Archives des Exposition - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/artsculture/exposition/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 27 Mar 2024 19:48:22 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Superposition multiculturelle https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/superposition-multiculturelle/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55394 Hybrid Condition par Tam Khoa Vu au centre MAI.

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Dès que le visiteur pénètre dans la salle de l’exposition du MAI (Montréal, arts interculturels), il est immédiatement plongé dans l’obscurité, accueilli par une odeur d’encens, une musique entraînante et un imposant cube lumineux au centre de la pièce. Cette première exposition individuelle de l’artiste Tam Khoa
Vu, basé à Tio’tia:ke/Montréal, explore de manière saisissante l’hybridité culturelle vietnamo-canadienne à travers une installation unique. L’artiste cherche à mettre en lumière les images qui évoquent les identités et la diaspora vietnamiennes, permettant ainsi une plongée dans les racines culturelles et ethniques des identités nationales pour remettre en question l’hégémonie occidentale et son impact sur le Vietnam, ses habitants et l’identité vietnamo-canadienne. Cela l’amène à naviguer dans un « tiers espace » entre le Vietnam et le Canada.

« Nous sommes absorbés par le cube, mais les vidéos elles-mêmes essaient d’en sortir et occupent l’espace au complet »

L’installation se présente sous forme d’un cube sur lequel sont projetées diverses vidéos. Ce cube est réalisé dans un tissu transparent, qui permet une projection nette des images, mais également une superposition de chacune de ses faces. Nous sommes invités à l’observer sous tous ses angles.

La première face, celle par laquelle nous sommes accueillis dès l’entrée, est chaotique. C’est une superposition de clips tirés des réseaux sociaux, notamment Instagram, qui représente l’identité vietnamienne (et asiatique en
général) à travers Internet. Les vidéos s’enchaînent très rapidement, nous sommes absorbés par ces images. La plupart ont pour but de nous faire rire. C’est une vision certes positive de la culture asiatique, mais pourtant, pas réellement représentative. Bien que les vidéos soient réalisées par la communauté elle-même, elles ne reflètent qu’un aspect divertissant et humoristique du Vietnam.

La deuxième face entre directement en contraste avec la première. Les vidéos sont cette fois-ci tirées majoritairement de films et de séries occidentales qui représentent les asiatiques sous un regard « blanc ». Les extraits sont profondément racistes et stéréotypés. Il y a également de nombreuses vidéos provenant de films américains, qui mettent en scène la guerre du Vietnam. Nous voyons le pays se faire injustement bombarder tandis qu’un épisode des Simpsons, dans lequel un personnage laotien se fait humilier, est projeté juste à côté. C’est la seule face du cube qui est accompagnée d’une bande sonore, nous permettant d’entendre les acteurs et leurs commentaires racistes. Cela a pour effet de nous attirer vers cette face et d’être confronté à la réalité que vit Tam Khoa Vu en tant qu’immigrant vietnamien.

Les deux autres faces présentent des scènes du Vietnam sous deux angles différents. Les vidéos sont beaucoup plus lentes et calmes. La troisième face présente des moments en famille et des scènes du quotidien vietnamien. La vidéo d’une trentaine de minutes est la plus longue, elle nous invite à prendre le temps de la regarder. C’est touchant, accueillant et intime. On pénètre dans des instants doux, réalistes de la vie au Vietnam. Cette face représente les racines de l’artiste et un retour aux traditions. Elle est directement superposée avec les vidéos racistes ou stéréotypées, à la fois par le montage et par la transparence du cube, permettant une représentation intéressante de la « condition hybride » de Vu. Enfin, la dernière face représente elle aussi le Vietnam, mais d’une façon idéalisée, romancée. Ce sont des images de drônes survolant les rizières et la côte vietnamienne. Bien que
ces vidéos soient belles à regarder, ce n’est que l’idée que s’en font la plupart des occidentaux.

Dans une seconde salle, se trouve une sculpture réalisée par Nguyen Vu Tru et Dennis Nguyen du collectif d’art VUTRU. Cette sculpture, mise en valeur sous un éclairage rouge, est un autel traditionnel composé d’un miroir, d’un cadre en bois orange et de deux pots dans lesquels des grains de riz permettent de maintenir des bâtons d’encens qui brûlent doucement. Tam Khoa Vu a voulu, à travers son exposition personnelle, donner l’opportunité à ces deux jeunes artistes de présenter leur création, qui elle-aussi, est un hommage à la culture vietnamienne. L’inspiration principale (qui explique notamment la couleur orange utilisée) vient des baumes et des huiles Siang pure, des remèdes à base de plantes populaires en Asie. Cet autel est volontairement placé juste au-dessus d’une fontaine à eau, mise à la disposition des visiteurs. Ainsi, ces derniers sont forcés de se pencher pour boire, tout comme certaines personnes le feraient lors de prières. Inconsciemment, par le simple fait de boire, nous faisons preuve de respect et reproduisons des rituels religieux.

Dominika Grand’Maison | Le Délit

« Le cube attire et rejette. Le cube choque et apaise. Le cube est chaos, peu importe l’angle, peu importe la face
que l’on regarde. Le cube est une représentation d’une condition hybride »

L’exposition est particulièrement réfléchie. Différents endroits pour s’assoir sont prévus : des fauteuils au sol, un banc peint en jaune et blanc (symbole de ce mélange d’identités), et même des tabourets en plastique rouge que l’on retrouve notamment dans des scènes de street food au Vietnam. Ainsi, nous sommes invités à observer le cube sous tous ses angles. Chaque façon de s’asseoir nous offre une perspective différente sur l’installation. Cette
idée de perspective est importante pour comprendre le message de l’artiste et son hybridité culturelle. Des poutres en béton se dressent d’ailleurs à travers la pièce, nous forçant à se rapprocher, à tourner autour du cube
et à mieux le regarder. Le choix d’avoir positionné le cube avec un angle et non une surface plane dès que l’on pénètre la pièce a aussi pour but de créer cette impression de chaos et d’ajouter à la superposition. Enfin, les images semblent sortir de la boîte, car les couleurs sont projetées au sol et sur les poutres. Nous sommes absorbés par le cube, mais les vidéos elles-mêmes essaient d’en sortir et occupent l’espace au complet. C’est la réalité que vit un immigrant asiatique au Canada : simultanément accepté et rejeté. L’exposition a pour but d’être un endroit sûr, un refuge pour chaque immigrant asiatique, qui peut entrevoir son expérience à travers celle de Vu. C’est
presque comme si l’espace était conçu pour rendre inconfortable les personnes blanches, forçant ces dernières à se mettre dans la peau d’un asiatique constamment exclu au sein d’une communauté canadienne. Le cube attire et rejette. Le cube choque et apaise. Le cube est chaos, peu importe l’angle, peu importe la face que l’on regarde. Le cube est une représentation d’une condition hybride.

L’exposition est présentée jusqu’au 30 mars à MAI (Montréal, arts interculturels) au 3680 rue Jeanne-Mance. L’entrée est gratuite.

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Une pyramide au cœur de Montréal https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/une-pyramide-au-coeur-de-montreal/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55046 Visite de l’Horizon de Khéops au Centre des sciences de Montréal.

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Depuis le 16 février, le centre des Sciences de Montréal, musée scientifique, est devenu le théâtre d’une aventure hors du commun. l’Horizon de Khéops, une expérience de réalité virtuelle conçue par Excurio, branche d’Emissive, une société française spécialisée dans la production de réalité virtuelle, invite ses participants à s’immerger dans l’Égypte antique et à découvrir la majestueuse pyramide de Khéops.

Dès le début de l’expérience, les visiteurs sont transportés dans un monde où la magie de l’ancienne Égypte prend vie sous leurs yeux. Une égyptologue maladroite, Mona – acronyme d’Amon, une des principales divinités du panthéon égyptien – nous guide sur plusieurs centaines de mètres afin de nous faire découvrir les secrets de la dernière merveille du monde antique. C’est une expérience absolument extraordinaire, avec des décors précis et fidèles qui nous font presque oublier qu’il s’agit d’une expérience de réalité virtuelle. La visite de l’exposition 10 culture n’a duré que 45 minutes pourtant nous avions tous l’impression d’avoir fait un grand voyage, d’avoir vécu quelque chose d’incroyable. Nous sommes sortis de l’exposition émerveillés, en se disant qu’il fallait absolument faire une visite en Égypte pour retrouver l’essence de ce que nous venions de vivre.

Derrière cette réalisation technologique et artistique, deux ans de production et près de six mois de pré-production ont été nécessaires afin de se familiariser pleinement avec la culture et de concevoir un projet scénaristique et une direction artistique qui répondent à l’ambition du projet. Pour rendre l’expérience la plus complète possible, Excurio a réuni pour ce projet une équipe pluridisciplinaire, composée de graphistes spécialisés dans l’environnement, de programmeurs et d’experts en scénario et direction artistique, qui ont travaillé ensemble pour créer cette expérience immersive et authentique. Beaucoup de travail a également été fait afin de guider correctement le spectateur dans l’espace, à l’aide du son, des images, et de la lumière. En effet, cette véritable recherche sur les sensations permet de rendre le parcours le plus réaliste possible.

L’aspect éducatif de l’Horizon de Khéops est également notable. Toutes les reconstitutions de la pyramide antique et du plateau de Gizeh ont été réalisées après des recherches approfondies. Les informations présentées ont été validées par des experts en archéologie, tout comme les personnages, leurs habits ou le fond sonore du Caire. La collaboration avec Peter de Manuelian, archéologue et professeur à Harvard, a été cruciale dans le développement de ce projet : « Il fournit beaucoup de documentations et nous réfléchissons et soumettons des idées pour arriver à créer un scénario », nous explique Fabien Barati. « On crée la pyramide, les temples, les personnages, et on lui soumet les visuels. S’ensuit beaucoup d’aller-retours pour valider les différents éléments ». Il s’agit ainsi d’un véritable parcours didactique qui permet d’en savoir plus sur les traditions et la culture de l’Égypte antique.

Le succès de l’exposition ne se limite pas à Montréal. L’Horizon de Khéops est également disponible en France, à Londres et en Chine. À chaque étape, des améliorations sont apportées, comme l’ajout de langues pour rendre l’expérience plus accessible.

Selon Fabien Barati, l’Horizon de Khéops , ce n’est que le début. « Les technologies immersives vont continuer à se développer et continuer de partager la culture de manière de plus en plus efficace et engageante grâce aux développement des nouvelles technologies. » Il semblerait donc que nous puissions nous attendre à voir ce format se démocratiser dans le futur, nous offrant de nouvelles perspectives pour l’exploration du patrimoine culturel mondial.

L’exposition l’Horizon de Khéops est disponible jusqu’au 31 mai au 2 rue de la Commune Ouest. Les places sont limitées.

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O’Keeffe et Moore au MBAM https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/okeeffe-et-moore-au-mbam/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54976 La nature au cœur des œuvres des deux artistes modernistes.

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Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) accueille du 10 février au 2 juin 2024 une exposition rétrospective sur la vie de deux des artistes les plus influents du mouvement moderniste ; Georgia O’Keeffe et Henry Moore. D’une part, O’Keeffe est connue pour ses peintures, de l’autre, Moore l’est pour ses sculptures. O’Keeffe, géante de l’art moderne américain, et Moore, reconnu comme l’un des artistes britanniques les plus importants de sa génération, se rencontrent pour une valse harmonieuse au MBAM. De salle en salle, le visiteur est plongé au cœur même de leurs mondes, presque écrasé par l’omniprésence grandiose de la nature et du vivant dans leurs œuvres. Malgré le fait que les deux artistes ne se soient croisés qu’une seule fois durant leur vivant, leurs œuvres se marient harmonieusement grâce à leur amour commun pour la nature environnante, leur servant de source majeure d’inspiration. Passant des fleurs bien connues d’O’Keeffe aux ossements méticuleusement sculptés par Moore, l’exposition nous transporte au cœur de leurs vies, au cœur de leurs arts.

