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Un lieu pour rassembler et célébrer

Le Centre des mémoires montréalaises : entre histoire et avenir.

Dominika Grand'Maison | Le Délit

C’est au cœur du Quartier des Spectacles, au 1210 boulevard Saint-Laurent, à l’intersection avec la rue Sainte-Catherine, qu’a été inauguré le 28 septembre le nouveau Centre des mémoires montréalaises (MEM). Ce musée a ouvert ses portes le 6 octobre, remplaçant l’ancien Centre d’histoire de Montréal, qui existait depuis 1983. À l’ambition plus large, le MEM vise, non plus seulement à raconter l’histoire de la ville de Montréal, mais à collecter les histoires multiples des Montréalais·es. Son nom correspond à la contraction des mots Mémoire et Montréalais·es. Sa mission reste de valoriser le patrimoine historique de la ville, ainsi que de célébrer les mémoires dans ses projets de commémoration.

Montréal en concentré

Le MEM, par ses installations interactives, ses expositions, ses affiches informatives et sa décoration typiquement montréalaise, est un miroir de la ville et de sa population dans son ensemble. Ce musée innovateur cherche autant à informer qu’à être alimenté par les témoignages de ses visiteur·se·s. Dans les mots du MEM, « que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ». La gratuité du musée (à part une exposition temporaire en collaboration avec le magazine Urbania) rend le tout très accessible. Chacun et chacune peut y trouver son bonheur, grâce à son offre considérable d’activités culturelles éducatives et créatives. Le patrimoine culturel matériel de la métropole est également mis en valeur : anciens lampadaires, bancs, balcons typiques, etc. Bref, il y en a pour tous les goûts, tous les âges, et toutes les expériences, même pour les passionné·e·s de panneaux de signalisation, qui pourront s’essayer au jeu intitulé : « Est-ce qu’on peut se stationner ici ? »

Montréal exposée

On peut visiter au MEM une foule d’expositions temporaires et permanentes, qui racontent à leur manière l’histoire de Montréal et les projets qui en font une ville qui rayonne internationalement. L’exposition temporaire Célébrer le Chaînon : 90 ans de dévouement pour les femmes, présentée jusqu’en janvier 2024, souligne le travail essentiel de ce pilier montréalais, qui aide les femmes en situation de vulnérabilité depuis 1932. L’exposition interactive Vox Pop, accessible elle aussi jusqu’en janvier 2024, invite les visiteur·se·s à une réflexion critique à propos d’enjeux sociaux du passé, du présent et du futur. Le Projet Polytechnique s’est associé à Vox Pop pour proposer une réflexion sur la question suivante : « Devrions-nous continuer à nous intéresser à la tuerie du 6 décembre 1989, plus de 30 ans après les événements ? » L’histoire de Montréal comporte des périodes sombres, non négligeables puisqu’elles alimentent autant sa « personnalité » que ses périodes plus lumineuses.

« que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ».

Réconcilier les mémoires

Concilier histoire et mémoire permet de porter un regard sur le passé avec plus de recul. L’histoire se construit par les mémoires, qui évoluent et fournissent des témoignages que les historiens peuvent exploiter comme sources dans leurs recherches. Plus qu’un objet d’histoire, la mémoire joue aussi un rôle crucial dans la société. Étant un souvenir vécu par un individu, la mémoire est subjective et plusieurs personnes peuvent avoir un souvenir différent d’un même événement passé. Il arrive souvent que certaines mémoires collectives soient conflictuelles, ce qui engendre des tensions entre les générations suivantes, car la mémoire se transmet au cours du temps. Réconcilier les mémoires qui s’opposent est essentiel pour permettre le bon vivre-ensemble et le fonctionnement d’une société.

Le MEM cherche à rassembler les mémoires d’une ville au passé douloureux. Depuis des milliers d’années, la région est habitée par les peuples autochtones, qui ont vu leurs terres être colonisées par les Européen·e·s à leur arrivée dans les années 1500–1600. En collaboration avec les membres du comité autochtone, le MEM a construit un banc de forme circulaire, sur lequel on peut lire les noms qui désignent Montréal dans différentes langues autochtones. La forme du cercle n’est pas anodine. Elle invite les visiteur·ses à s’y asseoir ensemble pour partager leurs expériences et échanger. Cette œuvre est un pas vers la réconciliation avec les communautés autochtones de Montréal (notamment les communautés kanien’kehà:ka), après les violences qu’elles ont subies dans le passé et dont elles souffrent encore aujourd’hui. En effet, Montréal est aujourd’hui la ville du Québec qui compte la plus importante population autochtone, avec plus de 34 000 habitants dans la région métropolitaine. Il est ainsi primordial de leur laisser la possibilité de libérer leur parole pour leur rendre justice.

De la même manière, l’exposition Vox Pop, invitant les citoyens à témoigner d’un féminicide, offre un lieu de discussion et de rétrospection. Il permet de se repencher sur les erreurs commises dans le passé afin de mieux comprendre leurs causes pour mieux empêcher leur répétition. Ce n’est qu’une fois leurs souffrances reconnues et les solutions mises en place que les victimes se sentiront en paix. Entretenir la mémoire a donc une fonction autant historique que sociale.

Le Centre des mémoires montréalaises, qui a eu seulement deux mois le 28 novembre, a déjà fait ses preuves comme institution culturelle et touristique mettant en valeur la « montréalité », dans toutes ses définitions. En planifiant votre visite, n’hésitez pas à explorer l’encyclopédie en ligne disponible sur le site du musée, regroupant plus de 600 témoignages, qui font partie de la mémoire complexe de la métropole. 


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