Juliette Elie - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/eliejuliette/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 27 Mar 2024 16:27:42 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Feux de forêt au Québec https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/feux-de-foret-au-quebec/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55383 La Société de protection des forêts contre le feu prépare l’été 2024.

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En 2023, le Québec a connu un malheureux record en ce qui concerne les feux de forêt, avec 4,3 millions d’hectares brûlés sur le territoire. Cette saison marquée par la sécheresse a nécessité des efforts disproportionnés de la part de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) et de l’aide internationale, afin de limiter les dégâts. À quoi peut-on s’attendre en 2024?

2023 était une exception

Karine Pelletier, porte-parole de la SOPFEU, souligne l’une des raisons pour lesquelles la saison 2023 de feux de forêt a été d’une intensité jamais vue auparavant : « Après une période de sécheresse, [le 1er juin, ndlr] il y a eu plus de 3 000 coups de foudre sur la province [québécoise, ndlr] et ses environs, ce qui a créé 182 feux en une journée. » En temps normal, 80% des feux de forêt sont déclenchés par des causes humaines (souvent des feux de camp mal contrôlés ou mal éteints), alors que seulement 20% sont déclenchés par la foudre. Au cours de l’exceptionnelle saison 2023, les incendies causés par la foudre ont été responsables de 99,9% de la superficie brûlée, selon le bilan officiel de la SOPFEU. « La différence entre les feux de cause humaine et les feux de foudre, en règle générale, c’est que les feux de foudre vont couvrir une plus grande superficie […], parce qu’ils arrivent plus tard dans l’été, qu’ils se passent plus au nord, qu’il y a moins de population pour se rendre compte
qu’il y a un feu et sonner l’alerte avant que ça devienne trop gros, et parce que les conifères [qui sont plus abondants au nord, ndlr] sont très combustibles », explique Karine Pelletier en entretien avec Le Délit.

La SOPFEU est prête à attaquer 2024

Le budget 2024–2025 du gouvernement du Québec, présenté le 12 mars 2024, réserve 29 millions de dollars sur cinq ans afin d’« accroître la capacité de la Société de protection des forêts contre le feu à combattre les feux de forêt ». Cette somme va permettre l’embauche et le perfectionnement des effectifs de la SOPFEU, ainsi que l’acquisition de nouveaux équipements, en prévision de la saison 2024 et des années à venir. Selon Karine Pelletier, « on ne peut pas vraiment éviter les feux de cause naturelle, parce que c’est à cause de la sécheresse. On n’a aucun contrôle là dessus, malheureusement. Maintenant, on essaie de mieux se préparer. Comme il y a un budget qui est confirmé, on essaie d’avoir le plus de pompiers possible, mais aussi plus de gens pour les encadrer, pour avoir une capacité opérationnelle plus grande, une force d’attaque de plus de feux en même temps. C’est ce qu’on peut faire de mieux ».

« L’été 2023 a été d’une intensité jamais vue auparavant : ‘‘Après une période de sécheresse, [le 1er juin, ndlr] il y a eu plus de 3 000 coups de foudre sur la province [québécoise, ndlr] et ses environs, ce qui a créé 182 feux en une journée’’ »

En temps normal, la SOPFEU possède suffisamment d’effectifs pour faire face aux défis des saisons de feux de forêt. En temps de débordements, comme cela a été le cas en 2023, le Québec doit faire appel à l’aide internationale et interprovinciale pour combattre les incendies. Karine Pelletier met l’accent sur l’importance grandissante de ce type de coopération : « Ce n’est pas rare qu’on emprunte des pompiers aux autres provinces canadiennes, et vice-versa. Vu que [le Canada, ndlr] est un très grand pays, les provinces canadiennes n’avaient jamais [avant récemment, ndlr] leur pic de saison au même moment. Donc, si le sud-est canadien était au plus
fort de saison, mais dans l’ouest, c’était plus tranquille, on pouvait s’emprunter des ressources. [Maintenant, ndlr], dans l’ouest, la saison des feux ne se termine jamais. Pour mieux se préparer, il faut alors faire plus d’ententes à l’international. »

La SOPFEU ne fait pas seulement de l’intervention sur le terrain, mais aussi de la prévention au sein de la population. Puisqu’en temps normal la majorité des feux sont de cause humaine, il est primordial de mener des campagnes de prévention. « On [en, ndlr] fait pour les feux de printemps, parce qu’il y a chaque année en moyenne 275 feux qui sont déclenchés [par des Québécois, ndlr] avant le début de l’été. Les gens ne réalisent pas le danger [d’incendies, ndlr] qu’il y a, même s’il reste un peu de neige, même si le sol a l’air humide. Il y a tellement de végétaux morts au sol et avec quelques heures d’ensoleillement et un peu de vent, ça devient extrêmement combustible », souligne la porte-parole.

Pour ce qui est des feux d’été, la SOPFEU peut prévoir les zones à risque en se basant sur les rapports des scientifiques. « Les scientifiques s’entendent pour dire qu’au Québec, c’est plus l’ouest [qui est à risque, ndlr],
comme l’Abitibi et même près de la Baie James. C’est là où [les feux ont été, ndlr] très intenses l’an dernier. C’est un secteur qui est plus à risque que les autres climatiquement, parce qu’il est plus vulnérable à la sécheresse », explique Karine Pelletier. Afin de détecter les feux le plus tôt possible, la SOPFEU bénéficie beaucoup des alertes du public. On peut signaler un incendie directement en appelant le 1–800-463-FEUX (3389). Un autre moyen de détection consiste en des patrouilles quotidiennes menées par l’équipe des opérations aériennes de la SOPFEU. « [Elle, ndlr] va décider où elle va aller en fonction du danger d’incendie, de la pluie qui est tombée à certains endroits et des coups de foudre enregistrés », précise la porte-parole. « Il y a aussi des satellites qui vont détecter les points chauds. Si des points chauds ont l’air louches, on peut ajuster la patrouille pour aller voir. »

« S’il y a un point positif de la saison dramatique qu’on a connue l’été dernier, c’est [que ça, ndlr] conscientise les gens à l’impact concret du changement climatique, au danger réel des feux de forêt »

Karine Pelletier, porte-parole de la SOPFEU

Comment éteindre un feu de forêt

Entre la détection d’un incendie et son extinction, plusieurs étapes se déroulent et plusieurs acteurs entrent en jeu. Tout d’abord, le triage : « Il y a trois priorités. La première, c’est les vies humaines. La deuxième, c’est les infrastructures stratégiques, comme les lignes d’Hydro-Québec, les routes, les ponts. Puis, en troisième, il y a la forêt. Normalement, dans la zone de protection intensive, qui est plus ou moins au sud du 51ème parallèle, on va attaquer systématiquement tous les incendies ». Karine Pelletier ajoute qu’en 2023, à cause des débordements, certains feux qui ne menaçaient pas de communauté ou d’infrastructure stratégique ont été gardés en vigie uniquement, du jamais vu dans l’histoire de la SOPFEU.

Rendus à l’étape de l’attaque du feu, les pompiers font appel à des appareils technologiques, dont d’impressionnants avions-citernes. Contrairement à ce qu’on peut penser, le rôle de ces avions, qui relâchent en moyenne chaque année 65 mégalitres d’eau sur les brasiers, n’est pas d’éteindre les feux. C’est plutôt de faire la première attaque, soit de baisser l’intensité de l’incendie pour permettre aux pompiers de le combattre à partir du sol. Karine Pelletier décrit les objectifs opérationnels de la SOPFEU : « Une fois que le feu est détecté, on veut être sur le terrain en moins d’une heure pour commencer l’attaque, avant qu’il n’atteigne un demi-hectare [de superficie, ndlr]. Puis, on veut le maîtriser, c’est-à-dire faire les contours et s’assurer qu’il ne progresse plus, avant dix heures le lendemain, parce que le feu suit un cycle de 24 heures : quand le soleil se couche et que l’humidité remonte un peu, c’est rare que le feu soit très actif. Ça recommence à s’intensifier vers dix heures chaque matin. Enfin, on veut l’éteindre avant qu’il n’atteigne trois hectares. »

Juliette Elie | Le Délit

La sirène est déclenchée

Ce ne sont pas seulement les populations des régions incendiées qui ont fait face aux conséquences des feux de 2023. Les populations des villes au sud aussi ont été touchées autrement : Montréal était étouffée par la fumée, le soleil avait pris une teinte rougeâtre apocalyptique et New York est devenue en quelques jours seulement, la ville la plus polluée du monde. Les incendies records de 2023 ont certainement joué un rôle dans une prise de conscience environnementale chez certaines personnes. « S’il y a un point positif de la saison dramatique qu’on a connue l’été dernier, c’est bien ça », partage Karine Pelletier. « Ça conscientise les gens à l’impact concret du changement climatique, au danger réel des feux de forêt, [et au fait, ndlr] que même s’ils n’habitent pas dans le nord au milieu de la forêt, même en ville ils peuvent être beaucoup affectés, au niveau de la santé. »

« Les scientifiques sont assez clairs : [le réchauffement climatique, ndlr] va avoir un impact, pas nécessairement sur la quantité de feux, mais sur l’intensité des feux »

Karine Pelletier

Des situations intenses comme celle de la saison 2023 se feront de moins en moins rares dans les années à venir, en raison des changements climatiques. « Les scientifiques sont assez clairs : [le réchauffement climatique, ndlr] va avoir un impact, pas nécessairement sur la quantité de feux, mais sur l’intensité des feux. C’est lié au fait que la sécheresse va devenir plus fréquente, de plus longue durée. Des épisodes de haute température, de manque de pluie, c’est ça qui va rendre la forêt plus vulnérable à des feux plus intenses », conclut la porte-parole.

On ne sait pas exactement à quoi s’attendre pour la saison 2024. La SOPFEU, comme à chaque année, reste vigilante et réactive, et compte faire tout son possible pour limiter les dégâts des feux sur les communautés,
les infrastructures et la forêt. La coopération de la population pour la prévention reste primordiale pour limiter le nombre d’incendies actifs et ainsi alléger un peu la charge de travail de la SOPFEU. Enfin, un conseil pour les adeptes de camping : il vaut mieux éteindre son feu de camp adéquatement avant d’aller se coucher et prendre le temps de le rallumer le matin que de risquer de causer un incendie.

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Le marathon optimiste https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/le-marathon-optimiste/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55218 Cinq films qui éveillent les consciences environnementales à leur manière.

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Quoi de mieux, en cette période de battement entre les examens de mi-session et les finaux, qu’un marathon de films? Quoi de mieux, plus précisément, qu’un marathon de films qui touchent au sujet de l’environnement, en ordre du plus cynique au plus optimiste? C’est ce que je vous propose cette semaine, avec les cinq films suivants, auxquels j’ai attribué une note sur l’« Optimiscore » selon leur degré d’optimisme par rapport à l’avenir climatique de la Terre : Déni cosmique (Don’t Look Up), Dans une galaxie près de chez vous, La Sagesse de la pieuvre (My Octopus Teacher), Le Lorax et L’homme qui plantait des arbres.

Déni cosmique (Don’t Look Up)

Optimiscore : ⭐
Cette salade de vedettes du cinéma (Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Timothée Chalamet, Cate Blanchett, etc.), assaisonnée d’un fort message environnemental, a su créer une onde de choc dès sa sortie, en décembre 2021. Dans cette satire politique et sociale, deux scientifiques sont confrontés à l’apathie générale lorsqu’ils tentent d’avertir la population qu’une comète destructrice se dirige vers la Terre. Les thèmes abordés sont la désinformation, la cupidité, mais aussi l’amitié. Sans divulgâcher la fin, je peux vous dire qu’un film n’a pas besoin de bien se terminer pour être réussi.

Dans une galaxie près de chez vous

Optimiscore : ⭐⭐
Tirée la télésérie culte homonyme, cette comédie québécoise suit l’équipage du vaisseau spatial Romano Fafard dans sa quête pour trouver une nouvelle planète où déménager les « quatre milliards de tatas » – les humains – qui ont pollué la Terre au point de la rendre inhabitable. Sorti il y a 20 ans, Dans une galaxie près de chez vous réunit des comédien·ne·s québécois·e·s important·e·s : Claude Legault, Didier Lucien, Sylvie Moreau, Réal Bossé, Mélanie Maynard, Guy Jodoin et Stéphane Crête. Entre humour absurde et critique sociale, le film fait passer un message touchant sur l’écologie et l’amitié, tout en offrant un divertissement original, pour ne pas dire parfois politiquement incorrect.

La Sagesse de la pieuvre (My Octopus Teacher)

Optimiscore :⭐⭐⭐⭐
Se rappeler que nous, les êtres humains, faisons aussi partie de la nature, est un pas important dans la prise de conscience environnementale. Ce film, élu meilleur documentaire aux Oscars en 2021, suit la formation d’une relation émouvante entre un plongeur, Craig Foster, et une pieuvre, dans les eaux froides d’une forêt d’algues en Afrique du Sud. À travers cette amitié improbable, le documentaire ouvre à des réflexions profondes sur l’empathie, la connexion avec la nature, et ce que celle-ci a à nous apprendre. Tout comme la vie d’une pieuvre, rien n’est éternel. Il faut prendre soin de ce que l’on a pendant qu’on l’a encore.

Le Lorax

Optimiscore : ⭐⭐⭐⭐
Ce film classique pour enfants a marqué une grande étape dans ma prise de conscience environnementale personnelle, à l’âge de sept ans. Dans une ville où la nature est artificielle et l’air respirable est vendu en bouteille, Ted, 12 ans, découvre l’histoire du Lorax, le gardien de la forêt autrefois rasée par un entrepreneur avide. Le Lorax explore les conséquences de la cupidité humaine sur l’environnement, avec une touche d’humour et de poésie caractéristique de Dr. Seuss, qui a écrit le livre à l’origine du film. Ce long-métrage musical et coloré parvient encore à amuser les plus grands et à les replonger dans ce que l’enfance a de plus beau à offrir : l’espoir en l’avenir.

L’homme qui plantait des arbres

Optimiscore : ⭐⭐⭐⭐⭐
Pour couronner ce palmarès, je vous propose le gagnant de l’Oscar du meilleur court métrage d’animation de 1988, un film québécois basé sur la nouvelle du même nom écrite par Jean Giono en 1953, et illustré par Frédéric Back. Le film raconte l’histoire d’un berger solitaire qui, par son travail de plantation d’arbres pendant des décennies, transforme une région désolée en un lieu paradisiaque où il fait bon vivre. Cette œuvre est une ode
à la nature et à la puissance de l’engagement envers l’environnement et la communauté, dont le message peut être encapsulé par la citation suivante : « […] on comprenait que les hommes pouvaient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction. »

Bon visionnement!