La juxtaposition de leurs œuvres permet de déceler les similitudes existantes entre leurs arts : on remarque plusieurs ressemblances dans leurs démarches artistiques, donnant un sens plus clair au jumelage de leurs entreprises. Un autre point commun relevé lors de l’exposition est que les deux artistes ont notamment expérimenté avec le style surréaliste. Là où O’Keeffe jouait sur les limites de l’abstraction avec ses fleurs, Moore optait pour des techniques de sculpture rappelant des formes humaines, tout en explorant les frontières du figuratif. Ainsi, on se retrouve en pleine immersion dans un monde de coquillages et de fleurs, qui brouille la frontière entre l’abstrait et le réel. De plus, les techniques de juxtaposition en peinture ont été exploitées
autant par O’Keeffe que par Moore, et ajoutent à l’aspect surréaliste de leurs arts. Plusieurs peintures, de Moore comme d’O’Keeffe, représentaient la perspective d’un os ou d’un coquillage devant le ciel ou encore devant un paysage désertique néo-mexicain, offrant des panoramas surréalistes fascinants. La mise en dialogue de leurs œuvres force le visiteur à constater la grande similarité entre leurs travaux : dans une marée de roches, de coquillages, d’ossements et de fleurs, leur passion pour la nature est indéniable.

Pour ce qui est de l’expérience lors de la visite, l’exposition est plutôt courte, ne regroupant que trois salles, mais comprenant tout de même plus d’une centaine d’œuvres des deux artistes. Les murs ont subi un traitement leur donnant un aspect plus organique et fluide afin de créer un univers susceptible d’accueillir et de mettre en valeur les œuvres des artistes. La pièce la plus marquante est probablement celle qui nous permet d’observer une reconstruction des ateliers d’O’Keeffe et de Moore : le visiteur est alors invité à s’immiscer dans l’intimité des artistes, en des lieux teintés par l’individualité de ces derniers, mais qui partagent plusieurs similitudes. On note qu’ils avaient tous deux des collections extensives de roches, d’os et de coquillages. L’éclairage était relativement tamisé, mais sans pour autant enlever au dynamisme des salles. En général, la scénographie de l’exposition a été réalisée avec beaucoup de finesse, permettant une visite agréable.

Bien que son œuvre puisse sembler redondante, il aurait été intéressant qu’on dédie à O’Keeffe une exposition lui étant entièrement consacrée, où l’on aurait pu explorer avec plus de profondeur la complexité de son travail et sa place de pionnière au sein du mouvement moderniste. Malgré le fait qu’elle et Moore aient été des icônes du milieu artistique de façon concomitante, le lien entre leurs œuvres se limite à l’importance accordée par chacun à la nature comme source d’inspiration. Ainsi, j’aurais aimé voir une telle exposition – joignant l’œuvre de deux artistes d’envergure – regrouper des artistes ayant partagé plus qu’une passion, ou encore ayant travaillé ensemble. Malgré tout, l’exposition vaut la peine par le simple fait qu’elle offre une mise en dialogue inédite entre les œuvres d’O’Keeffe et de Moore, permettant de jeter un regard nouveau sur leurs entreprises respectives.

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Art et technologie pour raconter l’Histoire https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/art-et-technologie-pour-raconter-lhistoire/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54727 Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin et À la recherche du beat répétitif au Centre PHI

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Le Centre PHI, centre d’art qui propose des expériences immersives, présente actuellement deux nouvelles installations : À la recherche du beat répétitif de Daaren Emerson, et Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin réalisée par Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud. La première est une aventure
en réalité virtuelle qui nous transporte au Royaume-Uni, à l’apogée de la scène illégale de musique Acid house en 1980. La seconde est une expérience immersive qui retrace la vie de Claudette Colvin dans l’Alabama des années 50, au moment de la lutte pour les droits civils des personnes noires. Les deux documentaires sont très différents dans les thématiques qu’ils abordent, mais sont intimement liés dans leur désir commun de rébellion. Ce sont des expériences uniques, immersives et grandement humaines qui nous invitent à regarder l’Histoire sous un nouvel angle.

Rave culture


Tout d’abord, nous avons À la recherche du beat répétitif. Comme l’indique le titre de l’exposition, dès le casque de réalité virtuelle (RV) devant nos yeux, nous partons à la recherche du beat répétitif. Nous incarnons alors pendant 50 minutes un membre d’un groupe d’amis cherchant désespérément un de ces entrepôts abandonnés où se déroulent les fameuses raves. En effet, le beat fait référence à l’Acid house, un genre de musique électronique dérivé de la house populaire dans les raves. Aussi excitantes que dangereuses, ces soirées illégales qui émergent au Royaume-Uni dans les années 80 attirent une population diverse cherchant à se libérer l’esprit lors d’une nuit et à vivre quelque chose d’unique. Grâce aux nouvelles technologies, nous prenons entièrement part à l’aventure, tout en apprenant plus sur le milieu Acid house. En effet, le but de l’installation est non seulement de provoquer un sentiment d’euphorie, mais aussi d’éduquer le public sur une scène musicale qui a bouleversé notre façon de consommer de la musique, en nous invitant à danser davantage.
Il est important de souligner que, bien que nous soyons transportés au Royaume-Uni, l’aventure dans laquelle nous prenons part et que nos quatre amis vivent, résonne dans beaucoup de pays. L’installation a, en effet, été exposée à Amsterdam, Tokyo, et même au Texas depuis sa création en 2022. Maintenant à Montréal, son histoire fait grandement échos au développement des raves au Québec. Au cours des années 90, la scène des raves a pris son essor dans la métropole québécoise, offrant aux passionnés une expérience collective de la musique électronique et laissant une empreinte indélébile sur la culture musicale et sociale de Montréal, contribuant ainsi à façonner une ville connue pour sa diversité, sa créativité et son esprit festif.

Partout autour du monde, ces soirées étaient bien plus que des soirées de danse ; elles offraient moyen de se rassembler, de s’exprimer librement et de créer une communauté basée sur la musique, le partage et l’ouverture d’esprit. Comme il est indiqué dans le documentaire, « peu importe si tu es riche ou pauvre, tu te retrouves au même endroit, dans les mêmes conditions, à suer et à danser. (tdlr) »

« Nous revivons l’histoire alors que des hologrammes, tels des fantômes du passé, évoluent sous nos yeux »

Des prospectus qui parlent

La particularité de À la recherche du beat répétitif se trouve dans l’utilisation de prospectus. En effet, c’est à travers ces derniers que nous sommes à la fois guidés tout au long de l’expérience et que nous recevons les informations essentielles pour comprendre cette scène illégale. En entrevue avec Daaren Emerson, différentes personnes, notamment des organisateurs de raves de l’époque, nous racontent le processus d’organisations. Leurs visages apparaissent sur les différents prospectus que nous collectionnons au sein de l’aventure. À une époque sans Internet, trouver une rave était une véritable quête en plusieurs parties : de l’attente interminable dans des stationnements vides, jusqu’aux chemins sombres et sinueux en passant par des numéros anonymes à appeler, tout cela se déroulait grâce aux prospectus. Ces objets matériels permettent également au public de créer un lien physique avec les événements qui se déroulent sous leurs yeux.

Nous évoluons alors dans ce qui semble être une science fiction, suivant ces voix qui nous guident dans notre quête. Comme le souligne Emerson durant son entrevue, cette partie de la conception est particulièrement développée. À l’époque, les organisateurs des soirées devaient se rendre dans des bibliothèques afin de trouver des images pour illustrer leurs prospectus. Ils les copiaient et les distribuaient donc dans divers endroits. C’est ce qu’a fait le concepteur en recherchant des archives officielles afin de créer les différents décors et s’assurer du réalisme de l’expérience.

Réalité virtuelle

L’immersion complète, à l’aide des nouvelles technologies, était selon moi entièrement nécessaire à la réalisation d’une telle œuvre. Comme nous le précise dans l’entrevue Emerson, « les documentaires, c’est déjà fait. J’avais envie de revivre mes expériences du passée de façon immersive et réaliste. Être au cœur de l’action permet cela. Ceux qui l’ont vécu me partagent souvent leur nostalgie car ils se sentent réellement transportés. » Cela demande notamment un travail de motion capture afin de recréer des mouvements qui semblent fluides et non robotiques. Pour lui, la création de la rave en réalité virtuelle constitue en elle-même le plus gros défi. « On attend ce moment, on construit un suspense avant l’arrivée à l’entrepôt, et je ne voulais pas que le public soit déçu. Je me suis donc assuré que chaque danseur ait sa propre façon de danser. Surtout, il ne fallait pas que tout le monde soit synchronisé, dans quel cas le réalisme disparaît. »

Cette expérience, particulièrement excitante, fait renaître les histoires des organisateurs, DJ, policiers et festivaliers. C’est une aventure dans une révolution culturelle qui célèbre la diversité et l’esprit de communauté qu’il faut réellement vivre pour comprendre.

De la danse aux pleurs

Encore une fois, les technologies sont utilisées pour réveiller l’histoire oubliée. Noire, réalisée par Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud d’après l’ouvrage de Tania de Montaigne, est un récit puissant sur la vie de Claudette Colvin, femme noire que l’Histoire a oubliée, qui a pourtant participé en grande partie au mouvement des droits civils aux États-Unis. Cette fois ci, nous ne parlons plus de réalité virtuelle, mais de réalité augmentée. Contrairement à la RV, où le casque nous plonge complètement dans un monde numérique, la réalité augmentée superpose des éléments virtuels sur le monde réel que l’utilisateur voit à travers des lunettes HoloLens2. Nous revivons l’histoire alors que des hologrammes, tels des fantômes du passé, évoluent sous nos yeux et que la voix de Tania de Montaigne, nous narre certains passages de son récit sur un Alabama ségrégationniste.

Pierre Alain-Giraud

Une toute autre experience

Le 2 mars 1955, Claudette Colvin, 15 ans, refuse de céder sa place à un passager blanc, 9 mois avant Rosa Parks. Elle est menacée et insultée, mais malgré cela, elle reste assise et fixe la dame blanche, en signe de rébellion contre une société ségrégationniste. Elle est emprisonnée, mais plaide non coupable face aux juges l’accusant de troubles à l’ordre public, de violation de lois discriminatoires et d’agression des forces de l’ordre. Les deux premières seront abandonnées et elle ne sera jugée et condamnée que pour le motif d’avoir agressé un officier de police. Colvin est encore en vie aujourd’hui, et pourtant, son nom est oublié de tous. Grâce à la réalité augmentée, nous ne sommes plus seulement spectateurs d’un documentaire, mais témoins de cet acte héroïque. Contrairement à la RV, nous sommes libres de nous déplacer dans le décor et d’observer sous les angles de notre choix les évènements qui se déroulent devant nos yeux. Plus qu’un simple souvenir, c’est une rencontre avec le passé et des scènes emblématiques de la lutte pour les droits civils. Nous portons également un casque audio pour une immersion plus complète. Nous entendons l’environnement autour de nous et créons un lien intime avec la narration de Tania de Montaigne, au plus proche de nos oreilles.

Pendant une demi-heure, nous vivons une expérience profondément touchante et personnelle qui nous force à nous éduquer sur le sujet et nous rappelle que l’histoire ne se trouve pas seulement dans les livres scolaires.

Les deux expositions sont disponibles au Centre Phi jusqu’au 28 avril 2024. Attention, les places sont limitées.

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Exploration artistique : au-delà du monde visible https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/exploration-artistique-au-dela-du-monde-visible/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54436 Exposition Outre de SMITH au Centre VOX.

