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Il y a du chemin à faire

Le documentaire L’Océan vu du coeur appelle à une prise de conscience.

Noé Sardet

Cela fait déjà plus d’un mois que l’astrophysicien, vulgarisateur scientifique et militant écologiste Hubert Reeves nous a quittés. Il a légué, à ceux qui l’écoutaient et l’admiraient, une soif d’apprendre à propos du monde qui nous entoure, celui qu’on habite : la Terre. Son livre, intitulé La Terre vue du cœur, coécrit avec Iolande Cadrin-Rossignol, avec la participation du sociologue et écrivain Frédéric Lenoir, réunit avertissements écologiques et remise en question de la place de l’humain dans la nature, tout en s’adressant aux générations futures. Le livre L’Océan vu du cœur est la suite de cette réflexion, s’attardant précisé- ment au sujet des océans, ces géants plus fragiles qu’ils en ont l’air.

L’adaptation en film documentaire de L’Océan vu du cœur, par Iolande Cadrin-Rossignol et Marie- Dominique Michaud, est sortie en salle le 10 novembre 2023. Le documentaire, rythmé d’entretiens avec Hubert Reeves et Frédéric Lenoir, rassemble les témoignages de scientifiques, d’artistes et de penseurs interpellés par la cause climatique et ses effets néfastes sur les océans.

Se laisser submerger par la beauté

L’Océan vu du cœur porte bien son nom. Grâce aux images limpides et sensibilisantes de Noé Sardet, Sharif Mirshak, Valentin Proulx et de nombreux collaborateurs (Sandra Bessudo, Yves Lefèvre, Sea Shepherd, Cyril Chauquet, etc.), on plonge visuellement dans ce qui fait de l’océan un organe vital de notre planète bleue. Les illustrations d’Eruoma Awashish et de son collègue animateur Étienne Deslières accompagnent aussi brillamment les explications scientifiques poussées, et vulgarisent l’interconnectivité présente partout dans le vivant.

Partir du bon pied

Le cerveau humain a tendance à se qualifier lui-même de « machine la plus avancée de l’univers », ou du moins de la planète Terre. Peut-être qu’il est biaisé, peut-être qu’il a raison. Dans tous les cas, le cerveau humain doit se rappeler qu’il forme avec son corps un simple organisme complexe, parmi plusieurs autres organismes vivants. « Avec ce documentaire, nous voulions inviter les spectateurs à être plus attentifs à ces dons [des êtres vivants] et aux manières dont nous pouvons collectivement les soutenir, plutôt que de continuer de croire que l’humain est l’être qui domine ‘la création’ », a expliqué Marie- Dominique Michaud en entrevue.

Vers un équilibre

L’océan a une capacité de ré- génération exceptionnelle, si on lui laisse la chance de s’y mettre. Le documentaire s’intéresse à plusieurs activités humaines dangereuses pour la vie marine, mais celle dont l’impact est le plus frappant, c’est la pêche. Chaque année, des quantités phénoménales de poissons, victimes des « dommages collatéraux » de la pêche de certaines espèces, sont relâchées dans l’océan. Ces poissons ne sont pas considérés comme « pêchés » par la loi, puisqu’ils ne sont pas vendus ou consommés. C’est l’un des exemples du documentaire qui nous montre l’absurdité des lois supposées protéger la vie. L’Océan vu du cœur adopte une approche multidimensionnelle pour aborder les enjeux qui menacent les océans, de l’aspect scientifique à l’aspect économique, en passant par l’aspect juridique. Son but n’est pas de moraliser, mais plutôt d’éduquer, de sensibiliser et d’encourager les gens à adopter collectivement des pratiques durables, en harmonie avec l’interconnectivité de la nature, pour la survie de l’être humain et de toutes les espèces vivantes.

Être en bonne voie

Connaître les conséquences des changements climatiques et être sensible à la vie et à sa protection ne suffit pas toujours pour mettre en place des actions conséquentes d’un point de vue environnemental. 

Pourtant, c’est déjà un meilleur point de départ que l’ignorance ou l’indifférence, tant que cela ne mène pas au désespoir ou au défaitisme. Dans le documentaire, Frédéric Lenoir explique qu’on est plus utile quand on est heureux. Une personne qui choisit d’être heureuse – lorsqu’elle en a la possibilité – plutôt que malheureuse, choisit d’être motivée, engagée, d’aller chercher de l’énergie pour agir, pour apporter des changements nécessaires au bien de tous. Une personne qui se réfugie plutôt dans le désespoir et le malheur choisit d’être passive de subir. Selon Lenoir, il ne faut pas se sentir coupable d’être heureux, même lorsqu’il y a davantage de raisons d’être malheureux. Là où L’Océan vu du cœur se démarque d’autres documentaires, c’est dans la perspective peu médiatisée qu’il choisit, soit celle de l’optimisme. Le documentaire présente des faits pour la plupart alarmants, mais plutôt que de mettre l’accent sur les catastrophes imminentes des changements climatiques, il s’attarde sur les pistes de solutions efficaces et réalisables.

« Là où L’Océan vu du cœur se démarque d’autres documentaires, c’est dans la perspective peu médiatisée qu’il choisit, soit celle de l’optimisme »

L’Océan vu du cœur est absolument à voir. Pour s’éduquer davantage sur les conséquences des changements climatiques et leurs possibles solutions, pour remettre en question ses habitudes de vie, pour s’émerveiller devant l’immense intelligence de la nature, et pour réfléchir à la place de l’humain au sein d’un tout et son devoir envers son environnement. Il y a du chemin à faire : ce documentaire est un pas dans la bonne direction.


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