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Défis pour mars https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/defis-pour-mars/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55042 En prévision de la Journée internationale du zéro déchet.

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Lors de la 77ème Assemblée générale des Nations Unies en décembre 2022, le 30 mars a été nommé Journée internationale du zéro déchet. Comme la page web des Nations Unies l’indique, à chaque année, « les États Membres, les organisations du système des Nations Unies, la société civile, le secteur privé, le monde universitaire, les jeunes et d’autres parties prenantes sont invités à participer à des activités visant à sensibiliser aux initiatives nationales, infranationales, régionales et locales de zéro déchet et à leur contribution à la réalisation du développement durable ».

En prévision du 30 mars, Le Délit vous propose un mois complet de défis hebdomadaires pour écologiser votre routine. Chaque semaine, une bonne habitude écologique sera mise en avant. Rien ne vous empêche de conserver ces bonnes habitudes durant tout le mois et dans le futur!

Juliette Elie | Le Délit

Quelques conseils pour réussir une journée zéro déchet

Faire son épicerie en vrac, apporter sa tasse réutilisable pour son café, préparer son repas et ses collations à la maison, utiliser des cosmétiques solides comme la barre de savon ou de shampooing et apporter ses propres ustensiles à la cafétéria. Consultez les ressources disponibles en ligne sur le sujet, comme la page dédiée au concept sur le site web de la Fondation David Suzuki!

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Au menu : désobéissance civile https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/au-menu-desobeissance-civile/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55067 Le vandalisme d’œuvres d’art est-il encore efficace?

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De la poudre rouge sur l’exemplaire original de la Constitution américaine à Washington, de la sauce tomate sur les Tournesols de Van Gogh, une main et une tête collées à La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, de la purée de pommes de terre sur les Meules de Monet ; voici seulement quelques exemples d’actes de vandalisme visant des œuvres d’art commis au nom de la cause environnementale dans les dernières années. Le vandalisme militant d’œuvres d’art existe depuis toujours sous différentes formes. De nos jours, cette technique d’activisme non-violent consiste à s’attaquer à une œuvre, d’habitude très connue, en y jetant des substances, des objets, ou en y collant des parties de son corps avec de la superglue.

Pourquoi viser l’art?


Les œuvres visées par les militants environnementaux ne sont pas choisies au hasard. Elles sont avant tout ciblées à cause de leur popularité. En menaçant d’abîmer des œuvres inestimables, connues et aimées du grand public, les activistes cherchent à attirer un maximum d’attention et de couverture médiatique pour faire entendre leurs revendications. Le geste n’en est pas un de violence envers l’art – le vandalisme ne vise pas (en général) à détruire les œuvres de manière permanente – mais de protestation pacifique.

Le pour et le contre


Le vandalisme de chefs‑d’œuvre divise le public, évidemment, mais également les militants eux-mêmes. En effet, on remarque une différence d’opinions entre les générations de militants environnementaux. Les plus âgés sont en général en désaccord avec le geste. Ils pensent qu’au lieu d’attirer l’attention des gens et des médias sur les revendications environnementales, le vandalisme d’œuvres ne fait que décrédibiliser la cause. Historiquement, les artistes ont été les moteurs de changements sociaux, les messagers des grandes revendications. Donc, de s’en prendre à l’art pour militer peut être considéré comme absurde et contre-productif. Certains activistes sont d’avis que la désobéissance civile pour la cause environnementale devrait s’en tenir à ce qui atteint directement le problème que les activistes cherchent à dénoncer. Par exemple, plus tôt ce mois-ci, des activistes de Greenpeace se sont installés dans le bureau de la ministre des Finances Chrystia Freeland à Toronto pour demander la réglementation des banques qui financent les énergies fossiles.

Les plus jeunes militants, de leur côté, ont plutôt tendance à penser que le choc provoqué par cet acte mal vu du public permet d’atteindre un plus grand auditoire. On entend souvent dire que « de la mauvaise publicité reste quand même de la publicité ». C’est cette idée qui motive en partie les actes de vandalisme d’œuvres d’art. Même si l’image projetée est négative, l’attention des médias est pour un moment consacrée à la cause environnementale.

« Les activistes cherchent à attirer un maximum d’attention et de couverture médiatique pour faire entendre leurs revendications »

Une tactique du passé


Pourtant, le vandalisme d’œuvres d’art a‑t-il encore de nos jours l’effet recherché? Depuis le premier acte contemporain de vandalisme militant, soit la lacération de la Vénus au miroir de Vélasquez par la suffragette Mary Richardson en 1914, cette technique de militantisme a perdu l’effet de surprise initialement produit. Selon la sociologue et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Dana Fisher, le vandalisme d’œuvres est inefficace et ne pousse pas la réflexion du public et des médias plus loin, car déjà vu. De plus, plusieurs musées ont augmenté leurs mesures de sécurité (interdiction aux sacs à dos, fouilles, vitres supplémentaires, etc.) justement en prévision de ces actes. « Les actes de vandalisme sur les chefs d’œuvres de l’art mondial nous interpellent. […] Et ce, indépendamment des revendications », affirme Linda Tremblay, responsable des relations de presse du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). En reproduisant cette tactique dont le potentiel de choc a été épuisé, les militants environnementaux ramènent la conversation au débat sur le vandalisme d’œuvres comme manière de protester, plutôt qu’à leurs revendications environnementales urgentes.

« Au fil des décennies, le changement climatique va affecter de plus en plus de personnes. […] Et nous verrons les gens prendre des mesures de plus en plus désespérées », exprime le Dr Oscar Berglund, maître de conférences spécialiste de l’activisme climatique à l’université de Bristol. Si le vandalisme d’œuvres d’art est dépassé, qu’est-ce qui saura le remplacer ?

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Trop beau pour être vert https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/trop-beau-pour-etre-vert/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54939 Les projets de villes futuristes : révolution écologique ou apparences trompeuses?

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L’archétype du mégaprojet d’habitation futuriste cible souvent les mêmes problématiques et secteurs de développement : l’environnement, l’innovation technologique, la culture et la santé. Sur papier, tout semble toujours se compléter parfaitement. La vision du projet est claire, son résultat paraît logique et durable. Pourtant, sa réalisation génère souvent les problématiques mêmes que le projet vise à régler : la surexploitation et la contamination des ressources naturelles nécessaires à la construction, l’émission de grandes quantités de gaz à effets de serre, l’aggravation des injustices entre les classes sociales, etc. En 2021, l’industrie de la construction générait un tiers des déchets produits dans le monde.

Voici deux exemples de ces projets peut-être trop beaux pour être verts en voie de réalisation dans les prochaines années.

Projet NEOM


En explorant leur site web de présentation, le projet saoudien NEOM semble être la solution parfaite pour alléger nos consciences. Il existe enfin un projet concret pour modeler la société du futur, c’est-à-dire une société environnementale! Cette superstructure, qui espère rassembler neuf millions d’habitants dans un espace équivalent à la superficie de la Belgique, mise tout sur l’innovation verte ; mais ce qui surprend le plus sont les promesses grandioses de la multitude de services et d’opportunités qui y seront offerts. Alimenté par la richesse colossale de l’Arabie Saoudite et d’investisseurs privés, il est difficile de croire que le seul but de NEOM soit un renouveau environnemental. Sur le site web du projet, on apprend l’origine de l’acronyme : « Les trois premières lettres proviennent du préfixe grec ancien “neo”, qui signifie ‘‘nouveau’’. Le ‘‘M’’ est la première lettre de ‘‘Mustaqbal’’, un mot arabe signifiant ‘‘futur’’. Le ‘‘M’’ est également la première lettre du nom du prince héritier, Mohammed ben Salmane (tdlr) » Ces quatre lettres reflètent l’ambition démesurée d’un pays qui s’aligne vers un futur post-pétrole, selon la « Vision 2030 » de Mohammed ben Salmane. Les images 3D promotionnelles mettent en avant des installations qui n’affecteront pas le territoire, dont 95% de la superficie est supposément protégée, mais la réalité des travaux en cours montre autre chose : une quantité faramineuse de camions énormes et d’équipement mécanique lourd. Avec la construction de NEOM qui va assurément polluer en grande quantité, il est difficile de voir comment cette solution auto-désignée aux problèmes du monde accomplira le défi insurmontable de se prouver comme modèle viable pour la vision d’un futur durable.

« Peut-être que ces projets ont comme vision que notre société actuelle est irréparable, donc qu’il faut recommencer à zéro. »

Projet géoLAGON


Un autre exemple plus près de chez nous est le projet géoLAGON, pensé par le promoteur Louis Massicotte. Ce projet, inspiré des bains thermaux islandais, vise à bâtir d’ici 2027, à quatre endroits au Québec, un village de chalets autour d’un vaste bassin d’eau maintenu à 38˚C à l’année. Les villages seraient supposément carboneutres, alimentés par l’énergie solaire et la géothermie. Sur la première page du site internet du projet, on est invité à aller lire plus de 200 articles rédigés sur le sujet. Pourtant, on remarque assez vite que ce sont des articles uniquement en faveur du projet, et que si on cherche par soi-même, on trouve beaucoup plus d’opinions nuancées. Le Rapport d’analyse systémique de durabilité du projet géoLAGON, effectué par la Réserve de la biosphère de Charlevoix (RBC), met en lumière plusieurs défis peu raisonnables et des dangers de contamination de nappes phréatiques et des milieux humides par les infrastructures. « Sur papier, c’est un projet novateur estime Jean Landry, directeur de l’OBV [Organisme de bassins versants, ndlr] Charlevoix-Montmorency », rapporte un article du Charlevoisien. Il reste à voir si le projet atteindra ses objectifs quelque peu utopiques sur le terrain.

Qu’est-ce qui motive tous ces projets de grande envergure? Est-ce simplement la bienveillance humaine? C’est facile d’en douter, car il ne faut pas passer plus de cinq minutes à lire les nouvelles pour voir que notre société a déjà mille et une choses à régler avant de penser à de nouvelles villes et aux autres installations du futur. Peut-être que ces projets ont comme vision que notre société actuelle est irréparable, donc qu’il faut recommencer à zéro. Même là, ils ne s’attaquent pas au cœur des problèmes systémiques, comme la pauvreté ou la surconsommation, qui ont façonné la société inégale et la crise climatique qui existent aujourd’hui. Au contraire, ces projets ont une motivation économique, perpétuant la cupidité et l’égocentrisme, qui détournent les efforts nécessaires pour améliorer les institutions qui existent déjà. Au lieu de recommencer à neuf et de négliger les enjeux présents devant nos yeux, concentrons-nous plutôt à les régler à la source. La planète, pour être protégée, n’a pas besoin d’être encore plus recouverte de béton qu’elle ne l’est déjà.

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Partager, plutôt qu’acheter pour jeter https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/partager-plutot-quacheter-pour-jeter/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54673 Rencontre avec Fauve Doucet, fondatrice du Partage Club

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Une table en bois en état presque parfait se trouve miraculeusement abandonnée sur le trottoir. Il suffirait simplement de revisser les pattes pour en faire le bureau idéal. Il faudrait alors se procurer un tournevis, mais ce n’est ni économique, ni écologique d’en acheter un si ce n’est pour l’utiliser qu’une seule fois. Alors pourquoi ne pas l’emprunter? Le Délit s’est entretenu avec Fauve Doucet, entrepreneure en innovation environnementale et sociale, fondatrice de Partage Club, une application mobile visant à faciliter et encourager le prêt et l’emprunt plutôt que l’achat.

Le Délit (LD) : Pour commencer, peux-tu m’expliquer ce qu’est Partage Club?

Fauve Doucet (FD) : C’est une application mobile sur iOS et Android de partage d’objets de la vie courante, entre voisins mais aussi entre communautés de confiance. Il s’agit, par exemple, de résidents d’un immeuble, de gens dans un quartier, de collègues dans un bureau ou d’étudiants dans une université.

LD : Partage Club semble s’inscrire parfaitement dans le principe du développement durable, en touchant autant à l’aspect environnemental qu’économique et social.

FD : En effet. Sur le plan économique, on sait qu’avec la récession et le taux d’inflation qui augmente, on ne peut plus se procurer les biens de la même façon. Tout coûte cher. Partage Club permet d’économiser en mutualisant et en partageant. Sur le plan environnemental, on fait de la réduction à la source [en réduisant la consommation, ndlr]. On est vraiment dans une des interventions de l’économie circulaire [un modèle économique priorisant la récupération, la réduction de la consommation et le partage des ressources, ndlr]. Puis, sur le plan social, on crée des liens de confiance, on crée de la cohésion entre différents maillages de classes sociales de différentes réalités familiales dans un quartier. Cela mène ainsi à l’ouverture et à la tolérance.

LD : Peux-tu me parler de toi et de ton parcours?

FD : J’ai un baccalauréat en communication marketing de l’UQAM, et, bien vite, je suis tombée dans le monde des agences de publicité. J’ai adoré le côté innovant et créatif. Dans le milieu des médias et de la publicité, il faut trouver comment atteindre le public. J’ai parfois travaillé sur des campagnes de sensibilisation [pour des causes, ndlr] très nobles, mais j’étais quand même l’un des moteurs de la consommation. Je me suis rendue compte que beaucoup de gens en communication marketing ont ce conflit de valeurs. Puis, j’ai constaté que j’avais développé un pouvoir vraiment extraordinaire : j’étais capable de changer le comportement des gens à grande échelle. Je voulais l’utiliser pour faire quelque chose de bien. En étant maman, à un moment, on se demande ce qu’on laisse à nos enfants et dans quel monde ils vont vivre. J’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai fait le grand saut pour faire naître Partage Club. C’est un privilège pour moi, chaque jour, de faire mon métier. Je contribue à régler un réel problème de notre société.

« Il y a beaucoup de jeunes étudiants qui viennent vivre en résidence ou en appartement, et qui ont de la difficulté à s’approvisionner. Le fait de pouvoir emprunter leur apporte vraiment un soutien économique. »

Fauve Doucet

LD : Comment l’idée est-elle venue de mettre ce projet sur pied?

FD : Au début, j’étais une maman qui avait un petit garçon de trois ans, dans un condo à Montréal. Je trouvais ça complètement fou le nombre de jouets qui rentrait chez moi. Ça coûtait cher, et je trouvais que ce n’était pas bon pour l’environnement. Au même moment, il est arrivé quelque chose de très contradictoire. J’ai voulu acheter un tricycle usagé à mon garçon, mais je n’ai pas pu parce qu’il n’y avait pas assez de place. Je voulais tellement tout lui offrir, mais en même temps, je ne voulais pas surconsommer. Puis, je me suis dit qu’il devait y avoir une manière de mutualiser les jouets entre parents. J’ai suivi un cours comme étudiante libre en décroissance soutenable à HEC, donné par Yves-Marie Abraham, et c’est là que je suis entrée en contact avec les grands principes de la décroissance, dont la mutualisation comme l’une des solutions. Je me suis dit que pour qu’il y ait une mise en commun des biens, il faut qu’il y ait de la confiance et un lieu physique de rencontre. Puis, je me suis rendue compte que dans les quartiers, il n’y a pas que des familles. Il y a plein de types de gens, donc plein de choses qu’on peut mutualiser. En fait, quasiment tout ce qu’on utilise peut être partagé.