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L’exposition Outre de l’artiste SMITH se révèle être une exploration audacieuse et immersive au-delà des conventions artistiques, invitant le public à remettre en question la binarité du genre et à sonder son univers à
travers différents médiums, tels que la photographie, la danse, la vidéo, et même la sculpture. La singularité de cette exposition réside dans le refus délibéré d’attribuer des descriptions à chaque œuvre – les détails tels que les dates, les lieux et les noms – forçant les visiteurs à s’éloigner de l’histoire personnelle de l’artiste et à explorer une réalité alternative, plus vaste. Cette absence crée une sensation de flottement, renforcée par de nombreuses photos floues, comme de la fumée, évoquant une vision de l’art en tant que flux continu et non défini. SMITH cherche à déstabiliser nos modes de pensée et pousser notre imagination à aller au-delà, bouleversant toutes notions intériorisées.

L’exposition s’ouvre sur une salle obscure dans laquelle une vidéo est projetée. Celle-ci explique la démarche de l’artiste et soulève des questions identitaires ainsi que la volonté de comprendre l’inintelligible. SMITH ne souhaite pas être un artiste qui se conforme à nos réalités binaires. Il se décrit comme « outre »: il existe entre
deux opposés, entre l’humain et le non-humain, le visible et l’invisible, le masculin et le féminin. Il dit n’appartenir à aucun côté, et vivre à la frontière. C’est ainsi que ces questions d’identité se retranscrivent dans chacune des œuvres, avec des modèles androgynes.

Au cœur de cette exposition : l’utilisation innovante de caméras thermiques. Les photographies sont dominées par des tons de jaune, orange, rose, rouge, et bleu. Ces caméras permettent de rendre visible l’invisible, mettant en lumière l’énergie thermique, persistante malgré le temps qui passe. Cette traversée lumineuse est symbole de
prise de conscience, révélant des aspects de notre monde qui échappent généralement à notre perception.

La salle principale expose de nombreuses photographies de tailles variées, comme des vignettes d’un quotidien. SMITH photographie ses proches, des lieux anonymes, des animaux, et même un bureau mal rangé, afin de transmettre sa vision du monde au public, son environnement à travers la lentille de la caméra.

Il y a également une réelle concentration sur le corps humain. En plus des photographies qui présentent des corps non-genrés, on peut retrouver des petites sculptures disposées au milieu de la pièce, qui sont également
celles de corps. Certaines se tiennent seules, d’autres sont à deux et ont l’air de s’enlacer. La matière transparente utilisée, ainsi que la lumière qui provient du socle donne l’impression que ces sculptures sont faites en glace et évoquent cette idée de fusion et d’absence de frontière.

Cette idée se poursuit dans une seconde vidéo, dans laquelle un groupe de danseurs semble se fondre les uns dans les autres, dans une chorégraphie libre en flux constant. On y observe aussi un médecin qui injecte une puce
électronique dans la peau de l’artiste. Une opération qui permet à sa conscience d’accéder à un autre univers. Une question s’impose : qu’est ce que notre réalité? SMITH s’intéresse aussi aux états de corps secondaires que permettent les avancées technologiques. Que ce soit les traitements hormonaux utilisés pour la transition de genre
ou même les vols paraboliques. En effet, il a été inspiré par ces avions qui recréent l’état d’apesanteur, qui permettent au corps de flotter, de ne plus rien ressentir, comme si nous n’étions plus soumis à la réalité.

L’exposition Outre de SMITH offre une expérience artistique immersive qui transcende les normes, invitant les visiteurs à explorer de nouveaux imaginaires et à remettre en question notre perception du monde. L’artiste offre une vision audacieuse du monde, qui déstabilise nos modes de pensées, incitant chacun à embrasser la
non-conformité.

L’exposition Outre est accessible gratuitement au Centre VOX jusqu’au 3 février.

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Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/terrorisme-de-velours-la-russie-des-pussy-riot/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54398 Immersion dans un art protestataire percutant.

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Organisée par la galerie islandaise Kling&Bang et présentée au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) grâce au conservateur d’art John Zeppetelli et à la chargée de projet et d’expositions Marjolaine Labelle, Terrorisme de velours est une exposition à ne pas manquer. Du 25 octobre 2023 au 10 mars 2024, elle transporte ses visiteur·euse·s à travers l’histoire de la Russie par le biais des interventions activistes et artistiques du groupe punk-féministe Pussy Riot. Par son caractère authentique, percutant et éducatif, l’exposition révèle avec brio la portée d’un art engagé.

Des œuvres audacieuses

Terrorisme de velours s’ouvre et se clos sur une œuvre qui incarne tout ce que représentent les Pussy Riot :
la protestation obstinée, sans honte et sans limites. Taso Pletner, membre du groupe depuis 2022, est filmée dans
l’atelier de l’artiste islandais Ragnars Kjartanssonar alors qu’elle urine sur le portrait de Vladimir Poutine. Cette
œuvre, qui peut paraître choquante à première vue, semble tout à fait appropriée à notre sortie de l’exposition, après avoir été informé·e·s de toutes les atrocités qu’ont vécues et que dénoncent les Pussy Riot. En parcourant les murs colorés du musée, nous apprenons à connaître les membres du groupe et leur résilience. Nous découvrons leurs tenues colorées et leurs balaclavas emblématiques, leur art de protestation unique et les conséquences que celui-ci a entraîné sur le groupe. L’une des fondatrices du groupe, Maria (Masha) Alyokhina, nous ouvre la porte à son vécu par ses écrits explicatifs dispersés sur les murs du musée. Ainsi, chaque image et chaque vidéo est accompagnée de textes qu’elle a écrits à la main, à la manière d’un journal intime ou d’un scrapbook punk. Malgré la densité du contenu, Masha réussit à nous garder captivé·e·s. En effet, l’extravagance et la diversité de ses mésaventures, à l’image excentrique du collectif, forment un tout authentique et fascinant.
On comprend rapidement que le travail artistique des Pussy Riot est réfléchi. Il ne s’agit pas simplement d’être punk pour provoquer. Les Pussy Riot ont comme mission de se servir des outils de répression de l’État, autant comme cible que comme canevas. Par exemple, en 2018, lors de la finale de la Coupe du monde de soccer, quatre des membres déguisé·e·s en policier·ère·s s’étaient précipité·e·s sur le terrain. Après coup, comme nous l’explique Masha, le groupe s’était attribué le mérite de cette action et avait précisé que celle-ci visait à dénoncer la manière brutale, soudaine et injuste dont les forces de l’État s’immiscent dans la vie des citoyen·nes russes.

Un cours d’histoire éclectique

Sur les murs du musée sont dessinées des dates et des flèches qui nous indiquent que l’exposition est chronologique. Ainsi, parmi les actions protestataires des Pussy Riot, on retrouve des bribes d’histoire
de la Russie ; des dates importantes, des politiques adoptées, ainsi que des illustrations et des explications de la réalité des habitants de ce pays et de ceux et celles qui osent s’en indigner. Parmi leurs expériences les plus choquantes, on découvre le séjour de trois des membres dans des colonies pénitentiaires de la Russie, à la suite d’une performance punk dans une cathédrale orthodoxe à Moscou en 2012. Cette performance, nommée Prière
Punk
, dénonçait les injustices perpétrées par Vladimir Poutine ainsi que le brouillement de la frontière entre l’État et l’Église que celui-ci orchestrait. Par leurs récits poignants, elles lèvent le voile sur le peu de liberté d’expression que permet l’État russe ainsi que sur les horreurs que vivent les détenu·e·s des colonies pénitentiaires. Des photos ponctuants l’espace illustrent, entre autres, les trois (seules) toilettes collées auxquelles ont droit les quelques 60 détenu·e·s par bâtiment, les chambres au confort atroce, et bien plus. Quoique par instants difficile à suivre (les quatre murs de chaque pièce du musée sont exploités et les dates ne sont parfois
indiquées qu’à la fin d’une section), le cours d’histoire qu’offre l’exposition reste extrêmement pertinent, surtout dans le contexte actuel. En effet, il nous permet de mieux comprendre ce qui a pu mener à la guerre en Ukraine. Par ailleurs, la confusion face à la ligne du temps contribue à l’esthétique d’album de l’exposition et rend en quelque sorte l’expérience plus intime et personnelle : on a l’impression d’écouter une amie raconter son histoire. Ce n’est pas toujours linéaire, parfois elle se trompe dans ses mots (Masha étant russe, elle a tout écrit en anglais), mais on finit par comprendre l’essentiel. On finit aussi par mieux la connaître, et surtout, par avoir envie de se garder informé·e·s sur la suite des choses.

Espace cacophonique

Si j’ai une critique négative à faire, c’est que l’espace est un peu trop cacophonique. En effet, malgré les dizaines d’écrans mettant en scène diverses performances, chansons, et entrevues, pas une fois l’exposition ne nous laisse la chance d’entendre réellement le groupe. On les lit, mais on ne les entend pas, ou plutôt, on les entend trop. Toutefois, je me dois de lever mon chapeau à l’espace de détente offert par le MAC (l’Espace M) en cas de sur-stimulation, de fatigue, ou tout simplement de désir discursif. Malgré le chaos sonore de l’espace, qui était sans doute intentionnel, les visiteur·euse·s ont l’option de prendre une pause.

Somme toute, Terrorisme de velours est une exposition à voir parce qu’elle présente un groupe d’activistes qui font de l’art politique, authentique et audacieux en confrontant l’autorité pour dénoncer des injustices. C’est
une exposition instructive qui nous laisse sur notre faim en s’éparpillant un peu trop, mais en demeurant fidèle à sa direction artistique de journal punk.

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Un lieu pour rassembler et célébrer https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/un-lieu-pour-rassembler-et-celebrer/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53817 Le Centre des mémoires montréalaises : entre histoire et avenir.

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C’est au cœur du Quartier des Spectacles, au 1210 boulevard Saint-Laurent, à l’intersection avec la rue Sainte-Catherine, qu’a été inauguré le 28 septembre le nouveau Centre des mémoires montréalaises (MEM). Ce musée a ouvert ses portes le 6 octobre, remplaçant l’ancien Centre d’histoire de Montréal, qui existait depuis 1983. À l’ambition plus large, le MEM vise, non plus seulement à raconter l’histoire de la ville de Montréal, mais à collecter les histoires multiples des Montréalais·es. Son nom correspond à la contraction des mots Mémoire et Montréalais·es. Sa mission reste de valoriser le patrimoine historique de la ville, ainsi que de célébrer les mémoires dans ses projets de commémoration.

Montréal en concentré

Le MEM, par ses installations interactives, ses expositions, ses affiches informatives et sa décoration typiquement montréalaise, est un miroir de la ville et de sa population dans son ensemble. Ce musée innovateur cherche autant à informer qu’à être alimenté par les témoignages de ses visiteur·se·s. Dans les mots du MEM, « que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ». La gratuité du musée (à part une exposition temporaire en collaboration avec le magazine Urbania) rend le tout très accessible. Chacun et chacune peut y trouver son bonheur, grâce à son offre considérable d’activités culturelles éducatives et créatives. Le patrimoine culturel matériel de la métropole est également mis en valeur : anciens lampadaires, bancs, balcons typiques, etc. Bref, il y en a pour tous les goûts, tous les âges, et toutes les expériences, même pour les passionné·e·s de panneaux de signalisation, qui pourront s’essayer au jeu intitulé : « Est-ce qu’on peut se stationner ici? »

Montréal exposée

On peut visiter au MEM une foule d’expositions temporaires et permanentes, qui racontent à leur manière l’histoire de Montréal et les projets qui en font une ville qui rayonne internationalement. L’exposition temporaire Célébrer le Chaînon : 90 ans de dévouement pour les femmes, présentée jusqu’en janvier 2024, souligne le travail essentiel de ce pilier montréalais, qui aide les femmes en situation de vulnérabilité depuis 1932. L’exposition interactive Vox Pop, accessible elle aussi jusqu’en janvier 2024, invite les visiteur·se·s à une réflexion critique à propos d’enjeux sociaux du passé, du présent et du futur. Le Projet Polytechnique s’est associé à Vox Pop pour proposer une réflexion sur la question suivante : « Devrions-nous continuer à nous intéresser à la tuerie du 6 décembre 1989, plus de 30 ans après les événements? » L’histoire de Montréal comporte des périodes sombres, non négligeables puisqu’elles alimentent autant sa « personnalité » que ses périodes plus lumineuses.

