de journalisme citoyen. Cette forme particulière de journalisme consiste à véhiculer l’information uniquement par les plateformes numériques telles que les réseaux sociaux pour documenter, comme le font les médias plus traditionnels, les évènements de la vie quotidienne. Plestia a rapidement gagné en popularité sur Instagram lorsqu’elle a commencé à documenter sa vie à Gaza via des vidéos publiées quotidiennement sur sa page, comme une forme de journal personnel. Sa communauté Instagram compte aujourd’hui 4,7 millions d’abonnés, qui suivent son quotidien où elle souligne fréquemment ses inquiétudes quant à la perpétuation des attaques contre Gaza, et demande constamment un cessez-le-feu. Sa page sert également pour plusieurs de ressource éducative, vers laquelle tous peuvent se tourner lorsqu’ils ont des questions concernant les différentes façons de venir en aide à la Palestine. Son profil compte parmi ceux ayant eu une croissance des plus rapides, en raison de son format qui réussit à capturer la réalité palestinienne de façon authentique. Elle se trouve présentement en Australie, ayant dû fuir les attaques quotidiennes sur Gaza.

Pensées à celles et ceux qui ne sont plus

La guerre a causé la mort de plus de 100 journalistes palestiniens depuis son commencement, bien que ces derniers soient supposés bénéficier d’une protection particulière selon le droit international. Muhammad Abu Huwaidi, Hamza Wael Dahdouh, Mustafa Thraya, et bien d’autres encore, assassinés parfois même pendant qu’ils effectuaient leur travail, un travail essentiel et vital, celui du partage de l’information vraie. Ils sont les seuls yeux à travers lesquels nous pouvons voir ce qui se passe localement, les violences qui ébranlent douloureusement un peuple prisonnier de quelques kilomètres de terre.

En tant que journal, ces morts nous touchent nécessairement, car nous ne pouvons imaginer que la volonté d’informer le monde, d’utiliser les mots pour changer les choses, d’imprimer le présent pour que tous puissent le comprendre, puisse mener à la mort. En plus de tenter de survivre, ils persistent dans leur travail afin que le monde puisse savoir et se souvenir. Pour cela, nous nous souviendrons d’eux.

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Quand le sport tacle la politique https://www.delitfrancais.com/2022/11/23/quand-le-sport-tacle-la-politique/ Wed, 23 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=50050 Qu’est-ce qui se passe avec Qatar 2022?

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Avec le début de la Coupe du monde, le Qatar accueille les délégations internationales pour un mois de football captivant. Après une cérémonie d’ouverture avec Morgan Freeman et Jungkook du groupe de K‑Pop BTS, l’atmosphère au stade semble avoir manqué le but. La 22édition de la Coupe du monde de football est sans doute le spectacle sportif le plus attendu de l’année 2022. Cette édition aura lieu entre le 20 novembre et le 18 décembre. Cependant, l’attention mondiale ne se porte pas uniquement sur les matchs. En effet, les débats éthiques remplissent les journaux. Plus d’une dizaine de pays manifestent leur opposition contre ce choix d’hôte controversé. Je vous invite donc à retracer, avec moi, le chemin qui a mené à « Qatar 2022 ».

Un choix d’hôte controversé

Le Qatar n’est certainement pas une nation avec une grande histoire sportive. Au football, le pays est davantage reconnu pour ses tentatives de naturaliser des joueurs étrangers que pour la qualité de son programme. Sa sélection comme hôte peut donc paraître surprenante. Pourtant, dans les dernières décennies, le pays s’est vu attribuer les droits d’hôte pour de nombreux événements sportifs tels que les Jeux asiatiques de 2006, le Championnat du monde masculin de handball de 2015 et les Championnats du monde de natation de 2024. Le Qatar avait notamment déposé sa candidature pour les Jeux olympiques de 2020 (qui ont finalement eu lieu au Japon), pour le Championnat du monde d’athlétisme de 2019 et la Coupe du monde de football de 2022, deux grandes victoires pour le pays. En tentant de gagner les droits d’accueillir ces événements, la nation cherche à acquérir ce qui s’appelle la «puisssance douce (soft power) », une stratégie politique où un pays cherche à accroître son prestige mondial avec la promotion de sa culture à travers des médiums comme le sport (en opposition à la puissance forte, hard power, qui repose sur une dominance par la force économique ou politique) afin de pouvoir exercer une influence sur d’autres nations. Les problèmes de cette Coupe du monde remontent aux circonstances dans lesquelles le choix du Qatar comme hôte a eu lieu. En effet, lorsqu’on accueille le plus grand spectacle sportif au monde, il faut passer par des enquêtes d’éthique. Des investigations ont rapporté que des pots-de-vin ont été versés en échange de votes avant le scrutin en 2010. La semaine dernière, Sepp Blatter, l’ex-président de la FIFA (Fédération internationale de football association), a même dénoncé le choix du Qatar comme hôte. Dans sa critique, Blatter mentionne que le pays est trop petit et que l’ancien président français Nicolas Sarkozy lui a indiqué sa forte préférence pour la candidature du Qatar. Il questionne s’il existe un conflit éthique puisque le nouveau président de la fédération, Gianni Infantino, réside au Qatar. La corruption remplit l’historique de la FIFA. L’affaire Fifagate en 2015 avait secoué le monde sportif. Le choix du Qatar contribue à la suite d’une série de choix douteux de la FIFA. On observe l’influence indéniable de son caractère avare sur sa décision. C’est avec une grande tristesse que je constate la dégradation du processus du choix d’hôte pour les événements sportifs. Les droits d’hôte deviennent une marchandise vendue aux enchères au lieu d’une évaluation holistique de chaque candidature soumise.

« Les droits d’hôte deviennent une marchandise vendue aux enchères au lieu d’une évaluation holistique de chaque candidature soumise »

Les nombreuses violations du Qatar

Ce Mondial est aussi critiqué pour les violations des droits humains des ouvriers qui construisent les infrastructures. Les chantiers qataris auraient pris la vie d’environ 6 500 ouvriers entre 2011 et 2021 selon une enquête menée par The Guardian. De plus, Amnestie Internationale recense de nombreuses violations des droits des travailleurs au Qatar. Toute cette mauvaise publicité décrédibilise le sport et va à l’encontre de ses valeurs.

Toutefois, le Qatar reste inflexible face aux critiques et refuse de s’adapter. Il affirme qu’il ne changera pas ses coutumes pour la Coupe du monde. L’homosexualité dans la nation est criminelle et punie par des amendes, la prison ou la mort. La nation invite les participants et leurs fans à tolérer leur intolérance et attire donc des plaintes de nombreuses fédérations nationales de football. La FIFA vient de publier une lettre demandant aux équipes d’éviter les messages politiques pendant le tournoi. Le message est simple : taisez-vous et dribblez. Cependant, il faut se demander si nous devons accepter les positions d’un autre pays même si celles-ci enfreignent nos valeurs personnelles. L’histoire du sport et de la politique remonte au début des Jeux olympiques à l’époque de la Grèce antique. Il me semble donc étrange que la FIFA veuille encourager la séparation du sport et de la politique. Si la FIFA maintient sa position sur la politique dans le sport, la fédération ne devrait pas être surprise par les critiques qui viennent avec ses choix.

Les fédérations nationales sentent la transgression de leurs valeurs et dénoncent le Qatar pour ses violations des droits humains. Le choix du Qatar divise les amateurs de football. Les fans LGBTQ+ se retrouvent en position difficile puisque la posture du Qatar vis-à-vis de leur sexualité crée une atmosphère inhospitalière. Le sport joue souvent un rôle unificateur, et pourtant les tourments éthiques nuisent terriblement à l’accomplissement de ce rôle.

« Le message est simple : taisez-vous et dribblez »

Des questions portant sur le football lui-même

Finalement, alors que le Mondial se déroule normalement en été, cette édition a lieu en novembre sur une durée raccourcie de 29 jours à cause de la chaleur. Les températures au Qatar dépassent les quarante degrés en été, mais seront encore dans la haute vingtaine en novembre. Les saisons des ligues professionnelles – la Série A, la Premier League, la Liga MX - se déroulent aussi au mois de novembre, et s’alignent avec la Coupe du monde. Nous avons donc une pause forcée de ces ligues. Ces dernières n’étaient pas satisfaites de ce changement d’horaire. Cette édition représente aussi la dernière opportunité de gloire pour de nombreux talents générationnels – Messi, Ronaldo, Lewandowski, Suárez, Modrić – qui approchent de la quarantaine. Est-ce l’heure pour l’un d’entre eux de lever le trophée? Pour Messi ou Ronaldo, une victoire pourrait régler le débat entre les deux joueurs pour le titre du meilleur joueur de tous les temps. La victoire d’une de ces figures légendaires pourrait servir de fin théâtrale pour clôturer une carrière exceptionnelle. Les intrigues pour ce Mondial sont nombreuses, en particulier pour le Canada qui joue sa première Coupe du monde depuis 1986. La blessure récente d’Alphonso Davies inquiète beaucoup malgré sa disponibilité pour le premier match du Canada contre la Belgique le 23 novembre dernier.

Dernières réflexions

Ainsi, nous voyons comment les préparatifs pour le tournoi au Qatar sont inondés de vio- lations des droits humains et d’un scandale de corruption. Sur le plan sportif, cette Coupe du monde représente le crépuscule d’une génération glorieuse de footballeurs. Ce sera peut-être l’occasion de voir la révélation du futur du sport. Pourtant, il est difficile de s’immerger dans l’allure magique du football quand un nuage de controverse flotte au-dessus du stade. La critique du Qatar n’est pas orientaliste, elle s’attaque aux violations des droits humains et au manque de passion des Qataris pour le football. Avec tant de discussions sur des sujets qui ne sont pas en lien avec le football, l’héritage de cette Coupe du monde 2022 sera-t-il autre chose que le football? Nous aurons la réponse dans quelques années, mais je soupçonne qu’elle sera davantage en lien avec la situation au Qatar qu’avec le football lui-même (à moins que le Mondial soit sensationnel). De mon côté, j’espère que la FIFA apprendra de cette édition et approchera ses prochaines décisions d’hôte avec plus de transparence. Les droits d’hôte devraient aller à une nation passionnée par le sport. J’espère que le tournoi sera tout de même plein de moments mémorables.

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S’exprimer pour celles et ceux qui ne le peuvent pas https://www.delitfrancais.com/2022/10/19/sexprimer-pour-celles-et-ceux-qui-ne-le-peuvent-pas/ Wed, 19 Oct 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49308 Entrevue avec la Coalition pour les droits humains iraniens McGill.

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La Coalition pour les droits humains iraniens McGill est une coalition formée le 7 octobre dernier qui a pour but de soutenir les étudiant·e·s, les membres des facultés et le personnel iranien·ne·s de l’Université. Le 7 octobre dernier, la Coalition avait organisé une vigile devant le bâtiment James en l’honneur de Mahsa Amini, la jeune femme arrêtée le mois dernier à Téhéran pour «port de vêtements inappropriés». Sa mort, survenue trois jours après son arrestation, a déclenché une vague de protestations à l’échelle mondiale. Le Délit s’est entretenu avec Sonia et Sheida, étudiantes à McGill et co-fondatrices de la Coalition, afin de discuter de sa création et des manifestations actuelles en Iran.

Le Délit (LD) : Pouvez-vous parler de la création de la Coalition? Qu’envisagez-vous pour la suite?

Sonia N. (SN) : Sheida et moi, on n’a pas vraiment commencé dans le but de créer une coalition. On voulait simplement organiser un événement pour les étudiants et les professeurs iraniens sur le campus parce qu’on sentait le besoin et la nécessité d’un espace pour vivre un deuil qui puisse valider nos émotions, nos larmes. On voulait partager ce deuil avec d’autres personnes parce que nous avions parlé à beaucoup de nos amis iraniens, et on savait qu’ils faisaient face aux mêmes difficultés que nous. Donc au début, on ne s’était pas lancées dans l’idée de former une coalition, c’était juste un peu comme une formalité pour organiser la vigile. Nous avons ensuite réalisé qu’il y avait une absence de soutien pour la communauté iranienne sur le campus et que la Coalition pourrait la combler.

Sheida D. (SD) : On est en train de déterminer ce qu’on est et ce qu’on devrait faire. On comprend l’énorme dévouement que la Coalition engage. C’est une grande responsabilité et je ne veux pas prendre ça légèrement. Pour l’instant, je pense qu’il faut attendre et réfléchir avant d’organiser d’autres événements.

SN : Oui, il ne s’agit pas seulement d’organiser des événements juste pour les organiser. C’est de déterminer où il y a une absence de quelque chose et comment nous pouvons être là pour combler ce vide au lieu de simplement dire: «D’accord, maintenant on doit se mettre au travail le plus tôt possible et organiser des millions d’événements.» On a organisé la veillée il y a deux semaines parce qu’on en sentait la nécessité. En voyant les manifestations en Iran, il fallait qu’on intervienne pour faire en sorte que notre voix soit entendue et reconnue ici sur le campus.

LDEst-ce que vous travaillez avec l’Association étudiante iranienne de McGill (McGill Iranian Student AssociationMISA)?

SD : Le président de MISA a eu son diplôme il y a quelques années. L’Association n’a donc pas de conseil ou quoi que ce soit, ce qui fait qu’elle n’est pas très fonctionnelle en ce moment. On avait contacté MISA avant de former la Coalition puisqu’on avait présumé qu’ils avaient déjà planifié un événement similaire à la vigile et donc qu’ils pourraient éventuellement nous donner des conseils. Par contre, l’Association n’est pas active, donc on s’est retrouvées dans une impasse.

«Lorsque les manifestants déferlent dans les rues, ils risquent leur vie, la vie de leurs familles, et vivent avec ça tous les jours»

LDQuand je dis le mot rébellion, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit? Est-ce plus l’espoir ou la peur?

SD : Je pense que c’est un peu des deux et je le sens quand je pense et je vois tous les Iraniens qui se révoltent en ce moment. C’est déjà une chose de se tenir devant l’administration de McGill, mais c’est complètement différent pour les personnes qui sont actuellement en Iran. Ça prend tellement de bravoure et de force pour se prononcer, pour manifester. Lorsque les manifestants déferlent dans les rues, ils risquent leur vie, la vie de leurs familles, et vivent avec ça tous les jours. Et c’est encore plus risqué pour les femmes, même si elles portent leur hijab. Donc, dans ce sens-là, il y a la peur, mais il y a aussi de l’espoir parce qu’on se révolte contre un gouvernement qui est en train de perdre sa légitimité aux yeux du peuple. C’est l’espoir que ce régime qui perdure depuis 43 ans maintenant peut changer, et qu’avec ce changement, un sentiment de libération sera créé.

SN: J’ai été élevée par des personnes qui croyaient que la rébellion finirait par conduire à la liberté de leur pays, de l’Iran, mais, en même temps, elles avaient peur de la rébellion, du changement qu’elle pourrait éventuellement amener. Je perçois la rébellion comme une obligation plus qu’autre chose parce qu’ici, dans l’Occident, on a le privilège de pouvoir se rebeller et, dans la plupart des cas, le faire sans subir des conséquences extrêmes. Pour moi, assumer ses positions et avoir le courage de ses convictions, c’est le faire pour ma famille et pour les Iraniens, pour ceux et celles qui ne peuvent pas le faire. Par exemple, mon cousin qui est étudiant à l’université en Iran ne peut pas quitter la maison. Les universités sont visées par des attaques tous les jours. Ça va lui coûter la vie s’il va dans la rue.

Ce sont les personnes en Iran qui se rebellent véritablement. Et je pense que si tu parles à la plupart des Iraniens, en fait, il y a cet espoir sous-jacent qu’on sera libérés bientôt, que nos enfants verront un changement. Comme Sheida a dit, c’est un mélange d’une peur extrêmement débilitante mais aussi d’un espoir inédit.

LDEst-ce que vous considérez la mort de Mahsa Amini comme un tournant ou le moment qui déclenche le mouvement ?

SD: Les manifestations qui se déroulent encore à ce jour sont les plus percutantes que j’aie vues depuis très longtemps, en grande partie grâce à la couverture qu’elles reçoivent sur les réseaux sociaux et les médias. Mais c’est aussi important de noter qu’il y a des manifestations depuis plusieurs années maintenant en Iran. Il y a un an, par exemple, il y avait beaucoup de grèves en raison des conditions de travail et de la crise du pétrole. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est une accumulation des choses qui déstabilisent la société et qui mène à une dénonciation de l’illégitimité du régime. Mais on ne peut pas nier l’ampleur des vagues de manifestations actuelles.

«C’est un mélange d’une peur extrêmement débilitante mais aussi d’un espoir inédit»

SN: Je pense que ce qui me pose problème est que les gens utilisent sa mort comme catalyseur pour exprimer toute leur colère face à ce qui se passe dans le pays. Ce qui se passe en ce moment est un mouvement féministe transnational, mais c’est aussi bien plus que cela. Les manifestants ne protestent pas seulement contre le port obligatoire du hijab, ils protestent également contre l’économie et la corruption de leur gouvernement, le fait que tant d’histoires ont été enterrées, tant de personnes ont été tuées sans réponse. C’est injuste de résumer tout ça à une question de hijab obligatoire.

LDEst-ce que la violence est nécessaire à la rébellion? Existe-t-il une limite à cette violence selon vous?