LD : Dès son lancement, il y a eu un engouement pour le projet. T’y attendais-tu?

FD : Je ne m’attendais pas à ce que les gens comprennent aussi rapidement ce que c’était. Je reçois au moins une fois par semaine un message de quelqu’un qui dit avoir rêvé de cette application-là, ou qui demande « Pourquoi ça n’existait pas avant? » Ça a tellement de sens dans le contexte actuel. On sort d’une pandémie, on a encore des blessures. Ce que je ressens, c’est que la société est en besoin de communauté, plus que jamais, parce qu’on a perdu le lien social. Il y a aussi une prise de conscience environnementale de plus en plus importante. Puis sur le plan économique, ça commence à être serré. Toutes les conditions macroéconomiques semblent être au rendez-vous pour faire en sorte que le Partage Club prenne son sens.

LD : Tu m’as dit que Partage Club faisait affaire avec l’Université Laval. Comment est-ce que l’application peut répondre aux besoins des étudiants?

FD : Ce qu’on a vu avec l’Université Laval, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes étudiants qui viennent vivre en résidence ou en appartement, et qui ont de la difficulté à s’approvisionner, que les objets soient neufs ou usagés. Ce qui est arrivé avec la COVID-19, c’est une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Aussi, ce qui arrive c’est que les étudiants n’ont pas beaucoup d’argent. Ils vont souvent acheter des choses qui vont durer très peu longtemps, juste le temps de leurs études, ou qui vont se briser facilement. Le fait de pouvoir emprunter leur apporte vraiment un soutien économique. Cela peut aussi permettre d’essayer de nouvelles activités, par exemple en louant des skis alpins pour une fin de semaine. Ça crée des liens avec les employés et les professeurs, et entre les étudiants, tout en favorisant la cohésion interuniversitaire et dans le quartier. C’est dans une démarche de développement durable que l’Université Laval a entamé le pas.

Partage Club

LD : Est-ce qu’il y a des limites à ce qu’on peut prêter et emprunter sur l’application? Par exemple, qu’en est-il des véhicules?

FD : Il y a des choses qu’on ne peut pas prêter, comme tout ce qui est lié à l’hygiène. Pour ce qui est des véhicules, il y a des gens qui ont commencé à se prêter des camping-cars, entre autres de la marque Westfalia. Il n’y a pas encore d’assurances, donc c’est vraiment le prêteur qui prend la responsabilité. On est en train de réfléchir à intégrer une assurance à l’application. Il y a beaucoup de villes en région qui nous demandent de mettre en place un volet de partage d’automobiles, qui va venir avec une preuve de permis de conduire. Les gens commencent à s’approprier Partage Club!

LD : Le partage nécessite beaucoup de confiance. Existe-t-il des politiques pour éviter le vol ou les retards interminables d’objets empruntés?

FD : Oui, on a un code d’honneur que les gens doivent accepter lorsqu’ils s’inscrivent. En bref, l’emprunteur doit ramener l’objet dans le même état. Des bris peuvent arriver, même si c’est rare, parce que les objets sont souvent sous-utilisés [donc presque neufs au moment du prêt, ndlr]. Dans ce cas-là, l’emprunteur peut soit réparer l’objet ou en acheter un nouveau. S’il y a un problème ou une question, ils peuvent contacter le Partage Club. On va aider à faire en sorte que la relation entre les membres soit conservée. On est un peu comme les bodyguards du partage. Vu qu’il n’y a pas d’échange d’argent, les gens font vraiment attention. Ce n’est pas comme dans une relation transactionnelle. Pour ce qui est des retards, dans l’application, on te talonne quand tu manques la date de retour. Souvent, les gens oublient tout simplement, alors on leur rappelle. Ils font attention, ils se parlent : « Est-ce que je peux te le ramener une semaine plus tard finalement? », « Oui sans problème! ».

« C’est contre-intuitif, mais les gens sont très à l’aise de prêter, beaucoup plus que d’emprunter, souvent parce qu’ils sont gênés ou qu’ils sentent qu’ils doivent donner quelque chose en retour »

LD : On n’a pas l’habitude, je pense, de donner sans recevoir ou de recevoir sans devoir quelque chose. Comment peut-on apprendre à sortir des relations transactionnelles?

FD : On se rend compte que, surprenamment, le prêt est beaucoup plus facile que l’emprunt. C’est contre-intuitif, mais les gens sont très à l’aise de prêter, beaucoup plus que d’emprunter, souvent parce qu’ils sont gênés ou qu’ils sentent qu’ils doivent donner quelque chose en retour. Les gens m’amènent des biscuits, des muffins, mais un merci suffit! Dans notre société, on a un rapport très fort avec la propriété. Quand on a besoin de quelque chose, notre premier réflexe est de la posséder. Pour apprendre à partager, il faut seulement un petit peu de confiance. Rapidement, si tu as une expérience positive, ça crée de la confiance. Ça crée même des amitiés parfois!

Si Partage Club vous intéresse, n’hésitez pas à visiter son site web et son application mobile. Pour exprimer votre intérêt pour un partenariat potentiel entre Partage Club et McGill, écrivez à info@partage.club!

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Les mathématiciens sont des êtres sensibles https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/les-mathematiciens-sont-des-etres-sensibles/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54721 Retour sur La Machine de Turing présentée au Rideau Vert.

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On n’en a jamais assez de se faire raconter l’histoire fascinante du mathématicien et cryptologue britannique Alan Turing. Ce héros de l’ombre de la Seconde Guerre mondiale continue de vivre à travers la pièce La Machine de Turing, présentée du 24 janvier au 24 février 2024 au Théâtre du Rideau Vert. Dans la pièce, Turing raconte son travail et ses épreuves traversées pendant et après la guerre, à travers un interrogatoire dans le cadre d’une enquête sur son cas. La Machine de Turing, a été écrite par Benoit Solès, adaptée par Maryse Warda et mise en scène par Sébastien David. Alan Turing (Benoît McGinnis) dialogue avec trois personnages clés de son entourage durant la Seconde Guerre mondiale : son amant Arnold Murray (Gabriel Cloutier Tremblay), le sergent Ross (Étienne Pilon) et le cryptanalyste et champion d’échecs Hugh Alexander (Jean-Moïse Martin).

Une histoire de solitude

Chargé de résoudre Enigma, un dispositif nazi de cryptage de messages, Turing s’acharne à bâtir une machine qui pourra rivaliser efficacement avec les cerveaux humains. Il appelle sa machine Christopher, en l’honneur de son ami d’enfance décédé. La vie de Turing n’a pas toujours été joyeuse. Préférant être mal accompagné que seul, le mathématicien entretient une relation avec Arnold Murray, un jeune homme séduisant et manipulateur. D’autant plus, les relations homosexuelles sont illégales à l’époque, ce qui le force au secret. Pour ajouter à la liste de difficultés dans sa vie, Turing se fait rudoyer par son collègue Hugh Alexander, qui ne croit pas en l’efficacité de sa machine supposée déchiffrer Enigma.

Ceci n’est pas une imitation

Ceux et celles qui ont vu le film Le Jeu de l’Imitation, mettant en vedette Benedict Cumberbatch dans le rôle de Turing, trouveront peut-être des ressemblances dans les scènes et même les répliques de La Machine de Turing. C’est sûrement parce que le film et la pièce sont tous deux basés sur la biographie intitulée Alan Turing : The Enigma écrite par Andrew Hodges. Pourtant, la pièce explore des détails moins connus de la vie de Turing qui ne sont pas abordés dans le film, comme son amour pour l’histoire de Blanche-Neige et l’influence du conte sur son suicide. La pièce met davantage en lumière les épreuves humaines auxquelles fait face Turing, plutôt que les défis mathématiques et techniques de son travail. On rencontre le cœur avant le cerveau.

« Les blagues faciles affaiblissent l’ambiance dramatique montée par le texte et les comédiens. »

L’humour est de trop

Les moments chargés de la pièce, comme les scènes de ménage entre les amants, ou les aveux de Turing au sergent Ross, sont ponctués d’un humour léger, qui vise à soulager le public. Pourtant, les spectateurs n’ont pas besoin d’être distraits lors des moments de tristesse et de douleur. L’histoire de Turing est une série de moments difficiles, qu’on s’est engagés à vivre jusqu’au bout en venant assister à la pièce. Les blagues faciles affaiblissent l’ambiance dramatique montée par le texte et les comédiens.

On ne s’habitue jamais à voir Benoît McGinnis se démener sur scène. Chaque tremblement dans la voix, chaque essoufflement et chaque larme épate par sa justesse, amplifiant la crédibilité du personnage de Turing. On se fait transporter du rire à la compassion, d’un lip sync à la manière de Blanche-Neige à un aveu courageux de son homosexualité lors d’un procès.

Les personnages interprétés par Gabriel Cloutier Tremblay, Étienne Pilon et Jean-Moïse Martin sont plus difficilement accessibles sur le plan émotionnel, mais les comédiens réussissent tout de même à les rendre un
peu haïssables et attachants à la fois. Ensemble, les quatre comédiens et le texte tissent une pièce accessible à un grand public et propice à la réflexion. La Machine de Turing rappelle que les questions comme « Les machines peuvent-elles penser? » attendent une réponse depuis bien avant l’ère de l’intelligence artificielle comme on la connaît aujourd’hui. Pourtant, la pièce dévie elle-même ces questions pour amener le public à s’intéresser plutôt à l’humain derrière la machine.

La Machine de Turing sera présentée au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 24 février 2024.

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Portrait de la militante Fatou Jeng https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/portrait-de-la-militante-fatou-jeng/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54481 Membre du Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques 2023-2024.

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«Votre génération sera essentielle. Aujourd’hui, pour vivre déjà. Demain, pour pouvoir gérer et inverser cette tendance et sauver la planète. Et je vous souhaite le meilleur des succès – le succès que, malheureusement, ma génération n’a pas pu avoir, (tdlr) » a dit António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, au Forum de la jeunesse dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur les océans, le 26 juin 2022 à Lisbonne. Dans cet article sera mise en lumière la militante Fatou Jeng, qui est un exemple de passion authentique pour l’engagement au sein de la cause climatique.

Fatou Jeng en résumé

Nom : Fatou Jeng
Âge : 27 ans
Origine et lieu de résidence : Banjul, Gambie
Instagram : @fatoulaminjeng

L’activiste s’engage depuis plusieurs années dans la lutte contre les changements climatiques, le développement communautaire et l’égalité des sexes. En 2017, elle fonde l’ONG Clean Earth Gambia, un organisme gambien dirigé par des jeunes, visant à éduquer la population aux changements climatiques et aux actions possibles pour lutter contre ceux-ci. Les activités de l’organisme comptent entre autres la plantation d’arbres, le nettoyage de déchets et les discussions en ligne. En 2019, Fatou Jeng a été co-responsable du groupe de travail sur les femmes et le genre de YOUNGO, l’organe officiel de représentation des jeunes dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Fatou Jeng s’intéresse aux questions d’égalité des genres dans l’action climatique. Fille d’un fermier, elle a dans son enfance à Banjul, la capitale de la Gambie, été témoin des défis climatiques auxquels doivent faire face les fermiers, et surtout les fermières. Fatou Jeng détient une maîtrise en environnement, développement et politique de l’Université du Sussex, au Royaume-Uni. À propos de sa nomination au Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques du Secrétaire général des Nations Unies, Fatou Jeng précise ceci : « Il ne s’agit pas seulement de la nomination elle-même, mais de ce que je peux accomplir dans ce rôle pour représenter la voix des jeunes… et défendre les intérêts des communautés les plus vulnérables et sous-représentées en matière d’adaptation climatique. »

« Il ne s’agit pas seulement de la nomination elle-même, mais de ce que je peux accomplir dans ce rôle pour représenter la voix des jeunes… et défendre les intérêts des communautés les plus vulnérables et sous-représentées en matière d’adaptation climatique »

Fatou Jeng

Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques

Le Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques du Secrétaire général des Nations Unies pour les années 2023–2024 est la deuxième cohorte du projet, celui-ci ayant été initié à l’ONU en 2020. La cohorte actuelle est composée de sept membres : Ayisha Siddiqa (États-Unis), Beniamin Strzelecki (Pologne), Jevanic Henry (Sainte-Lucie), Josefa Tauli (Philippines), Joice Mendez (Colombie/Paraguay), Saoirse Exton (Irlande) et Fatou Jeng (Gambie). Le Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques est un groupe de jeunes activistes environnementaux qui agissent comme conseillers au Secrétaire général des Nations Unies. Chaque candidat est d’abord désigné par des organisations non gouvernementales et des organisations de la société civile reconnues, puis nommé par le Secrétaire général. Les jeunes viennent de partout dans le monde, et de milieux diversifiés, ce qui donne d’autant plus de valeur à leurs conseils concrets, qui visent à accélérer l’exécution du programme d’action sur le climat.

Dans la vie, le degré d’engagement pour la cause environnementale est propre à chacun. Certains vont faire le choix de prendre les transports en commun plutôt que la voiture, et d’autres vont rejoindre le Groupe consultatif de la jeunesse sur les changements climatiques de l’ONU. Tous les efforts sont utiles, peu importe leur envergure! Fatou Jeng a commencé par s’engager dans sa communauté locale en Gambie avant d’étendre son activisme à l’échelle internationale. Des modèles diversifiés de prise d’action, comme Fatou Jeng et ses six co-conseiller·ère·s au Secrétaire général, sont nécessaires à la sensibilisation du plus grand nombre de jeunes à la cause environnementale. Il ne faut pas attendre pour réaliser les changements qui sont nécessaires dès aujourd’hui.

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Consommer sur la pointe des pieds https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/consommer-sur-la-pointe-des-pieds/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54349 Comment réduire sa consommation d’électricité en période de pointes hivernales?

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Si vous prenez régulièrement le métro, vous aurez peut-être remarqué l’apparition d’annonces signées Hydro-Québec, qui invitent la population à réduire sa consommation d’électricité. L’hiver est la période de l’année durant laquelle les Québécois consomment le plus d’énergie, à cause des besoins en chauffage que les grands froids entraînent. Alors, Hydro-Québec sera-t-il en mesure de supporter la demande grandissante en énergie cet hiver? Probablement de justesse, en puisant dans ses réserves énergétiques, en concluant des ententes avec des entreprises, et en bénéficiant de la coopération de la population.