« que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ».

Réconcilier les mémoires

Concilier histoire et mémoire permet de porter un regard sur le passé avec plus de recul. L’histoire se construit par les mémoires, qui évoluent et fournissent des témoignages que les historiens peuvent exploiter comme sources dans leurs recherches. Plus qu’un objet d’histoire, la mémoire joue aussi un rôle crucial dans la société. Étant un souvenir vécu par un individu, la mémoire est subjective et plusieurs personnes peuvent avoir un souvenir différent d’un même événement passé. Il arrive souvent que certaines mémoires collectives soient conflictuelles, ce qui engendre des tensions entre les générations suivantes, car la mémoire se transmet au cours du temps. Réconcilier les mémoires qui s’opposent est essentiel pour permettre le bon vivre-ensemble et le fonctionnement d’une société.

Le MEM cherche à rassembler les mémoires d’une ville au passé douloureux. Depuis des milliers d’années, la région est habitée par les peuples autochtones, qui ont vu leurs terres être colonisées par les Européen·e·s à leur arrivée dans les années 1500–1600. En collaboration avec les membres du comité autochtone, le MEM a construit un banc de forme circulaire, sur lequel on peut lire les noms qui désignent Montréal dans différentes langues autochtones. La forme du cercle n’est pas anodine. Elle invite les visiteur·ses à s’y asseoir ensemble pour partager leurs expériences et échanger. Cette œuvre est un pas vers la réconciliation avec les communautés autochtones de Montréal (notamment les communautés kanien’kehà:ka), après les violences qu’elles ont subies dans le passé et dont elles souffrent encore aujourd’hui. En effet, Montréal est aujourd’hui la ville du Québec qui compte la plus importante population autochtone, avec plus de 34 000 habitants dans la région métropolitaine. Il est ainsi primordial de leur laisser la possibilité de libérer leur parole pour leur rendre justice.

De la même manière, l’exposition Vox Pop, invitant les citoyens à témoigner d’un féminicide, offre un lieu de discussion et de rétrospection. Il permet de se repencher sur les erreurs commises dans le passé afin de mieux comprendre leurs causes pour mieux empêcher leur répétition. Ce n’est qu’une fois leurs souffrances reconnues et les solutions mises en place que les victimes se sentiront en paix. Entretenir la mémoire a donc une fonction autant historique que sociale.

Le Centre des mémoires montréalaises, qui a eu seulement deux mois le 28 novembre, a déjà fait ses preuves comme institution culturelle et touristique mettant en valeur la « montréalité », dans toutes ses définitions. En planifiant votre visite, n’hésitez pas à explorer l’encyclopédie en ligne disponible sur le site du musée, regroupant plus de 600 témoignages, qui font partie de la mémoire complexe de la métropole.

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Relier la terre et l’humanité https://www.delitfrancais.com/2023/09/20/relier-la-terre-et-lhumanite/ Wed, 20 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52301 Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone : perdre la notion du temps au Musée des beaux-arts.

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« Nous avons tous besoin les uns des autres. Aucun être n’est plus important qu’un autre : tous jouent leur rôle en synchronisation avec les autres. » Les mots de Jaison Pérez Villafaña, aîné de la communauté autochtone colombienne des Arhuacos, pourraient résumer l’exposition Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone – L’univers au creux des mains, actuellement présentée au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Présentant quelque 400 œuvres datant d’environ 1500 AEC à nos jours, cette exposition se donne pour défi de faire découvrir au public une manière d’appréhender le monde qui remet en question la dichotomie occidentale entre nature et culture.

Une approche inédite

La colonisation de la Colombie par l’Espagne à partir du 16e siècle a effacé de l’histoire les modes de pensée et les pratiques autochtones au profit de l’idéologie occidentale, qui place la modernité et l’eurocentrisme au cœur de ses réflexions. Comme il était d’usage pour les colons de voler les œuvres autochtones et de les exposer dans leur propre pays comme des « curiosités », elles ont souvent été sorties de leur contexte d’origine et privées de leur dimension spirituelle. Les commissaires de l’exposition ont travaillé en collaboration avec la communauté des Arhuacos de la Sierra Nevada de Santa Marta (au nord de la Colombie), qui est activement impliquée dans le projet. Grâce à ce dialogue, le MBAM révèle aux visiteur·euse·s le sens des objets et réhabilite ainsi certains savoirs autochtones ancestraux. Les Arhuacos considèrent leurs œuvres comme des êtres encore vivants et porteurs de messages. Afin que les objets exposés ne se retrouvent pas figés dans l’inertie, les commissaires ont adopté une démarche muséologique originale : les dates de création des œuvres ne sont pas indiquées sur les écriteaux.

Un travail d’orfèvre remarquable

Les pendentifs, masques, ornements de pectoraux et de nez, constituent autant de petits objets empreints de délicatesse qui demandent l’attention des visiteur·euse·s. La plupart de ces bijoux sont fabriqués à partir d’un alliage d’or, associé au soleil et à l’essence masculine, et de cuivre, en lien avec la lune et l’essence féminine. Contrairement à la vision occidentale, les Autochtones de la Colombie accordent à l’or une valeur davantage spirituelle que monétaire. Cependant, en raison de l’exploitation des ressources naturelles par les colons, les techniques d’orfèvrerie ancestrales se sont peu à peu perdues. L’exposition permet également d’apprécier le travail des Arhuacos dans le domaine de la céramique. À partir de ce matériau, il·elle·s ciselaient un instrument de musique à vent appelé ocarina, dont la forme et le son sont similaires à ceux d’un oiseau. Le système de connaissances ancestrales arhuaco repose sur la loi des origines, une philosophie qui régit les relations entre les êtres humains, la nature et l’univers. Ces principes se concrétisent à travers les rituels de baptême, de mariage, de danses traditionnelles et d’offrandes aux puissances spirituelles. Comme la plupart des œuvres exposées, l’ocarina est utilisé lors de ces cérémonies. La musique, qui imite le son de la nature, est perçue par les Arhuacos comme un élément clé dans le processus de création. Au commencement du monde, la croyance arhuaco veut que la musique ait servi à transformer la pensée en matière. Le son particulier de l’ocarina accompagne d’ailleurs la visite de l’exposition.

« Les commissaires de l’exposition ont travaillé en collaboration avec la communauté des Arhuacos de la Sierra Nevada de Santa Marta (au nord de la Colombie), qui est activement impliquée dans le projet »

Des œuvres qui rappellent l’interdépendance entre notre planète et tous ses hôtes

La conceptualisation par les Européen·ne·s de l’humanité et de la nature en tant qu’entités séparées a constitué un moyen de légitimer leurs pratiques extractivistes, qui conduisent à la destruction de l’environnement. À l’inverse, pour de nombreux peuples autochtones d’Amérique du Sud, l’être humain fait partie d’un ensemble harmonieux qui devrait être respecté et qui ne comprend pas de hiérarchie avec les autres êtres. Les sculptures présentées témoignent de cette fluidité. Elles représentent souvent des personnages hybrides, par exemple un pendentif qui mêle les traits du félin, de la grenouille et du serpent. Conformément à la volonté de la communauté des Arhuacos, les œuvres ont été regroupées dans les salles de manière à respecter le cycle continuel de la nature que constitue la chaîne alimentaire des animaux. Ainsi, par exemple, les insectes et les chauves-souris sont disposés dans une vitrine avec des fruits. L’exposition invite à l’introspection. À la manière des chefs spirituels, les pensadores, qui passent leurs journées assis sur des banquitos (petits bancs) afin de dialoguer avec l’univers, les visiteur·euse·s sont incité·e·s à réfléchir à la relation nécessaire qu’il·elle·s entretiennent avec les arbres, l’air, le vent, le soleil et leurs proches.

L’exposition Pensées et splendeurs de la Colombie autochtone – L’univers au creux des mains est présentée au MBAM jusqu’au 1er octobre 2023.

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Le dialogue par l’objectif https://www.delitfrancais.com/2022/09/21/le-dialogue-par-lobjectif/ Wed, 21 Sep 2022 11:15:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48845 Diane Arbus : quinze ans de photographies en rétrospective.

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Si la photographie documentaire préconise le recul du photographe pour un rendu de l’image plus objectif, Diane Arbus s’inscrit à la fois dans la continuité et en marge de ce principe, puisque l’interaction entre l’artiste et ses sujets occupe une place fondamentale dans son travail. Oscillant entre une distanciation et une complicité à l’égard de ses modèles, les portraits de la photographe américaine peuvent être appréciés à travers l’exposition rétrospective Diane Arbus : Photographies, 1956–1971 au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), qui dénombre près de 100 de ses photographies.

La place de l’artiste

Le regard photographique d’Arbus, caractérisé par son désir d’impartialité – refus du pathétisme, poses d’apparence figées, sobriété dans la composition monochrome –, détonne avec la diversité et la marginalité de ses sujets, qui suscitent des réactions par leur seule présence au sein de l’image. Le projet d’Arbus consiste moins à donner une tonalité expressive à ses images qu’à engager un dialogue avec les inconnu·e·s qu’elle prend pour modèles, afin que la photo porte les traces singulières de ce dialogue. Chaque image paraît chargée d’une histoire sous-jacente, et c’est probablement parce que photographier des inconnu·e·s dans la rue, ou encore à l’endroit même où il·elle·s vivent, nécessite une conscience réciproque entre photographe et modèles d’être engagé·e·s dans un processus de création mutuel. Les modèles d’Arbus sont bien souvent en même temps ses interlocuteur·rice·s, comme c’est le cas avec Homme tatoué à un carnaval, Md., 1970, un portrait où le regard caméra des sujets semble empreint d’une puissante force communicative. Si l’artiste américaine observe qu’il est «impossible de quitter sa peau pour celle de quelqu’un d’autre» (tdlr), son projet artistique tend pourtant à offrir des réponses à cette impossibilité, afin de comprendre ce qui nous individualise et nous différencie les uns des autres.

«Chaque image paraît chargée d’une histoire sous-jacente»

Préserver la maladresse

Toujours selon les mots de l’artiste, l’«image elle-même» importe moins que la valeur représentative de ses sujets. Ces derniers auraient une primauté dans la composition photographique, en ce qu’ils permettent d’attribuer, par leur simple présence, diverses significations à l’image. On peut par exemple déceler dans Femme avec un mannequin sans tête, N.Y.C., 1956 la place que le regard d’autrui occupe sur la perception de soi, sans pour autant rejeter la possibilité d’une mise en scène volontaire de ce détail par Arbus. La photographe américaine envisageait à ce titre la «maladresse» comme une constante dans son travail, ce qui expliquerait pourquoi elle n’aimait pas «arranger les choses» [tdlr]. On peut percevoir dans cette affirmation l’un des principes phares de la photographie documentaire qui consiste à intervenir le moins possible dans la composition pour ne pas la déposséder de son contexte réel de création. Mais l’ambition de Diane Arbus demeure aussi celle d’une artiste qui donne à voir l’existence à travers ses multiples visages: drag-queens, personnes en situation de handicap, riches ou défavorisées, issues de différents milieux ethniques et sociaux sont rassemblées dans une fresque rendant hommage à la condition humaine.

L’exposition Diane Arbus : Photographies, 1956–1971 est présentée au MBAM jusqu’au 29 janvier 2023.

Erratum : Dans la version initiale de cet article, il était écrit que l’œuvre Homme tatoué à un carnaval, Md., 1970 s’intitulait Tattooed Man at a Carnival (1970) et que Femme avec un mannequin sans tête, N.Y.C., 1956 s’intitulait Woman with a Headless Dummy (1956). Or, les titres officiels des œuvres sont Homme tatoué à un carnaval, Md., 1970 et Femme avec un mannequin sans tête, N.Y.C., 1956. De plus, l’œuvre Female impersonator holding long gloves, Hempstead, L.I.1959 a été erronément citée comme une oeuvre présentée dans l’exposition Diane Arbus : Photographies, 1956–1971 présentée au Musée des beaux-arts de Montréal  alors que cette œuvre n’en fait pas partie.