SN: Je pense que la violence est nécessaire à la rébellion, mais qu’elle peut parfois devenir extrême. Par exemple, il y a eu tellement d’actes de violence irréfléchis pendant la révolution en 1978. Je pense notamment à l’incendie du cinéma Rex d’Aban lors duquel plus de 400 personnes ont péri. À ma connaissance, personne n’a réclamé cet acte de violence. Aucun parti politique, aucun régime. L’acte n’avait pas d’objectif, aucune raison. Mais dire que la violence n’est pas nécessaire est aussi ignorant et vient du fait que nous vivons dans un endroit où nous pouvons nous rebeller ou protester pacifiquement.

SD: Ce n’est pas à nous de nous prononcer là-dessus. On ne voit pas la réalité de ce que les gens en Iran voient au quotidien. La violence qu’on voit en ce moment ne vient pas d’une place de radicalisme, il y a une raison et un activisme directs derrière cette violence. Il y a un message, il y a une demande.

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La Riposte voit rouge https://www.delitfrancais.com/2022/10/19/la-riposte-voit-rouge-2/ Wed, 19 Oct 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49315 Entrevue avec la Riposte socialiste étudiante de McGill.

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La Riposte socialiste étudiante (Fightback Socialism Club) est un groupe étudiant présent depuis 2012 sur le campus de l’Université McGill qui vise à éduquer la communauté mcgilloise sur la théorie marxiste, ainsi que sur l’histoire des mouvements contestataires de manière plus générale. Le groupe fait partie de la branche canadienne de l’organisation internationale nommée La Tendance marxiste internationale. Le Délit s’est entretenu avec Sebastian, un activiste associé à la Riposte depuis trois ans maintenant afin de discuter des objectifs de l’organisation sur le campus de McGill.

Le Délit (LD): Qu’est-ce que la Riposte socialiste étudiante de McGill? Quels sont ses objectifs?

Sebastian (S): La Riposte est une organisation qui essaie d’apporter des idées socialistes et marxistes aux mouvements étudiants, mais aussi à divers mouvements contre l’oppression sous toutes ses formes. Nous avons donc des divisions dans des universités partout au Canada. En tant que marxistes, nous essayons d’étudier l’histoire des révolutions et des mouvements rebelles en général en essayant d’en tirer des leçons. Quelles stratégies ont marché et lesquelles ont échoué? Il y a beaucoup de leçons qu’il faut apprendre mais qui ont tendance à être oubliées. La première est que la révolution est nécessaire et possible. Mais aussi, pour que ce mouvement révolutionnaire gagne ce pour quoi il manifeste, il doit se battre pour avoir le pouvoir politique. Par exemple, sur le campus, on fait beaucoup de travail pédagogique qui encourage les étudiants à ne pas trop se concentrer sur eux-mêmes mais à se tourner vers l’extérieur, et en particulier vers la classe ouvrière.

LDComment apportes-tu la révolution dans ton quotidien?

S: Un élément important à considérer est que les révolutionnaires ne créent pas les révolutions. Les révolutions se créent d’elles-mêmes en réaction aux contradictions inhérentes des systèmes sociaux dans lesquels elles voient le jour. Par exemple, les personnes opprimées de la classe ouvrière sont amenées à lutter à cause de l’oppression et de l’exploitation qu’elles vivent dans leur quotidien et ce, jusqu’au point où elles cèdent. La vraie question à se poser est donc de savoir quelles idées mèneront le prochain mouvement de révolution. Fightback se concentre beaucoup sur la réponse à cette question, et c’est la raison pour laquelle nous mettons tant d’efforts dans l’éducation. À titre d’exemple, nous avons tenu la semaine dernière un événement sur le campus de McGill à propos du mouvement en Iran. Nous avons invité un orateur qui a raconté l’historique des divers mouvements en Iran. Notre objectif est davantage de sensibiliser la population quant à la réalité de ces événements, parce que les médias publics les abordent bien évidemment selon un angle très spécifique. Donc, plus généralement, nous voulons propager les apprentissages de ces mouvements parce que, fondamentalement, nous croyons qu’ils reviendront.

LDQu’est-ce que le mot rébellion évoque pour vous?

S: Il évoque beaucoup, parce qu’en tant que marxistes nous pensons beaucoup à la révolution. La rébellion est un terme très vaste, et nous pensons davantage en termes d’une révolution. La révolution, à son origine, débute avec les masses populaires. La majorité des gens n’ont pas leur mot à dire en ce qui concerne la politique dans leur vie quotidienne, ils ne choisissent pas comment leur vie est gouvernée. La révolution, c’est lorsque ces personnes décident que c’en est assez, qu’elles se défendent et décident de sortir revendiquer dans les rues pour changer le cours de l’histoire. Un bon exemple de cela est, encore une fois, les manifestations qui se déroulent en Iran.

LDÀ quel point la violence est-elle nécessaire pour une rébellion dans le contexte d’une révolution? La violence peut-elle être une solution pour apporter le changement?

S: La plupart des mouvements ont des origines paisibles. Pourtant, dans le cadre d’une révolution marxiste, je pense qu’il serait naïf de croire que la classe dominante céderait son pouvoir sans combat. Ça ne veut pas pour autant dire que nous encourageons la violence! Mais, si l’on observe tous les mouvements révolutionnaires, ils sont pacifiques jusqu’à ce que la classe dirigeante et l’État qui est sous son contrôle utilisent la violence contre les manifestants. En tant que marxistes, nous défendons fermement le droit des oppressés à se défendre, peu importe la manière.

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Survol du second débat des chefs https://www.delitfrancais.com/2022/09/28/survol-du-second-debat-des-chefs/ Wed, 28 Sep 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49018 Un affrontement riche en propositions, mais aussi en désaccords.

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Les chefs des cinq partis politiques québécois les plus importants se sont affrontés jeudi soir lors d’un débat sur les ondes de Radio-Canada. Ce second débat, qui survient une semaine après le Face-à-face des chefs organisé par TVA, a permis aux candidats d’exposer plus clairement leurs promesses électorales par rapport à cinq enjeux: l’environnement, le coût de la vie, le système de santé, l’éducation, la langue française, l’immigration et l’identité.

Lors de ce débat, s’affrontaient François Legault, chef de la Coalition avenir Québec (CAQ); Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ); Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois (PQ); Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte parole de Québec solidaire (QS); et Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec (PCQ).

Contacté par Le Délit, le Pr Daniel Béland, professeur au Département de sciences politiques de l’Université McGill et directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, nous a partagé ses commentaires sur le débat.

Environnement: Comment régler l’enjeu du siècle?

Concernant l’environnement, les chefs ont pu présenter leurs propositions pour s’attaquer au problème des changements climatiques. Gabriel Nadeau-Dubois a défendu sa taxe sur les véhicules polluants et a soutenu que l’économie verte représente la colonne vertébrale du projet sociétal de QS. Le PLQ voit la transition écologique comme un projet de société. La CAQ mise sur le transport collectif, le recyclage, l’énergie verte en milieu industriel, le commerce agricole local, l’énergie propre et les bâtiments propres. Paul Saint-Pierre-Plamondon a souligné que le PQ proposait de doubler l’offre des transports en commun, de faire baisser le coût de ces transports à 1$ par jour partout dans la province, et de hausser les ventes de véhicules électriques. Éric Duhaime a exprimé le souhait du PCQ de rendre électriques tous les transports de la province, une mesure financée par les hydrocarbures. Le Pr Béland juge cette stratégie inefficace. Ce dernier constate surtout qu’« entre Legault et Nadeau-Dubois, il y a vraiment une dynamique de conflit». «Legault attaque beaucoup QS, beaucoup plus qu’il attaque le PQ ou les libéraux, comme s’il voulait les marginaliser», ajoute-t-il.

Coût de la vie: Une guerre d’enchères sur les chèques

Face à l’inflation, les chefs ont proposé différentes mesures pour soutenir financièrement l’électorat québécois. François Legault propose une baisse d’impôts non-chiffrée, une remise d’environ 500$ et un chèque annuel de 2 000$ aux aînés. Dominique Anglade propose ce même versement annuel aux aînés, ainsi qu’un chèque annuel de 5 000$ aux familles. Paul Saint-Pierre-Plamondon propose une remise de 750$ à 1 200$, selon le revenu familial. De son côté, Éric Duhaime souhaite plutôt baisser les impôts et éliminer les taxes sur l’essence. Gabriel Nadeau-Dubois propose quant à lui un congé de TVQ sur les biens essentiels et priorise le règlement de la crise du logement.

Le PLQ compte financer ces mesures en taxant davantage les riches et en réglant la pénurie de main-d’œuvre. QS et le PQ misent sur la taxation des riches et la transition vers l’énergie verte. Le Pr Béland explique que lorsque Paul Saint-Pierre-Plamondon «parle d’environnement, ou de mesures plus progressistes, […] il vise les péquistes qui se sont tournés vers Québec solidaire».

Santé: Plus de privé ou plus de public?

La section du débat relative à la santé portait sur un enjeu central de l’élection: comment soigner le système de santé du Québec? Seul Éric Duhaime a soutenu que la solution devait passer par le privé, proposant également un sommet non-partisan sur la santé mentale. Les autres chefs souhaitent plutôt améliorer le réseau public.

François Legault propose «plus de privé, mais du privé gratuit» et a saisi cette opportunité pour réaffirmer la nécessité des maisons des aînés, son alternative aux CHSLD. Les autres chefs proposent d’augmenter l’offre des soins à domicile pour désengorger ces établissements.

«Legault attaque beaucoup QS, beaucoup plus qu’il attaque le PQ ou les libéraux»

Pr Daniel Béland

Dominique Anglade a quant à elle mis de l’avant sa promesse de fournir un médecin de famille par personne si élue et souhaite «des conditions de travail acceptables pour tous nos professionnels de la santé».

Paul Saint-Pierre Plamondon et Gabriel Nadeau-Dubois priorisent également une telle amélioration afin de ramener du personnel du réseau privé vers le réseau public, s’accordant également sur la nécessité de refinancer les CLSC.

Éducation et services aux citoyens: revaloriser les métiers en enseignement

Le thème de l’éducation s’est orienté vers la pénurie de personnel. Les cinq chefs se sont mis d’accord sur l’importance de revaloriser le métier d’enseignant. Pour Gabriel-Nadeau-Dubois, Paul Saint-Pierre-Plamondon et Dominique Anglade, cela passe par un plus grand soutien pédagogique et matériel. François Legault a plutôt parlé de bonus fiscaux.

Éric Duhaime prône la décentralisation d’un «système sur-centralisé et sur-bureaucratisé». Sa désignation du corps enseignant québécois par «ces filles-là» était une tournure malhabile, selon le Pr Béland. François Legault, Dominique Anglade et Paul Saint-Pierre-Plamondon ont tous trois proposé de rendre plus équitable le système à trois vitesses en améliorant le système public. Le premier ministre a souligné l’ajout d’une heure de classe par jour durant son mandat. Pour Dominique Anglade, le gouvernement doit financer les programmes à frais additionnels au sein des écoles publiques. Selon Paul Saint-Pierre Plamondon, «il faut rééquilibrer [fiscalement] à la faveur du réseau public».

Français, immigration et identité: seuils, francisation ou régionalisation?

«Le premier devoir du premier ministre du Québec, c’est d’assurer l’avenir du français», a déclaré François Legault. Selon lui, la clé serait l’intégration des immigrants à la francophonie québécoise et le maintien de l’immigration francophone à 80%.

De son côté, Paul St-Pierre Plamondon propose une immigration 100% francophone, ainsi qu’«une vraie loi 101 restructurée». Selon le Pr Béland, le chef du PQ tente de ramener des caquistes vers son parti en leur disant que François Legault n’en a pas fait assez pour la question linguistique.

Dominique Anglade, Gabriel Nadeau-Dubois et François Legault souhaitent protéger le français en distribuant plus également les nouveaux arrivants au Québec.

Le PLQ a «perdu des appuis chez les anglophones et les allophones, mais reste le parti numéro un pour ces groupes démographiques», estime le Pr Béland.

«Un des meilleurs débats depuis longtemps»

Globalement, le Pr Béland déclare que les candidats ont pu « s’exprimer, parler un peu de leur plateforme, de leur point de vue, critiquer les autres ». « Mais quand même, il y avait un ton plus feutré », note-t-il. Les électeurs auraient davantage profité de ce second débat que du premier. Paul Saint-Pierre Plamondon s’est de nouveau imposé, selon le Pr Béland. Le débat se serait également bien déroulé pour Gabriel Nadeau-Dubois et Dominique Anglade, cette dernière semble s’être améliorée par rapport au premier débat. La cheffe libérale « a montré que les libéraux voulaient se battre », en dépit d’une campagne difficile et d’un faible appui chez les francophones. De plus, il estime que François Legault se serait lui aussi amélioré après le premier débat, tandis qu’« en général, [Duhaime] paraissait plutôt effacé ». « C’est un des meilleurs débats que j’ai vus depuis longtemps, tant au provincial qu’au fédéral, en termes de contenu », conclut le Pr Béland.

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Scruter le mode de scrutin https://www.delitfrancais.com/2022/09/28/scruter-le-mode-de-scrutin/ Wed, 28 Sep 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49023 Enquête sur la réforme du système électoral québécois.

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Le jeudi 22 septembre dernier, à l’occasion du deuxième débat des chef·f·es, avait lieu un rassemblement d’une trentaine de personnes devant la nouvelle Maison de Radio-Canada pour réclamer un système électoral représentatif au Québec. Organisée par le Mouvement Démocratie Nouvelle (MDN) et la Coalition pour la réforme électorale maintenant!, la manifestation visait à exiger des chef·fe·s des partis politiques une réforme du mode de scrutin en place dans un prochain mandat.

En date du 26 septembre dernier, selon le modèle du site de projections électorales Qc125, la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait récolter jusqu’à 98 sièges sur 125 le 3 octobre, soit près de 80% des sièges à l’Assemblée nationale. Or, selon les projections, la CAQ ne récoltera pas plus de 40% du vote populaire. Cet écart entre volonté électorale populaire et représentation parlementaire, appelé distorsion, est engendré par le système électoral actuel au Québec, soit le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Selon le MDN et la Coalition pour la réforme électorale maintenant!, les résultats des élections 2022 pourraient être les plus distordus de l’histoire. Pour ces mouvements pro-réforme, le changement du mode de scrutin devrait être une priorité pour les Québécois·es. Le Délit vous présente cette enquête afin d’inviter la réflexion sur les enjeux liés à la réforme du mode de scrutin au Québec.

Le débat d’un siècle

Même si la question de réforme du mode de scrutin est débattue dans les milieux politiques depuis plus de 100 ans, elle a commencé à susciter un plus grand engouement vers la fin des années 1960. «On vient juste de célébrer les 100 ans de René Lévesque, qui a déjà qualifié notre mode de scrutin comme étant “démocratiquement infect”», a déclaré Jean-Pierre Charbonneau, président du MDN lors de la manifestation jeudi dernier.

Au Québec, les résultats des élections provinciales de novembre 1998 avaient ranimé un intérêt pour l’enjeu du mode de scrutin. Le Parti libéral (PLQ) avait à l’époque subi une défaite malgré un pourcentage de voix plus élevé que le Parti québécois (PQ). En effet, le PLQ avait obtenu 43,5% des voix avec 38% des sièges tandis que le PQ avait obtenu 42,9% des voix avec 61% des sièges. C’est ainsi qu’en 1999 est né le Mouvement Démocratie Nouvelle, un organisme citoyen non partisan militant pour la réforme du mode de scrutin. La Coalition pour la réforme électorale maintenant!, formée notamment de groupes environnementaux, féministes, syndicalistes et communautaires, a vu le jour en 2019, à la suite de la victoire de la CAQ aux élections provinciales de 2018.

«Nous n’avons pas l’intention de lâcher le morceau et allons suivre le prochain gouvernement sur cette question», a affirmé Mario Beauchemin, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) devant le siège de Radio-Canada jeudi dernier. La CSQ, une organisation regroupant travailleur·se·s des secteurs public et parapublic québécois, est l’une des dix organisations impliquées dans le MDN.

Katherine Girard et Anne-Marie Boudreault-Bouchard, des manifestantes présentes au rassemblement, se sont impliquées au MDN dès qu’elles ont «compris comment le système électoral fonctionnait au Québec», ont-elles expliqué au Délit. «Le mouvement m’a beaucoup rejointe au niveau du message véhiculé», a ajouté Anne-Marie Bouchard, ancienne vice-présidente du MDN entre 2015 et 2018.

«Les distorsions créent de l’injustice. Il y a des partis qui sont surreprésentés, il y en a qui sont sous-représentés, il y en a qui ne sont pas représentés»

Jean-Pierre Charbonneau, président du Mouvement Démocratie Nouvelle

Jean-Pierre Charbonneau, ancien député péquiste et ancien président de l’Assemblée nationale, est l’actuel président du MDN. «Le système électoral actuel est un système qui a été conçu par les Britanniques en 1792 et qui favorise l’alternance de pouvoir entre deux partis», remarque-t-il en entrevue avec Le Délit. Selon Raphaël Canet, le coordonnateur du MDN, le scrutin uninominal majoritaire à un tour est inadapté à la réalité d’aujourd’hui, car il favorise un système bipartisan, soit «une réalité sociale bien différente de celle d’aujourd’hui».

En effet, le mode de scrutin en vigueur au Québec et au Canada est un système dit «majoritaire» puisque les candidat·e·s sont élu·e·s à majorité relative. Il est donc possible qu’un·e candidat·e soit élu·e même s’il·elle n’obtient pas plus de la moitié des voix.

Dans chaque circonscription définie, le·a gagnant·e est la personne qui obtient le plus de votes. À l’échelle provinciale, le parti qui fait élire le plus de candidat·e·s forme le gouvernement, tandis que celui qui arrive second devient le parti d’opposition . Selon le MDN, les distorsions sont le principal problème causé par ce système de vote: le mode de scrutin actuel ne tiendrait pas compte du vote populaire des électeur·rice·s.

