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O’Keeffe et Moore au MBAM

La nature au cœur des œuvres des deux artistes modernistes.

Clément Veysset

Le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) accueille du 10 février au 2 juin 2024 une exposition rétrospective sur la vie de deux des artistes les plus influents du mouvement moderniste ; Georgia O’Keeffe et Henry Moore. D’une part, O’Keeffe est connue pour ses peintures, de l’autre, Moore l’est pour ses sculptures. O’Keeffe, géante de l’art moderne américain, et Moore, reconnu comme l’un des artistes britanniques les plus importants de sa génération, se rencontrent pour une valse harmonieuse au MBAM. De salle en salle, le visiteur est plongé au cœur même de leurs mondes, presque écrasé par l’omniprésence grandiose de la nature et du vivant dans leurs œuvres. Malgré le fait que les deux artistes ne se soient croisés qu’une seule fois durant leur vivant, leurs œuvres se marient harmonieusement grâce à leur amour commun pour la nature environnante, leur servant de source majeure d’inspiration. Passant des fleurs bien connues d’O’Keeffe aux ossements méticuleusement sculptés par Moore, l’exposition nous transporte au cœur de leurs vies, au cœur de leurs arts.

La juxtaposition de leurs œuvres permet de déceler les similitudes existantes entre leurs arts : on remarque plusieurs ressemblances dans leurs démarches artistiques, donnant un sens plus clair au jumelage de leurs entreprises. Un autre point commun relevé lors de l’exposition est que les deux artistes ont notamment expérimenté avec le style surréaliste. Là où O’Keeffe jouait sur les limites de l’abstraction avec ses fleurs, Moore optait pour des techniques de sculpture rappelant des formes humaines, tout en explorant les frontières du figuratif. Ainsi, on se retrouve en pleine immersion dans un monde de coquillages et de fleurs, qui brouille la frontière entre l’abstrait et le réel. De plus, les techniques de juxtaposition en peinture ont été exploitées
autant par O’Keeffe que par Moore, et ajoutent à l’aspect surréaliste de leurs arts. Plusieurs peintures, de Moore comme d’O’Keeffe, représentaient la perspective d’un os ou d’un coquillage devant le ciel ou encore devant un paysage désertique néo-mexicain, offrant des panoramas surréalistes fascinants. La mise en dialogue de leurs œuvres force le visiteur à constater la grande similarité entre leurs travaux : dans une marée de roches, de coquillages, d’ossements et de fleurs, leur passion pour la nature est indéniable.

Pour ce qui est de l’expérience lors de la visite, l’exposition est plutôt courte, ne regroupant que trois salles, mais comprenant tout de même plus d’une centaine d’œuvres des deux artistes. Les murs ont subi un traitement leur donnant un aspect plus organique et fluide afin de créer un univers susceptible d’accueillir et de mettre en valeur les œuvres des artistes. La pièce la plus marquante est probablement celle qui nous permet d’observer une reconstruction des ateliers d’O’Keeffe et de Moore : le visiteur est alors invité à s’immiscer dans l’intimité des artistes, en des lieux teintés par l’individualité de ces derniers, mais qui partagent plusieurs similitudes. On note qu’ils avaient tous deux des collections extensives de roches, d’os et de coquillages. L’éclairage était relativement tamisé, mais sans pour autant enlever au dynamisme des salles. En général, la scénographie de l’exposition a été réalisée avec beaucoup de finesse, permettant une visite agréable.

Bien que son œuvre puisse sembler redondante, il aurait été intéressant qu’on dédie à O’Keeffe une exposition lui étant entièrement consacrée, où l’on aurait pu explorer avec plus de profondeur la complexité de son travail et sa place de pionnière au sein du mouvement moderniste. Malgré le fait qu’elle et Moore aient été des icônes du milieu artistique de façon concomitante, le lien entre leurs œuvres se limite à l’importance accordée par chacun à la nature comme source d’inspiration. Ainsi, j’aurais aimé voir une telle exposition – joignant l’œuvre de deux artistes d’envergure – regrouper des artistes ayant partagé plus qu’une passion, ou encore ayant travaillé ensemble. Malgré tout, l’exposition vaut la peine par le simple fait qu’elle offre une mise en dialogue inédite entre les œuvres d’O’Keeffe et de Moore, permettant de jeter un regard nouveau sur leurs entreprises respectives.


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