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L’obsolescence du genre humain https://www.delitfrancais.com/2022/08/31/lobsolescence-du-genre-humain/ Wed, 31 Aug 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=48639 Exploration de l’automatisation du travail dans l’exposition Mika Rottenberg.

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Que veut dire être humain au sein d’un monde ultra-productiviste, où chaque individu se voit réduit à sa valeur sur le marché? L’humain peut-il s’affranchir du système capitaliste, de cet univers de sens étroit qu’il a créé et dont il s’est lui-même fait prisonnier? L’exposition visuelle de l’artiste israélo-argentine Mika Rottenberg au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) ne fournit pas directement de réponses à ces questions, mais laisse plutôt le public avec l’impression que quelque chose lui manque, qu’un malaise existentiel s’est généralisé dans la société moderne, caractérisée par le flot incessant d’informations et la production indéfinie de biens manufacturés. Dans sa course aveugle à l’opulence et sa volonté compulsive de satisfaire ses moindres envies consuméristes, l’humain semble, dans l’exposition de Rottenberg, être confiné à un univers de limitations matérielles.

La consommation, moteur de la création

C’est d’ailleurs peut-être ce mot, «compulsion», qui caractérise le mieux la vision des humains dans l’exposition de Rottenberg: les figurant·e·s mis·es en scène apparaissent plus prompt·e·s à réagir qu’à agir, à la manière d’automates qui n’auraient d’autre vocation que l’accomplissement de gestes qui leur sont prescrits. L’entrée en matière de l’exposition, Sneeze (2012), est une projection vidéo où des hommes en veston-cravate sont secoués par des éternuements incontrôlables et expulsent des objets loufoques comme des lapins, des pièces de viande et des ampoules, sorte de vision caricaturale du processus anthropocentrique par lequel l’humain devient une machine à transformer son environnement. Rottenberg écrit à ce titre que «plusieurs couches de nos existences ne peuvent être contrôlées par nos esprits pensants», et qu’«un rire ou un éternuement se rapportent à ces autres parties du corps qui n’ont pas besoin de l’esprit pour leur dire comment agir». Le relâchement naturel du corps qu’est l’éternuement, d’apparence inconvenante au sein d’une exposition artistique, peut être vu comme un véritable élément déclencheur de la création chez Rottenberg. Cette réaction physiologique prend en effet la forme d’un leitmotiv au cours de l’exposition, peut-être parce que symbolique d’une méconnaissance des mécanismes régissant certaines habitudes consuméristes. Ne pas questionner sa façon de consommer, c’est faire fi de la manière avec laquelle les objets sont produits, et ainsi oublier que certains achats se font au prix de l’asservissement de vies humaines à des travaux aliénants.

«Le parcours de l’exposition semble moins envisager le public en tant qu’amateur·rice·s d’arts qu’en tant que consommateur·rice·s peu au fait des angles morts de certaines industries»

Le parcours de l’exposition semble moins envisager le public en tant qu’amateur·rice·s d’arts qu’en tant que consommateur·rice·s peu au fait des angles morts de certaines industries. Lorsque l’auditoire traverse des étalages de sacs remplis de milliers de perles, il peut être amené à prendre conscience de leur processus de fabrication au cours de la projection subséquente, NoNoseKnows (2015), au sein de laquelle une travailleuse ouvre inlassablement des huîtres perlières. Ce passage du monde matériel à des images documentaires filmées en Chine permet alors de créer une connexion entre l’ici et l’ailleurs, mais surtout de mieux envisager le phénomène de la mondialisation à l’échelle de petits accessoires manufacturés.

L’aliénation par le travail

Chez Rottenberg, certaines images sont esthétisantes à souhait, voire hypnotisantes, comme lorsque le public assiste aux activités d’une usine antimatière où des objets en tout genre sont détruits plutôt que produits; certaines autres images perturbent. Cet inconfort est dû à une utilisation hybride du médium cinématographique, qualifiée de «surréalisme social» par sa créatrice, dans la mesure où la composition onirique de certaines scènes se confond avec une pratique documentaire qui tire sa source de la réalité brute du travail. En ce sens, les images tirées d’une usine de perles dans le sud de Shanghai montrent l’instrumentalisation du corps de dizaines de travailleuses et dénoncent l’absurdité d’un tel mode de production, qui place en son centre des corps usinés par le travail à la chaîne. Alors que les femmes travaillent en silence, le son de leurs gestes mécaniques triant les perles semble se confondre avec celui des machines, donnant à voir un emploi exclusif de leurs facultés humaines à des fins productives. La caméra de Rottenberg se déplace ainsi d’une travailleuse à une autre comme s’il s’agissait de dispositifs remplaçables aussitôt désuets, ce que donne à penser la vue d’une jeune fille endormie devant un travail dont elle ne peut pas voir le terme. 

« Le fil conducteur de l’exposition ne tient pas à une intrigue ou à un enchaînement de péripéties, mais plutôt à une somme de gestes insignifiants posés par des figurant·e·s sans histoire »

Le fil conducteur de l’exposition ne tient pas à une intrigue ou à un enchaînement de péripéties, mais plutôt à une somme de gestes insignifiants posés par des figurant·e·s sans histoire. Les acteur·rice·s de cet univers terrifiant et anonyme – qu’on pourrait plutôt qualifier d’actants, tant il·elle·s paraissent subir des actions machinales qui les dépossèdent de leur agentivité, semblent entraîné·e·s dans l’engrenage d’une machine capitaliste qui les empêche d’agir à leur manière sur le monde. Une vendeuse ambulante doit pousser son chariot à travers un no man’s land pour effectuer sa journée de travail à la ville, faute de moyen de transport plus efficace, alors que d’autres sont ensevelies sous des montagnes de jouets et d’objets décoratifs destinés à la commercialisation. Le lien entre ces vies ne se révèle pas spontanément, puisque chacune d’elles n’entretiennent pas des relations réciproques. C’est plutôt la condition partagée par ces femmes qui devient prégnante – condition qui les oblige à se conformer aux exigences d’un travail n’offrant pas d’échappatoire.

C’est en quelque sorte l’improductivité des tâches productives que questionne l’exposition de Mika Rottenberg, si l’on considère que le travail à la chaîne nie l’individualité de ses participant·e·s à des activités aliénantes. Quel prix humain peut-on encore payer pour assurer l’accélération toujours plus forte des moyens de production et la consommation de masse qui en découle? Il semble que la conscientisation individuelle et la responsabilisation collective du public sont des préoccupations essentielles chez la créatrice israélo-argentine, qui s’intéresse en détail à la production des biens matériels, généralement invisibilisée par leur mise en marché.

L’exposition de Mika Rottenberg au Musée d’art contemporain de Montréal prend fin le 10 octobre prochain.

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Riopelle revisité https://www.delitfrancais.com/2021/09/03/riopelle-revisite/ Fri, 03 Sep 2021 19:00:38 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44386 Compte rendu de l'exposition Riopelle : À la rencontre des territoires nordiques et des cultures autochtones.

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L’exposition Riopelle : À la rencontre des territoires nordiques et des cultures autochtones, présentée au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM), renouvelle la manière dont on analyse l’œuvre de Jean-Paul Riopelle. L’angle d’approche de l’exposition se concentre sur l’intérêt porté par l’artiste envers certaines cultures autochtones et les liens qui existent entre ces cultures et son œuvre, ce qui inscrit l’exposition en marge des habituelles analyses formelles de l’œuvre de Riopelle, qui l’associent plus souvent au contexte du Refus global de 1948 et à son apport au concept et à la pratique de l’abstraction. Cet aspect novateur dans l’angle d’approche de l’exposition reflète une ignorance collective flagrante de la part des allochtones à propos de l’histoire et des cultures autochtones. Si l’exposition concerne dans son essence l’œuvre de Riopelle, elle se veut interculturelle; elle accorde une grande importance à de nombreux artefacts et œuvres historiques et contemporaines provenant notamment des nations yupik, kwakwaka’wakw, tlingit et inuit, que l’artiste a brièvement côtoyées dans les années 1970. Le public fait son entrée dans l’exposition et est amené à consulter deux lignes du temps, l’une concernant la vie de Riopelle et la seconde, retraçant les moments clés de l’histoire coloniale suivant l’arrivée des Européen·ne·s, notamment en ce qui concerne la Loi sur les Indiens ainsi que les diverses interdictions et mesures discriminatoires et racistes contre les peuples autochtones qui en ont découlé.  Néanmoins, le regard porté sur les œuvres et le contexte se veut objectif – c’est là, dira-t-on, la mission d’un musée. 

Jean-Paul Riopelle et les cultures autochtones

Né en 1923 et décédé en 2002, Riopelle est l’une des figures les plus importantes de l’art visuel du 20e siècle au Québec et au Canada, notamment pour son apport au concept de l’abstraction et au sein du mouvement des automatistes. C’est là le groupe à l’origine du manifeste Refus global mené par l’artiste Paul-Émile Borduas. Riopelle passe cependant une grande partie de sa vie en France, où il fait la connaissance du collectionneur d’art Georges Duthuit et des surréalistes, notamment André Breton, au contact desquels il développe un intérêt marqué pour les arts des cultures autochtones, puisque ces derniers en possèdent d’imposantes collections. C’est donc, paradoxalement, en grande partie en dehors des communautés autochtones qu’il découvre leur potentiel créateur. Il fait également de nombreux voyages de chasse et de pêche dans les années 1970 dans le nord du Québec et du Canada, lors desquels il passera véritablement du temps dans des communautés. Ces voyages l’ont notamment inspiré pour les séries d’œuvres Jeux de ficelles, Rois de Thulé et Icebergs, que l’on peut toutes voir au sein de l’exposition. L’on y retrouve également nombre de toiles dont les titres reprennent la toponymie autochtone. Notamment, la toile Point de rencontre Quintette, seule commande réalisée par Riopelle, installée au tout début de l’exposition, renvoie à Toronto, mot wendat signifiant presque littéralement « point de rencontre ». 

L’usage de la toponymie donne également à voir l’importance du territoire dans les œuvres de Riopelle et dans ce qu’elles ont emprunté aux cultures autochtones qu’il a côtoyées. Comment saisir un rapport à la nature vivante, demande Guy Sioui Durand, sociologue de l’art et commissaire indépendant, si ce n’est pas par l’abstraction? Les œuvres de Riopelle ne se contentent pas de l’imitation d’un modèle, elles explorent plutôt un rapport autre à l’image, qui s’éloigne de la picturalité et qui se rapproche de l’essentiel. Cependant, les rencontres de l’artiste avec les Premières Nations du Nord et les Inuit n’auront pas été si nombreuses et son intérêt pour ces derniers aura été marqué par le contexte socio-culturel et les dynamiques de pouvoir existant entre autochtones et allochtones. Riopelle a plutôt puisé la majeure partie de son inspiration auprès des collections des surréalistes.

Dans une série de vidéos réalisée pour l’exposition et disponible sur le site Internet du MBAM, Guy Sioui Durand attire l’attention sur les objets et artefacts autochtones placés derrière des écrans de verre – c’est là une pratique courante de protéger ainsi les objets dans les musées occidentaux. La présence de masques de cérémonie met notamment en lumière le fait que ces objets sont en dehors du lieu et loin des personnes qui ont permis de leur donner une raison d’être, de les rendre vivants. Derrière le verre, nous dit Sioui Durand, ces objets sont comme morts; ce sont des objets sans leurs esprits. La vision occidentale de la muséologie demande à conserver les artefacts à l’abri, à les protéger des aléas du temps, à les rendre accessibles à une consultation soumise à un encadrement strict. Ce sont là des conventions qui sont rarement compatibles avec les arts autochtones, ceux-ci venant de pair avec une vision du monde complètement différente de la vision occidentale. En appréciant une œuvre autochtone selon des critères que l’on associe aux arts occidentaux, soit selon une analyse formelle, l’on risque de passer à côté de certains éléments riches de sens qui sont indissociables des paradigmes autochtones, des cultures et des visions dans lesquelles l’œuvre est enracinée. La représentation des artefacts dans des musées comme le Musée des Beaux-Arts de Montréal est une représentation ex situ, c’est-à-dire qu’elle les sort de leur contexte et de la communauté qui les a créés. À cela s’oppose la représentation in situ, qui laisse les objets dans leurs communautés, avec les personnes possédant le savoir et l’expertise pour les conserver, les personnes qui en sont les justes possesseurs. Sortir les œuvres autochtones de leurs contextes respectifs peut également les rendre moins accessibles aux communautés qui en sont à l’origine.