Prenons par exemple les résultats des élections de 2018: la CAQ avait gagné avec 37,42% du vote populaire, mais avait fait élire 74 des 125 élu·e·s à l’Assemblée nationale, soit 59,2% des sièges. En contrepartie, le PQ avait obtenu 17,06% des voix mais uniquement 10 sièges à l’Assemblée nationale, soit 8% du total.

«Les distorsions créent de l’injustice. Il y a des partis qui sont surreprésentés, il y en a qui sont sous-représentés, il y en a qui ne sont pas représentés», a déploré M. Charbonneau en entretien avec Le Délit. «Le résultat est que la gouvernance de la société ne se fait pas comme elle devrait se faire», a‑t-il ajouté. Une des conséquences de ces distorsions est le manque de représentativité à l’échelle régionale. C’est là une des critiques les plus virulentes du mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour. Par exemple, seulement deux des 27 député·e·s élu·e·s en 2018 sur l’île de Montréal sont caquistes. Il est donc plus difficile pour les élu·e·s de l’île de Montréal, à majorité libérale, d’influencer les politiques gouvernementales en fonction des intérêts des personnes de leur circonscription.

«Le résultat est que la gouvernance de la société ne se fait pas comme elle devrait se faire»

Jean-Pierre Charbonneau, président du Mouvement Démocratie Nouvelle

En entretien avec Le Délit, Éric Bélanger, professeur de science politique à l’Université McGill, a souligné les tensions causées par le manque de proportionnalité et de représentativité du mode de scrutin actuel: «Les maires et mairesses ont commencé à s’opposer de manière plus vocale aux positions de la CAQ dû au fait que le gouvernement à Québec ne fait pas face à une opposition très forte [au sein même de l’Assemblée nationale, ndlr]. Les débats sont devenus verticaux, c’est-à-dire entre le provincial et le municipal, au lieu d’avoir lieu dans l’Assemblée nationale.»

Selon un document publié en 2014 par le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec, le mode de scrutin uninominal actuel au Québec «tend à exclure certaines catégories de personnes». La représentation des femmes, des communautés autochtones ainsi que de la communauté LGBTQ+ dépend «du hasard et des volontés politiques changeantes», comme indiqué dans le document. «La parité de représentation pour les femmes est un principe de justice qui doit s’incarner formellement dans l’exercice de notre démocratie et donc dans son mode de scrutin», a scandé Nelly Dennene, présidente du Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec lors de la manifestation jeudi soir. Même si lors des élections de 2018, on a observé une hausse de la représentation des femmes à l’Assemblée nationale, avec la délégation féminine représentant 42% de l’ensemble des personnes élues selon l’Institut de la statistique au Québec, le Québec n’atteint toujours pas la parité hommes-femmes à l’Assemblée nationale.

Une autre conséquence des distorsions électorales serait qu’elles contribuent au déclin du taux de participation aux élections, selon Pr Bélanger. «C’est certain qu’en voyant que le parti qu’on préfère est condamné à une place très minoritaire sur l’échiquier politique, ça pourrait décourager certains électeurs à se déplacer pour voter», a‑t-il expliqué. Le taux de participation aux élections de 2018 était le deuxième plus bas dans les 49 dernières années, une tendance qui, selon Raphaël Canet, pourrait résulter d’une perte progressive de la confiance en notre système démocratique. Lors d’une entrevue avec Pivot, il utilise les électeur·rice·s du Parti conservateur du Québec comme exemple: «[Le Parti conservateur du Québec a] réussi à rassembler beaucoup de gens qui souvent n’allaient même pas voter. S’ils se retrouvent avec aucun député, que vont-ils dire? Ça va alimenter leur rancœur et faire grandir leur cynisme et, au final, c’est ce qui est le plus dangereux avec le système actuel», illustre le coordonateur du MDN.

«Si on valorise une stabilité politique et des gouvernements majoritaires, c’est-à-dire qui ont le contrôle d’une majorité des sièges à l’Assemblée, c’est sûr que le mode de scrutin actuel est préférable», a nuancé le Pr Bélanger. Depuis 1970, seulement deux gouvernements minoritaires ont été formés. Au cours des 50 dernières années, PLQ et le PQ ont alterné au pouvoir durant toutes les élections sauf une. En effet, la simplicité relative du système de scrutin majoritaire uninominal à un tour lui aura permis de survivre à plusieurs tentatives de réformes.

L’échec de 2018

Le 9 mai 2018, quelques mois avant les dernières élections provinciales, la CAQ, le PQ, Québec solidaire et le Parti vert du Québec s’étaient engagés à changer le système électoral en introduisant un mode de scrutin proportionnel mixte s’ils étaient élus. Cette entente transpartisane avait été initiée en 2016 par le MDN mais, à l’approche de sa conclusion, les libéraux de Philippe Couillard s’étaient retirés. Une des grandes promesses électorales de la CAQ était en effet le relancement de la réforme entamée en 2008 par le gouvernement libéral de Jean Charest, plus tard abandonnée.

«Si on valorise une stabilité politique et des gouvernements majoritaires, c’est-à-dire qui ont le contrôle d’une majorité des sièges à l’Assemblée, c’est sûr que le mode de scrutin actuel est préférable»

Éric Bélanger, professeur de sciences politiques à l’Université McGill

L’entente contraignait le parti élu à déposer un projet de loi dans la première année de son mandat. Ce projet de loi aurait reflété «le plus possible le vote populaire de l’ensemble des Québécois et Québécoises», comme l’avait annoncé Jean-Sébastien Dufresne, l’ancien directeur du MDN lors de la signature en 2018. Arrivée au pouvoir il y a quatre ans, la CAQ avait effectivement déposé le projet de loi 39. Or, en décembre 2021, le gouvernement caquiste a annoncé l’abandon du projet de loi, même si celui-ci était rendu à l’avant-dernière étape avant son adoption. «On met ça de côté définitivement», avait confirmé une source du cabinet du premier ministre. Le contexte pandémique avait été évoqué pour justifier l’abandon. «On s’est rendu compte que ce n’est pas du tout une priorité pour la population», avait ajouté la source. Questionné sur la possibilité de ressusciter le projet de loi il y a quelques semaines, François Legault avait déclaré que la réforme du mode de scrutin était un enjeu peu intéressant pour la population, à l’exception de «quelques intellectuels».

Le projet de loi 39, intitulé Loi établissant un nouveau mode de scrutin, aurait modifié la Loi électorale afin de mettre en place un nouveau système de scrutin avec compensation régionale. Ce nouveau système visait à réduire les distorsions, en assurant que le nombre de sièges obtenus par un parti politique corresponde à son pourcentage du vote populaire. La réforme aurait implanté un système dit «mixte», qui aurait produit une Assemblée nationale composée en partie de député·e·s élu·e·s dans les circonscriptions et en partie de député·e·s issu·e·s d’une liste de candidat·e·s présentée par chaque parti.

Pour le Pr Éric Bélanger, le mode de scrutin proportionnel mixte «est une proposition intéressante, car il permettrait d’aller chercher les avantages de la proportionnalité tout en gardant certaines caractéristiques du mode actuel». Pour Françoise David, co-présidente du Mouvement Démocratie Nouvelle et ancienne députée de Québec solidaire, le mode proportionnel mixte «a été choisi, car c’est vraiment ce mode de scrutin-là qui permet à la fois d’avoir des députés de circonscription, ce que les Québécois veulent, et d’avoir ce qu’on appelle des députés régionaux, sur la base de listes qui sont faites par les partis. C’est donc un peu le meilleur des deux mondes», a‑t-elle expliqué au Délit. En effet, cette solution hybride proposée par le MDN, inspirée des systèmes en place en Nouvelle-Zélande et en Écosse, aurait proposé aux électeur·rice·s de s’exprimer deux fois à chaque élection. Le premier bulletin aurait permis d’élire 80 député·e·s de circonscriptions de la même façon qu’actuellement, alors que le deuxième vote aurait permis d’attribuer les 45 sièges restants aux différents partis en fonction des votes exprimés par chaque région, ce qui aurait permis de réduire l’effet de distorsion.

Selon Jean-Pierre Charbonneau, l’abandon du projet de loi 39 par la CAQ représente «un reniement et un non-respect de la parole donnée». Il ajoute que le retrait du projet de loi donne un avantage disproportionné à la CAQ pour les élections qui viennent. «François Legault ne devait pas faire un Justin Trudeau de lui-même, il ne devait pas encourager le cynisme, et il l’a fait», déplore-t-il. En effet, en février 2017, le premier ministre canadien avait renoncé à sa promesse électorale de réformer le mode de scrutin. Pour Raphaël Canet, le coordonnateur de MDN, «leur seule option pour bloquer le projet de loi était de le faire disparaître entre deux sessions parlementaires, ce qu’ils ont fait», a‑t-il affirmé dans une entrevue avec Pivot.

Y a‑t-il de l’espoir pour la réforme?

Le 20 septembre dernier, lors d’une conférence de presse, Dominique Anglade, la cheffe du PLQ, a affirmé qu’elle serait ouverte à l’idée de réformer le mode de scrutin. «Ça fait partie des choses qu’il faudrait regarder», a‑t-elle dit. Pour Françoise David, l’annonce de la cheffe libérale est «une grande nouvelle», mais elle peine à voir une motivation autre que l’opportunisme derrière cette déclaration, a‑t-elle confié au Délit. Quant au PQ et à Québec solidaire, les deux partis ont indiqué au MDN qu’ils mettront en place un nouveau mode de scrutin avant 2026 s’ils sont portés au pouvoir.

«J’ai l’impression que les Québécois vont se réveiller avec une sorte de gueule de bois en se disant: Non, mais attends-là, une fois de plus, le gouvernement majoritaire gouverne avec beaucoup de député·e·s mais il n’a même pas la majorité des voix»

Fracnçoise David, vice-présidente du MDN

Questionné·e·s par Le Délit, Jean-Pierre Charbonneau et Françoise David ont signalé que les résultats des élections «risquent de secouer les citoyens et d’éveiller les consciences». En effet, selon eux·lles, la distorsion électorale risque d’être «tellement scandaleu[se]», déplorent-il·elle·s. «Il va être choquant de voir un parti qui domine outrageusement la scène politique alors qu’il n’a même pas la moitié des votes», ajoutent-il·elle·s. En effet, en 2018, la CAQ a pu obtenir 59% des sièges à l’Assemblée nationale avec 37% du vote populaire mais avec uniquement 25% des électeur·rice·s, selon les données d’Élections Québec. Cette distorsion «va être plus forte cette fois-ci», prévient Raphaël Canet, en ajoutant qu’on s’attend à un taux de participation faible pour ces élections.

« J’ai l’impression que les Québécois vont se réveiller avec une sorte de gueule de bois en se disant: Non, mais attends-là, une fois de plus, le gouvernement majoritaire gouverne avec beaucoup de député·e·s, mais il n’a même pas la majorité des voix», a affirmé Françoise David au Délit. Elle a souligné également que cette conscientisation des citoyen·ne·s pourrait ajouter une pression aux partis politiques, et ces derniers n’auront pas d’autre choix que la réforme du mode de scrutin. «Il faut que les partis et les médias aussi s’emparent de cette question et en fassent un enjeu majeur», a ajouté Jean-Pierre Charbonneau.

Selon le Pr Éric Bélanger, une tendance se construit, puisque ce sont les partis d’opposition, les plus désavantagés par les distorsions, qui demandent activement une réforme. «Une fois au pouvoir et étant avantagés par ce système, ils ne sont plus si favorables à l’idée de réforme», note-t-il. Une autre approche serait de procéder par référendum populaire, mais le Pr Bélanger note que plusieurs provinces canadiennes «ont tenté le coup au cours des 20 dernières années mais sans succès». Par exemple, à l’Île-du-Prince-Édouard, 51.85% des électeur·rice·s ont voté en faveur du changement de mode de scrutin, mais vu que la réforme nécessitait l’appui de 60% des électeur·rice·s, le mode de scrutin est resté inchangé.

«Il va être choquant de voir un parti qui domine outrageusement la scène politique alors qu’il n’a même pas la moitié des votes»

Jean-Pierre Charbonneau, Président et Françoise David, Vice-Présidente du MDN

Le référendum faisait notamment partie de la démarche prévue par le gouvernement Legault en 2019 lors du dépôt du projet de loi 39. Selon le Pr Bélanger, la population serait réceptive à l’idée de réforme, mais un effort de pédagogie significatif reste à faire, car il s’agit d’un enjeu complexe. En effet, un sondage Léger Marketing pour le MDN en mai 2019 avait conclu que près de 70% Québécois·es tenaient à ce que la CAQ respecte son engagement de réformer le mode de scrutin actuel et il·elle·s estimaient qu’il serait important d’aller de l’avant. Selon le même sondage, 84% souhaitaient refléter le plus possible le vote populaire de l’ensemble des Québécois·e·s.

Pour Jean-Pierre Charbonneau, il est aussi important de noter qu’il ne s’agit pas ici uniquement d’une réforme du mode de scrutin mais d’un enjeu plus large. «Que ce soit l’enjeu de l’environnement, de l’inflation, de notre système d’éducation ou celui de la santé, de la langue, de l’identité, de la crise du logement, des droits des femmes, tous ces enjeux passent et s’expriment à travers l’Assemblée nationale».

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Étudiante et candidate https://www.delitfrancais.com/2022/09/28/etudiante-et-candidate/ Wed, 28 Sep 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49010 Entrevue avec Catherine Pelletier, étudiante à McGill et candidate pour la CAQ.

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Catherine Pelletier est étudiante à l’université McGill, où elle complète actuellement la dernière session de son baccalauréat qui regroupe une majeure en science politique et une double mineure en études québécoises et en langue russe. En parallèle, elle est vice-présidente de la Commission Relève de la Coalition avenir Québec (CRCAQ), soit l’aile jeunesse de la CAQ et candidate pour le parti dans la circonscription de Gouin. Le Délit l’a rejointe pour discuter de la conciliation entre l’engagement politique et les études universitaires, du harcèlement, et de l’implication politique chez les jeunes.

Le Délit (LD): Pourquoi as-tu décidé de te présenter comme candidate pour la CAQ en parallèle à tes études?

Catherine Pelletier (CP): Je pense que mon engagement politique remonte à mon enfance. Je suis fille d’immigrants, et j’ai grandi dans un climat sexiste et misogyne. Mon premier souvenir politique, c’était lors de l’élection de Pauline Marois avec le Parti québécois. Mon père était à côté de moi et il m’avait dit: «Une femme comme première ministre, ouache!» C’est la première fois où je me suis dit: «Mais voyons, il me semble que ça n’a pas de bon sens». À travers ces expériences, non seulement mon ambition féministe a grandi, mais aussi mon ambition de militante. En 2018, je ne savais pas pour qui j’allais voter. Je venais tout juste de finir mes études à Brébeuf dans un programme de théâtre, où la culture politique est très, très à gauche et en même temps, je ne me retrouvais pas tellement dans tout ça. J’oscillais un peu: gauche, droite, centre… Mais, ce que je cherchais surtout, c’était un parti qui était à l’écoute, alors j’ai fait plein d’événements dans pleins de partis politiques. Puis, j’ai commencé à m’engager avec la CAQ: plus j’allais à des événements, plus je sentais l’ouverture. Je pense que ça, c’est une des grandes qualités de la CAQ, l’ouverture et la capacité à revenir sur ses idées. Je pense aussi que c’est important en politique d’être réaliste. Moi aussi, si on avait tout l’argent du monde j’en donnerais à tout le monde! Mais la politique c’est pas juste de donner, donner… La politique, c’est surtout des sacrifices. Au final, je pense que c’est quand même important de noter que je n’ai pas été la première à lever la main puis à dire: «Moi je vais y aller!». Mais, si mon parti a besoin de moi, je vais y aller. Je n’ai aucun problème à me lancer dans le vide.

LD: On sait que Gouin, ce n’est pas une circonscription facile à gagner pour la CAQ. C’est la circonscription de Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte parole de Québec Solidaire. Est ce que ça t’arrive quand même de te dire: «Qu’est ce que je fais si je gagne»?

CP: Je me pose cette question tous les jours. Ce n’est pas impossible que je gagne, mais il faut du travail! Honnêtement, je n’y ai pas beaucoup pensé. Est-ce que j’arrête mes études? Qu’est-ce que je fais? Ce qui me passionne en ce moment, ce sont mes études. Je rentre à la maîtrise en janvier, puis j’aimerais faire mon doctorat pour éventuellement enseigner la science politique à l’université. Est-ce que je serais capable de sacrifier mon rêve de carrière, qui est d’être professeure, pour être députée? Oui… Mais, en même temps, est-ce un sacrifice qui est envisageable en ce moment? J’ai beaucoup réfléchi avant de me présenter, mais si ça avait été une circonscription plus facilement «gagnable», j’y aurais davantage réfléchi et ça aurait été une décision beaucoup plus mûrie. Au final, je le fais surtout pour les citoyens de Gouin qui vont avoir la possibilité de voter pour la CAQ.

LD: Tu dis que te présenter aux élections, c’était te lancer dans le vide. Qu’est ce qui te faisait peur ?