Que sont les pointes hivernales?

Les pointes hivernales sont des moments de surcharge du réseau électrique, qui surviennent lors des journées les plus froides de l’hiver, typiquement entre 6h et 9h, et entre 16h et 20h. « Les réserves d’Hydro-Québec pourraient s’avérer insuffisantes en cas de conditions extrêmes, comme une période prolongée de froid intense », rapporte un article de La Presse, qui s’appuie sur le rapport de la North American Electric Reliability Corporation. Il est important d’apprendre à réduire efficacement sa consommation en électricité afin d’éviter les pointes hivernales, d’économiser et d’adopter de bonnes habitudes environnementales.

Trucs pratiques pour économiser l’électricité

Pour éviter de chauffer son chez-soi inutilement, il faut d’abord bien isoler! Les fenêtres et les portes mal calfeutrées sont les premiers suspects lorsqu’on sent un courant d’air froid nous glacer le dos. Il n’est pas nécessaire de mettre le chauffage en mode « climat tropical » pour contrer le froid. Pourquoi ne pas profiter de la mode de la saison et parader sa collection de tricots? Puisqu’on parle de vêtements, parlons également lavage. Faire des grosses brassées moins fréquentes et à l’eau froide permet de réduire la consommation des électroménagers. On est (probablement) d’accord que les douches froides n’ont pas leur place lorsqu’il fait ‑16 ̊C dehors. Toutefois, on peut chanter sous la douche bien au chaud tout en économisant, à condition d’en limiter sa durée. Enlever les résidus dans les assiettes avant de les mettre dans le lave-vaisselle fait en sorte qu’on peut régler ce dernier au programme « éco » ou « rapide ». Faire cuire plusieurs plats ensemble dans le four et mettre un couvercle sur l’eau qui bout réduit les besoins énergétiques et le temps d’attente avant de se mettre à table. Et la touche finale, évidente, mais importante pour une consommation électrique responsable : éteindre la lumière lorsqu’on quitte une pièce.

« La meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas »

Jamy, animateur de l’émission C’est pas sorcier

Pour nuire le moins possible à l’environnement, il faut réduire sa consommation et éviter le gaspillage, ce qui inclut l’électricité. Les bonnes habitudes énergétiques peuvent sembler dérangeantes pour le confort et la routine quotidiens, mais lorsqu’elles deviennent des réflexes, on ne les remarque plus. Après tout, une planète en santé est bien plus confortable. Pour reprendre les mots du vulgarisateur scientifique Jamy, animateur de l’émission télévisée C’est pas sorcier, « la meilleure énergie, c’est celle qu’on ne consomme pas ».

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Petit glossaire du défi climatique https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/petit-glossaire-du-defi-climatique/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54343 Comment différencier les changements climatiques du réchauffement climatique?

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Les changements climatiques et le réchauffement climatique sont deux termes distincts, liés par une relation de causalité. Il est trop facile de ne pas se poser de questions et de considérer les deux concepts comme presque interchangeables. Pourtant, cette confusion des termes peut influencer la manière dont nous percevons la part de responsabilité de l’humain dans la crise climatique. Il est important de savoir les différencier pour mieux comprendre l’impact des activités humaines sur l’environnement, et afin de mieux interpréter les informations qui circulent au quotidien à propos de l’environnement.

« Les changements climatiques sont les symptômes du réchauffement climatique »

Que sont les changements climatiques?

Selon la définition officielle des Nations Unies, les changements climatiques « désignent les variations à long terme de la température et des modèles météorologiques ». Il s’agit d’un terme plutôt général pour parler des évolutions du climat terrestre de l’échelle régionale jusqu’à l’échelle globale. Quelques exemples de changements climatiques sont l’augmentation de la quantité de feux de forêt, les sécheresses intenses, les inondations et la diminution des glaciers. Ces changements climatiques, bien que très variés, ont tous une cause commune, comme l’illustre si bien Jamy, animateur de l’émission de vulgarisation scientifique C’est pas sorcier (ici paraphrasé) : les changements climatiques sont les symptômes du réchauffement climatique.

Qu’est-ce que le réchauffement climatique?

On peut alors considérer le réchauffement climatique comme la « maladie » provoquant les changements climatiques. En d’autres termes plus scientifiques, le réchauffement climatique est une hausse de la température terrestre à une échelle globale, dû à une quantité croissante de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. L’emprisonnement de la chaleur par les GES est un phénomène naturel, qui a pris des proportions démesurées à cause des activités humaines. Depuis l’ère industrielle, la quantité de GES (composés majoritairement de CO2 et de méthane) n’a cessé d’augmenter, à cause de l’utilisation de plus en plus répandue des énergies fossiles.

On entend souvent parler dans les médias et les reportages scientifiques de la limite du 1,5 ̊C, établie en 2015 par l’Accord de Paris, mais qu’est-ce que cela veut réellement dire? Pourquoi la limite n’est-elle pas de 1 ̊C ou 1,75 ̊C? L’objectif est de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ̊C au-dessus de la moyenne préindustrielle (1850–1900), parce qu’il s’agit du « seuil critique au-delà duquel on augmente le risque de franchir des points de bascule ». Les points de bascule sont des changements climatiques irréversibles, comme la fonte totale des calottes glaciaires ou l’extinction en chaîne d’espèces. La surface de la planète est normalement – c’est-à-dire ne pas prendre en compte les activités humaines qui augmentent les quantités de GES – maintenue à une température moyenne de 15 ̊C. Si celle-ci augmente de 1,5 ̊C globalement, à certains endroits la température peut rester stable, mais à d’autres endroits, elle peut augmenter de près d’une dizaine de degrés. Selon le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec, « au Québec, l’augmentation des GES pourrait se traduire, d’ici 2050, par une hausse des températures pouvant atteindre 5 ̊C au sud et 9 ̊C au nord, principalement en hiver ».

Le réchauffement climatique et les changements climatiques sont des phénomènes naturels tout à fait normaux, lorsqu’ils se produisent sur des milliers, voire des milliards d’années. La vitesse exceptionnelle à laquelle ils évoluent aujourd’hui est ce qui les rend dangereux pour la vie terrestre et l’humanité telles qu’on les connaît. L’objectif du 1,5 ̊C est aujourd’hui considéré comme difficilement atteignable, selon plusieurs scientifiques, mais il est tout de même plus avantageux de viser haut et de continuer à s’améliorer plutôt que de stagner et laisser la situation se dégrader.

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Le bulletin terre à terre https://www.delitfrancais.com/2024/01/17/le-bulletin-terre-a-terre/ Wed, 17 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54238 Cinq bonnes nouvelles environnementales au Québec en 2023.

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On a tendance à ne parler que de ce qui va mal. On chiale, on rant, on évacue ce qui nous pèse à l’intérieur. Et, ainsi, l’erreur que l’on fait souvent, c’est d’oublier de parler de ce qui va bien. On pense que c’est moins intéressant ; il y a moins de rebondissements quand tout roule. Pourtant, il est aussi important de parler des côtés positifs, si ce n’est que pour éviter de retenir et de transmettre ensuite une vision biaisée des choses et des événements. Pour avoir une vue d’ensemble, il faut apprécier tous les aspects : les bons comme les mauvais. En 2023, on a entendu beaucoup de mauvaises nouvelles environnementales, c’est pourquoi il est d’autant plus important de mettre en lumière les bonnes nouvelles de l’année!

« En 2023, des humains passionnés par la survie de leur espèce ont fait pression sur leurs gouvernements et ont entrepris des projets afin de réaliser des changements pour le bien de l’environnement »

Dans le cas de la crise climatique, un discours purement négatif peut mener à une amplification de ses causes, car la peur mène à l’inaction. Il est primordial d’être réaliste lorsque l’on discute de la situation environnementale. Être réaliste, cela ne signifie pas seulement parler de l’aggravation des catastrophes naturelles par les humains, du nombre grandissant de réfugiés climatiques, de la perte rapide de la biodiversité, etc. Être réaliste nécessite de parler de la crise en ayant en tête les avancées technologiques écologiques, les populations qui acquièrent une conscience environnementale et les découvertes scientifiques utiles à la lutte contre les changements climatiques. Le défaitisme condescendant (« Je peux polluer comme je veux, de toute façon on va tous mourir », « Tu penses vraiment que ton tempeh général tao va sauver les koalas? ») n’a pas sa place dans la discussion. On a la chance, en tant qu’étudiant·e·s mcgillois·e·s, d’avoir accès à des ressources qui nous permettent de réfuter ces déclarations contre-productives, et d’avoir l’espace mental et le temps de s’impliquer dans les causes qui nous tiennent à cœur. Il faut saisir cette opportunité, qui n’est pas donnée à tous·tes. En 2023, des humains passionnés par la survie de leur espèce ont fait pression sur leurs gouvernements et ont entrepris des projets afin de réaliser des changements pour le bien de l’environnement. Au Québec, certaines de ces revendications et initiatives ont abouti à des résultats très positifs. Revenons donc sur cette année mouvementée qui vient tout juste de se terminer – même si nous en sommes déjà à la troisième semaine. Voici cinq bonnes nouvelles environnementales au Québec en 2023.

Anticosti protégée par l’UNESCO

En septembre 2023, l’île d’Anticosti, située dans le golfe du Saint-Laurent dans la région de la Côte-Nord, a été ajoutée à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Connue pour ses falaises impressionnantes, la chute Vauréal, la rivière Jupiter et la superficie impressionnante de l’île (équivalente à 17 fois l’île de Montréal), Anticosti est un joyau exceptionnel du Québec. Ses côtes, qui font l’objet d’études scientifiques, comportent des habitats sous-marins importants. La particularité d’Anticosti, qui a suscité l’attention du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, est sa richesse géologique. Grâce à ses successions stratigraphiques qui abritent de nombreux fossiles diversifiés et bien conservés, Anticosti est en quelque sorte une photographie de la fin de l’Ordovicien, cette période où est survenue la première grande extinction de masse sur Terre. C’est environ 14% de la superficie de l’île qui est maintenant protégée par l’UNESCO, c’est-à-dire que des règles sévères encadrent la collecte de fossiles et la conservation du territoire. Avec cette reconnaissance internationale, on espère la venue sur l’île de scientifiques de partout dans le monde.

« En mars 2023, les ministres de l’Environnement Steven Guilbeault et Benoit Charette ont annoncé l’agrandissement (par quatre fois sa taille originale) du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent »

Projets de parcs marins

En mars 2023, les ministres de l’Environnement Steven Guilbeault et Benoit Charette ont annoncé l’agrandissement (par quatre fois sa taille originale) du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Cette mesure a pour but de protéger 100% du territoire servant d’habitat aux bélugas, une espèce menacée. L’un des facteurs de danger pour les bélugas est le bruit produit par les navires de charge. Une plus grande zone protégée permettrait de conserver des endroits de tranquillité pour les bélugas. Les bateaux pourront encore passer par leurs chemins habituels, mais le trafic maritime sera davantage réglementé. Les ministres visent à officialiser le projet en 2025. En novembre, un autre projet de parc marin a été annoncé par Québec et Ottawa. Cette aire protégée, inspirée du parc marin Saguenay-Saint-Laurent, se situerait entre l’île d’Anticosti et la réserve du parc national de l’Archipel-de-Mingan. Selon Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), ce projet serait très bénéfique pour plusieurs espèces de baleines, dont certaines sont en voie de disparition.

Défense continue de la rivière Magpie

En 2021, la rivière Magpie est devenue le premier élément naturel à obtenir le statut de personnalité juridique au Canada, après avoir été déclarée comme telle par le Conseil des Innus d’Ekuanitshit et la municipalité régionale de comté (MRC) de Minganie. En 2023, malgré son statut exceptionnel, la rivière Magpie fait face à une menace importante : un projet de barrage par le gouvernement provincial et Hydro-Québec. Le gouvernement provincial a son œil sur la rivière Muteshekaushipu (le nom innu de la Magpie) à cause de son débit puissant, parfait pour l’instauration d’un barrage hydro-électrique. La rivière possède pourtant un moyen de défense : la population. Les communautés autochtones, les amateur·trice·s de sports d’eaux vives et certains groupes citoyens et environnementaux s’opposent fortement au projet de barrage, et posent des actions concrètes pour le contrer. Les gens impliqués dans la protection de la Magpie revendiquent le statut d’« aire protégée » pour la rivière, ce qui l’écarterait des options pour la construction de barrages. La Magpie s’est bâtie une réputation à l’internationale, notamment à la COP15 en décembre 2022 et dans le prestigieux magazine de plein air National Geographic, qui l’a classée parmi les 10 meilleures rivières au monde pour les sports d’eaux vives. En 2023, la lutte continue, entre autres par le passage de Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté innue d’Ekuanitshit, et Luc Noël, préfet de la MRC de Minganie, à une conférence à l’ONU. De plus, cette année, de nombreux citoyen·ne·s se sont exprimé·e·s dans les médias en faveur de la protection de cette rivière exceptionnelle.

Dominika Grand’Maison | le Délit Fleuve Saint-Laurent, Tadoussac

Restauration de l’île Tekakwitha

La communauté Mohawk de Kahnawake, sur la Rive-Sud de Montréal, a historiquement été désavantagée par les projets de construction du gouvernement fédéral. L’exploitation du territoire par le gouvernement a eu des effets néfastes sur l’environnement et la culture des habitant·e·s. L’île Tekakwitha, une île artificielle, a ensuite été bâtie avec des résidus de travaux dans le fleuve. Aujourd’hui, des problèmes de diversité faunique et végétale persistent sur l’île, à cause de ses sols pauvres et de la prolifération d’espèces envahissantes. Un projet de travaux de revitalisation a été mis en place il y a quelques années par des jeunes employé·e·s autochtones et non-autochtones du Kahnawake Environment Protection Office (KEPO). Ces travaux incluent le dragage de la baie (pour retirer des sédiments et les transformer en terre riche pour faire pousser des plantes), la création d’habitats (pour les hirondelles, les tortues et les serpents), et la création d’un milieu humide avec un marais artificiel. En 2023, ces travaux ont continué d’avancer et de mener à de petites victoires en termes de biodiversité. Un nouveau projet de forêt nourricière a aussi été mis en place. Il vise à créer un espace pour que la communauté puisse venir cueillir des fruits, des plantes médicinales et des graines. En plus d’être potentiellement propice à l’épanouissement de la biodiversité, l’île Tekakwitha accueille chaque année le pow-wow de Kahnawake, un évènement traditionnel qui célèbre la fierté autochtone. L’année dernière, le pow-wow de Kahnawake a accueilli, comme chaque année, des centaines de danseur·se·s et des milliers de spectateur·trice·s. Il est important de continuer à protéger et à revitaliser cette île, qui sert d’endroit de ressourcement à la nature et à la communauté mohawk de Kahnawake.