La muséologie occidentale et les cultures autochtones

La muséologie occidentale est insuffisante en ce qui concerne la conservation et l’exposition des arts autochtones, d’abord et avant tout en raison des différents paradigmes, ensuite en raison de la participation active des institutions muséales occidentales aux projets coloniaux (pillage de sites patrimoniaux, vol d’artefacts de toutes sortes). Quelles sont les limites d’exposer des arts autochtones dans de telles institutions? En parallèle, quelles sont les limites de l’analyse des œuvres autochtones à l’aide d’outils propres à ces systèmes? Ceux-ci n’en permettent pas nécessairement l’analyse, tout comme la méthodologie et la terminologie du monde des arts occidentaux ne s’y appliquent pas. Dans de nombreuses nations autochtones, les œuvres d’arts ne peuvent pas être séparées de leur contexte culturel et le concept de l’œuvre qui n’est conçue que pour le regard est étranger. Une remise en question, donc, doit venir avec le fait d’apprécier un masque exposé derrière une vitre. Comment l’apprécier à sa juste valeur? Comment en saisir toutes les dimensions? Il y a ironie dans le fait de devoir, après une décontextualisation, ajouter des vidéos explicatives pour recontextualiser les œuvres.

Au cours des années 1960, l’on voit se concrétiser de nombreux mouvements, au sein des communautés autochtones du Québec, visant à leur permettre de gérer elles-mêmes la conservation des œuvres et des cultures ; sont mis sur pied des espaces qui y sont consacrés et qui honorent les besoins uniques de ces communautés. Si l’exposition a permis la découverte d’un artiste majeur sous un autre angle, elle ouvre également le grand public aux arts autochtones, bien que mis sous la loupe du nom de Riopelle. Elle amène également à réfléchir à la conservation muséale en opposition avec la conservation in situ. Faut-il prioriser la démocratisation de la connaissance par la diffusion muséale ou favoriser la préservation des savoirs au sein des communautés autochtones, même si cela pourrait potentiellement rendre ces artefacts et objets moins accessibles à la population générale? Cette exposition ouvre, en marge du thème et des œuvres principales, l’esprit du public allochtone à cette réflexion. Il est temps que celle-ci ne soit plus présentée de façon secondaire, périphérique, mais bien qu’elle soit au cœur de l’effort des institutions muséales.

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Calendrier culturel de l’été 2021 https://www.delitfrancais.com/2021/07/16/calendrier-culturel-de-lete-2021/ Fri, 16 Jul 2021 21:38:20 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44046 Une sélection de quelques-uns des événements culturels qui animeront Montréal cet été.

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Arts vivants : Présence Autochtone et Arts de ruelle.

Littérature : Jamais Lu et Dehors est un poème.

Arts visuels : MURAL et Un fleuve coupe la roche.

Cinéma : Projections au LIVART et Cinéma sous les étoiles.

Musique : Cycle Musique ! et Les Shows en Orbite.

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Lire la ville, marcher la poésie https://www.delitfrancais.com/2021/01/26/lire-la-ville-marcher-la-poesie/ Tue, 26 Jan 2021 13:51:09 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=40929 Photoreportage poétique sur l'art de rue montréalais.

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L’art ne se limite pas aux murs des musées et des galeries. Il foisonne également dans les ruelles, les toits et autres endroits visibles ou secrets de la ville. Depuis une cinquantaine d’années, Montréal est devenue un musée vivant de couleurs, de murales et de sculptures. Si l’art de rue et les graffitis étaient plutôt stigmatisés et réservés au coin des ruelles isolées, ils sont de plus en plus reconnus aujourd’hui comme une nouvelle forme d’art à part entière. Au centre-ville, chaque intersection ressemble à un monde entièrement nouveau, où locaux, locales, visiteurs et visiteuses peuvent apprécier l’art urbain entre leurs occupations quotidiennes sans trop d’efforts.

L’essor de l’art de rue relève en grande partie des subventions de la Ville de Montréal et du gouvernement québécois. Chaque année, suite aux appels de projets, des contributions financières sont octroyées à des artistes locaux ou internationaux pour la réalisation de murales ou pour l’installation de sculptures publiques. D’ailleurs, depuis 1961, le gouvernement du Québec exige que les projets de bâtiments publics consacrent 1% de leur budget à des initiatives artistiques. Ces installations se retrouvent ainsi éparpillées dans toute la ville. Le boulevard Saint-Laurent reste néanmoins l’endroit le plus réputé pour ses gigantesques murales et vibrantes couleurs.

Vincent Morreale | Le Délit

L’asymétrie des peaux

Enfants nous allions dans la même direction
Le même visage en Rorschach de brique
Je suis le genre de personne qui perd sa légèreté en courant
Le genre de personne qui compte
Tes morceaux d’armure perdus au vent
Qui constate la pesanteur héréditaire d’une robe

Je suis le genre de personne
Qui te laisse une longueur d’avance
Dans une course figée sur la matière des murs
Dans la lourdeur du temps des pas
La fragilité du balcon de notre enfance

Sache que la vitesse est une notion
Que mes pieds ne comprennent pas
Et que les fenêtres sont perdues
Lorsqu’elles miroitent ta peau

Enfants nous allions dans la même direction
Mais posséder le ciel
Ne permet pas la symétrie

-François Céré

François Céré | Le Délit

La chambre

Accroupis
Entre les lèvres blanches de nos bois
Et l’infrarouge des squelettes de promenades

Je suis la routine des lits trop étroits
Le battement des pieds sur le métal chaud
En langue de balcon

Il faudrait savoir
Si le pouce frétillant au creux de ma main
Résistera au poids de la neige

Il faudrait savoir
Si le secret du café
Des flèches qui transpercent les maisons les chiens
Se trouve dans l’équivalence des pas

-François Céré

Vincent Morreale | Le Délit
François Céré | Le Délit
François Céré | Le Délit

Se réapproprier la rue

Si l’art de rue vise à l’embellissement des lieux, à la prévention des graffitis et à l’enrichissement du patrimoine artistique, il contribue également à une démocratisation de l’art visuel et performatif. Celui-ci n’est plus réservé aux détenteurs de billets ou aux critiques: au contraire, des œuvres esthétiques ou engagées parsèment la ville pour qui veut bien les regarder. En ce sens, l’art urbain favorise une accessibilité plus équitable de l’art, et célèbre une diversité de styles et de sensations. Il mobilise également des artistes issu·e·s de communautés parfois marginalisées qui prennent part à l’amélioration du milieu de vie de ces communautés, ce qui permet à la population de mieux façonner leur quartier à leur guise et de cultiver un sentiment d’appartenance envers celui-ci. Certain·e·s artistes, provenant de communautés racisées ou autochtones, par exemple, peuvent faire rayonner leur culture et leur art dans l’espace urbain.

«Ces projets de murales visent à favoriser l’accessibilité à la culture et à susciter l’engagement culturel et citoyen. Ils cherchent à positionner la culture comme vecteur de liens sociaux et contribuent ainsi au développement des communautés locales, notamment à la construction identitaire et au développement»

Ville de Montréal

Vincent Morreale | Le Délit

En favorisant une émancipation des voix artistiques minoritaires, l’art de rue permet également à ces mêmes voix une certaine pérennité dans l’espace urbain et dans la mémoire collective. Il rend possible l’augmentation artistique du paysage urbain, mais il augmente aussi, par les phénomènes esthétiques qu’il porte à nos yeux, notre propre rapport à l’art. Il n’est pas rare que l’art mural se greffe à notre routine et à nos souvenirs. Pour un poète, la phénoménologie artistique que propose l’art de rue peut jouer un rôle primordial dans son processus d’inspiration, en ce sens que le poète écrit en fonction d’expériences et de phénomènes sensoriels vécus. La déambulation dans les rues augmentées par l’art foisonnant permet d’activer cette inspiration en «forçant» ces expériences esthétiques et ces phénomènes sensoriels sur notre conscience.

François Céré | Le Délit

L’inspiration activée par la rue

Tout ce qui constitue l’inspiration créatrice – occasionnée par la recherche active des phénomènes qui agissent sur nous et déclenchent des stimulus, des chaînes de liens causaux ou encore une réactualisation de notre mémoire sensorielle et émotive – pourrait être considéré comme des mécanismes actifs d’inspirations phénoménologiques. La déambulation poétique permet ces mécanismes, car le fait de se déplacer activement dans le monde permet ce rapport aux expériences phénoménologiques nouvelles ou, du moins, leur possibilité. C’est cette combinaison entre la conscience et ce qui lui est extérieur, mais qui agit sur elle, qui me semble particulièrement féconde lorsque l’on parle de création poétique en lien avec un espace urbain augmenté. La déambulation agirait comme un anti-immobilisme en regard de l’inspiration standard.

Lorsque l’on traite de création, l’on parle souvent d’un primat accordé à l’activité dite intellectuelle; c’est-à-dire l’homme seul avec sa conscience. Cependant, quand l’on analyse ce qui permet la création, l’on observe que c’est bien souvent les connaissances acquises par le biais de nos sens qui forment cette activité intellectuelle et, plus particulièrement, le sens de la vision. C’est le principe même de l’imagination qui dépend, à sa source, de cette aptitude sensorielle. La déambulation dans l’espace, où l’art de rue foisonne et nous bombarde de ses phénomènes visuels, semble être un excellent moyen pour une population de retrouver une part d’inspiration et de se réapproprier le sublime.

Ève-Marie Marceau | Le Délit

insularité des gratte-ciels
les passants oublient qu’il y a
un fleuve dans leurs veines

je pars à ta recherche
vêtue d’asphalte avec les autres
offertes sous les roues les corps
où l’hiver ne demande qu’à mourir

j’étale mon sang sur la brique
le trop-plein de ciel que tu léchais
sur ma peau faute d’horizon

la ville m’embrasse
je rêve son érosion
les côtes infirmes en incendie

et si je brûle
tu viendras me noyer

-Florence Lavoie

Ève-Marie Marceau | Le Délit

la nuit je fume avec des inconnus
je m’offre aux ruelles
rejoins les chairs endormies

j’oublie les fenêtres trop petites
montréal qui hurle

mes offrandes infertiles
je remplace la verdure
avec du béton armé

coincé entre deux briques
en filigrane d’un poumon

pour que tu me regardes je
peins une murale

avec les couleurs de mes poignets

je me vide
pour te voir arriver trop tard

-Florence Lavoie

François Céré | Le Délit

Montréal participe chaque année à deux festivals dédiés à l’art de rue. Le premier est Under Pressure, un festival annuel de graffitis. Le second est le Festival Mural, l’un des plus grands festivals d’art de rue au monde. Plusieurs ressources numériques visant la promotion de l’art urbain montréalais sont à votre disposition. Cliquez ici pour explorer Montréal et ses murales grâce à des parcours personnalisés ou commentés.

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Enseigner des airs et des savoirs https://www.delitfrancais.com/2021/01/19/enseigner-des-airs-et-des-savoirs/ Tue, 19 Jan 2021 13:54:09 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=40632 Dès sa réouverture, le MAC de Montréal présentera 34 artistes et collectifs locaux.