CP: Je pense que mes appréhensions sont devenues réalité très rapidement. C’est vraiment la violence. J’ai reçu des dizaines et des dizaines de messages qui me disaient notamment «J’espère vraiment te trouver sur Pornhub pour que tu te fasses enculer» ou «Vide-toi de ton sang», ou bien «J’espère que tu vas te faire violer». C’est de la misogynie et je pense que c’est ça, un des plus gros problèmes des campagnes électorales en ce moment, la sexualisation des femmes, et particulièrement des jeunes femmes. Sur la pancarte de Vincent Delorme, qui est au Parti Québécois, on va écrire «Fuck you», mais sur mes pancartes, on écrit «Fuck you salope».

«Je pense que les jeunes ont leur place en politique et qu’ils ont leur place à l’Assemblée nationale»

Catherine Pelletier

LD: Est-ce que ces expériences que tu vis en ce moment t’ont fait questionner ton désir de te lancer en politique?

CP: J’ai toujours voulu faire de la politique, mais je pense que ça m’a obligée à me demander si j’avais une carapace assez solide pour ça. Je pense que la réponse, c’est oui et non, dans le sens où ça ne m’affecte pas personnellement, mais je ne veux pas que ça affecte ma famille, mon copain et éventuellement mes enfants. Je pense que j’ai peur. La campagne ne m’a pas découragée, mais ça a renforcé mon désir de me tourner vers une carrière en enseignement à l’université. Je pense que j’ai besoin de prendre un step back [pas de recul, ndlr] » pour construire ma carapace et être plus confiante dans mes décisions politiques et dans mon avenir politique.

LD: Est-ce que ton implication politique a eu un impact sur ta vie étudiante?

CP: Oui, j’essaie de ne pas trop en parler dans mon entourage à l’université, notamment aux étudiants. C’est sûr que je montre ma campagne sur les réseaux sociaux, donc si les étudiants me cherchent, ils vont le voir. Je n’en ai pas parlé à mes enseignants parce que je n’ai pas envie que mon engagement politique affecte mes études. Pour moi, mes études, c’est la plus grande priorité dans ma vie. J’ai envie de séparer ces deux aspects, même si les deux m’apportent beaucoup. Ma campagne me motive dans mes études, mais je n’ai pas envie que ça devienne un frein.

LD: Pourquoi c’est important pour toi de voir des jeunes s’impliquer en politique?

CP: Ce que je dis tout le temps, c’est que les jeunes doivent s’impliquer, et je m’en fous du parti pour lequel ils s’impliquent. Si tu votes, même si tu votes blanc, ce n’est pas grave. Pour moi, l’essentiel c’est de participer à l’exercice démocratique, qu’il s’agisse d’être bénévole, d’aller voter ou même juste d’aller s’informer. Je pense que les jeunes ont leur place en politique et qu’ils ont leur place à l’Assemblée nationale. L’implication commence par l’information, puis cette information passe par les journaux, comme Le Délit! Tu as le droit d’être révolté contre certaines choses, et c’est même ça, la base de la démocratie. C’est l’information. C’est d’être pour certaines choses et d’être contre d’autres, puis d’essayer de se positionner. Une fois que tu as l’information, c’est difficile de ne pas avoir la passion.

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Une élection qui confirme le réalignement des forces partisanes? https://www.delitfrancais.com/2022/09/28/une-election-qui-confirme-le-realignement-des-forces-partisanes/ Wed, 28 Sep 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49014 Pr Bélanger partage son analyse des élections provinciales.

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Éric Bélanger, professeur titulaire au Département de science politique à l’Université McGill, présente son analyse du contexte électoral qui sous-tend les élections provinciales de 2022. Pour ce faire, il s’appuie sur l’analyse étayée de son dernier livre co-rédigé avec Jean-François Daoust, Valérie-Anne Mahéo et Richard Nadeau, Le nouvel électeur québécois (2022), publié aux presses de l’Université de Montréal. La discussion s’est structurée autour des déterminants du vote, en utilisant l’outil de l’entonnoir de causalité. Ce dernier permet de comprendre le comportement électoral en étudiant quatre facteurs allant du plus éloigné au plus proche de l’exercice du vote: les données sociodémographiques, les orientations idéologiques, les enjeux de campagne, et la manière dont sont perçu·e·s les chef·fe·s des partis politiques. Nous avons centré notre discussion principalement sur les trois derniers facteurs.

Le Délit (LD): Les orientations idéologiques, soit les valeurs et orientations de l’électorat, font partie des déterminants du vote qui se mesurent et s’établissent sur le long-terme. Vous notez des transformations qui auraient pour incidence de contribuer à, et je cite votre livre : « redéfinir l’espace partisan au Québec ». D’abord, quels sont ces clivages et quels changements observez-vous?

Éric Bélanger (EB): Il y a trois grands clivages qui sont au centre du système partisan québécois. Le premier clivage est d’ordre constitutionnel et suit l’axe du oui ou du non: est-ce qu’on veut un projet de souveraineté? Ce clivage n’est plus saillant, en ce qu’il ne détermine plus la dynamique électorale aujourd’hui. Ensuite, il y a le clivage entre la gauche et la droite économiques: est-ce qu’on veut plus ou moins d’intervention de l’État? À cet effet, on voit le Parti conservateur du Québec (PCQ) qui veut couper la place de l’État dans la société et dans la vie des citoyens, tandis que Québec solidaire (QS) souhaite renforcer ce type interventionniste. C’est un clivage qui a souvent été présent au Québec, particulièrement depuis la Révolution tranquille. Le troisième clivage oppose la gauche à la droite culturelles, qui tourne davantage autour de nouveaux enjeux.

LD: Ce nouveau clivage, vous l’appelez dans votre livre le clivage libéral/autoritaire. Qu’est-ce qui vous a mené à cette appellation?

EB: Dans la littérature actuelle, il n’y a pas de consensus sur la nomenclature de ce nouveau clivage, même au sein de notre équipe de quatre auteurs! Toutefois, on avance dans le livre l’argument qu’il y a un nouvel axe qui englobe les questions liées aux changements du début du 21siècle. Cet axe libéral/autoritaire chapeaute les questions sur l’immigration et sur l’environnement, car elles ont la même source, soit les transformations du capitalisme. Depuis quelques décennies, l’immigration augmente au Québec parce qu’on a besoin de main‑d’œuvre. L’essentiel, donc, c’est de se questionner à savoir si on impose un certain nombre de règles d’intégration aux nouveaux arrivants, ou est-ce qu’on les laisse entièrement libres de vivre avec leurs différences. La position plus autoritaire de la CAQ, c’est de dire: «on va quand même imposer un certain nombre de manières de faire à cette population immigrante-là parce qu’on veut qu’elle s’intègre à la majorité francophone». Donc, on va imposer la loi 96 et la loi 21, par exemple.

LDOù se retrouvent les changements climatiques dans ce clivage?

EB: La colle entre les deux enjeux, c’est que les changements climatiques sont également amenés par les transformations du modèle capitaliste, notamment par un accroissement de la production et de la consommation, ce qui amène davantage de pollution et une accélération des changements climatiques. Je vois cet enjeu davantage en termes de préoccupations, car tous les partis vont se dire en faveur de la protection de l’environnement. Dans la littérature sur les comportements électoraux, on parle d’un enjeu de valence, c’est-à-dire que tout le monde est d’accord sur l’objectif, mais là où les partis et les électeurs vont se différencier, c’est par la manière d’atteindre l’objectif, en termes de moyens et d’efforts. Par exemple, QS montre que c’est sa priorité, tandis que la CAQ affirme que c’est important, mais qu’elle a d’autres priorités.

LDPour poursuivre dans l’analyse de l’entonnoir de causalité, les enjeux de campagne sont d’autres déterminants du vote. Quels seraient les principaux enjeux pour cette campagne-ci?

EB: À nouveau, l’immigration et les changements climatiques sont les enjeux de campagne principaux, et à ceux-ci s’ajoute la langue. La CAQ a adopté la loi 96, mais le PCQ a le beau jeu de dire que ça ne va pas assez loin. Parmi les partis en place actuellement, c’est eux qui proposent d’aller le plus loin. Donc, ça leur permet de rallier les nationalistes et les indépendantistes. L’autre raison pour laquelle la langue est un enjeu de campagne, c’est que juste avant le début de la campagne, les données du nouveau recensement ont été dévoilées. Il montre que le déclin du français continue. C’est une érosion qui est lente mais qui ne s’arrête pas.

«L’immigration et les changements climatiques sont les enjeux de campagne principaux, et à ceux-ci s’ajoute la langue»

Éric Bélanger

LDEt puis, le dernier déterminant du vote est celui de l’influence des chef·fe·s des principaux partis. De quelle manière ce facteur semble-t-il influencer cette campagne-ci?

EB: D’abord, monsieur St-Pierre-Plamondon s’est bien fait connaître, ce qui a le potentiel d’aider son parti. À l’inverse, madame Anglade a une difficulté à s’imposer. Je pense qu’elle est une bonne cheffe avec des bonnes idées, mais on dirait que ça ne colle pas aussi bien qu’on aurait voulu. Pour monsieur Legault, on a vu qu’il n’est pas vraiment un bon «campaigner». Je pense qu’il était très aimé en 2018, mais ce n’était pas non plus la campagne du siècle en 2018, et ça paraît plus encore cette année. On sent qu’il n’est pas si à l’aise que ça dans les débats et que son bilan est difficile à défendre. J’ai trouvé Gabriel Nadeau-Dubois franchement bon durant la campagne. C’était un peu un pari de le mettre à l’avant-plan étant donné qu’il est jeune, mais c’est un pari assez réussi.

LDUn nouvel élément s’est ajouté dans le paysage électoral québécois à l’élection actuelle, soit la montée du Parti conservateur du Québec. Quelle serait votre analyse quant à sa présence actuelle sur la scène politique?

EB: Le Parti conservateur canalise le mécontentement chez la frange de la population qui n’a vraiment pas apprécié la place de l’État durant la pandémie. On parle d’un pôle libertarien que Maxime Bernier a essayé de canaliser en se présentant au fédéral. Peut-être que le chef va aider: Éric Duhaime a l’air plus articulé, mieux posé, plus sérieux. La plupart des mesures sanitaires lors de la pandémie ont aussi été adoptées par les gouvernements provinciaux. Ça peut être une force d’attraction qui mènera les partisans de monsieur Duhaime à aller voter lors de cette élection provinciale.

LDPour conclure, dans votre livre, vous affirmez que l’élection de 2018 est une élection de réalignement. Selon vos prédictions, comment catégoriseriez-vous l’élection de 2022?

EB: Ça a le potentiel d’être une élection de confirmation qui pourrait venir affermir ce nouvel alignement des forces partisanes. Je dirais que la question de l’identité de la véritable opposition à la CAQ demeure. Il y a des éléments qui pointent vers QS, mais en même temps, on n’a pas l’impression que QS va émerger si fortement que ça encore.

L’élection de 2022 serait donc une élection qui confirme la tendance vers une transformation des comportements électoraux autour de nouveaux clivages idéologiques, délaissant l’axe souverainisme/fédéralisme pour des enjeux tels que l’immigration et l’environnement. Cependant, il ne s’agit pas tout à fait encore d’une élection qui cristallisera ces nouvelles forces partisanes.

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Affrontement sur le terrain de la santé mentale https://www.delitfrancais.com/2022/09/21/affrontement-sur-le-terrain-de-la-sante-mentale/ Wed, 21 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48854 La CAQ, le PLQ, le PQ et QS ont exposé leurs promesses électorales.

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Le 7 septembre dernier, quatre des cinq partis politiques conviés étaient représentés par un·e candidat·e à la Maison du développement durable pour débattre de santé mentale. L’événement était organisé par la Coalition communautaire en santé mentale, un groupe composé de 15 organismes communautaires dont le but est de faire de la santé mentale l’un des enjeux principaux de la campagne électorale provinciale. Le débat rassemblait Andrée-Anne Bouvette-Turcot, candidate dans Taillon pour le Parti québécois (PQ), le Dr Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux services sociaux et candidat dans Taillon pour la Coalition avenir Québec (CAQ), la Dre Mélissa Généreux, candidate dans Saint-François pour Québec solidaire (QS), et Byanca Jeune, candidate dans Pointe-Aux-Trembles pour le Parti libéral du Québec (PLQ).

Soutenir le réseau public

Les élections provinciales ont lieu alors que la demande de services en santé mentale au Québec a bondi depuis le début de la pandémie de COVID-19 et que le système de santé publique peine à répondre aux besoins. Le nombre de demandes de consultation en santé mentale à travers la province a subi une augmentation estimée entre 30% et 40% depuis 2020, et la liste d’attente pour obtenir un rendez-vous en psychothérapie dans le réseau public compte environ 20 000 noms à l’heure actuelle. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) consacre actuellement 6,4% de ses dépenses à la santé mentale, ce qui représente une baisse par rapport à son budget précédent.

Face aux autres candidat·e·s, le Dr Carmant s’est défendu de n’avoir rien fait pour la santé mentale au Québec au cours de son mandat des quatre dernières années. Il a mis de l’avant les réalisations de la CAQ, notamment la mise en place du Guichet d’accès en santé mentale, ainsi que l’abolition de l’exigence d’être référé·e par un·e médecin de famille pour avoir accès à la psychothérapie dans le secteur public, une mesure qu’avait instaurée le Parti libéral lors de son mandat précédent.

Néanmoins, pour Andrée-Anne Bouvette-Turcot, candidate du Parti québécois, la priorité doit être de ramener les psychologues vers le réseau public. La candidate a insisté sur l’importance de freiner l’exode des psychologues du réseau public vers le réseau privé, ce que le Parti québécois souhaite faire en améliorant les conditions de travail des psychologues dans le réseau public, et en réduisant l’écart salarial entre psychologues des réseaux public et privé. «On veut que le gouvernement […] devienne le meilleur employeur au Québec», a‑t-elle souligné. Sur ce dernier point, Lionel Carmant s’est montré d’accord, exprimant l’intention de la CAQ d’augmenter les salaires des psychologues du réseau public dans un prochain mandat.

La prévention au coeur des solutions

L’importance d’adopter une approche préventive s’est rapidement établie comme consensus parmi les candidat·e·s présent·e·s. Byanca Jeune a exprimé l’intention du Parti libéral de lancer une vaste campagne de sensibilisation aux enjeux de santé mentale sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. De son côté, Lionel Carmant a mis de l’avant les programmes de sensibilisation et de prévention mis en place par la CAQ dans les quatre dernières années, citant en exemple le réseau d’éclaireurs mis en place par le gouvernement Legault en 2021 pour améliorer la santé mentale des Québécois·es en contexte de pandémie et post-pandémie.

«Le nombre de demandes de consultation en santé mentale à travers la province a subi une augmentation estimée entre 30% et 40% depuis 2020»

La Dre Mélissa Généreux, candidate de Québec solidaire, a fait valoir que la question de la prévention est au cœur de l’approche adoptée par Québec solidaire en ce qui concerne la santé mentale. Le parti met l’accent sur les déterminants sociaux de la santé mentale, tels que l’accès au logement, l’instabilité alimentaire, l’environnement physique et le racisme systémique. En ce sens, la plateforme entière de Québec solidaire peut être interprétée comme un plan de prévention en santé mentale, puisqu’elle vise à améliorer les conditions de vie des citoyen·ne·s, plaide la Dre Généreux. À l’appui, cette dernière a cité la construction envisagée par Québec solidaire de 50 000 logements sociaux et l’octroi prévu de 1% du budget d’infrastructures au verdissement des espaces urbains.

Questionné·e·s à leur tour quant à leurs approches respectives des déterminants sociaux de la santé mentale, les candidat·e·s ont présenté les mesures sociales proposées par leurs partis respectifs. Le Parti québécois a mis de l’avant son projet de construire 5 000 logements sociaux par année, son intention de hausser le salaire minimum à 18$/h, ainsi que son objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour réduire l’éco-anxiété chez les jeunes. Le Parti libéral prévoit en revanche une baisse d’impôts pour la classe moyenne, des allocations mensuelles aux aîné·e·s et la gratuité des transports en commun pour les aîné·e·s et les étudiant·e·s. Le Dr Carmant, quant à lui, a mis l’accent sur les mesures établies dans le Plan d’action interministériel. Le Plan, lancé en janvier dernier, propose plus d’un milliard de dollars sur cinq ans pour améliorer l’accès aux soins et aux services en santé mentale. Le candidat caquiste a également rappelé la promesse de son parti de construire 11 700 logements sociaux en quatre ans. Il s’est encore une fois défendu d’en faire trop peu, faisant valoir que la CAQ «met sur la table une promesse qui est raisonnable et qu’on [la CAQ] va livrer, parce que pour nous, c’est important de tenir nos promesses».

Mettre à profit l’expertise communautaire

La place des organismes communautaires dans le domaine de l’intervention en santé mentale s’est également démarquée comme un des points centraux du débat. Tous·tes s’accordent pour dire qu’il est nécessaire d’augmenter le financement du secteur communautaire et que son expertise devrait être mise à profit d’une meilleure manière dans la lutte pour la santé mentale. «Il est temps que les organismes communautaires soient vraiment reconnus comme des services essentiels de première ligne, pleinement autonomes, compétents, et qu’on reconnaisse leur expertise», a résumé la candidate du Parti québécois. «Je ne trouve pas ça normal qu’un employé chez McDo gagne plus qu’un intervenant du milieu communautaire», a déploré à son tour la Dre Généreux. Québec solidaire propose de rehausser le budget des organismes communautaires de 280 millions de dollars en deux ans, puis de 290 millions de dollars pour les deux années suivantes. Le Parti québécois, quant à lui, propose d’allouer 460 millions par année au milieu communautaire, dont 370 millions seraient réservés aux organismes oeuvrant dans le domaine de la santé, un chiffre qui a semblé surprendre le Dr Carmant. Le candidat caquiste a souligné les 127 millions de dollars qui ont été investis par son parti dans le milieu communautaire sous la forme de financement à la mission globale des organismes, contre 27 millions investis sous quatre ans de régime libéral. Il a souligné que le retard des quatre années du gouvernement libéral ne pouvait être rattrapé que de manière progressive. «Il faut être pragmatique», a‑t-il plaidé.