Agriculture urbaine hivernale

Malgré le froid et la neige des mois d’hiver, il est possible de faire pousser des légumes à l’extérieur! En 2023, à Montréal, le Carrefour solidaire et le Laboratoire sur l’agriculture urbaine ont créé, à l’aide d’abris d’automobiles, des serres chauffées uniquement par le soleil. Alors qu’il faisait ‑5 ̊C à l’extérieur, les pousses à l’intérieur des serres à énergie passive profitaient d’une température plus clémente, d’environ 7 ̊C. Les légumes-feuilles, tels que les laitues et les pak choïs, sont les plus résistants au froid, donc les plus heureux dans un tel environnement. L’agriculture urbaine hivernale dans les abris d’automobiles utilise l’espace de manière plus productive et durable que des places de stationnements, souvent laissées vides dans la rue. Les récoltes des serres à énergie passive sont servies dans un centre communautaire du quartier du Centre-Sud. Ce projet peut facilement être recréé par les citoyen·ne·s dans les quartiers où les abris à automobiles sont permis.

À suivre en 2024

2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Elle a été une année difficile pour la protection de notre écosystème, mais cela n’a pas empêché le rayonnement de victoires et de nouvelles initiatives en matière de lutte contre les changements climatiques au Québec.

Pour ce qui est de l’année qui commence, les dossiers environnementaux (positifs et négatifs) à suivre sont entre autres l’avancement des projets présentés dans cet article ; la stratégie de protection des caribous forestiers du gouvernement Legault ; la COP29, qui aura lieu en Azerbaïdjan en novembre ; la conférence de Berne III, qui se tiendra du 23 au 25 janvier en Suisse ; le projet d’usine à batteries Northvolt, et le potentiel projet de tramway dans la ville de Québec. Qui sait, peut-être que certains (certainement pas tous) de ces dossiers feront l’objet d’un futur article sur les bonnes nouvelles environnementales de l’année 2024.

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Virage Vert https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/virage-vert/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54033 Lancement de la nouvelle section Environnement.

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Qui dit Nouvel An, dit nouvelles résolutions, et ce même pour Le Délit! Ce semestre, votre journal francophone lance une nouvelle section : Environnement. Tout aussi engagée que sa prédécesseure Au Féminin, elle servira de tribune aux arguments des étudiants en faveur de la protection de l’environnement. Devenu un sujet omniprésent dans nos vies, de plus en plus au cœur des débats et des inquiétudes, il nous a semblé impératif de lui accorder une place particulière au sein du journal. Cette nouvelle section aura la tâche colossale de s’emparer d’un sujet complexe et parfois délicat, avec pour objectif de rendre les défis et les enjeux plus accessibles et moins effrayants qu’ils ne paraissent. C’est pourquoi nous serons deux à nous y consacrer. En tant que citoyennes dédiées à la cause environnementale, nous considérons nos rôles de journalistes comme une opportunité précieuse de donner à l’écologie un écho d’une plus grande ampleur, et nous comptons bien la saisir.

L’union fait la force

« Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer quoi que ce soit, essayez donc de dormir avec un moustique dans votre chambre », a dit Betty Reese (mère de l’actrice américaine Reese Witherspoon) sur le ton de l’humour. C’est dans cet esprit que nous lançons la section Environnement (sans le caractère énervant du moustique, bien sûr). Peu importe l’ampleur de notre influence, nous disposons tous·tes d’un certain libre arbitre, et nos choix ont un impact sur nos vies et celles des autres. Lorsque des obstacles se présentent, il est trop facile de laisser place au pessimisme et de refuser d’agir. Aujourd’hui, l’écologie est un enjeu majeur auquel fait face l’humanité. De toutes parts, les médias, les scientifiques et les activistes nous assomment de chiffres et d’informations alarmants sur le réchauffement climatique : fonte des glaces, hausse du niveau des océans, sécheresses… Pour autant, ce n’est pas une raison de se laisser abattre et d’accepter la fin, que beaucoup jugent inévitable. Si la crise environnementale peut parfois sembler insurmontable, il ne faut pourtant pas oublier que partout dans le monde, des individus s’activent à trouver des solutions. Chaque jour de nouvelles découvertes sont faites, de nouvelles résolutions écologiques sont décidées, de nouvelles prises de conscience ont lieu. Si à chaque instant, des personnes changent d’avis et se décident d’agir, alors pourquoi n’en feriez-vous pas partie?

« Au sein de notre section, nous avons pour ambition d’être l’une des étincelles qui déclenchent la flamme ardente vous motivant au quotidien à agir pour la planète »

S’engager, c’est faire un choix personnel, pour son propre bien et celui d’autrui. C’est décider selon ses propres termes comment on veut agir et quel engagement on veut fournir à une cause. Le simple pouvoir de se résoudre, du jour au lendemain, à faire des efforts individuels pour limiter le réchauffement de la planète est un espoir prometteur pour répondre aux défis de demain. Comme il ne suffit que d’une seule poussée pour faire tomber en cascade tous les dominos, une simple prise de conscience a des effets positifs instantanés. Au sein de notre section, nous avons pour ambition d’être l’une des étincelles qui déclenchent la flamme ardente vous motivant au quotidien à agir pour la planète. À l’image de notre optimisme et en accord avec la capacité des êtres humains à se mobiliser face à un défi important, nous voulons adopter une perspective active plutôt que passive face aux dangers imminents.

Pour ce faire, la section Environnement aura pour but de permettre au plus grand nombre d’étudiant·e·s possible de mieux comprendre les enjeux complexes des changements climatiques. Que vous soyez peu ou pas informé·e·s sur la situation, ou que vous y soyez déjà totalement sensibilisé·e·s, Environnement aura quelque chose pour vous intéresser et vous aider à explorer le sujet. Nous allons présenter des informations accessibles, afin de permettre à tous·tes les étudiant·e·s de McGill de s’orienter parmi les nombreux débats, discussions, et opinions, et de former leur propre point de vue. Nous souhaitons, à travers Environnement, amener un maximum d’étudiant·e·s à réfléchir à leurs habitudes de vie et celles de leurs pairs, à discuter des manières de les adapter à une vision écologique, et à développer le réflexe de remettre en question leurs choix et leurs impacts sur l’environnement. Nous voulons encourager la discussion constructive, l’action utile, l’entraide, l’apprentissage et la motivation intrinsèque. Ce sont les aspects essentiels d’un engagement à combattre ce qui est indéniablement l’un des plus grands défis auquel fait face l’humanité actuellement. Nous avons l’ambition de faire un bout de chemin avec tous·tes les étudiant·e·s dans les idées et pratiques environnementales.

« Nous voulons encourager la discussion constructive, l’action utile, l’entraide, l’apprentissage et la motivation intrinsèque »

Trois sous-sections

La sous-section « Au quotidien » est directement consacrée aux étudiant·es de McGill. Elle se veut être un guide pratique pour savoir comment adopter des habitudes écologiques dans la vie de tous les jours. Est-il plus écologique d’acheter des aliments biologiques ou locaux? Est-ce vraiment utile de réduire sa consommation de viande pour limiter le réchauffement climatique? Toutes ces questions que vous vous posez peut-être au sujet de l’environnement pourront y être abordées. Nous mettrons également en avant-plan les initiatives écologiques mises en place sur le campus par des individus ou des comités, ainsi que plus largement celles à Montréal et au Québec.

Dans la sous-section « Bonnes Nouvelles », nous voulons mettre en lumière les avancées positives en ce qui concerne la situation climatique : les découvertes utiles à la recherche, les événements scientifiques, les nouvelles technologies comme pistes de solutions, etc. « Bonnes Nouvelles » regroupe des articles de journalisme scientifique de sujets variés dans la sphère des changements climatiques et de l’environnement, en accord avec la visée optimiste d’Environnement.

La sous-section « Réflexions » accueille des textes libres sur n’importe quel sujet en lien avec l’environnement. La remise en question constante des choix qu’on fait comme individu et des connaissances qu’on acquiert comme société par la recherche scientifique est importante pour évoluer. C’est essentiel afin de rester sur la meilleure voie possible en ce qui concerne la situation climatique. Dans « Réflexions », nous souhaitons entendre les points de vue, les introspections, les critiques constructives, bref, les réflexions des étudiant·e·s de McGill en ce qui a trait à l’environnement.

À vous de jouer

Environnement se veut être une section des plus collaboratives. Nous voulons entendre les idées, les conseils et les découvertes des étudiant·e·s, afin qu’un maximum de gens puisse en profiter. Chacun·e a son mot à dire sur le sujet de l’environnement. Peut-être êtes-vous passionné·e·s par les impacts du réchauffement des océans sur la biodiversité? Peut-être êtes-vous un·e expert·e des techniques de magasinage en friperies? Peut-être êtes-vous un·e foodie végétarien·ne qui connait plein de recettes et de bons restaurants? Peut-être êtes-vous un·e citoyen·ne choqué·e par la gestion du recyclage à Montréal? Peu importe votre angle d’intérêt pour l’environnement ou votre niveau d’engagement dans la cause climatique, nous voulons vous lire!

Environnement va avoir besoin de vous, les étudiant·e·s, pour remplir sa mission. Vous pouvez contribuer à la manière, la quantité et la fréquence qui vous plaît. Nous sommes aussi totalement ouvertes aux suggestions pour améliorer la section. N’hésitez pas à saisir cette opportunité de participer à votre façon à la lutte contre les changements climatiques et, qui sait, à vous découvrir une passion pour le journalisme!

Pour nous rejoindre pour toute question ou pour contribuer, écrivez un courriel à environnement@delitfrancais.com et restez à l’affût de nos publications dans le groupe Facebook Contribuer au Délit (dont le lien est disponible sur le site web du journal)!

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Un lieu pour rassembler et célébrer https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/un-lieu-pour-rassembler-et-celebrer/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53817 Le Centre des mémoires montréalaises : entre histoire et avenir.

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C’est au cœur du Quartier des Spectacles, au 1210 boulevard Saint-Laurent, à l’intersection avec la rue Sainte-Catherine, qu’a été inauguré le 28 septembre le nouveau Centre des mémoires montréalaises (MEM). Ce musée a ouvert ses portes le 6 octobre, remplaçant l’ancien Centre d’histoire de Montréal, qui existait depuis 1983. À l’ambition plus large, le MEM vise, non plus seulement à raconter l’histoire de la ville de Montréal, mais à collecter les histoires multiples des Montréalais·es. Son nom correspond à la contraction des mots Mémoire et Montréalais·es. Sa mission reste de valoriser le patrimoine historique de la ville, ainsi que de célébrer les mémoires dans ses projets de commémoration.

Montréal en concentré

Le MEM, par ses installations interactives, ses expositions, ses affiches informatives et sa décoration typiquement montréalaise, est un miroir de la ville et de sa population dans son ensemble. Ce musée innovateur cherche autant à informer qu’à être alimenté par les témoignages de ses visiteur·se·s. Dans les mots du MEM, « que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ». La gratuité du musée (à part une exposition temporaire en collaboration avec le magazine Urbania) rend le tout très accessible. Chacun et chacune peut y trouver son bonheur, grâce à son offre considérable d’activités culturelles éducatives et créatives. Le patrimoine culturel matériel de la métropole est également mis en valeur : anciens lampadaires, bancs, balcons typiques, etc. Bref, il y en a pour tous les goûts, tous les âges, et toutes les expériences, même pour les passionné·e·s de panneaux de signalisation, qui pourront s’essayer au jeu intitulé : « Est-ce qu’on peut se stationner ici? »

Montréal exposée

On peut visiter au MEM une foule d’expositions temporaires et permanentes, qui racontent à leur manière l’histoire de Montréal et les projets qui en font une ville qui rayonne internationalement. L’exposition temporaire Célébrer le Chaînon : 90 ans de dévouement pour les femmes, présentée jusqu’en janvier 2024, souligne le travail essentiel de ce pilier montréalais, qui aide les femmes en situation de vulnérabilité depuis 1932. L’exposition interactive Vox Pop, accessible elle aussi jusqu’en janvier 2024, invite les visiteur·se·s à une réflexion critique à propos d’enjeux sociaux du passé, du présent et du futur. Le Projet Polytechnique s’est associé à Vox Pop pour proposer une réflexion sur la question suivante : « Devrions-nous continuer à nous intéresser à la tuerie du 6 décembre 1989, plus de 30 ans après les événements? » L’histoire de Montréal comporte des périodes sombres, non négligeables puisqu’elles alimentent autant sa « personnalité » que ses périodes plus lumineuses.

« que vous soyez originaire de Montréal ou que vous ayez adopté la ville, vous faites partie de son histoire. Le MEM veut vous entendre et partager votre mémoire ».

Réconcilier les mémoires

Concilier histoire et mémoire permet de porter un regard sur le passé avec plus de recul. L’histoire se construit par les mémoires, qui évoluent et fournissent des témoignages que les historiens peuvent exploiter comme sources dans leurs recherches. Plus qu’un objet d’histoire, la mémoire joue aussi un rôle crucial dans la société. Étant un souvenir vécu par un individu, la mémoire est subjective et plusieurs personnes peuvent avoir un souvenir différent d’un même événement passé. Il arrive souvent que certaines mémoires collectives soient conflictuelles, ce qui engendre des tensions entre les générations suivantes, car la mémoire se transmet au cours du temps. Réconcilier les mémoires qui s’opposent est essentiel pour permettre le bon vivre-ensemble et le fonctionnement d’une société.

Le MEM cherche à rassembler les mémoires d’une ville au passé douloureux. Depuis des milliers d’années, la région est habitée par les peuples autochtones, qui ont vu leurs terres être colonisées par les Européen·e·s à leur arrivée dans les années 1500–1600. En collaboration avec les membres du comité autochtone, le MEM a construit un banc de forme circulaire, sur lequel on peut lire les noms qui désignent Montréal dans différentes langues autochtones. La forme du cercle n’est pas anodine. Elle invite les visiteur·ses à s’y asseoir ensemble pour partager leurs expériences et échanger. Cette œuvre est un pas vers la réconciliation avec les communautés autochtones de Montréal (notamment les communautés kanien’kehà:ka), après les violences qu’elles ont subies dans le passé et dont elles souffrent encore aujourd’hui. En effet, Montréal est aujourd’hui la ville du Québec qui compte la plus importante population autochtone, avec plus de 34 000 habitants dans la région métropolitaine. Il est ainsi primordial de leur laisser la possibilité de libérer leur parole pour leur rendre justice.

De la même manière, l’exposition Vox Pop, invitant les citoyens à témoigner d’un féminicide, offre un lieu de discussion et de rétrospection. Il permet de se repencher sur les erreurs commises dans le passé afin de mieux comprendre leurs causes pour mieux empêcher leur répétition. Ce n’est qu’une fois leurs souffrances reconnues et les solutions mises en place que les victimes se sentiront en paix. Entretenir la mémoire a donc une fonction autant historique que sociale.