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Le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), présentement fermé en raison des normes sanitaires en vigueur, présentera à sa réouverture La machine qui enseignait des airs aux oiseaux, une exposition composée d’une centaine d’œuvres produites par 34 artistes et collectifs locaux. L’exposition regroupe des œuvres thématiquement liées autour de la matérialité, de l’interrelation sujets-objets-espaces, de la mécanisation et de la passation de savoirs. L’exposition sera présentée jusqu’en avril 2021.

Échanges de savoirs

Le titre de l’exposition s’inspire de la définition de la serinette, un instrument qui imite des chants d’oiseaux. Ce titre évoque les multiples thèmes explorés par l’exposition puisqu’il rappelle la mécanisation et la rapide démocratisation de la serinette, qui a passé des milieux aristocratiques à la musique de rue. Le parcours social de l’instrument représente ainsi un échange de savoirs qui ne passe pas par le médium conventionnel de l’écriture.

Ce sont précisément les formes dites «alternatives» de passation de savoirs que les commissaires Mark Lanctôt et François LeTourneux cherchent à promouvoir à travers l’exposition. La machine qui enseignait des airs aux oiseaux comporte notamment une œuvre de Rosika Desnoyers qui explore la broderie en tant que médium d’échange de savoirs et une œuvre d’Anne Low qui examine le textile sous le même angle.

La machine qui enseignait des airs aux oiseaux n’oublie pas non plus les œuvres manuscrites puisqu’un catalogue illustré regroupant les écrits de plus d’une quinzaine d’écrivain·e·s accompagne également l’exposition.  

Isuma et Scott Benesiinaabandan au premier plan

Le long-métrage Une journée dans la vie de Noah Piugattuk, réalisé par le collectif d’artistes inuits Isuma, et l’installation sonore Animikiikaa 10/97, réalisée par Scott Benesiinaabandan, sont les deux œuvres centrales de l’exposition.

Isuma Distribution International | Le Délit

Fondé en 1990 à Igloolik, au Nunavut, Isuma est un collectif d’artistes et une société de production indépendante. Le collectif produit des projets cinématographiques en inuktitut visant à promouvoir l’histoire inuite racontée par ceux et celles qui la vivent. Une journée dans la vie de Noah Piugattuk a été réalisé en 2019 et raconte la rencontre entre Noah Piugattuk, un aîné d’une communauté inuite et Boss, un employé du gouvernement canadien au début des années 1960. Boss cherche à convaincre la communauté inuite d’abandonner son mode de vie nomade, mais Noah refuse d’abdiquer. Leur conversation est médiée par un traducteur inuit qui se retrouve ainsi déchiré entre son devoir d’employé et son respect pour Noah et sa communauté. Le long-métrage a reçu le prix du meilleur film canadien au Festival international du film de Vancouver en 2019.

Guy L’heureux | Le Délit

Parallèlement, l’artiste anishinabe Obishikokaang Scott Benesiinaabandan vise à sensibiliser le grand public à la rareté et à la méconnaissance de la langue ojibwée avec l’installation sonore immersive Animikiikaa 10/97. Benesiinaabandan invite le public à entrer dans une installation sombrement éclairée où la voix de Theresa Eischen-Chartrand, récitant un texte en langue ojibwée, est projetée. Le texte récité provient d’une entrevue en langue ojibwée réalisée avec Mary Syrette en 1910 et est accompagné de quelques modifications ajoutées par Benesiinaabandan. Cependant, aucune traduction du texte récité n’accompagne l’installation sonore afin de rendre hommage à la singularité de la langue ojibwée.

En attendant la réouverture du Musée d’art contemporain de Montréal, une page de présentation accompagnée d’une vidéo d’introduction permet au public de découvrir certaines œuvres qui composent La machine qui enseignait des airs aux oiseaux en plus d’avoir accès à la liste des artistes et collectifs impliqués. Le catalogue d’exposition peut également être acheté dès maintenant.

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Calendrier culturel https://www.delitfrancais.com/2021/01/12/calendrier-culturel-8/ Tue, 12 Jan 2021 14:06:47 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=40302 Quelques événements culturels auxquels vous pouvez assister dans le confort de votre salon.

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La section Culture vous propose ces cinq événements artistiques et vous invite à encourager la culture dans cette période difficile. Les événements seront disponibles entre janvier et mars sur vos plateformes numériques préférées.

Danse : Tangente.
Musique: Igloofest.
Théâtre: La Licorne.
Documentaire: Tënk.
Exposition: Musée McCord.

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La tête dans les nuages https://www.delitfrancais.com/2021/01/12/la-tete-dans-les-nuages/ Tue, 12 Jan 2021 14:05:20 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=40265 Ligne de fuite.

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Je décide de me poser un instant pour contempler le ciel. Là, sur un coin d’azur entre deux nuages, fleurissent des ébauches volatiles. Une nuée de papillons échappée d’un songe bouscule les vapeurs célestes pour dessiner les contours délicats d’une nébuleuse à rêves. Dans la douceur d’un imaginaire empreint d’innocence, illusions ambrées et cauchemars violacés sur éclats d’améthyste s’épanouissent dans l’écume veloutée des cieux. Les multiples facettes de ma songerie délicieuse se développent avec légèreté lorsque des milliers de battements d’ailes répandent les fantaisies d’une inspiration momentanée. Revenue de mon échappée délirante, je m’aperçois que j’avais, une fois de plus, la tête dans les nuages. 

La toile est disponible dans la galerie Au Cadre du Village.

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Enki le renard, gardien de la culture https://www.delitfrancais.com/2020/11/10/enki-le-renard-gardien-de-la-culture/ Tue, 10 Nov 2020 13:53:34 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=39201 Une galerie numérique qui redonne le moral aux plus petits.

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Le jeu vidéo éducatif Enki et la Galerie des mystères est destiné aux enfants de 6 à 8 ans. En les plongeant dans une expérience numérique immersive, le jeu leur apprend diverses leçons en lien avec la culture. Le joueur fait la connaissance d’Enki, un petit renard fantôme qui s’autoproclame esprit-gardien d’une galerie d’art mystérieuse.

Enki est le fruit du travail de l’entreprise MOMENTA, Biennale de l’image, un studio spécialisé dans les expériences interactives. Il fait suite à La Galerie des mystères (2018), un jeu vidéo qui s’adressait, à l’époque, aux enfants de 9 à 12 ans. Le premier jeu avait rejoint 13 000 personnes depuis sa mise en ligne et avait facilité la transmission, chez les jeunes enfants, du concept de l’importance de la culture dans la vie de tout un chacun.

Le jeu permet non seulement de voir les œuvres d’art sur les murs virtuels de la galerie, mais demande également à l’enfant un exercice d’interprétation de l’œuvre

Le jeu interactif virtuel permet de recréer le contexte d’une visite en galerie d’art. L’enfant est poussé, à distance et par le biais d’une charmante trame narrative, à collaborer avec le personnage attachant d’Enki.

L’enfant est guidé à travers une galerie d’art où de nombreuses œuvres d’artistes québécois sont exposées. Le jeu permet non seulement de voir les œuvres d’art sur les murs virtuels de la galerie, mais demande également à l’enfant un exercice d’interprétation de l’œuvre. Cette collaboration rend le processus plus amusant pour l’enfant tout en l’initiant à l’analyse d’images, à la lecture et en affutant son sens de l’observation. Le jeu permet aussi de stimuler l’imagination de l’enfant en le faisant participer à une création numérique.

Il agit comme un contrepouvoir à une situation trouble

Outre ces objectifs pédagogiques, le jeu offre une alternative efficace aux parents et aux écoles qui, en raison de la pandémie actuelle, ne peuvent plus visiter de galeries d’art et de musées. Offert gratuitement en français et en anglais, le jeu constitue donc une magnifique activité d’appréciation d’œuvres d’art en contexte familial ou scolaire pour les enfants. Il agit comme un contrepouvoir à une situation trouble.

Pour jouer au jeu ou encore le recommander à quelqu’un, voici les liens vers les versions française et anglaise.

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La parole qui reste https://www.delitfrancais.com/2020/09/29/la-parole-qui-reste/ Tue, 29 Sep 2020 13:08:46 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=37575 Le Festival international de la littérature nous offre le vidéo poème « Si je reste ».

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Elle est nombreuse et plurielle, cette littérature d’ici et d’ailleurs. Pour la rendre grandiose, allumée et vivante, le Festival international de la littérature (FIL) réitère son mandat pour une 26e édition ; celui d’offrir à nos intérêts littéraires des espaces variés pour s’exprimer. Véritable « bibliothèque vivante », le FIL offre cette année aux festivalières et festivaliers une programmation tout à fait audacieuse, à la fois en salles, à l’extérieur et en ligne.

Pour l’instant, voici un retour sur l’un des événements marquants de cette grande fête des mots, la projection du vidéo poème Si je reste de Queen Ka.


Guillaume Briand

Le mercredi 23 septembre, à ma sortie du cabaret Lion d’Or, une femme me demande si je peux la diriger vers le métro le plus proche. Elle me demande si j’ai apprécié le vidéo poème que je viens de voir. Il s’agit d’une représentation du film Si je reste de l’artiste Elkahna Talbi alias « Queen Ka ». En marchant vers le métro avec la dame, je m’aperçois qu’elle est la tante de l’artiste. La fierté dans son regard lorsqu’elle me parle du travail de sa nièce est palpable et ce, malgré le court trajet que je parcours avec elle.

En effet, il y a de quoi être particulièrement fière : peu d’artistes sont en mesure de juxtaposer la musicalité de la langue et la puissance visuelle avec autant de verve que l’artiste Queen Ka dans Si je reste. On ressort de cette expérience avec la double impression d’avoir à la fois assisté à une exposition d’art visuel et d’avoir achevé la lecture d’un recueil poétique ; toutes deux construites avec justesse et panache. C’est d’ailleurs tout l’art qui se cache derrière le concept du vidéo poème ; arriver à rendre plus vivant, à l’aide d’attraits visuels ou musicaux, la poésie qui se résumerait autrement à des mots couchés sur papier.

Si je reste est une œuvre qui opère en triptyque : elle se déploie dans un univers où le passé, le présent et le futur semblent se répondre et répondre à la poétesse. L’œuvre donne à voir les erreurs du passé dans la première partie, la rêverie du présent dans la deuxième et l’espoir d’un avenir meilleur dans le segment final.

Chute

Dès les premiers instants, l’œuvre nous transporte dans un univers visuel minimaliste imaginé par Guillaume Vallée. Le visuel en vient à se fusionner aux propos de manière habile ; le public peut notamment voir une sorte de parasitage constant à l’écran qui semble former une empreinte gigantesque. Ceci incarnerait possiblement la tendance de l’Humanité à faire mourir ou à parasiter tout ce qu’elle touche. L’œuvre tente probablement de véhiculer que l’égo monstrueux de l’humain voulant laisser sa trace sur le monde est en train de causer sa chute. Or, ce parasitage, c’est peut-être aussi notre inaptitude à communiquer pour trouver des solutions. Une sorte de statu quo cauchemardesque parasitant la suite du monde. Les mots de la poétesse semblent également abonder en ce sens.

Rêve

D’ailleurs, dans la partie intitulée Le rêve, tout juste après celle qui est intitulée, justement, La chute, on assiste à une énumération de plusieurs espèces animales désormais éteintes. Il s’agit d’une longue liste qui nous pousse à une réflexion sur la responsabilité d’action et qui nous donne à voir toutes les espèces animales qui sont, en quelque sorte, piétinées sous nos empreintes. Les images de cette partie, créées par Yonkers Vidal, donnent à voir de sublimes agencements de couleur qui agissent dans l’espace de façon chaotique et qui pourraient s’apparenter à des réactions chimiques ou encore à des éruptions solaires.