Un débat «positif»

Les réactions de la Coalition communautaire en santé mentale à la suite de l’événement ont été des plus positives. Dans une entrevue avec Le Délit, Anne-Marie Boucher, co-porte-parole de la Coalition, s’est montrée très satisfaite de la tournure du débat: «On n’est pas juste dans une discussion sur la longueur des listes d’attentes, mais on a entendu parler aujourd’hui des conditions de vie des citoyens et de l’impact qu’elles ont sur la santé mentale.» Elle a également exprimé sa satisfaction à l’égard des promesses des candidat·e·s de rehausser le financement du milieu communautaire. «C’est du positif, ce qu’on a entendu aujourd’hui, de la part des quatre partis», a‑t-elle conclu.

Dans un communiqué publié par l’organisation, la Coalition a annoncé qu’elle «talonnera les partis sur les engagements pris au cours du prochain mandat pour s’assurer de la réalisation des promesses sur le terrain».

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David Touchette pour Québec solidaire https://www.delitfrancais.com/2022/09/21/david-touchette-pour-quebec-solidaire/ Wed, 21 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48859 Portrait d’un candidat.

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Dans le cadre de son dossier sur les élections provinciales 2022, Le Délit s’est entretenu avec les candidat·e·s de la circonscription Westmount–St-Louis, où se situe l’Université McGill. La série d’entrevues présente les profils des candidat·e·s, leurs priorités pour la circonscription ainsi que leurs engagements concernant les différents enjeux phares de la campagne.

David Touchette a évolué dans le domaine de la mode et de la politique jeunesse. Il s’implique depuis plusieurs années auprès du parti politique Québec solidaire. La cause environnementale étant primordiale pour lui, il a décidé de se présenter comme candidat dans la circonscription Westmount–St-Louis où il réside depuis 10 ans. David Touchette évoque ses priorités à travers la notion de sécurité.

Le Délit (LD): Pouvez-vous nous décrire votre parcours?

David Touchette (DT): J’ai commencé ma carrière dans l’industrie de la mode, d’abord comme propriétaire d’une agence de mannequins, puis comme animateur et producteur pour mettre en valeur le milieu de la mode. En parallèle, j’ai toujours eu cette fascination pour la politique. Je me suis donc beaucoup impliqué dans les organisations jeunesse, par exemple, dans l’Institut du Nouveau Monde, dans des simulations parlementaires au sein du Conseil jeunesse de Montréal, dans Forces jeunesses, et plus encore. Finalement, j’ai travaillé comme agent de développement à la Corporation Communautaire de Rivière-des-Prairies (CDC RDP). J’étais responsable du travail de concertation entre les organismes de la Table des aînés et de la Table Jeunesse. Cette expérience m’a permis d’approfondir mes connaissances des enjeux et des réalités vécues par les organismes et la population.

«David Touchette évoque ses priorités à travers la notion de sécurité»

LD: Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter aux élections provinciales de l’automne 2022 sous la bannière de Québec solidaire?

DT: C’est naturel pour moi de vouloir m’impliquer dans la vie politique au sein de Québec solidaire. À mes débuts dans le parti, j’ai d’abord été bénévole. Je me suis ensuite présenté comme candidat en 2018 dans la circonscription de Lafontaine dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. J’ai aimé rencontrer des gens, connaître leurs besoins sur le terrain et chercher comment Québec solidaire peut y répondre avec ses propositions. Entre 2018 et 2022, j’ai été membre du Comité de coordination de la région de Montréal en tant que porte-parole. Pour les élections de 2022, j’ai envie de continuer mon implication en me présentant comme candidat dans ma circonscription, Westmount–St-Louis.

LD: Quels enjeux souhaitez-vous mettre en avant pour cette campagne en tant que candidat?

DT: Le mot qui me vient toujours en tête lorsque je pense à mes priorités pour la campagne est: sécurité. En utilisant le mot «sécurité», j’englobe trois aspects. Premièrement, quand on parle de sécurité, on pense d’abord à se sentir bien avec soi-même. Ainsi, tout ce qui touche les questions de santé et de santé mentale est une priorité pour moi. Je veux être certain que si quelqu’un ne va pas bien, il ait accès à une ligne directe ou à un rendez-vous avec un psychologue ou un médecin. Québec solidaire s’engage à augmenter l’accès à un psychologue en transférant les psychologues du secteur privé vers le secteur public, ainsi qu’à décloisonner les métiers du système de santé.

Deuxièmement, quand on parle de sécurité, on parle aussi d’un environnement de vie. La question du loyer est dès lors un enjeu primordial pour les gens de Westmount–St-Louis, car ils habitent l’un des centres-villes les plus denses en Amérique du Nord. Il faut s’attaquer à la pénurie de logements abordables et sociaux, mais également s’assurer que les logements sur le marché locatif soient convenables et salubres. Je défendrai la limitation des hausses de loyer et les évictions au moyen de plusieurs modifications législatives proposées par Québec Solidaire: renforcer le contrôle des loyers à travers un registre québécois des baux; faire un moratoire sur les évictions dont le motif est l’agrandissement ou la subdivision d’un logement tant que le taux d’inoccupation est sous la barre de 3% ; renforcer la protection des locataires face aux rénovations et aux reprises de logement non fondées; et finalement, retirer la section F du bail qui donne cinq ans aux propriétaires d’immeuble pour hausser les loyers sans restriction.

«Je veux préserver le dynamisme de Westmount–Saint-Louis, dont la grande richesse est sa diversité sociale. On a besoin d’avoir un milieu de vie qui soit confortable pour tous»

David Touchette

J’ajoute à la question générale du logement celle de l’itinérance. J’ai rencontré des organismes communautaires qui m’ont informé que le problème du logement pour les personnes en situation d’itinérance n’est pas la pénurie d’endroits pour aller dormir le soir, mais plutôt que les offres actuelles ne correspondent pas à leurs besoins. Je veux donc cerner comment le centre-ville est formé, de qui il est formé, qui a besoin de s’y loger et de quelle manière ce besoin se traduit en termes d’infrastructures et de mesures.

Troisièmement, la notion de sécurité évoque pour moi la crise climatique. Westmount–Saint-Louis sera une circonscription très affectée par les changements climatiques, particulièrement à cause de l’accroissement des îlots de chaleur. On a besoin de parcs aménagés avec des zones de fraîcheur et des modes de transport écologiques pour nous aider à nous défaire de notre dépendance à la voiture. Je veux préserver le dynamisme de Westmount–Saint-Louis, dont la grande richesse est sa diversité sociale. On a besoin d’avoir un milieu de vie qui soit confortable pour tous.

LD: Quel est votre mot de la fin?

DT: Je pense que les étudiants de l’Université McGill doivent prendre conscience de leur privilège, mais également de l’importance de transmettre leur vision à travers le Québec et à travers le monde. En appuyant des mesures comme celles de Québec solidaire, ils peuvent envoyer un message fort, soit que l’une des meilleures universités d’un pays du G7 veut des changements concrets pour la crise climatique et pour la justice sociale.

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Maria-Luisa Torres-Piaggio pour la CAQ https://www.delitfrancais.com/2022/09/21/maria-luisa-torres-piaggio-pour-la-caq/ Wed, 21 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48863 Portrait d'une candidate.

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Avec plus de 20 ans de carrière en tant qu’avocate, Maria-Luisa Torres-Piaggio se présente aux élections sous la bannière de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour la circonscription de Westmount–St-Louis.

Le Délit (LD) : Pouvez-vous nous présenter vos motivations et vos objectifs? Pourquoi êtes-vous intéressée à la politique et pourquoi avez-vous fait le choix de vous présenter aux élections provinciales 2022 sous la bannière de la CAQ?

Maria-Luisa Torres-Piaggio (MT) : Je suis impliquée au sein de la Coalition avenir Québec depuis 2011, parce que je crois à la vision, aux valeurs et aux objectifs de ce parti politique. Je suis d’origine italo-péruvienne, et j’habite au Québec depuis 24 ans. J’ai une formation en droit dans une université péruvienne et je suis détentrice d’une maîtrise en droit civil et d’une autre en droit international. Au cours de mes 20 ans de carrière d’avocate, j’ai été gestionnaire auprès du ministère des Affaires étrangères du Pérou, ce qui m’a permis d’agir comme attachée diplomatique pour l’Organisation d’aviation civile internationale (OACI) à Montréal. Mon engagement politique s’inscrit dans mon désir de continuer à mettre en place des lois, des règlements et des programmes permettant à la population du Québec d’envisage un avenir meilleur. Nous sommes un parti nationaliste moderne dont l’objectif premier est d’assurer le développement et la prospérité de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs et sa culture.

LD : Quels seraient vos dossiers et enjeux prioritaires si vous étiez élue?

MT : La promotion de la culture québécoise est une priorité du gouvernement de la CAQ. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec a été augmenté de plus de 50% et celui de la Société de développement des entreprises culturelles de 143%. Des sommes records! Un deuxième enjeu serait la sécurité. Ces dernières années, le Québec a été témoin d’une hausse de la violence par armes à feu, en particulier dans la région de Montréal. La ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault s’est attaquée concrètement à ce problème en fournissant à nos policiers davantage de moyens pour lutter contre le trafic d’armes et les groupes criminels. Une troisième préoccupation est l’aide aux aînés. Encore trop d’aînés sont contraints de vivre dans la précarité en raison d’un très faible revenu. Or, ces derniers peuvent difficilement augmenter leurs revenus pour faire face à la hausse du coût de la vie, ce qui les rend particulièrement vulnérables. Nous nous engageons à bonifier le montant de soutien aux aînés dès la première année d’un prochain mandat. Cette aide supplémentaire permettra de protéger davantage le pouvoir d’achat de celles et ceux à plus faibles revenus. Également, le Québec dispose d’une des plus faibles capacités hospitalières parmi les juridictions comparables, avec seulement deux lits par 1 000 habitants. Le réseau de la santé doit chercher des solutions novatrices pour désengorger les hôpitaux. L’hospitalisation à domicile en fait partie, car elle permet d’éviter une admission ou de libérer un lit plus rapidement. Mais surtout, c’est une formule avantageuse pour le patient, car elle lui permet d’être soigné dans le confort de sa maison parmi ses proches.

LD : Est-ce qu’il y a des enjeux spécifiques à l’Université McGill qui vous préoccupent?

MT : Oui, il y a trois enjeux particuliers que je m’engage à considérer si je suis élue comme députée. Premièrement, le gouvernement de la CAQ veut promouvoir une approche intégrée en enseignement supérieur. Les cégeps aussi bien que les universités regorgent de potentiel qui ne demande qu’à être mieux exploité au bénéfice de l’enseignement et de la recherche. Il faut soutenir nos chercheurs, nos professeurs et nos étudiants pour leur permettre de travailler dans un milieu stimulant et dynamique, exempt d’intimidation et de censure, où leur expertise sera reconnue et valorisée. Protégeons la liberté académique! La valorisation de l’enseignement du français est le deuxième enjeu qui me préoccupe. Si le français est ce qui nous distingue, il est aussi ce qui nous unit. Le français est une source de fierté, de savoir, et de beauté dont il faut prendre soin! Il est impératif que les élèves soient mieux encadrés pour maîtriser leur langue et assurer leur succès à l’école comme sur le marché du travail. Dans un second mandat, un gouvernement de la CAQ entend mettre l’accent sur l’enseignement du français aux jeunes. Au Québec, depuis les années 1990, les études québécoises sont en déclin dans nos universités. Cette situation nous conduit peu à peu à une perte de connaissances sur le Québec, son histoire, ses institutions, ses enjeux, ses particularités et son identité culturelle unique en Amérique du Nord. Il est nécessaire d’accroître notre soutien au milieu universitaire québécois, en investissant davantage dans la recherche et particulièrement dans les études québécoises.

«Le réseau de la santé doit chercher des solutions novatrices pour désengorger les hôpitaux»

LD : L’environnement est un des enjeux très importants pour les étudiant·e·s. Qu’est-ce que la CAQ propose pour venir au secours de l’environnement et la crise climatique?

MT : La lutte contre le réchauffement de la planète passe par une utilisation accrue des énergies vertes. Voilà une occasion fantastique pour le Québec qui dispose d’abondantes ressources en hydroélectricité. Avec sa main‑d’œuvre qualifiée, son hydroélectricité et ses autres sources d’énergie renouvelable telles l’énergie éolienne, les biocarburants, la géothermie et l’hydrogène vert, le Québec est en voie de devenir un leader de l’économie verte. Il est important de le rappeler: le Québec est l’endroit en Amérique du Nord où l’on émet le moins de gaz à effet de serre par habitant. Pour réduire davantage nos émissions, il faut diminuer notre consommation d’énergies fossiles et augmenter le pourcentage d’énergie électrique dans notre économie. C’est ce que vise le Plan pour une économie verte. Le Québec s’est fixé une cible de réduction de 37,5% des émissions de GES d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, et souhaite atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il s’agit d’objectifs ambitieux, mais réalistes. Pour les atteindre, la CAQ mise sur un plan crédible et appuyé par des statistiques, et instauré par moyens concrets. Ce dernier assurera une transition vers la carboneutralité, en accompagnant les industries dans leur transformation et les travailleurs dans leur formation. En remplaçant le pétrole par l’électricité que nous produisons, le Québec fera d’une pierre deux coups.

LD : Votre plateforme électorale précise qu’« il est important d’offrir aux nouveaux·velles arrivant·e·s de meilleures ressources», pourriez-vous parler de ces ressources?

MT : Comme vous le savez, le Québec est l’un des endroits où sont accueillis le plus grand nombre d’immigrants en proportion de sa population. L’intégration de l’immigration à la réalité française du Québec reste toutefois un défi. Il faut qu’une portion plus importante des immigrants soit francophone, et que la grande majorité des étudiants internationaux fréquentent des cégeps et des universités francophones dans toutes nos régions. Dans un deuxième mandat, nous allons continuer de négocier avec Ottawa pour obtenir tous les pouvoirs nécessaires à l’accueil et à l’intégration des immigrants, afin qu’on soit en mesure de leur donner les moyens d’apprendre la langue française s’ils ne la maîtrisent pas déjà. On continuera à travailler à la régionalisation de l’immigration, car elle doit contribuer à la vitalité de l’ensemble du territoire québécois. Je veux donc travailler en étroite collaboration avec le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, ainsi qu’avec les organismes communautaires de la circonscription afin d’offrir aux nouveaux arrivants plus de ressources locales leur permettant de s’intégrer rapidement à notre société. En fait, si je suis élue, je veux soutenir davantage les organismes déjà existants et en développer d’autres dans la circonscription de Westmount–Saint-Louis.

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Jennifer Maccarone pour le Parti libéral du Québec https://www.delitfrancais.com/2022/09/21/jennifer-maccarone-pour-le-parti-liberal-du-quebec/ Wed, 21 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48867 Portrait d’une candidate.

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Élue députée de la circonscription électorale de Westmount–St-Louis en 2018 sous la bannière du Parti libéral du Québec (PLQ), Jennifer Maccarone se présente de nouveau en 2022 avec l’intention de mener un deuxième mandat. Mère monoparentale de deux enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme, elle a fait ses débuts en s’impliquant au conseil de l’école que ses enfants fréquentaient, gravissant les échelons petit à petit, jusqu’à son élection en tant que présidente de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec en 2015.

Le Délit (LD) : Pouvez-vous dresser un bilan de votre mandat au cours des quatre dernières années?

Jennifer Maccarone (JM) : Les quatre dernières années sont passées tellement vite! Je n’ai pas pu accomplir tout ce que je voulais. C’était vraiment un apprentissage pour moi, qui n’ai pas étudié en sciences politiques. Il m’a fallu du temps pour comprendre tout le fonctionnement de l’Assemblée nationale. Pour résumer en chiffres, j’ai déposé 12 pétitions avec l’appui des citoyens, et sept modules d’initiatives que le gouvernement a refusé chaque fois. J’ai également déposé des projets de loi, dont le projet de loi 70 qui touche la communauté LGBTQ+ et qui interdit les thérapies de conversion. Le gouvernement a repris ce projet de loi et l’a déposé par la suite. C’est une chose dont je suis très fière!

«J’ai également déposé des projets de loi, dont le projet de Loi 70 qui touche la communauté LGBTQ+ et qui interdit les thérapies de conversion»

LD : Quels sont les enjeux qui sont les plus importants à vos yeux et quels seraient vos dossiers prioritaires si vous êtes élue pour un deuxième mandat?

JM : À l’échelle locale, l’enjeu le plus important pour moi serait de mettre fin à la division que crée la loi 96. Westmount–St-Louis est particulièrement fragilisée. La loi affecte non seulement les citoyens mais aussi les petites et moyennes entreprises, et particulièrement les étudiants. Beaucoup de personnes la contestent ou vont la contester. Je souhaite déposer une nouvelle loi pour combler toutes les lacunes de la loi 96. C’est du non-sens de ne donner que six mois aux immigrants ou réfugiés pour apprendre le français, et il y a un important accueil d’immigrants dans la circonscription de Westmount–St-Louis. Le respect du choix des étudiants souhaitant étudier dans un cégep anglophone est aussi un problème posé par la loi 96. Il y a beaucoup de restrictions linguistiques pour la communauté anglophone en ce qui concerne les services sociaux. C’est du non-sens. Par contre, on ne peut pas juste prendre la loi, la jeter à la poubelle, et se dire: «Bon, on recommence». Il faut déposer une nouvelle loi pour combler les lacunes. Il y a quand même des bonnes choses dans la loi 96, comme l’accès à des cours de français gratuits pour tous les Québécois qui souhaitent l’apprendre.