Le Centre des mémoires montréalaises, qui a eu seulement deux mois le 28 novembre, a déjà fait ses preuves comme institution culturelle et touristique mettant en valeur la « montréalité », dans toutes ses définitions. En planifiant votre visite, n’hésitez pas à explorer l’encyclopédie en ligne disponible sur le site du musée, regroupant plus de 600 témoignages, qui font partie de la mémoire complexe de la métropole.

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Il y a du chemin à faire https://www.delitfrancais.com/2023/11/22/il-y-a-du-chemin-a-faire/ Wed, 22 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53515 Le documentaire L’Océan vu du coeur appelle à une prise de conscience.

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Cela fait déjà plus d’un mois que l’astrophysicien, vulgarisateur scientifique et militant écologiste Hubert Reeves nous a quittés. Il a légué, à ceux qui l’écoutaient et l’admiraient, une soif d’apprendre à propos du monde qui nous entoure, celui qu’on habite : la Terre. Son livre, intitulé La Terre vue du cœur, coécrit avec Iolande Cadrin-Rossignol, avec la participation du sociologue et écrivain Frédéric Lenoir, réunit avertissements écologiques et remise en question de la place de l’humain dans la nature, tout en s’adressant aux générations futures. Le livre L’Océan vu du cœur est la suite de cette réflexion, s’attardant précisé- ment au sujet des océans, ces géants plus fragiles qu’ils en ont l’air.

L’adaptation en film documentaire de L’Océan vu du cœur, par Iolande Cadrin-Rossignol et Marie- Dominique Michaud, est sortie en salle le 10 novembre 2023. Le documentaire, rythmé d’entretiens avec Hubert Reeves et Frédéric Lenoir, rassemble les témoignages de scientifiques, d’artistes et de penseurs interpellés par la cause climatique et ses effets néfastes sur les océans.

Se laisser submerger par la beauté

L’Océan vu du cœur porte bien son nom. Grâce aux images limpides et sensibilisantes de Noé Sardet, Sharif Mirshak, Valentin Proulx et de nombreux collaborateurs (Sandra Bessudo, Yves Lefèvre, Sea Shepherd, Cyril Chauquet, etc.), on plonge visuellement dans ce qui fait de l’océan un organe vital de notre planète bleue. Les illustrations d’Eruoma Awashish et de son collègue animateur Étienne Deslières accompagnent aussi brillamment les explications scientifiques poussées, et vulgarisent l’interconnectivité présente partout dans le vivant.

Partir du bon pied

Le cerveau humain a tendance à se qualifier lui-même de « machine la plus avancée de l’univers », ou du moins de la planète Terre. Peut-être qu’il est biaisé, peut-être qu’il a raison. Dans tous les cas, le cerveau humain doit se rappeler qu’il forme avec son corps un simple organisme complexe, parmi plusieurs autres organismes vivants. « Avec ce documentaire, nous voulions inviter les spectateurs à être plus attentifs à ces dons [des êtres vivants] et aux manières dont nous pouvons collectivement les soutenir, plutôt que de continuer de croire que l’humain est l’être qui domine ‘la création’ », a expliqué Marie- Dominique Michaud en entrevue.

Vers un équilibre

L’océan a une capacité de ré- génération exceptionnelle, si on lui laisse la chance de s’y mettre. Le documentaire s’intéresse à plusieurs activités humaines dangereuses pour la vie marine, mais celle dont l’impact est le plus frappant, c’est la pêche. Chaque année, des quantités phénoménales de poissons, victimes des « dommages collatéraux » de la pêche de certaines espèces, sont relâchées dans l’océan. Ces poissons ne sont pas considérés comme « pêchés » par la loi, puisqu’ils ne sont pas vendus ou consommés. C’est l’un des exemples du documentaire qui nous montre l’absurdité des lois supposées protéger la vie. L’Océan vu du cœur adopte une approche multidimensionnelle pour aborder les enjeux qui menacent les océans, de l’aspect scientifique à l’aspect économique, en passant par l’aspect juridique. Son but n’est pas de moraliser, mais plutôt d’éduquer, de sensibiliser et d’encourager les gens à adopter collectivement des pratiques durables, en harmonie avec l’interconnectivité de la nature, pour la survie de l’être humain et de toutes les espèces vivantes.

Être en bonne voie

Connaître les conséquences des changements climatiques et être sensible à la vie et à sa protection ne suffit pas toujours pour mettre en place des actions conséquentes d’un point de vue environnemental.

Pourtant, c’est déjà un meilleur point de départ que l’ignorance ou l’indifférence, tant que cela ne mène pas au désespoir ou au défaitisme. Dans le documentaire, Frédéric Lenoir explique qu’on est plus utile quand on est heureux. Une personne qui choisit d’être heureuse – lorsqu’elle en a la possibilité – plutôt que malheureuse, choisit d’être motivée, engagée, d’aller chercher de l’énergie pour agir, pour apporter des changements nécessaires au bien de tous. Une personne qui se réfugie plutôt dans le désespoir et le malheur choisit d’être passive de subir. Selon Lenoir, il ne faut pas se sentir coupable d’être heureux, même lorsqu’il y a davantage de raisons d’être malheureux. Là où L’Océan vu du cœur se démarque d’autres documentaires, c’est dans la perspective peu médiatisée qu’il choisit, soit celle de l’optimisme. Le documentaire présente des faits pour la plupart alarmants, mais plutôt que de mettre l’accent sur les catastrophes imminentes des changements climatiques, il s’attarde sur les pistes de solutions efficaces et réalisables.

« Là où L’Océan vu du cœur se démarque d’autres documentaires, c’est dans la perspective peu médiatisée qu’il choisit, soit celle de l’optimisme»

L’Océan vu du cœur est absolument à voir. Pour s’éduquer davantage sur les conséquences des changements climatiques et leurs possibles solutions, pour remettre en question ses habitudes de vie, pour s’émerveiller devant l’immense intelligence de la nature, et pour réfléchir à la place de l’humain au sein d’un tout et son devoir envers son environnement. Il y a du chemin à faire : ce documentaire est un pas dans la bonne direction.

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Un spectacle qui fait tomber plus d’un mur https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/un-spectacle-qui-fait-tomber-plus-dun-mur/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53128 Retour sur Hedwig et le pouce en furie présentée au Théâtre du Nouveau Monde.

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Le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) se renouvelle avec la présentation d’Hedwig et le pouce en furie, mise en scène, adaptée et traduite par René Richard Cyr à partir de la comédie musicale Off-Broadway Hedwig and the Angry Inch. Dans le rôle d’Hedwig, chanteuse du groupe punk-rock qui donne son nom à la pièce, Benoît McGinnis hypnotise le public. La pièce, qui est à la fois un concert, un quasi-monologue de style stand- up, et un spectacle de drag, va à l’encontre des propositions habituelles du TNM, que l’on pourrait qualifier de « prudentes ».

De rock et de fragilité

Avant de s’extasier sur le jeu hallucinant de Benoît McGinnis dans Hedwig et le pouce en furie, il faut d’abord parler de la pièce elle-même. Écrite par John Cameron Mitchell en collaboration avec le compositeur Stephen Trask, Hedwig et le pouce en furie raconte l’histoire d’Hansel, un jeune homme de Berlin-Est ayant subi une opération de changement de sexe mal effectuée. Hansel prend alors le nom de sa mère, Hedwig, se marie avec un militaire américain, et part s’installer en Amérique. Après une rupture douloureuse, Hedwig se met à faire de la musique rock avec son groupe et avec son ami Tommy Gnosis, qui lui brise le cœur à son tour, en plus de lui voler ses chansons.

Par une coïncidence extraordinaire, Gnosis se produit en concert sur la scène juste derrière celle du TNM – dans la version présentée au TNM, bien sûr – représentée dans le spectacle par une porte, qui, lorsqu’ouverte, laisse le public entendre les discours narcissiques du chanteur. Entre les chansons interprétées par Hedwig, son nouveau mari Yitzhak (Élisabeth Gauthier Pelletier, découverte renversante), et son groupe de musiciens, la rockstar raconte son enfance et les épreuves qu’elle a traversées dans sa quête identitaire, à la recherche de son autre moitié. La pièce, qui aborde les thèmes de l’art du drag et de la transidentité, ne peut être définie seulement par ceux-ci. Elle parle avant tout d’amour, de douleur, de rêves, de trahisons et, bien sûr, de rock ’n’ roll.

McGinnis et le jeu en folie

Pendant l’heure et demie que dure le spectacle, Benoît McGinnis, considéré par plusieurs comme l’un des meilleurs comédiens québécois de sa génération, se démène dans le rôle exigeant qu’est celui d’Hedwig. Il danse, chante, saute, court et joue avec une sensibilité prenante et une énergie contagieuse. Dans le rôle de Gnosis, à la fin de la pièce, la gestuelle de McGinnis adopte toutes les subtilités nécessaires afin de nous faire oublier qu’il interprétait, une dizaine de secondes plus tôt, le rôle d’une femme. La présence sur scène du comédien est telle que, même lorsqu’il est dans l’ombre, par exemple lorsqu’Hedwig permet à Yitzhak d’être sous le feu des projecteurs, c’est lui qu’on regarde.

« La pièce, qui aborde les thèmes de l’art du drag et de la transidentité, ne peut être définie seulement par ceux-ci. Elle parle avant tout d’amour, de douleur, de rêves, de trahisons et, bien sûr, de rock ’n’ roll »

Cela n’enlève toutefois rien au jeu et à la voix impressionnante d’Élisabeth Gauthier Pelletier. Dans le rôle de Yitzhak, elle est choriste pour Hedwig, mais prend plus d’importance au fur et à mesure que la rockstar s’ouvre au public et laisse tomber ses comportements abusifs. La dernière chanson de la comédie musicale est un duo enlevant entre McGinnis et Gauthier Pelletier, qui donne envie de lever les mains en l’air, comme le dit le morceau.

Ce qui se cache derrière la langue

La traduction de la pièce, en particulier des chansons, a sans doute été un défi de taille pour René Richard Cyr et Benoît McGinnis, qui y a participé. La pièce a été adaptée à la langue et à la culture du Québec. Dans la plupart des cas, cela fait en sorte que les blagues et les commentaires d’Hedwig sont mieux reçus par le public. Pourtant, dans les chansons, on sent que le débit souffre de la traduction et que les paroles manquent de vulnérabilité. Leur puissance émotive est affaiblie par la nécessité de les ajuster aux rimes et au rythme. Évidemment, deux langues ne peuvent formuler la même idée d’une même manière ; les modifications de sens sont donc inévitables, mais auraient pu être amoindries. Mis à part ce défi prévisible, Hedwig et le pouce en furie reste une adaptation réussie, rendant accessible à un public francophone cette histoire aussi farfelue que touchante.

Hedwig et le pouce en furie a été présentée du 20 au 28 octobre au Théâtre du Nouveau Monde.

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Entre créativité et éco-anxiété https://www.delitfrancais.com/2023/10/18/entre-creativite-et-eco-anxiete/ Wed, 18 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52822 Rencontre avec Florence K et Nessa Ghassemi-Bakhtiar.

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La Société des arts technologiques (SAT), en collaboration avec l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a présenté cette fin de semaine la conférence En Équilibre : l’éco-anxiété, moteur de transformation créative. Celle-ci était animée par Florence K, musicienne, animatrice radio et étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM, et par Nessa Ghassemi-Bakhtiar, conférencière, diplômée de McGill en déterminants socio-écologiques de la santé, aussi étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAM.

Le Délit (LD) : Dans plusieurs publications et entrevues, vous dites, Nessa, que l’éco-anxiété n’est pas un trouble anxieux. Pourriez-vous donc expliquer en quoi cela consiste?

Nessa Ghassemi-Bakhtiar (NGB) : Il y a énormément de définitions de l’éco-anxiété dans la littérature, mais celle qui nous rejoint le plus (quand je dis nous, je veux parler du collectif de personnes qui travaillent sur les questions de l’adaptation psychologique au changement climatique), c’est de dire que ça inclut une variété de réponses émotionnelles, cognitives et comportementales face à la prise de conscience des changements climatiques. Ça comprend l’anxiété, qui est orientée vers le futur, mais lorsqu’on dit que ce n’est pas un trouble anxieux, c’est parce qu’un trouble anxieux, ou l’anxiété en général, est associé à la pensée catastrophique. Pourtant, en ce moment, les catastrophes sont très réelles et ce qui est projeté l’est également. Donc, l’éco-anxiété n’est pas un trouble anxieux, parce qu’on n’est pas en train de se faire des idées trop grandioses de ce qui s’en vient. Pour moi, ce qui est important à retenir, c’est que l’éco-anxiété est une réponse qui est saine et adéquate face à l’ampleur des enjeux des changements climatiques.

LD : Vous donnerez ensemble une conférence les 14 et 15 octobre sur l’éco-anxiété et la créativité. D’où est venue l’idée de jumeler ces deux sujets?

Florence K (FK) : Je pense que l’idée est venue d’un désir qu’avait la SAT de parler d’anxiété. L’anxiété, c’est sur toutes les lèvres. L’éco-anxiété commence à faire partie de la réalité de beaucoup de jeunes personnes, et de moins jeunes aussi. J’ai pensé à Nessa, qui est en train de faire sa thèse sur les déterminants de l’éco-anxiété chez les jeunes. Ce n’est pas du tout ma spécialisation. Moi, je la connais seulement pour l’avoir ressentie. Au doctorat, c’est sur la créativité que je travaille. Donc, on a cherché, ensemble et avec la SAT, comment on pouvait arrimer ces deux thèmes-là qui nous tiennent à cœur. Puis, la solution s’est imposée d’elle-même : l’éco-anxiété fait appel à nos ressources créatives pour trouver les solutions face aux changements climatiques, mais aussi par rapport à la manière de vivre notre éco-anxiété. Donc, la conférence va alterner entre Nessa et moi : elle va apporter tout son savoir sur l’éco-anxiété et moi le mien sur la créativité. Avec une rencontre entre ces deux sujets, on veut essayer d’amener quelque chose de nouveau et de positif à tout ça.

« L’éco-anxiété n’est pas un trouble anxieux, parce qu’on n’est pas en train de se faire des idées trop grandioses de ce qui s’en vient »

Nessa Ghassemi-Bakhtiar


LD : Vous êtes toutes les deux artistes, à votre manière. Est-ce que vos créations sont influencées par votre éco-anxiété? Si oui, comment?