Réenchantement

« Il s’agit d’un véritable appel époumoné de l’artiste qui tend vers un amour du collectif et un délaissement de l’individualisme »


Le message de l’artiste ne s’arrête pourtant pas à la prise de conscience et de responsabilité passive : la responsabilité se trouve aussi dans les actions face à ce constat d’échec. Sartre écrivait dans L’existentialisme est un humanisme : « Et, quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes. Quand nous disons que l’homme se choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes. » La partie finale de l’œuvre est axée sur le réenchantement. Il s’agit d’un véritable appel époumoné de l’artiste qui tend vers un amour du collectif et un délaissement de l’individualisme. Elle tente de raviver la flamme de l’humanité, car, selon ses mots, « nous avons oublié comment construire un feu ».

En ce qui concerne la trame sonore qui accompagne le tout, elle se marie bien aux différentes parties tout en restant très minimaliste. C’est une sorte de transe qui guide vers le propos plutôt que de nous y engager de force.

En ce sens, Si je reste est l’un des vidéo poèmes les plus aboutis qu’il m’ait été donné de voir. Le Festival international de la littérature débute sa première semaine avec une œuvre pluridisciplinaire des plus réussies. S’il est vrai qu’il faut que nous restions, que nous agissions dans le monde, il est aussi vrai que les paroles de Queen Ka restent avec nous. Longtemps après les avoir entendues.

D’ailleurs, il est possible, et ce, jusqu’au 4 octobre, de visionner sur la plateforme numérique du FIL quatre extraits de romans québécois, lus par des comédiennes talentueuses. Cet événement numérique intitulé Les inoubliés du printemps se veut un diachylon culturel pour faire front à la pandémie. Nous vous encourageons donc à visionner ces extraits sur le site du FIL. Les voix de ces comédiennes resterons avec vous de la même façon.

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Entre communication et réalité https://www.delitfrancais.com/2020/09/08/entre-communication-et-realite/ Tue, 08 Sep 2020 13:20:40 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=36739 Critique de l'exposition Superposition de Ryoji Ikeda.

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Le Musée d’art contemporain de Montréal offrait une dernière chance d’apprécier l’œuvre Superposition de Ryoji Ikeda et c’est avec beaucoup d’attentes que j’ai assisté à ce spectacle éclectique. J’avais entendu parler de cet artiste et des techniques modernes qu’il utilisait, telles que la modélisation mathématique et certains principes de mécanique quantique. Or, j’ai pu observer beaucoup plus que cela. Par son utilisation minimaliste de la musique électronique ainsi que par son art visuel hypnotisant, l’œuvre offre une expérience hybride : celle d’une musique performative et d’une exposition d’art numérique chaotique. L’auditeur se retrouve ainsi dans les tranchées profondes de l’univers abstrait d’Ikeda dès les premiers instants de la performance. L’expérience est subjective, et les interprétations, multiples. J’aborderai comment, à mon avis, l’œuvre d’Ikeda soulève des enjeux cruciaux comme ceux de l’incommunicabilité, de la vérité, du contrôle de l’information et de l’importance des nuances par le biais d’une réflexion artistique sur la légitimité du progrès ou son existence même.

Bombardement

L’artiste nous transporte, par des jeux de répétitions sonores ou encore des séquences visuelles chaotiques superposées l’une contre l’autre, dans un récit sonore et visuel d’incommunicabilité. Le spectateur se retrouve assailli par les sons que produisent un homme et une femme avec l’aide d’une machine étrange. L’homme et la femme sont assis à l’extrémité d’une longue table et communiquent entre eux par le biais de ces modules mécaniques. Ils utilisent les machines comme des instruments de musique et celles-ci font apparaître du texte à l’écran. Les sons que dégagent les modules font tantôt penser à du code morse numérisé, tantôt à une dactylo. Ses effets sonores constants semblent véhiculer un sentiment d’inconfort en lien avec la modernité. Cette dualité nous donne ainsi à voir une réflexion sur les progrès des outils communicationnels modernes et peut-être même une critique de leur légitimité. Car, outre ce sentiment d’inconfort que la répétitivité stridente apporte, il y a également le message même présenté à l’écran : celui-ci, tantôt émis par l’homme, tantôt par la femme, se contredit. Lorsque l’homme touche la machine et qu’elle transmet le message à l’écran, il est parfois différent du message de la femme en termes de sens.

Ces séquences performatives tentent peut-être de communiquer le malaise de la surabondance de stimuli communicationnels de notre siècle et notre incapacité à nous comprendre mutuellement. Il est également possible que l’œuvre nous donne à voir la grandissante possibilité d’erreurs communicationnelles en ce qui a trait à l’information, et les possibles dangers des subjectivités plurielles. Le spectateur peut lire à plusieurs reprises sur l’écran des messages tels que : « l’information n’est pas la connaissance. » À ce moment de l’exposition-performance, un spectateur réflexif se demanderait : la manipulation de l’information peut-elle se faire de façon neutre et objective ; ou est-ce que l’intention originelle se teint malgré elle d’une interprétation subjective?

Le bombardement successif de stimulus auditif dans la première partie de l’exposition est transposé, plus tard, en pilonnage visuel. Ce visionnement d’images successives extrêmement rapides et dédoublées sur l’écran s’apparente à des messages subliminaux propagandistes et suggère le thème d’information médiatique de masse. Ces concepts, reposant sur l’information rapidement absorbée et digérée, sont très présents dans la société postmoderne et sont en partie responsables de la désinformation et du doute omniprésent qui règnent lorsque vient le temps d’analyser l’information. Or, Superposition évoquerait une image assez pessimiste d’une société avalée par sa propre sémiologie.

Contrôle

Ensuite, l’exposition nous donne à voir un partage d’écran entre ce que l’homme et la femme font respectivement. Sur les deux écrans, le couple place une feuille quadrillée transparente caviardée sur des mots et des phrases ; comme pour superposer leur censure au discours de manière à ce que l’on puisse voir seulement ce qu’ils nous laissent voir. Le spectateur constate alors que la femme et l’homme continuent eux-mêmes la censure du document et de l’information qui s’en dégage, en noircissant d’autres lettres. Dans cette séquence qui suggère la tendance de l’humanité à manipuler le discours et à le censurer à sa guise, ce qui est intéressant à noter est que cette pratique vient, de manière incontournable, abolir la vérité du discours en le rendant incohérent.

Une autre superposition, cette fois réalisée en juxtaposant des articles de journaux à l’écran, donne à voir au spectateur un certain contraste temporel entre des images publicitaires d’une autre époque et d’autres publicités plus contemporaines. Les spectateurs constatent alors que malgré le changement d’époque et le perfectionnement des outils, l’intention reste la même : manipuler l’information visuelle et faire en sorte que celle-ci s’insinue en nous subtilement. L’information est-elle neutre si elle est manipulée et accompagnée d’images véhiculant une idéologie ou des valeurs subjectives telles que le capitalisme ou l’hypersexualisation qui servent un pouvoir en place? Ce sont ce genre de réflexions qui m’ont traversé l’esprit lorsque je visionnais l’exposition d’Ikeda.

Kazuo Fukunaga

Du reste, la séquence où l’artiste met en contraste les discours religieux et scientifiques produits simultanément par les modules sonores étranges de l’homme et de la femme est particulièrement porteuse de sens. Les deux personnes touchent simultanément leur module et les sons émis sont transfigurés à l’écran sous forme de phrases. Les deux discours semblent se répondre mutuellement sans jamais trouver la réponse et la vérité qu’ils cherchent ou tentent d’expliquer. De plus, les tournures syntaxiques qui apparaissent à l’écran et qui sont produites par les machines du couple sont sensiblement les mêmes ; il m’a semblé que c’était une manière de dire que les deux idéologies manipulaient le langage à leur avantage afin de prouver qu’eux seuls étaient respectivement détenteurs de la vérité.

Ce genre d’exposition me fascine, car elle vient, selon mon interprétation, offrir un contrepouvoir à la fois esthétique et conceptuel à une société qui en a bien besoin. Les enjeux de manipulations communicationnelles de la vérité sont au cœur de la politique contemporaine et du discours social. Tandis que les sophistes pullulent, la laïcité de l’information tend vers l’hypocrisie. C’est une chose que de donner et partager son interprétation d’une réalité, mais c’est une autre que de la considérer comme unique et vraie sous un déguisement de neutralité. Superposition de Ryoji Ikeda m’a inspiré cette interprétation. Vous pouvez avoir la vôtre. Mais ne tombez pas dans le piège en croyant à une vérité objective. Il n’y en a pas en art. Et de moins en moins ailleurs.

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Le Message d’Arthur Jafa https://www.delitfrancais.com/2020/02/25/le-message-darthur-jafa/ Tue, 25 Feb 2020 15:19:09 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=35860 L’artiste est présenté au MAC dans le cadre du Mois de l’Histoire des Noir·e·s.

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«This is a God dream, This is everything… ». Avant même d’entrer dans la salle de Love is the Message, the Message is Death (« L’amour est le message, le message est la mort »), je pouvais entendre la musique qui y était diffusée. C’était Ultralight Beam (« faisceau lumineux »), morceau du rappeur Kanye West qui transmet un message d’amour et de confiance grâce à la foi. Et pourtant, on rencontre tout le contraire en entrant dans la salle, à savoir la violence déchirante subie par les personnes noires aux États-Unis. Parce que le gospel enivrant de Kanye West contraste avec les images, tout de suite, l’auditoire retient son souffle.

Montrer pour sensibiliser

La projection vidéo proposée par Arthur Jafa agrège une succession d’images recueillies sur des plateformes de vidéos en ligne. Tantôt ces vidéos célèbrent les réussites de personnes noires et de la culture afro-américaine, tantôt elles dénoncent les bavures policières dont sont victimes les personnes racisées, les ségrégations sociales auxquelles elles doivent faire face et l’exclusion politique qu’elles subissent. Arthur Jafa souhaitait se servir de vidéos de témoins, trouvables en ligne et filmées au téléphone portable, avant qu’elles ne tombent dans l’oubli. Il voulait, surtout, que cette violence imprègne son art afin qu’elle soit enfin prise au sérieux dans le discours politique. 

Arthur Jafa montre l’abysse existant entre l’égalité formelle et l’égalité réelle. Bien qu’il soit né en 1960 dans un état ségrégationniste (le Mississippi), son enfance est marquée par les succès du mouvement des droits civiques. Cependant, ces réussites légales n’ont pas marqué la fin des  discriminations sociales, ce qui révèle un racisme systémique aux États-Unis. Sa vidéo The White Album (« L’album blanc ») interroge par exemple les rapports entre le racisme et la blanchité, c’est-à-dire l’hégémonie des personnes blanches dans les domaines politiques, sociaux et culturels. Jafa combat cette idéologie suprémaciste dans ses œuvres, en la documentant et en l’opposant à son antonyme, à la résilience afro-américaine.

Créer pour changer

En définitive, Arthur Jafa se veut à la fois « in and out », « dedans et dehors ». Dehors, pour prendre du recul par rapport à cette situation intolérable et en distinguer les ressorts. Dedans, pour pouvoir subvertir la situation de l’intérieur. En s’engageant, en déconstruisant, en informant, en répandant ses idéaux. Par son titre contradictoire, la projection révèle la tension qui lui est inhérente. L’artiste explique que « la musique affirme ce que les images se demandent ». Tandis que les images reflètent un monde perdu dans la brutalité, la musique a, quant à elle, trouvé un sens à travers l’amour et la foi.

C’est ce que résume Jafa en déclarant vouloir « amener le cinéma à répondre aux dimensions existentielle, politique et spirituelle de qui nous sommes comme peuple ». La création artistique est donc pour lui un outil de questionnements, mais également un espace fournissant des réponses, notamment aux discriminations raciales. Il souhaite « réaliser un cinéma noir qui ait la puissance, la beauté et le détachement de la musique noire ». En mettant la culture et l’histoire noire à l’honneur, le message d’Arthur Jafa subvertit la mort et exalte l’amour.

 

Love is the Message, the Message is Death est présenté au Musée d’Art Contemporain de Montréal jusqu’au 1er mars 2020.

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