L’accès à l’éducation, surtout dans les quartiers formant la circonscription de Westmount–St-Louis, est un autre projet sur lequel je compte travailler: on n’a aucune école! Il n’y a aucune école pour les familles qui s’installent dans des quartiers comme Peter-McGill ou Milton-Parc. On a réussi à obtenir de l’argent pour financer une école primaire lors de mon dernier mandat, mais il reste encore du travail à fournir pour faire avancer ce projet. En plus de cela, il n’y a aucune école secondaire ou d’école offrant de formation professionnelle. C’est tellement important!

«C’est du non-sens de ne donner que six mois aux immigrants ou réfugiés pour apprendre le français, et il y a un important accueil d’immigrants dans la circonscription de Westmount–St-Louis»

Un autre point que je voudrais améliorer et qui fait aussi partie de la plateforme électorale du Parti libéral, c’est l’accès aux médecins de famille. On reçoit des appels au quotidien de personnes qui ont besoin d’avoir accès à notre réseau de santé mais sans succès. L’accès à des soins à domicile pose aussi un problème. Ce que l’on souhaite avant tout, c’est un accompagnement de nos aînés. C’est une préoccupation personnelle. On a beaucoup de personnes en situations de vulnérabilité, en situations d’itinérance, et on n’a pas accompli le nécessaire pour aller à la prochaine étape: des logements pour eux. Ça fait partie de ce que je souhaite accomplir pour notre circonscription et ça a toujours été sur mon assiette.

LD : Nous sommes actuellement en pleine crise du logement. Cette situation touche en particulier les étudiant·e·s. Qu’est-ce que vous et votre parti comptez faire pour faciliter l’accès au logement, à la propriété et améliorer les conditions des locataires?

JM : C’est un enjeu complexe, d’autant plus qu’il faut ajouter les AirBnB à cette équation. Ce qu’on voit de plus en plus – et c’est inquiétant – ce sont des propriétaires qui louent des logements pour un bail de huit mois à des étudiants pour ensuite l’utiliser sur la plateforme AirBnB les quatre autres mois de l’année. Ils n’ont pas le droit de le faire, c’est illégal! C’est une réalité dans notre circonscription, et il faut y remédier avec des solutions; des solutions libérales. Une des mesures de la plateforme libérale est l’abolition de la taxe de bienvenue qui vient avec l’achat d’une première propriété. Ce serait bien pour les jeunes, puisqu’avec l’inflation actuelle, c’est quasiment impossible pour des jeunes comme mes enfants de s’acheter une maison ou un appartement. Nous planifions également de bonifier le régime d’accès à la propriété par une augmentation du montant admissible afin de faciliter l’achat d’une deuxième propriété, qui pourrait être convertie en logement locatif pour des étudiants. Sur le plan des logements sociaux, on souhaite bonifier l’offre en déployant un plan d’investissement qui aura pour but de créer 50 000 unités sur les dix prochaines années. Pour financer cela, il faut taxer les propriétés qui sont inoccupées et qui appartiennent à des non-résidents afin qu’elles reviennent sur le marché locatif. C’est une mesure très concrète qui va aider nos étudiants, surtout dans Westmount–St-Louis, où les locataires ont souvent des problèmes avec des propriétés qui appartiennent à des non-résidents qui ne s’occupent pas de les rénover.

LD : Avez-vous un message en particulier pour les étudiantes et étudiants?

JM : Bon courage et bonne rentrée! Je suis fière d’avoir été votre députée et je serais ravie d’être réélue pour un deuxième mandat, même si je ne prends rien pour acquis. J’espère que les gens vont participer activement à la démocratie et à la vie politique, et que les jeunes iront s’éduquer en ce qui concerne les plateformes des partis et les candidats qu’ils veulent voir les représenter. C’est très important de ne pas être gêné de nous appeler pour plus d’informations. Il me ferait plaisir de parler aux étudiants de ce qui leur tient à cœur, que ce soit à l’échelle de Westmount–St-Louis ou à l’échelle provinciale.

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Comment fonctionnent les élections ? https://www.delitfrancais.com/2022/09/14/comment-fonctionnent-les-elections/ Wed, 14 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48744 Cet article s’inscrit dans le cadre de notre dossier sur les élections provinciales du Québec 2022. Afin de comprendre le fonctionnement de ces élections, il faut d’abord se familiariser avec certains aspects du régime politique québécois qui se trouve être intimement lié à la structure du gouvernement provincial. L’élection L’Assemblée nationale est le principal organe… Lire la suite »Comment fonctionnent les élections ?

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Cet article s’inscrit dans le cadre de notre dossier sur les élections provinciales du Québec 2022. Afin de comprendre le fonctionnement de ces élections, il faut d’abord se familiariser avec certains aspects du régime politique québécois qui se trouve être intimement lié à la structure du gouvernement provincial.

L’élection

L’Assemblée nationale est le principal organe décisionnel au niveau provincial. Elle est constituée de 125 député·e·s à partir desquel·le·s sont choisi·e·s les ministres. Ces député·e·s représentent chacun·e· une région administrative distincte nommée circonscription. Les limites de ces 125 circonscriptions sont établies par la Commission de la représentation électorale, une institution indépendante qui a pour mandat d’établir la carte électorale du Québec. La carte électorale repose sur le principe de représentation effective des électeur·rice·s en assurant l’égalité du vote entre les électeur·rice·s peu importe leur circonscription. Le processus électoral invite les électeur·rice·s à voter pour un·e candidat·e qui sera élu·e comme représentant·e de leur circonscription. Ces candidat·e·s peuvent choisir d’adhérer à un parti politique ou de se présenter en tant qu’indépendant·e. Une fois élu·e·s député·e·s, il·elle·s serviront d’intermédiaire entre les citoyen·ne·s de leur circonscription et l’administration publique. Il·elle·s exerceront ce droit notamment en votant des projets de loi, en questionnant directement d’autres député·e·s et ministres, ou en débattant divers enjeux.

« Le vote est un choix personnel! Personne n’a le droit de vous forcer à voter »

Le système électoral au Québec est représentatif. Il fonctionne selon un mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour. Cela signifie que l’électeur·rice vote pour un·e candidat·e (uninominal), une fois (un tour) et que le·a candidat·e qui remporte le plus de votes est élu·e (majoritaire). À cet égard, il y a eu des projets de loi pour réformer le mode de scrutin. Par exemple, le·a candidat·e élu·e peut avoir reçu un faible pourcentage de votes par rapport à la quantité d’électeur·rice·s totale car la majorité des voix se répartissent chez les autres candidat·e·s.

La formation d’un gouvernement à l’issue des élections

Le gouvernement est formé par le parti ayant le plus de député·e·s élu·e·s à l’Assemblée nationale. Si
ce nombre de député·e·s élu·e·s est plus de la moitié du nombre total de député·e·s (63 député·e·s élu·e·s sur un total de 125), on dira que le gouvernement est majoritaire. Dans le cas inverse, on dira que le gouvernement est minoritaire. L’ensemble des député·e·s n’appartenant pas au gouvernement seront nommé·e·s l’opposition. Le ou la chef·fe du parti à la tête du gouvernement, s’il·elle est élu·e député·e, devient le·a premier·ère ministre. Le ou la chef·fe de chaque parti est habituellement élu·e par les membres de son parti avant les élections. Il·elle aura la responsabilité de nommer les ministres, qui peuvent ou non être des député·es membres de son parti.

Comment voter?

Les élections ont presque toujours lieu le premier lundi du mois d’octobre, soit le 3 octobre en 2022. Afin de promouvoir la participation électorale, les employeurs sont dans l’obligation d’offrir aux employé·e·s quatre heures de congé payé afin de leur permettre d’exercer leur droit de vote le jour des élections. Avant de pouvoir voter, vous devez être inscrit·e sur la liste électorale. Vous pouvez vérifier et modifier votre inscription sur cette liste en consultant le site internet Élections Québec, en les appelant ou en communiquant avec le ou la directeur·rice de scrutin de votre circonscription.

Pour qui voter?

Le vote est un choix personnel ! Personne n’a le droit de vous forcer à voter. Vous pouvez vous informer quant aux différentes positions au travers de différents médias, dont ici-même dans les pages de votre journal étudiant.

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La saison des élections https://www.delitfrancais.com/2022/09/14/la-saison-des-elections/ Wed, 14 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48738 Le Délit lance un dossier spécial qui couvrira la campagne électorale.

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Cette semaine, Le Délit lance son dossier spécial sur les élections provinciales de l’automne 2022. Les sections Actualités et Société du journal collaborent pour trois éditions consécutives afin d’offrir à la population mcgilloise une couverture des élections qui cible les enjeux reliés aux réalités étudiantes.

Retour aux urnes

Comme tous·tes auront pu le constater, l’automne a ramené les pancartes électorales dans la province. Après quatre années de gouvernement caquiste, dont les deux dernières marquées par le rythme des vagues de la pandémie, les Québécois·es s’apprêtent à retourner aux urnes le 3 octobre prochain pour les élections provinciales. Cette année, cinq principaux partis s’affronteront pour des sièges à l’Assemblée nationale: la Coalition avenir Québec, le Parti libéral du Québec, le Parti conservateur du Québec, le Parti québécois et Québec Solidaire.

S’informer pour mieux voter

À travers ce dossier, nous espérons offrir au lectorat du Délit un portrait général de la campagne électorale provinciale de l’automne 2022. En tant que journal étudiant, Le Délit a pour objectif de couvrir les enjeux de la campagne électorale à travers le prisme de la réalité étudiante. L’objectif de ce dossier est de fournir à la communauté mcgilloise des outils pour naviguer l’information présentée par les divers médias et ainsi permettre d’offrir l’information nécessaire à l’exercice de vote. À cette fin, Le Délit vous propose cette semaine de vulgariser le fonctionnement électoral, en rappel ou pour les premier·ère·s votant·e·s. Ensuite, nous proposons un calendrier électoral qui cible les moments-clés de la campagne. Le Délit offrira également dans les deux prochaines semaines des articles qui exploreront plus en profondeur certains enjeux de la campagne tels que la crise du logement, la crise climatique, la santé, l’éducation et l’identité. Finalement, notre dossier proposera des entrevues avec les candidat·e·s dans la circonscription Westmount – Saint-Louis, où l’Université McGill se situe.

→ Voir aussi : Comment fonctionnent les élections?

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Que proposent Projet Montréal et Ensemble Montréal? https://www.delitfrancais.com/2021/11/03/que-proposent-projet-montreal-et-ensemble-montreal/ Wed, 03 Nov 2021 12:47:59 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45235 Valérie Plante et Denis Coderre n’ont pas donné suite à nos nombreuses demandes d’entrevue. Les sommaires des plateformes de Projet Montréal et d’Ensemble Montréal ne sont pas exhaustifs. Nous vous encourageons à vous rendre sur leurs sites Internet respectifs – à partir desquels nous avons créé ces résumés –  pour en apprendre davantage. 

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Valérie Plante et Denis Coderre n’ont pas donné suite à nos nombreuses demandes d’entrevue. Les sommaires des plateformes de Projet Montréal et d’Ensemble Montréal ne sont pas exhaustifs. Nous vous encourageons à vous rendre sur leurs sites Internet respectifs – à partir desquels nous avons créé ces résumés –  pour en apprendre davantage. 

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Montréal, vue par ses cartes https://www.delitfrancais.com/2021/11/02/montreal-vue-par-ses-cartes/ Wed, 03 Nov 2021 00:59:47 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45245 Et si l’on pouvait prédire notre allégeance politique à partir de l’endroit où l’on habite? C’est ce que suggèrent les différentes cartes de résultats électoraux de l’île de Montréal. Plusieurs tendances se dessinent lorsqu’on étudie les résultats par bureau de vote plutôt que par circonscription, et ces tendances s’observent autant aux élections fédérales que provinciales… Lire la suite »Montréal, vue par ses cartes

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Et si l’on pouvait prédire notre allégeance politique à partir de l’endroit où l’on habite? C’est ce que suggèrent les différentes cartes de résultats électoraux de l’île de Montréal. Plusieurs tendances se dessinent lorsqu’on étudie les résultats par bureau de vote plutôt que par circonscription, et ces tendances s’observent autant aux élections fédérales que provinciales et municipales. On peut par exemple voir ressortir ce que Frédéric Castel, chargé de cours au Département de géographie de l’UQAM, a baptisé le « triangle de la ville centre ». Ce triangle, délimité par Ahuntsic au Nord, Tétreaultville à l’Est et St-Henri à l’Ouest, est marqué par un vote généralement plus indépendantiste et plus progressiste que le reste de l’île. Ce triangle s’est démarqué dès les élections fédérales de 2008 avec ses votes pour le Bloc Québécois et le Nouveau Parti Démocratique, au milieu d’une ville très majoritairement libérale, comme c’était le cas lors des élections provinciales de la même année, où il était dominé par le Parti Québécois.

Gracieuseté de Cedric Sam Élections fédérales de 2008
Rouge : Libéral
Vert : Bloc
Orange: NPD
Bleu : Parti conservateur

Aux élections provinciales de 2018, la forme était aussi reconnaissable et portait, cette fois-ci, les couleurs de Québec Solidaire.

Bien que la question nationaliste n’y soit pas présente, cette tendance est également valide pour les élections municipales : lors les élections de 2013, le triangle correspond presque exactement aux zones ayant voté pour Projet Montréal, un parti progressiste mené, à l’époque, par Richard Bergeron.

Gracieuseté de Nicolas Kruchten Élections municipales de 2013
Rouge : Équipe Coderre
Vert : Projet Montréal
Orange: Coalition Montréal
Bleu : Groupe Mélanie Joly

Qu’est-ce qui explique cette division aussi nette entre cette région de la ville et les régions environnantes?  À première vue, plusieurs caractéristiques démographiques sont particulières à ces quartiers : les gens y habitant sont généralement francophones, pour la plupart locataires d’un appartement, plus jeunes que la moyenne, et sans enfants. Un regard historique est cependant nécessaire afin de réellement comprendre les divergences de vote. Le triangle de la ville centre correspond fortement aux limites de la Ville de Montréal telle qu’elle existait en 1960, ce qu’on pourrait appeler le « Montréal historique ». Les rues y sont plus étroites, les infrastructures y sont plus vieilles et requièrent davantage d’investissement pour les entretenir, le réseau de transport en commun y est très développé et les résidents en dépendent pour se déplacer. D’ailleurs, les limites de la Ville de Montréal de 1960 correspondent de façon assez fidèle au tracé des lignes du métro.

De l’autre côté, les régions plus excentrées sont des anciennes municipalités ayant été annexées à la ville de Montréal plus récemment, notamment durant la vague de fusions en 2001. Plusieurs d’entre elles, comme Anjou, s’apparentent davantage à des banlieues : il y a plus de lieux verts, on s’y déplace en voiture et on y habite dans des maisons unifamiliales dont les habitants sont souvent propriétaires. De plus, en raison de leur ancien statut de ville, plusieurs de ces régions réclament davantage d’indépendance dans leur administration. On peut donc bien imaginer que les besoins des habitants de ces régions soient totalement différents de ceux habitant la vieille ville.

La lutte pour la mairie de 2021

Lorsque l’on regarde la carte des élections municipales de 2017, le triangle de la ville centre n’y est plus très évident. C’est justement là la clé du succès de Valérie Plante : elle a réussi à étendre l’influence de son parti au-delà de ses territoires de prédilection, notamment dans les districts francophones hors centre-ville comme l’Île Bizard ou Verdun.

Le parti de Denis Coderre a néanmoins résisté dans ses propres bastions, soit les régions avec des populations anglophones – comme St-Laurent ou St-Michel – ou immigrantes, comme Montréal-Nord. Ces deux populations votent aussi fortement libéral, au provincial comme au fédéral. Coderre a par le passé été ministre libéral fédéral élu à Montréal-Nord, lui conférant un avantage fort dans ce district.

Gracieuseté de Nicolas Kruchten Élections municipales de 2017
Rouge : Équipe Coderre
Vert : Projet Montréal

Le défi d’Ensemble Montréal sera donc de séduire l’électorat francophone habitant au centre de l’île ; celui de Projet Montréal sera de gagner des appuis dans des quartiers plus diversifiés. Il semble y avoir eu un gros effort en ce sens de la part de Projet Montréal, notamment en ce qui concerne ses candidats. En effet, alors que Projet Montréal ne comptait en 2017 que 20% de candidats de la « nouvelle immigration » venant d’Amérique du Sud, du Moyen-Orient ou d’Afrique, il en compte aujourd’hui 39%, soit presque le double.

Les districts à surveiller

L’arrivée de Mouvement Montréal, le nouveau parti de Balarama Holness, est cependant venue briser le bipartisme de 2017 et pourrait brouiller les cartes. Ce parti comptait plus de 80% de candidats provenant de minorités visibles (bien que ce chiffre ait baissé après la fusion avec Ralliement pour Montréal), soit beaucoup plus que les autres partis et que la moyenne montréalaise, qui environne les 30%. 