NGB : Je dirais que ça fait longtemps que je ne me suis pas identifiée comme artiste! Depuis que je suis retournée aux études en psychologie, on dirait que j’ai un peu abandonné ce titre-là. Quelque chose qui a été vraiment difficile pour moi, c’est que je suis passée du Cégep, où je suivais beaucoup de cours dans le domaine artistique, que ce soit de théâtre ou d’écriture créative, à un baccalauréat en environnement à McGill, où j’ai un peu perdu ces habitudes-là, parce que ce n’était pas intégré dans mon parcours. C’est déjà exigeant, faire des études supérieures, et à ce moment-là, je vivais probablement ce qu’on définirait aujourd’hui comme l’éco-anxiété. C’était de 2011 à 2015, quand on ne parlait pas encore d’éco-anxiété dans le monde environnemental. Dans mes cours d’anthropologie, j’ai eu la chance de reconnecter en quelque sorte avec la fibre créative, à travers l’anthropologie visuelle. C’est ainsi que j’ai voulu explorer la possibilité de créer, de contribuer à des changements sociaux à travers la création. Je dirais que maintenant, la créativité, j’ai appris à l’utiliser autrement que par la production artistique. C’est d’ailleurs quelque chose que l’on abordera dans la conférence. J’aime quand même faire de la photo, de la vidéo, de la danse, mais je ne me mets pas la pression de canaliser mon énergie dans la production artistique, comme je le faisais avant.

FK : De mon côté, quand je donne des concerts ou que je travaille avec des groupes, j’ai l’impression que même si tout ce qui se passe dans le monde est vraiment terrible sur le plan des changements climatiques, même si ça peut tuer l’espoir par moments, être en symbiose avec la musique et avec d’autres personnes à travers la musique fait renaître l’espoir. C’est comme si ça m’accordait des moments où je crois en l’humanité, et qu’en travaillant ensemble, en construisant quelque chose ensemble, on peut encore ressentir cette flamme-là. C’est vraiment une expérience que je partage à chaque fois que je fais de la musique avec quelqu’un, puis à chaque fois que je fais de la musique pour des gens. C’est l’idée qu’eux aussi me donnent quelque chose, par leur écoute et par le fait qu’ils soient là, ensemble. La musique, c’est vraiment devenu une façon de me donner des breaks de pensées anxieuses et de doctorat aussi, entre autres! On va en faire l’expérience dans la conférence. Il va y avoir un moment où on va expérimenter la musique tous ensemble, le public, Nessa et moi, pour ressentir comment ça peut faire du bien.

« Être en symbiose avec la musique et avec d’autres personnes à travers la musique fait renaître l’espoir »


Florence K


LD : Pensez-vous qu’un jour il va falloir, en quelque sorte, induire l’éco-anxiété chez les gens, pour engendrer une mobilisation? Est-ce que cela serait efficace ou nécessaire?

NGB : Je dis souvent que la réponse normale à la prise de conscience des enjeux climatiques et environnementaux, c’est l’éco-anxiété. Il faut faire attention, il y a tout un discours sur le fait de jouer avec les émotions. Je pense qu’il faut qu’on crée d’abord l’espace pour vivre l’éco-anxiété et les émotions qui lui sont relatives, comme la peur et la colère. Cet espace-là, je pense qu’il n’existe pas en ce moment. Je pense que nous ne sommes pas équipés, en tant que société, pour gérer nos émotions tout court. Donc, utiliser les émotions pour manipuler les gens, par exemple dans l’adoption des changements radicaux nécessaires pour faire face aux dérèglements climatiques, c’est une mauvaise tactique à avoir en ce moment. Notre cerveau est fait pour garder le statu quo. Par exemple, si on fait peur aux gens avec des informations sans leur dire ce qu’il faut en faire, c’est normal que pour plusieurs, le mécanisme de défense soit de penser que les informations sont exagérées. Le problème, c’est que la science et les informations par rapport aux changements climatiques ne sont pas exagérées. La mission que je suis en train de construire autour du travail que je fais, c’est d’éduquer, d’informer et de transmettre des connaissances sur la fonction qu’ont les émotions. On a donné des connotations négatives à certains sentiments, dont la culpabilité. « Comment parler des changements climatiques sans générer la culpabilité? », c’est quelque chose qu’on en- tend souvent. Mais selon moi, la culpabilité a une fonction. Elle t’informe sur quelque chose qui t’importe. Si tu te sens coupable, c’est peut-être parce que tu n’es pas en train de faire quelque chose qui concorde avec ton bien-être ou tes valeurs. En tant que société, on a fait en sorte que ces émotions, soi-disant négatives ou inconfortables, soient réprimées. Je préfère utiliser « inconfortables » parce que c’est de l’inconfort qui est généré. Et jusqu’à un certain point, je suis d’accord qu’il faut produire l’inconfort chez les gens, mais il faut que ça soit fait dans un espace qui est capable de mener vers l’utile. Tout comme la créativité d’ailleurs, qui nécessite l’espace mental nécessaire pour en faire usage.

« Notre cerveau est fait pour garder le statu quo »


Nessa Ghassemi-Bakhtiar

LD : Sur une note un peu plus légère, comment vous êtes- vous rencontrées?

FK : Nessa fait partie de la cohorte qui a une année de plus que moi au doctorat. Elle avait organisé un midi causerie pour les nouveaux étudiants de notre section, deux mois avant que le doc commence. [En parlant à Nessa] T’étais super engagée, déjà tu parlais et j’ai fait « Wow »! J’ai vraiment une admiration pour les gens qui ont une grande force de mobilisation, qui ont des valeurs et des choses qu’ils veulent amener dans la société. Ce n’est pas évident non plus, un sujet comme l’éco-anxiété, c’est quelque chose qui n’est pas facile à gérer pour beaucoup de gens. Et moi j’ai juste trouvé ça vraiment hot que Nessa travaille là-dessus. On avait aussi des enjeux dont on parlait ensemble, par exemple par rapport à l’exode des psychologues dans le réseau public, qui est une cause qui me tient vraiment à cœur. Puis, je suis entrée dans le comité exécutif de l’association générale des étudiants en psychologie des cycles supérieurs (AGEPSY-CS), dont Nessa est la présidente.

NGB : On a connecté sur des valeurs communes, de justice sociale, entre autres.

FK : C’est amusant d’avoir des amis au doctorat, parce qu’on devient parfois très isolé dans notre travail. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint le comité exécutif de l’AGEPSY-CS, pour faire des rencontres et pouvoir échanger. C’est une façon de tisser un réseau dans un pro- gramme où on est très dispersé.

NGB : On s’est rejointes sur cette nécessité de recréer un sentiment d’appartenance, post-pandémie, avec quelque chose de plus grand que nous, en tant qu’individus.

FK : Et c’est intéressant de pouvoir mettre nos deux champs de spécialisation ensemble, puis de voir qu’en fin de compte, les sujets peuvent se tisser ensemble.

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Deux temps, trois mouvements https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/deux-temps-trois-mouvements/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52630 Les BJM ouvrent la 26e saison de Danse Danse avec Essence.

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C’est soir de fête au Théâtre Maisonneuve! En plus d’être l’année des 60 ans de la Place des Arts, 2023 est également celle des 50 ans des Ballets Jazz de Montréal! À l’occasion de l’ouverture de la 26e saison de Danse Danse, diffuseur associé à la Place des Arts, les Ballets Jazz de Montréal (BJM) ont présenté pour la première fois leur spectacle Essence, un triptyque contemporain. Dans ce spectacle d’ouverture annonçant une saison solide et innovante, trois pièces se succèdent : We Can’t Forget About What’s His Name d’Ausia Jones, Ten Duets on a Theme of Rescue de Crystal Pite et Les Chambres des Jacques d’Aszure Barton.

We Can’t Forget About What’s His Name d’Ausia Jones

Les rideaux s’ouvrent sur sept danseurs alignés sur la scène plongée dans la pénombre. « Just relax », nous répète l’enregistrement audio qui remplit l’espace sonore. À travers les sept interprètes, les éclairages épurés, colorés et porteurs de sens, et la musique électrisante de Jasper Gahunia, Stephen Krecklo & William Lamoureux alias Earth Boring, on explore l’univers d’Ausia Jones. Dans cette création, la jeune chorégraphe et interprète aux BJM unit groove et contrepoint, dans une chorégraphie qui donne envie de se mettre à danser soi-même. Parfois, quelques mouvements de danse classique ponctuent la chorégraphie, ce qui est moins intéressant, puisque cela s’est souvent déjà vu ailleurs. La chorégraphie aurait peut-être été ressentie comme plus personnalisée et originale sans ceux-ci.

Ten Duets on a Theme of Rescue de Crystal Pite

Une douzaine de projecteurs sur pied, placés en demi-cercle, créent un espace restreint au centre de la scène. Ils s’allument quelques-uns à la fois, à des angles variés, composant ainsi des ambiances très différentes les unes des autres. Comme le titre l’indique, cette pièce est une succession de couples de danseurs. À chaque duo, on a l’impression d’entrer dans une toute nouvelle histoire. Les tableaux sont installés rapidement par les danseurs, et les spectateurs y sont immédiatement plongés. Personnellement, c’est la pièce qui m’a le plus touchée. Les mouvements sont recherchés, la gestuelle parlante. Tout est réduit à l’essentiel et on ressent tout en grand. Il n’y a parfois même pas de comptes – ces repères temporels dans le rythme de la musique –, les danseurs se coordonnant uniquement avec des repères visuels. On reconnaît la signature de la chorégraphe renommée, et directrice artistique fondatrice de Kidd Pivot, dans chacun des duos et dans les liens qui les unissent.

Les Chambres des Jacques d’Aszure Barton

C’est nulle autre que La Danse à St-Dilon de Gilles Vigneault, qui nous accueille dans cette troisième et dernière partie du triptyque. Aszure Barton construit ce qu’on peut comparer à un film choral dansé. Sur des musiques classiques fortes en émotions, chaque danseur interprète un personnage. Chacun a sa manière d’interagir avec les autres, et chacun est soumis au mouvement et à ce que le mouvement crée en sa personne. Par exemple, le personnage de la danseuse Astrid Dangeard pousse un cri inattendu pendant la pièce. L’interprète a par la suite expliqué, pendant la période de questions après le spectacle, que son « personnage n’a pas d’autre choix que de crier à ce moment-là ». Un petit point faible de la chorégraphie est l’ajout de mouvements acrobatiques dans quelques séquences. Cela n’apporte rien de vraiment sensible à l’histoire, déjà complète sans ces démonstrations de capacités techniques. Enfin, les costumes, mis au goût du jour pour l’occasion, complètent subtilement l’ambiance de chaos contrôlé de la pièce, par des touches de bleu dans la masse de tissus aux couleurs chaudes.

Un triptyque tissé serré

On sent que les trois pièces dialoguent entre elles, par la mise en valeur des danseurs avant tout. Les pièces d’Aszure Barton et de Crystal Pite, revisitées pour l’occasion, accompagnées d’une création de la relève, soit celle d’Ausia Jones, racontent l’histoire des BJM, tout en amorçant l’écriture d’un nouveau chapitre. C’est ce que la directrice artistique, Alexandra Damiani, souhaitait réaliser. Pendant la période de questions après la représentation, cette dernière a expliqué n’avoir jamais eu en tête de bâtir un spectacle uniquement avec des chorégraphes féminines. Elle a seulement cherché à valoriser les danseurs, et par hasard, les trois pièces choisies étaient chorégraphiées par des femmes. En somme, la 26e saison de Danse Danse commence en force avec ce premier spectacle, autant par ses mises en scène captivantes que par la mise en lumière du vocabulaire gestuel distinctif de chaque chorégraphe.

Essence des Ballets Jazz de Montréal a été présenté au Théâtre Maisonneuve du 27 au 30 septembre 2023. Le prochain spectacle de la saison de Danse Danse, Past Rooms de Skeels Dance, accueillera le public du 17 au 21 octobre à la Cinquième Salle de la Place des Arts.

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Le test de Bechdel : à double tranchant https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/le-test-de-bechdel-a-double-tranchant/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52667 Critique d’une approche féministe du cinéma pas assez ambitieuse.

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Gravité, un film d’Alfonso Cuarón sorti en 2013, met en scène Sandra Bullock dans le rôle de Ryan Stone, docteure et experte en ingénierie médicale. Son personnage est un bon exemple d’un premier rôle féminin fort, placé au centre de l’histoire, en tant que personne complète et non définie par ses relations avec d’autres personnages. Pourtant, ce film ne passe pas le fameux test de Bechdel, considéré par plusieurs comme la référence pour évaluer la place des personnages féminins dans un film. Le test ne serait-il donc pas applicable pour tous les films? En fait, le problème principal avec ce test est qu’il s’agit d’un outil quantitatif et non qualitatif, de sorte qu’il ne peut pas être utilisé comme seule mesure des valeurs féministes d’un film.

L’origine du test de Bechdel

Ce test a été officiellement créé en 1985 par Alison Bechdel, une dessinatrice américaine, mais c’est à Liz Wallace qu’elle attribue l’idée. Ce test a pris forme dans la bande dessinée intitulée Dykes to watch out for. Dans une planche intitulée « La règle », deux personnages (deux femmes) veulent aller voir un film au cinéma. Une des deux explique à l’autre que pour qu’elle puisse voir un film, ce dernier doit respecter trois critères, ce qu’elle appelle sa « règle », dont les exigences sont les suivante : « [Le film] doit comporter au moins deux femmes, [qui] se parlent et [qui doivent parler] d’autre chose que d’un homme. » Liz Wallace s’est inspirée de l’essai Une Chambre à Soi de Virginia Woolf, dans lequel l’autrice fait la déclaration suivante : « Toutes ces relations entre femmes, […] sont trop simples… Il était étrange de penser que toutes les grandes femmes de fiction étaient, jusqu’à l’époque de Jane Austen, non seulement vues par l’autre sexe, mais vues uniquement par rapport à l’autre sexe. (tdlr) »

Depuis la publication de « La règle », le test a été adopté et popularisé par le public. Selon le dictionnaire Merriam-Webster, il est utilisé comme manière « d’évaluer une œuvre de fiction (comme un film) sur la base de l’inclusion et de la représentation de personnages féminins ». Certains cinémas suédois utilisent même maintenant des autocollants « Approuvé par le test Bechdel-Wallace » pour identifier les films qui respectent ces critères.