Si Mouvement Montréal réussit à gagner le soutien des populations racisées, cela nuira particulièrement aux tentatives d’expansion de la mairesse sortante. Cela pourrait aussi affecter le parti de Denis Coderre – néanmoins, celui-ci tire davantage d’appuis de ce qu’on appelle l’« ancienne immigration », soit l’immigration européenne (grecque, italienne, juive) d’avant 1975. On pourra observer l’impact de l’arrivée de Mouvement Montréal sur l’échiquier politique, particulièrement dans le district de Montréal-Nord : Holness y était précédemment candidat sous la bannière de Projet Montréal, ce qui lui accorde une certaine notoriété locale.

La principale épine dans le pied du parti de Plante, davantage que ce que représente Mouvement Montréal, pourrait cependant être les partis d’arrondissement. Depuis 2017, deux mairesses d’arrondissement élues sous la bannière de Projet Montréal ont été expulsées du parti à cause de controverses liées à la gestion de leur équipe. Ces deux mairesses, Sue Montgomery dans Côte-des-Neiges et Giuliana Fumagalli dans Villeray, ont décidé de se représenter sous la bannière de partis indépendants n’existant que dans leur arrondissement respectif. Une lutte chaude s’annonce pour ces quartiers : leur composition multiethnique ainsi que la popularité dont bénéficient toujours les deux mairesses promet de compliquer leur reconquête par Projet Montréal.

Article réalisé avec les informations fournies par Frédéric Castel, chargé de cours au département de géographie de l’UQAM.

Erratum : Dans une version précédente de l’article, la légende de la carte des élections municipales 2013 annonçait que l’orange représentait les zones remportées par le NPD. Il s’agissait plutôt des zones remportées par Coalition Montréal. Le Délit regrette cette erreur.

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Montréal en mouvement https://www.delitfrancais.com/2021/11/02/montreal-en-mouvement/ Wed, 03 Nov 2021 00:07:59 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45239 Le Délit s’est entretenu avec Balarama Holness.

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Le Délit (LD) : Vous dites que Mouvement Montréal est un parti communautaire. Quelle est la philosophie derrière Mouvement Montréal? Pourquoi avoir lancé ce parti?

Balarama Holness (BH) : C’est pour enrichir notre démocratie et favoriser la participation citoyenne. On parle souvent de l’implication de la jeunesse, de la diversité, mais ces idées sont véhiculées par les grandes institutions qui ne les implantent que très rarement. Je suis un entrepreneur social, dans le sens que je crée un parti politique, mais je ne suis pas un politicien. En d’autres mots, je suis d’abord et avant tout un juriste, enseignant avec une maîtrise en éducation, un coach et un père de famille. Notre parti amène donc de l’authenticité et de l’honnêteté à un secteur politique qui en manque. Pour nous, la création d’un parti est importante pour deux raisons en particulier. D’abord, pour faire en sorte que des gens qui ne se sont jamais lancés en politique et qui ne se sentent pas représentés par une formation politique en place décident pour la première fois de leur vie de se présenter. 95% des personnes au sein de notre formation ne s’étaient jamais lancées en politique auparavant. Ce sont des avocats, des acteurs du milieu culturel, des urbanistes, des enseignants, des professionnels de tous les horizons qui s’engagent dans la démocratie. Ensuite, on veut créer une plateforme qui est à l’image des Montréalais et Montréalaises, qui répond à leurs besoins réels, mais aussi qui correspond à un démarrage très frais. C’est-à-dire que l’on peut vraiment créer notre plateforme et notre parti à partir de zéro, en partant des racines communautaires. 

«Notre parti amène donc de l’authenticité et de l’honnêteté à un secteur politique qui en manque » 

LD : Contrairement à Valérie Plante et à Denis Coderre, vous êtes le seul chef à promouvoir le définancement de la police à Montréal. Quelle est votre stratégie à cet égard?

BH : D’abord, nous n’avons jamais parlé de définancement. On parle plutôt de réallocation. « Définancement » est un mot utilisé dans le but de connoter négativement une politique qui est juste. Par exemple, la ville de Montréal a coupé 100 millions de dollars dans les infrastructures. Pourtant, personne ne dit que Valérie Plante a définancé les infrastructures. En ce moment, il y a près de 4 000 policiers à Montréal. Le budget pour leurs salaires est de 550 millions de dollars et 40% des contraventions sont remises aux itinérants. Ça veut dire que 40% de nos effectifs servent à « policer » la pauvreté. À la place, nous proposons d’utiliser ces fonds-là pour donner aux itinérants un logement, une trousse de survie : aide en santé mentale, services sociaux, intervenants, etc. Il faut également mettre en place un encadrement pour favoriser leur réinsertion dans la société. Par analogie, s’il y a une famine, il n’est pas logique de mettre de l’argent pour mobiliser l’armée autour de la boulangerie. Il faut plutôt le mettre dans la distribution de pain pour nourrir la population.

«Puisque nous reconnaissons que nous sommes sur un territoire non cédé, cela implique qu’un pourcentage des taxes et de la prospérité économique générée à Montréal doit en partie être redistribué à ceux qui étaient là avant nous»

Il est aussi important de parler des gangs de rue et de la prolifération des armes à feu. Nous sommes en faveur des agences spécifiques qui ciblent ces individus-là et ces problèmes-là avec des connaissances accumulées par le SPVM et d’autres niveaux de gouvernement. C’est un moyen à court terme pour limiter la violence, qui ne doit pas non plus se traduire par une carte blanche pour le profilage racial et social. Mais à long terme, on doit s’inscrire dans la prévention en distribuant l’argent pour l’aménagement d’espace verts et pour favoriser le loisir, la récréation et le sport, l’éducation et l’expression culturelle. C’est une vision holiste de la sécurité publique. On utilise les ressources pour venir en aide aux personnes qui ne sont pas dangereuses mais qui sont en danger : celles qui se trouvent dans la rue, qui ont une dépendance à la drogue et qui sont à risque d’overdose, dont on a abusé, qui ont des problèmes de santé mentale, etc. Il faut commencer à encadrer la population vulnérable. Il faut arrêter de financer le SPVM avec 800 millions de dollars et continuellement oublier de diversifier les intervenants dans le secteur de la sécurité publique. Il faut mettre fin à l’idée archaïque de l’homogénéisation du SPVM voulant qu’il faille absolument un policier armé, mais qui n’est pas apte à intervenir spécialement pour désamorcer certaines crises.

LD : Quelles sont les raisons qui vous poussent à vouloir faire de Montréal une ville bilingue? Ne pensez-vous pas que ça pourrait éloigner l’électorat francophone, notamment à la suite du départ de Marc-Antoine Desjardins et de plusieurs de ses candidats de votre caucus?

BH : Il faut comprendre que ce n’est pas qu’une question politique. Cette position part de qui je suis. Ma mère est blanche, francophone, catholique et a grandi à Montréal. Elle a rencontré mon père, un immigrant jamaïcain noir, anglophone, protestant et issu d’un milieu rural, dans un concert de Bob Marley. Mon identité est donc intersectionnelle : à la fois francophone et anglophone, blanche et noire, etc. Je pense que ce raisonnement s’applique aussi à Montréal, qui est une ville internationale, cosmopolite, multiculturelle. C’est la réalité montréalaise et ça va au-delà de la politique. C’est donc pour ça que nous nous avançons cette politique de bilinguisme. Il y en a qui pensent qu’ils peuvent légiférer sur la culture et la langue d’une personne en utilisant la clause dérogatoire [de la Charte canadienne des droits et libertés, ndlr] – je parle ici du projet de loi 96 – pour faire en sorte que les tribunaux ne puissent pas intervenir. Nous allons leur répondre, et les gens vont se lever pour protéger leurs droits culturels et linguistiques. 

LD : Vous souhaitez adopter officiellement la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de Peuples Autochtones. Que proposez-vous concrètement pour ce faire?

BH : Nous sommes le seul parti qui souhaite reconnaître dans la Charte montréalaise des droits et responsabilités que Montréal est un territoire non cédé. Sans reconnaissance, il est difficile d’avancer. Ensuite, nous voulons allouer un pourcentage de notre budget, qui est actuellement de 6 milliards de dollars, pour pouvoir répondre à tous les besoins des peuples autochtones. En ce moment, le chiffre que nous avançons est de 400 à 500 millions de dollars. Puisque nous reconnaissons que nous sommes sur un territoire non cédé, cela implique qu’un pourcentage des taxes et de la prospérité économique générée à Montréal doit en partie être redistribué à ceux qui étaient là avant nous. On sait que les Autochtones sont surreprésentés dans la population itinérante de Montréal. Cet argent-là irait dans la construction de logements, dans l’aide à la santé mentale, dans l’intervention sociale, dans les services médicaux de proximité. On veut également innover dans le monde de l’entrepreneuriat en s’assurant de créer des emplois pour des personnes autochtones qui leur permettront de contribuer socialement, culturellement et politiquement à l’économie montréalaise. Finalement, il faut également favoriser la participation politique des personnes issues de communautés autochtones. À l’heure actuelle, à ce que je sache, il n’y a pas de candidats ou candidates autochtones qui se présentent aux élections montréalaises. Il faut y remédier. 

LD : Que proposez-vous pour améliorer les conditions  de vie des étudiants?

BH : Il faut créer des logements spécifiquement pour les étudiants. Le plus grand enjeu est qu’il y a 180 000 étudiants à Montréal, ce qui représente une population plus grande que des centaines de municipalités au Québec. À eux seuls, les étudiants pourraient former une ville. Nous proposons d’adopter un règlement qui oblige les promoteurs à construire des logements abordables, sociaux et familiaux. Dans notre programme, nous souhaitons créer 5 000 logements pour étudiants.

Nous perdons également nos étudiants au profit de villes comme Toronto et Vancouver, car ils ne peuvent pas rester à Montréal en raison de la langue. Nous voulons faire en sorte que les entreprises puissent opérer en français et en anglais, en plus de permettre aux diplômés, dont le niveau de français est trop bas par rapport aux standards actuels, de tout de même travailler pour qu’ils puissent apprendre la langue dans leur milieu de travail. On ne veut pas qu’ils soient exclus avant même d’avoir accès au marché du travail. 

LD : Quelle est votre vision pour le transport en commun à Montréal?

En ce moment, la Société de transport de Montréal (STM) a un déficit de 62 millions de dollars et des coupures de service de 30% sont prévues (selon Le Devoir, il s’agit d’une possibilité, mais le scénario priorisé par la STM consiste en des coupures de service d’environ 10%, ndlr). Le modèle d’affaire de la STM est basé sur l’achat individuel de billets d’autobus ou de métro, et si une pandémie frappe et que les ventes baissent, la STM tombe en déficit. Nous proposons donc que les grandes entreprises comme les banques et les universités soient partenaires de la STM en achetant automatiquement des abonnements pour leurs employés ou leurs étudiants. Le gouvernement du Québec ou celui du Canada rembourserait par la suite en partie ces institutions partenaires à hauteur de 60% à 75%, par exemple. On s’assure ainsi que les institutions qui ont les plus grandes empreintes écologiques ainsi que les gouvernements jouent leur rôle dans la lutte aux changements climatiques tout en garantissant un revenu à la STM.

«Projet Montréal est d’abord et avant tout une équipe de marketing»

LD : Le Devoir rapportait que Marc-Antoine Desjardins avait été pressenti pour se rallier à Denis Coderre et que, selon vous, cela aurait assuré la victoire d’Ensemble Montréal le 7 novembre. Vous avez donc fusionné avec Ralliement pour Montréal malgré vos différends. On comprend ainsi que vous ne souhaitez pas la victoire de Denis Coderre. Considérez-vous donner votre appui à Valérie Plante, si celle-ci est toujours à égalité avec Ensemble Montréal au moment du scrutin?

BH : D’abord, je n’ai pas fait d’alliance avec M. Desjardins pour empêcher M. Coderre de gagner, mais bien parce que je souhaite une victoire pour Mouvement Montréal. Pour ce qui est de donner mon appui à Valérie Plante, la réponse est non, absolument pas. Projet Montréal est d’abord et avant tout une équipe de marketing. Parlons du bilan de Projet Montréal. En ce qui concerne le logement, ils ont mis trois ans et demi à implanter le règlement mixte (le Règlement pour une métropole mixte prévoit que ​​toute personne réalisant un projet résidentiel de plus de 450 m2 – environ cinq logements – doit contribuer à l’offre de logements sociaux, abordables et familiaux, ndlr). Aucun bâtiment construit à Montréal durant les quatre dernières années n’était assujetti à ce règlement. Ils prétendent avoir permis la construction 12 000 logements abordables, mais la vérificatrice générale de la Ville de Montréal et La Presse ont établi que moins de 1 200 logements sociaux sont actuellement occupés. Durant les quatre dernières années, le marché immobilier s’est enflammé, et c’est une faillite du point de vue de l’abordabilité. De plus, Projet Montréal définit comme abordable un logement dont le loyer est à 90% de la moyenne déjà énorme du quartier. C’est donc impossible pour nous de fusionner avec eux, car ils font le contraire de ce qu’ils disent.

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Comment les élections montréalaises fonctionnent-elles? https://www.delitfrancais.com/2021/11/02/comment-les-elections-montrealaises-fonctionnent-elles/ Tue, 02 Nov 2021 15:36:59 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45231 Condensé sur la théorie électorale de la métropole.

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Selon leur arrondissement, les citoyen·ne·s de Montréal sont invité·e·s à voter pour combler de deux à cinq postes lors des élections municipales. Comment tout cela fonctionne-t-il?

Lorsque vous allez aux urnes, vous votez tout d’abord pour élire des candidat·e·s qui vont représenter votre district électoral aux différents conseils. Les districts sont en quelque sorte les équivalents des circonscriptions aux élections fédérales et provinciales : c’est la plus petite division de territoire affectant le résultat des élections. La Ville de Montréal compte 58 districts électoraux.

En plus d’être divisée en districts, Montréal est divisée en 19 arrondissements formés d’un regroupement de deux à cinq districts. Ces arrondissements ont un certain degré d’autonomie : ils possèdent un conseil d’arrondissement qui a pour but d’assurer les services de proximité et de prendre des décisions notamment en matière de loisirs, de permis, ou d’urbanisme. Il est composé d’un·e maire·sse d’arrondissement, des conseiller·ère·s d’arrondissement ainsi que des conseiller·ère·s de ville élu·e·s dans cet arrondissement.

« Les électeur·rice·s qui n’ont pas voté par anticipation pourront se rendre aux urnes les 6 et le 7 novembre prochains »

Finalement, le Conseil municipal représente l’instance décisionnelle principale de la Ville de Montréal. Il prend des décisions pour l’ensemble de la Ville et s’occupe notamment du budget, des règlements, des programmes de subventions et des ententes gouvernementales. Il est composé de le·a maire·sse de la Ville, des 18 maire·sse·s d’arrondissement et des 46 conseiller·ère·s de ville.

Ainsi, les citoyen·ne·s de tous les arrondissements votent pour élire d’abord le·a maire·sse de la Ville et leur maire·sse d’arrondissement. Dans le cas de l’arrondissement Ville-Marie, les citoyen·ne·s n’ont pas à élire de maire·sse d’arrondissement : le·a maire·sse de la Ville devient automatiquement maire·sse de l’arrondissement Ville-Marie.

De plus, les postes à combler varient d’un arrondissement à l’autre. En effet, plus un arrondissement est populeux, plus il possède de conseiller·ère·s de ville, afin d’assurer une représentation équitable au Conseil municipal. Par exemple, dans l’arrondissement le plus peuplé de Montréal, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, il n’y a que des conseiller·ère·s de ville et aucun·e conseiller·ère d’arrondissement. Dans les arrondissements peu peuplés, comme Outremont, il n’y a aucun conseiller·ère de ville, ce qui signifie que le·a maire·sse d’arrondissement est leur seul·e représentant·e au Conseil municipal.

Les électeur·rice·s qui n’ont pas voté par anticipation pourront se rendre aux urnes les 6 et le 7 novembre prochains.

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Les George-Étienne Cartier du 20e siècle https://www.delitfrancais.com/2021/09/15/les-george-etienne-cartier-du-20e-siecle/ Wed, 15 Sep 2021 17:16:44 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44085 Coup d’oeil sur ces figures politiques québécoises qui ont bâti leur carrière politique sur la négation des droits de leurs compatriotes francophones.

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Dans un précédent texte paru au Délit, j’affirme que Louis-Hippolyte Lafontaine, un politicien réformiste issu de la branche modérée du Parti patriote, est le véritable père fondateur d’un Canada indépendant de la Grande-Bretagne, en cela que Lafontaine a négocié la mise en place du «gouvernement responsable», qui permet au Parlement de nommer le chef de l’exécutif. Si certains patriotes républicains – proches de Louis-Joseph Papineau et ancêtres, en quelque sorte, des souverainistes actuels – ont reproché à Lafontaine de trop compromettre avec la monarchie, il n’en demeure pas moins que le chef réformiste est parvenu à jeter les bases de la démocratie canadienne et s’est toujours battu pour que les francophones y soient traités avec justice.

La thèse de mon précédent essai était que l’attitude réformiste et conciliatrice de Lafontaine à l’origine d’une tradition politique qui, au cours du 20e siècle, a vu plusieurs politiciens québécois s’impliquer en politique fédérale, autant au Parti libéral (PLC) qu’au Parti conservateur (PCC), tout en ayant à cœur la défense des intérêts du Québec. Wilfrid Laurier et Brian Mulroney sont probablement les plus grands représentants de cette tradition. On pourrait ajouter à cette liste prestigieuse Henri Bourassa (qui commence sa carrière politique avec les libéraux et fonde Le Devoir en 1910), Joseph-Israël Tarte, Ernest Lapointe et Jean Marchand au PLC, ainsi que Frederick Debartzch Monk et Arthur Sauvé au PCC. Lafontaine serait, en un sens, l’inspirateur du biculturalisme canadien. Toutefois, il existe une autre tradition politique, bien plus négative, selon moi, instaurée par George-Étienne Cartier.

Une perversion politique

L’engagement politique de Cartier débute dans les années 1820–1830, époque à laquelle il est l’un des patriotes les plus revendicateurs. Appartenant à la milice des Fils de la Liberté, il se démarque comme commandant lors de la bataille de St-Charles, durant les rébellions de 1837. Après la défaite des patriotes, il part en exil aux États-Unis pour quelques mois et revient peu avant l’Acte d’Union de 1840, qui verra l’unification du Haut et du Bas-Canada sous un seul gouvernement. La seconde partie de la carrière de Cartier est radicalement différente de la première. Converti au réformisme, il accepte l’union, se rapproche de Lafontaine et devient l’un des politiciens les plus influents du Québec, d’aucuns diraient le plus influent après la retraite de Lafontaine en 1851. En 1857, Cartier devient vice-premier ministre du Canada, numéro deux du gouvernement de John A. Macdonald. C’est la fidélité à toute épreuve dont Cartier fera preuve à l’égard de Macdonald qui marquera les quinze dernières années de sa carrière et qui caractérise son héritage politique.

«En somme, l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique institutionnalise plusieurs recommandations du rapport Durham de 1840, dont le but avoué était l’assimilation des francophones d’Amérique et le maintien de la monarchie britannique en Amérique. En toute connaissance de cause, Cartier participe à cette entreprise, aux côtés de Macdonald, un homme n’ayant jamais fait mystère de sa haine pour les francophones»

Georges-Étienne Cartier est surtout connu comme l’un des principaux architectes du pacte confédératif de 1867. Il est notamment dirigeant de la délégation du Canada-Est à la Conférence de Québec de 1864, qui devait jeter les bases du fédéralisme canadien. Ce projet politique représente un reniement par Cartier non seulement des idéaux patriotes, puisque la Confédération maintient plusieurs des institutions coloniales que ces derniers combattaient (comme le poste de gouverneur et un Conseil législatif nommé), mais également une trahison des principes de Lafontaine, pourtant son mentor politique. Si Lafontaine et d’autres réformistes ont à cœur la défense des droits des francophones du Canada, Cartier, pour sa part, n’hésite pas à vendre à ses concitoyens l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique (AANB), qui place le Québec en situation d’infériorité politique. En effet, avant 1867, le Québec et l’Ontario avaient exactement le même nombre de sièges au Parlement, tandis qu’après le changement de régime constitutionnel, le Québec ne détient plus que 64 circonscriptions sur 180. Aujourd’hui, c’est 78 sur 338.

En somme, l’AANB institutionnalise plusieurs recommandations du rapport Durham de 1840, dont le but avoué était l’assimilation des francophones d’Amérique et le maintien de la monarchie britannique en Amérique. En toute connaissance de cause, Cartier participe à cette entreprise, aux côtés de Macdonald, un homme n’ayant jamais fait mystère de sa haine pour les francophones. Par ailleurs, Cartier est également complice des manigances du gouvernement Macdonald dans le cadre du scandale du Pacifique lors duquel le Parti conservateur est accusé de collusion dans le but de financer l’élection de 1872. Cartier est ainsi un politicien qui ne parvient à se hisser à la tête du Canada, aux côtés de Macdonald, qu’au coût de ce qui constituaient, au début de sa carrière, ses convictions les plus profondes. Malgré qu’il soit francophone et membre d’un peuple parmi tant d’autres envers lequel Macdonald était raciste, sa volonté de travailler à la négation des droits fondamentaux de son peuple a fait en sorte que Macdonald lui a longtemps accordé sa confiance.

En cela, Cartier est le premier d’une longue lignée de politiciens québécois qui, ayant intériorisé la haine que plusieurs Canadiens anglais ressentent envers les francophones, ont dédié leur carrière politique à maintenir et renforcer l’état d’inféodation dans lequel se trouve le Québec au sein de la confédération. Ces personnages publics voient la civilisation anglo-saxonne comme supérieure et croient que le Québec ne peut s’épanouir autrement qu’en l’embrassant à pleine bouche. Toute forme de volonté émancipatrice de la nation québécoise est donc, à leurs yeux, dangereuse. Notons que la plupart des héritiers idéologiques de Cartier ont connu, comme lui, de grands succès politiques, la population anglophone étant friande de ces «francophones de service» qui la confortent dans sa vision du monde. Un phénomène similaire existe aux États-Unis, où plusieurs dizaines de personnalités afro-américaines, par exemple Candace Owens ou Kanye West, ont connu un grand succès en flattant la population blanche et en oeuvrant a persuader les autres Afro-Américains que se dévouer corps et âmes au système qui les opprime constitue en fait le forme la plus élevée de liberté.

Les héritiers idéologiques de Cartier

Alors, qui sont ces George-Étienne Cartier du 20e siècle ? Deux noms viennent spontanément à l’esprit. Il n’est pas nécessaire de revenir en détail sur chaque méfait commis par Pierre Trudeau et Jean Chrétien, mais il faut cependant rappeler que la plupart desdits méfaits ont été commis contre leur propre peuple, avec un acharnement que l’on pourrait qualifier de névrotique.

Prenons Pierre Trudeau qui, comme Cartier, commence sa carrière en idéaliste. Dans les années 1950, par de nombreux textes dans la revue Cité Libre, il dénonce les excès du gouvernement Duplessis, particulièrement sa répression violente du mouvement syndical, et en appelle à des réformes progressistes de la société. De 1965 à 1968, peu après son élection comme député au fédéral, Trudeau est ministre de la Justice et c’est à ce poste qu’il dépose son célèbre «bill omnibus», qui décriminalise l’avortement et l’homosexualité. Au départ, Trudeau désire également l’avancement des Québécois et des francophones des autres provinces, comme en témoigne l’adoption de la Loi sur les Langues Officielles (1969).

«Si Trudeau s’engage en politique, à l’origine, contre le régime duplessiste, force est de constater qu’il reprend plusieurs des procédés qu’il reprochait à l’Union Nationale»

Cependant, la méfiance de Trudeau envers toute forme de nationalisme, doublée de son admiration pour un système politico-juridique d’inspiration britannique – qui place les droits individuels avant les droits collectifs – vont rapidement le pousser à prendre des mesures très brutales contre un Québec nationaliste s’affirmant de plus en plus dans la foulée de la Révolution tranquille. Ainsi, la seconde moitié de la carrière de Trudeau est marquée par ses provocations lors du Lundi de la Matraque (1968), par son utilisation de la Loi sur les mesures de guerre pour emprisonner des centaines de personnalités souverainistes pacifiques (1970), par sa requête à des hommes d’affaires influents de délocaliser des dizaines de milliers d’emplois en dehors du Québec pour nuire au premier gouvernement péquiste (1976), par ses fausses promesses lors du premier référendum sur la souveraineté (1980) et par son orchestration de la nuit des Longs Couteaux (1981). Ajoutons à cela que Trudeau renie ses principes syndicalistes et progressistes, n’hésitant pas à employer des lois spéciales lors de grèves dans la fonction publique fédérale tout au long de son mandat, notamment à Postes Canada. En 1970, il invite même des grévistes à «manger de la marde». Trudeau ne respecte pas non plus les libertés individuelles – qu’il sacralise pourtant dans sa Charte canadienne des droits et libertés (1982) – lorsqu’elles sont invoquées par des Québécois pour défendre leurs propriétés menacées par des projets fédéraux. Ainsi n’hésite-t-il pas à exproprier des citoyens innocents lors de la construction de l’aéroport de Mirabel (1970), de la création du Parc de Forillon (1970) et de l’érection de la tour de Radio-Canada à Montréal (1973). Il n’a pas plus de scrupules à violer les libertés individuelles de son principal rival politique, René Lévesque, qui est espionné par la Gendarmerie royale du Canada pendant des décennies.

Si Trudeau s’engage en politique, à l’origine, contre le régime duplessiste, force est de constater qu’il reprend plusieurs des procédés qu’il reprochait à l’Union Nationale. Est-il alors exagéré de qualifier son règne de Grande Noirceur? Comme Cartier, Trudeau a fini par devenir ce qu’au départ il combattait. Et si l’AANB de 1867 a fait du Québec une simple province, la Charte des droits et libertés de 1982 assure pour sa part que le Québec ne pourra jamais prendre ses propres décisions, ne serait-ce qu’en tant que province, sans intervention des tribunaux fédéraux. Dans les deux cas, les grands architectes de ces textes constitutionnels sont des francophones originaires du Québec. Trudeau a par ailleurs été soutenu dans toutes ses manigances par des ministres fédéraux québécois que n’aurait pas reniés Cartier: Gérard Pelletier, Marc Lalonde, Jean-Pierre Goyer et, surtout, Jean Chrétien.

En 1981, c’est Chrétien, alors ministre de la Justice, qui organise le stratagème de la nuit des Longs Couteaux. Il joue également un rôle non négligeable dans la conception de la Charte de 1982, enchâssée dans la Constitution canadienne fraîchement rapatriée d’Angleterre, dont le but est de saper l’autonomie des provinces en permettant aux tribunaux fédéraux d’invalider des lois provinciales. Chrétien partage l’enthousiasme de Trudeau pour un pouvoir centralisé à Ottawa et pour un gouvernement des juges. Lorsque Chrétien devient premier ministre canadien en 1993, son principal objectif est de bloquer la montée du souverainisme québécois. Si être fédéraliste ne constitue évidemment pas une faute morale, les procédés qu’emploie Chrétien contre le mouvement souverainiste sont on ne peut plus répréhensibles. Au cours de la campagne référendaire, le camp du NON, mené par Chrétien, multiplie les dépenses illégales et clandestines. De 1996 à 2004, le programme fédéral des commandites est utilisé illicitement pour financer des organismes promouvant l’unité fédérale, en ce qui constitue l’un des plus gros scandales politiques de l’histoire canadienne, presqu’à égalité avec le scandale du Pacifique. En 2000, le gouvernement Chrétien dépose la Loi sur la clarté référendaire, qui nie au Québec le droit de décider de son sort par majorité simple. Cette loi est la continuation logique de l’AANB et de la Charte de 1982. Chrétien est aussi responsable des mesures d’austérité mises en place dans les années 1990 qui frappent durement les chômeurs et les ainés, soit les membres les plus vulnérables de la société. Cela est d’autant plus triste que Jean Chrétien, au début de sa carrière, est un jeune avocat idéaliste, révolté contre les penchants autoritaires de l’Union Nationale. 

Plusieurs autres politiciens québécois impliqués en politique fédérale pourraient aussi être qualifiés d’héritiers idéologiques de George-Étienne Cartier. On peut penser à Stéphane Dion, Pierre Pettigrew, André Ouellet et Denis Coderre, quatre ministres sous Chrétien qui le soutiennent dans ses entreprises illicites contre leur Québec natal. Dion est d’ailleurs l’auteur de la Loi sur la clarté référendaire. On peut penser à Jean Charest, député conservateur fédéral de 1984 à 1998 qui, en 1990, soumet un rapport décommandant la reconnaissance du Québec comme société distincte dans le cadre de l’Accord du Lac Meech, ce qui provoque le départ de Lucien Bouchard et d’autres députés qui fondent le Bloc québécois. L’essentiel est de constater que nombre de politiciens fédéraux québécois ont dédié leur carrière à s’opposer non pas à une idéologie – l’indépendantisme, le nationalisme – mais à l’idée même de quelconque affirmation québécoise, plus souvent qu’autrement par des méthodes peu éthiques. Il n’est pas nécessaire d’être souverainiste pour critiquer les jeux de coulisse de Cartier, Trudeau ou Chrétien; il suffit d’être démocrate. Cela dit, il est nécessaire de remettre en question l’adhésion du Québec à une confédération dont les grands axes constitutionnels sont décidés derrière des portes closes et où les Québécois ayant le plus de succès politique sont ceux prêts à piétiner leur nation d’origine. 

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L’hydre à deux têtes du droit civil québécois https://www.delitfrancais.com/2021/03/29/lhydre-a-deux-tetes-du-droit-civil-quebecois/ Mon, 29 Mar 2021 23:53:42 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=43362 L’animal: à mi-chemin entre «bien» et «personne».

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En juin 2015, Pierre Paradis, alors ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, proposait à l’Assemblée nationale la Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal. Sanctionnée en décembre de la même année, cette loi est principalement connue pour son premier article, qui modifie le Code civil du Québec afin d’y inclure une toute nouvelle disposition au début du livre IV, consacré au droit des biens: l’article 898.1, qui redéfinit le statut juridique des animaux au Québec. Paradoxalement, on peut y lire que «les animaux ne sont pas des biens. Ils sont doués de sensibilité et ils ont des impératifs biologiques. Outre les dispositions des lois particulières qui les protègent, les dispositions du présent code et de toute autre loi relative aux biens leur sont néanmoins applicables». Que faut-il donc comprendre d’un article qui exclut les animaux de la catégorie juridique des biens, mais qui, du même coup, précise que le droit des biens leur est applicable?

Un  statut juridique ambigu pour les animaux

Pour comprendre la particularité de cet article, il est primordial de saisir les subtilités historiques du droit civil. Ce dernier a hérité de la structure du droit romain, qui appréhende le monde à travers le prisme de trois catégories juridiques distinctes: les personnes, les choses et les obligations. Laissons de côté la dernière pour les fins de la présente discussion.

Le droit civil s’inscrit dans une logique binaire de catégories juridiques opposables entre elles. «Personnes» et «choses» sont donc fondamentalement distinctes et mutuellement exclusives. Une personne ne peut être une chose et vice versa. La personnalité juridique est l’exclusivité des êtres humains et, à certains égards, des corporations, qu’on appelle aussi des «personnes morales». C’est donc dire que tous les autres éléments composant notre monde se retrouvent dans la catégorie résiduelle des choses; catégorie dans laquelle on retrouve les biens. 

«À quoi sert-il donc de déclarer explicitement que les animaux ne sont pas des biens et qu’ils sont doués de sensibilité, sans pour autant leur accorder certains droits de la personnalité?» 

Or, l’article 898.1 du Code civil exclut spécifiquement les animaux de la catégorie des biens, ce qui aurait logiquement pour effet de les faire basculer dans la catégorie des personnes. Pourtant, ce n’est pas le cas puisque, comme nous l’avons vu, le droit des biens leur demeure applicable.

À quoi sert-il donc de déclarer explicitement que les animaux ne sont pas des biens et qu’ils sont doués de sensibilité, sans pour autant leur accorder certains droits de la personnalité, comme le droit à l’intégrité corporelle et le droit à la vie? Le législateur québécois a‑t-il fait éclater les catégories historiques du droit civil pour créer un hybride entre personne et chose? Autrement dit: les animaux possèdent-ils de nouveaux droits depuis 2015?

De nouveaux droits, mais pas pour les animaux

Malheureusement, non. Dans les faits, l’introduction de l’article 898.1 au Code civil du Québec n’a rien changé, du moins pour les animaux. Toutefois, pour leurs propriétaires, la situation est différente. La manifestation la plus probante des effets de cet article dans le droit positif québécois, ou droit applicable, s’observe en responsabilité civile. Dans les cas où un animal subit un préjudice du fait d’autrui, les tribunaux prennent aujourd’hui en compte sa sensibilité. Autrement dit, si un individu blesse un animal, le·a propriétaire de ce dernier peut invoquer l’argument de la sensibilité animale afin d’obtenir une plus grande réparation financière de la part de la personne en faute.

«Le don de sensibilité implique la possibilité de souffrir, et la souffrance mérite compensation»

Aussi, du fait de la reconnaissance de la sensibilité de l’animal découle la conclusion selon laquelle un·e propriétaire peut entretenir un lien affectif – également reconnu par le droit – avec son animal. En invoquant l’argument de la perte de lien affectif, il sera donc plus aisé pour le·a propriétaire d’obtenir une indemnisation plus importante que le simple coût de l’animal si celui-ci venait à être blessé, voire tué par une tierce partie fautive. 

Ces considérations juridiques ne sont toutefois pas susceptibles d’améliorer le sort des animaux eux-mêmes. Reconnaître que l’animal est doué de sensibilité ne semble rien changer au droit positif, hormis le fait que les propriétaires d’animaux peuvent maintenant obtenir de plus grands dommages-intérêts pour pertes non pécuniaires liées à des souffrances subies par leur animal. 

Un outil juridique pour faire avancer les droits des animaux?

Le droit civil, même s’il est codifié, demeure malléable. L’article 898.1 du Code civil est relativement jeune et est appelé à être davantage interprété par les tribunaux. La jurisprudence est une source non négligeable de l’évolution du droit et vient souvent préciser ou étendre la portée d’un article de loi qui peut paraître de prime abord ambigu ou peu utile. À l’heure actuelle, moins de 80 décisions québécoises citent l’article 898.1, mais le temps fera sans doute évoluer sa portée et viendra préciser les implications légales de la déclaration de principe qu’il porte en son sein.  

L’article pourrait, par exemple, être mobilisé afin d’imposer une obligation pour les propriétaires d’animaux d’élevage d’assurer un certain standard de bien-être qui saurait correspondre à la sensibilité et aux impératifs biologiques maintenant juridiquement reconnus de leur bétail. Rien ne garantit que cet argument serait accepté par les tribunaux, mais le droit fait parfois bien les choses et crée des outils qui ne demandent qu’à être utilisés afin de se rapprocher un peu plus de l’idéal de justice auquel il aspire.

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