À utiliser avec parcimonie

Le test de Bechdel ne porte pas sur la complexité des personnages féminins, mais plutôt sur la représentation des femmes à l’écran. Il s’agit d’un test quantitatif utilisé à tort comme un test qualitatif ; c’est pourquoi il ne devrait pas servir de référence pour déterminer si un film est en accord avec la pensée féministe ou non. La confusion dans l’interprétation du test est née de ses différentes applications, conduisant à l’idée fausse que si un film ne comporte pas deux personnages féminins qui portent un nom et qui parlent entre elles d’autre chose que d’un homme, il n’est pas féministe. Ou, de la même façon, que s’il contient tous ces éléments, il est automatiquement féministe. Un épisode de la série télévisée Rick et Morty a parodié la règle de Wallace afin de montrer que son respect n’est pas automatiquement synonyme de féminisme. Dans l’épisode, deux personnages féminins, une mère et une fille, parlent d’une manière qui semble forcée de sujets stéréotypés, tels que le thé et les menstruations, pour les ridiculiser. Même si l’épisode de Rick et Morty réussi le test, les femmes du scénario ne sont pas du tout représentées comme complexes et les personnages ne sont pas recherchés, approfondis, ce qui est l’essence même de la représentation féminine. Cet exemple, ainsi que bien d’autres, montre que le critère du sujet de conversation est trop binaire. Encore une fois, la femme est d’une certaine manière définie à travers et en relation avec l’homme. Une conversation entre femmes peut être féministe même si le sujet en est un homme. Il est donc important de se pencher sur le contexte du film, et non pas seulement sur un vague sujet de conversation.

Le féminisme est l’affaire de tous

Le féminisme est la défense et la promotion des droits des femmes, visant à l’égalité des sexes. Tout le monde doit y participer pour qu’il y ait un impact concret, et tout le monde peut bénéficier de ses avancées, entre autres parce que les hommes sont eux aussi touchés par les stéréotypes de genre. Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, le féminisme n’est donc pas seulement l’affaire des femmes. Syed Ali Fathima, du département de recherche en anglais de l’American College de Madurai, explique une mauvaise interprétation très répandue du terme: « La peur du mot en “F” est réelle. Dans une société ancrée dans un système supporté par des valeurs patriarcales, les mots “féminisme” et “féministe” peuvent avoir une connotation négative. Cela est dû à la perception populaire selon laquelle les féministes sont une espèce qui déteste les hommes. » Finalement, le test de Bechdel ne peut indiquer si un film présente une vision féministe ou pas, car les problèmes de représentation ne sont pas liés au manque de personnages féminins, et les relations hommes/femmes doivent toujours être exploitées par les réalisateurs. Elles doivent néanmoins être réinventées. Il est du devoir des réalisateurs de questionner leur regard sur ces personnages féminins, car c’est plutôt la manière dont elles sont filmées qui devrait être revisitée.

« Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, le féminisme n’est donc pas seulement l’affaire des femmes »

La représentation des femmes dans les médias

Le test de Bechdel n’est pas la solution aux enjeux féministes dans le monde du cinéma et de la télévision. Il a néanmoins engagé une conversation nécessaire sur la représentation des femmes dans les médias, pour que les personnages féminins soient plus complexes, pour que leur psychologie, leurs émotions, leur bagage culturel et leur relation au monde soient exploités avec justesse par les réalisateurs. Le monde du cinéma doit avant tout apprendre à s’interroger sur sa façon de représenter ce qu’il croit connaître.

De la même façon, la critique et l’audience doivent former leur esprit critique, remettre en question les théories critiques passées et réfléchir à l’impact des préjugés entretenus. L’effet CSI : Les Experts, qui désigne l’augmentation soudaine du nombre de personnes s’orientant vers des professions liées aux enquêtes criminelles, depuis la diffusion de la série télévisée populaire éponyme, montre l’impact des médias sur la réalité humaine. Un phénomène similaire a été observé avec la sortie du film Rebelle (Brave) de Disney et Pixar, qui a engendré une augmentation impressionnante de la pratique du tir à l’arc par les jeunes filles.

« Le monde du cinéma doit avant tout apprendre à s’interroger sur sa façon de représenter ce qu’il croit connaître »

Chaque jour, les films et les séries télévisées façonnent la manière dont la société regarde les femmes et comment ces dernières construisent leur image d’elles-mêmes. Il est donc important que les personnages féminins à l’écran soient façonnés par des regards qui se questionnent et qui cherchent à composer des personnages entiers pouvant inspirer les spectatrices, ce que le test de Bechdel ne permet ni de mesurer, ni d’encourager.

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Addictions, dépendances et obsessions en création littéraire https://www.delitfrancais.com/2023/09/27/addictions-dependances-et-obsessions-en-creation-litteraire/ Wed, 27 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52537 Rencontre avec Laurance Ouellet Tremblay.

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Pour cette édition spéciale, Le Délit a rencontré Laurance Ouellet Tremblay, écrivaine et professeure de création littéraire et de théorie psychanalytique à l’Université McGill, dans le but de mieux comprendre les liens entre les sujets de l’addiction, de la dépendance et de l’obsession, et celui de la littérature. La création artistique, à travers divers époques et courants, a souvent été associée à la consommation de substances qui altèrent l’esprit et la perception. Ces substances seraient-elles réellement bénéfiques à la création? D’où l’écrivain d’aujourd’hui tire-t-il son matériau? Ces questions, parmi bien d’autres, seront adressées dans cette entrevue.

Le Délit (LD) : Vous enseignez la création littéraire et la théorie psychanalytique à McGill depuis 2018. Peut-on faire le lien entre votre travail et les sujets de l’addiction, de la dépendance et de l’obsession? D’où vient votre intérêt pour ces thèmes?

Laurance Ouellet Tremblay (LOT) : C’est pas tout à fait en lien, il ne faut pas essayer de tout mettre dans le même panier. Ce qui m’intéresse dans la théorie psychanalytique, c’est qu’on comprend que la cure de la parole, que parler, chez l’humain, peut révéler plusieurs choses, mais on comprend aussi que nous sommes assujettis au langage. Cette condition-là, c’est ce que j’appelle le scandale de la parole créatrice, le fait qu’il faille faire du nouveau avec ce vieux code usé qu’est le langage. Et c’est un peu le paradoxe de l’écrivain, finalement, donc ces questions-là d’écriture et d’assujettissement m’intéressent beaucoup. Maintenant, la dépendance, c’est aussi une forme d’assujettissement, n’est-ce pas? C’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup intéressée puisque par nature, je suis intéressée aux œuvres, disons plus radicales, plus expérimentales. Aussi, c’est un fait que chez les écrivains et les artistes, de tout temps, il y a eu une certaine culture de la consommation, pas chez tous et toutes, mais chez certains. C’était un choix qu’ils faisaient consciemment d’aller explorer. Consommer, c’est altérer son esprit, que ce soit par les drogues ou l’alcool. Donc qu’est-ce que ça module dans la création? Qu’est-ce que ça lui permet? Qu’est-ce que ça lui retire? Ce sont ces questions-là, en fait, qui m’intéressaient et je me suis dit que je pourrais monter un cours là-dessus et interroger les œuvres d’écrivains ayant côtoyé ces substances.

« Il faut défaire une certaine idéalisation de ce phénomène-là. Je ne crois pas que l’on écrive de meilleurs poèmes, en tout cas, selon mon expérience, lorsque l’esprit est affecté »

LD : Vous êtes l’autrice de cinq œuvres, dont un recueil de poésie intitulé La vie virée vraie, publié l’année passée. Est-ce qu’on peut retrouver les sujets de l’addiction, de la dépendance et de l’obsession dans vos propres œuvres?

LOT : Oui, dans la dernière, définitivement. Et aussi dans ma vie, dans ma pratique d’écriture. En fait, je suis une poète qui a flirté avec l’altération de l’esprit et qui a vu ce que ça pouvait permettre ou non. Le dernier livre que j’ai écrit a été composé complètement au club de jazz, sous l’influence de la musique jazz live et donc aussi de l’alcool, et sous une certaine influence de la marijuana, je l’avoue, vu que c’est légal maintenant. Il faut défaire une certaine idéalisation de ce phénomène-là. Je ne crois pas que l’on écrive de meilleurs poèmes, en tout cas, selon mon expérience, lorsque l’esprit est affecté. Par ailleurs, le fait d’altérer mon esprit, par exemple dans les soirées jazz, m’amène à vivre des expériences qui ne font pas partie du quotidien, qui ne sont pas dans la routine, des expériences qui sortent de l’ordinaire un peu. Et ça, ça exalte la création. Mais par la suite, c’est le retravail, et ce retravail-là, il se produit lorsque l’on est sobre. Dans mon recueil, je parle de consommation, surtout d’alcool, mais ce n’est pas le thème central, ça fait seulement partie de la vie, finalement.

LD : Est-ce que le fait d’écrire peut devenir lui-même une obsession, une dépendance? Vivez- vous cela vous même en tant qu’écrivaine?

LOT : C’est intéressant. Pas tout à fait, mais j’ai connu des écrivains qui avaient un rapport à l’écriture beaucoup plus invasif, effectivement, beaucoup plus obsessionnel. Mais, comme vous dites, par exemple, le fait de travailler un poème jusqu’à l’épuisement, jusqu’à sa fin, jusqu’à on ne sait pas où, c’est l’expérience de l’écrivain ou de l’écrivaine. Je crois que c’est avec l’expérience qu’on finit par comprendre quand le texte est prêt, quand le texte est mûr, disons-le comme ça. Avant, c’est du tâtonnement, donc oui, ça peut se comparer à un certain type d’obsession qui est très prenant, mais je ne ferais pas de parallèle si direct que ça.

« On est dans une époque où l’autofiction et le rapport à soi sont mis de l’avant, n’est-ce pas? Maintenant, les écrivains trouvent le matériau de leur écriture un peu dans leur quête intérieure »

LD : Pensez-vous que l’écriture peut agir comme échappatoire à l’obsession ou aux addictions?

LOT : C’est complexe. Premièrement, ce qu’il faut comprendre, c’est que dans ma perspective, ce n’est vraiment pas thérapeutique, mais ce n’est en rien un jugement de valeur. C’est plutôt d’observer ce que l’altération de l’esprit permet dans la pratique. Est-ce que l’écriture peut être une échappatoire? Je pense que l’écriture peut avoir une fonction thérapeutique, dans beaucoup de cas : l’écriture en général, l’écriture d’un journal intime, l’écriture d’une lettre, parce qu’elle permet de réfléchir et d’acquérir une certaine distance face au moment vécu. Maintenant, est-ce que l’écriture littéraire peut être une échappatoire aux addictions? C’est intéressant. Dans le cours, on voyait The Recovering de Leslie Jamison. Il y a toute une tradition d’hommes qui ont bu, dans la littérature, mais elle, c’est une femme qui a bu beaucoup lors de ses études en littérature, dans cette volonté d’imitation de Poe, de Kerouac et des écrivains buveurs et fumeurs. Et elle s’est bien rendue compte que ça l’amenait un peu dans le mur, donc elle a arrêté de boire. Et vraiment, d’un point de vue qui n’est pas prosélyte, qui n’essaye pas de convaincre, elle nous raconte son processus dans ce livre autofictionnel. En ce sens-là, l’écriture devient la scène d’exposition de son changement d’habitudes, disons-le comme ça. Mais je crois que l’écrivain n’écrit pas à vocation thérapeutique. Ça dépend du cas. Je ne mettrais vraiment pas de loi globale par rapport à l’écriture comme moyen de se sauver des addictions.

LD : Qu’est-ce qui vous a amenée à vouloir étudier et maintenant enseigner la théorie psychanalytique?

LOT : C’est une longue histoire. Ma directrice de thèse, Anne Élaine Cliche, était très versée dans la théorie psychanalytique. C’est son approche, c’est une spécialiste. Son enseignement m’a fascinée, donc j’ai commencé à étudier cela, et à moi-même, faire une psychanalyse et à comprendre les liens, les chemins de traverse qu’il y avait entre la littérature et la psychanalyse, la manière de dire les choses. On est dans une époque où l’autofiction et le rapport à soi sont mis de l’avant, n’est-ce pas? Maintenant, les écrivains trouvent le matériau de leur écriture un peu dans leur quête intérieure. Et la psychanalyse, c’est une enquête, c’est une manière d’investiguer qui on est, de comprendre notre architecture subjective, disons. C’est pour ça que ça me passionne profondément, ça dépasse la simple thérapie. C’est une explication de comment fonctionne la psyché humaine, qui n’a de cesse de nous étonner. On est de drôles de bêtes!

Laurance Ouellet Tremblay enseigne au Département de langue et de littératures françaises. Elle donnera un cours au trimestre d’hiver sur les théories littéraires et psychanalytiques, intitulé « FREN 335 Théories littéraires 1 ».

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Recommandation musicale : Inuktitut par Elisapie https://www.delitfrancais.com/2023/09/20/recommandation-musicale-inuktitut-par-elisapie/ Wed, 20 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52305 Un plongeon émouvant dans la jeunesse d’Elisapie.

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Au-delà d’être des artistes et groupes de musique qui ont marqué des générations, qu’est-ce que Metallica, Fleetwood Mac, Cindy Lauper, Queen, Pink Floyd, Led Zeppelin, Blondie, Patrick Hernandez, Leonard Cohen et The Rolling Stones ont en commun? Tous ces artistes ont accepté d’être représentés dans l’album de reprises Inuktitut de l’auteure-compositrice-interprète inuk Elisapie. Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik.

En pleurer avant d’en rire

La chanteuse a sélectionné les morceaux en fonction des émotions fortes qu’ils réveillent en elle, et des souvenirs associés à chacun d’entre eux : « J’ai choisi des chansons qui me font pleurer », a‑t-elle dit en entrevue avec Le Journal de Montréal. Elisapie a demandé l’autorisation aux artistes pour reprendre et traduire leurs chansons en inuktitut. Contrairement à l’enthousiasme de certains pour le projet, d’autres ont refusé de voir leurs chansons traduites. C’est le cas du groupe de pop suédois ABBA : « C’est dommage, on avait une version complètement pétée de Chiquitita. Ma fille ne les écoute plus à cause de ça! » a dit Elisapie à La Presse dans une autre entrevue. Pour sa part, la reprise de The Unforgiven de Metallica a été partagée par le groupe sur ses réseaux sociaux et a même été mise en avant dans un article dans l’éminent magazine Rolling Stone. Selon ce dernier, on entend dans l’album d’Elisapie un mélange de « banjo, percussions traditionnelles, saxophone, basse, chants de gorge et scie musicale, en addition à la guitare et au synthétiseur (tdlr) ». Les reprises des chansons, pour la plupart de genre rock, sont des versions plus douces et épurées des originales. Elles véhiculent avec brio l’impact émotionnel que ces chansons ont eu sur Elisapie et sa communauté inuk dans leur jeunesse, soit, entre autres, de les accompagner dans leur tristesse et de leur apprendre que c’est valable de vivre sa peine pleinement.

« Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik »

L’album Inuktitut, produit par le label Bonsound, est disponible sur les plateformes Spotify, Apple Music, Bandcamp et Bonstore. Cet automne, Elisapie sera en tournée dans plusieurs villes du Québec et sera notamment en concert à Montréal à l’Usine C les 7, 8 et 9 décembre prochain.

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