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Le bulletin terre à terre

Cinq bonnes nouvelles environnementales au Québec en 2023.

Dominika Grand'Maison | le Délit

On a tendance à ne parler que de ce qui va mal. On chiale, on rant, on évacue ce qui nous pèse à l’intérieur. Et, ainsi, l’erreur que l’on fait souvent, c’est d’oublier de parler de ce qui va bien. On pense que c’est moins intéressant ; il y a moins de rebondissements quand tout roule. Pourtant, il est aussi important de parler des côtés positifs, si ce n’est que pour éviter de retenir et de transmettre ensuite une vision biaisée des choses et des événements. Pour avoir une vue d’ensemble, il faut apprécier tous les aspects : les bons comme les mauvais. En 2023, on a entendu beaucoup de mauvaises nouvelles environnementales, c’est pourquoi il est d’autant plus important de mettre en lumière les bonnes nouvelles de l’année !

« En 2023, des humains passionnés par la survie de leur espèce ont fait pression sur leurs gouvernements et ont entrepris des projets afin de réaliser des changements pour le bien de l’environnement »

Dans le cas de la crise climatique, un discours purement négatif peut mener à une amplification de ses causes, car la peur mène à l’inaction. Il est primordial d’être réaliste lorsque l’on discute de la situation environnementale. Être réaliste, cela ne signifie pas seulement parler de l’aggravation des catastrophes naturelles par les humains, du nombre grandissant de réfugiés climatiques, de la perte rapide de la biodiversité, etc. Être réaliste nécessite de parler de la crise en ayant en tête les avancées technologiques écologiques, les populations qui acquièrent une conscience environnementale et les découvertes scientifiques utiles à la lutte contre les changements climatiques. Le défaitisme condescendant (« Je peux polluer comme je veux, de toute façon on va tous mourir », « Tu penses vraiment que ton tempeh général tao va sauver les koalas ? ») n’a pas sa place dans la discussion. On a la chance, en tant qu’étudiant·e·s mcgillois·e·s, d’avoir accès à des ressources qui nous permettent de réfuter ces déclarations contre-productives, et d’avoir l’espace mental et le temps de s’impliquer dans les causes qui nous tiennent à cœur. Il faut saisir cette opportunité, qui n’est pas donnée à tous·tes. En 2023, des humains passionnés par la survie de leur espèce ont fait pression sur leurs gouvernements et ont entrepris des projets afin de réaliser des changements pour le bien de l’environnement. Au Québec, certaines de ces revendications et initiatives ont abouti à des résultats très positifs. Revenons donc sur cette année mouvementée qui vient tout juste de se terminer – même si nous en sommes déjà à la troisième semaine. Voici cinq bonnes nouvelles environnementales au Québec en 2023. 

Anticosti protégée par l’UNESCO

En septembre 2023, l’île d’Anticosti, située dans le golfe du Saint-Laurent dans la région de la Côte-Nord, a été ajoutée à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Connue pour ses falaises impressionnantes, la chute Vauréal, la rivière Jupiter et la superficie impressionnante de l’île (équivalente à 17 fois l’île de Montréal), Anticosti est un joyau exceptionnel du Québec. Ses côtes, qui font l’objet d’études scientifiques, comportent des habitats sous-marins importants. La particularité d’Anticosti, qui a suscité l’attention du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, est sa richesse géologique. Grâce à ses successions stratigraphiques qui abritent de nombreux fossiles diversifiés et bien conservés, Anticosti est en quelque sorte une photographie de la fin de l’Ordovicien, cette période où est survenue la première grande extinction de masse sur Terre. C’est environ 14% de la superficie de l’île qui est maintenant protégée par l’UNESCO, c’est-à-dire que des règles sévères encadrent la collecte de fossiles et la conservation du territoire. Avec cette reconnaissance internationale, on espère la venue sur l’île de scientifiques de partout dans le monde. 

« En mars 2023, les ministres de l’Environnement Steven Guilbeault et Benoit Charette ont annoncé l’agrandissement (par quatre fois sa taille originale) du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent »

Projets de parcs marins 

En mars 2023, les ministres de l’Environnement Steven Guilbeault et Benoit Charette ont annoncé l’agrandissement (par quatre fois sa taille originale) du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent. Cette mesure a pour but de protéger 100% du territoire servant d’habitat aux bélugas, une espèce menacée. L’un des facteurs de danger pour les bélugas est le bruit produit par les navires de charge. Une plus grande zone protégée permettrait de conserver des endroits de tranquillité pour les bélugas. Les bateaux pourront encore passer par leurs chemins habituels, mais le trafic maritime sera davantage réglementé. Les ministres visent à officialiser le projet en 2025. En novembre, un autre projet de parc marin a été annoncé par Québec et Ottawa. Cette aire protégée, inspirée du parc marin Saguenay-Saint-Laurent, se situerait entre l’île d’Anticosti et la réserve du parc national de l’Archipel-de-Mingan. Selon Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), ce projet serait très bénéfique pour plusieurs espèces de baleines, dont certaines sont en voie de disparition. 

Défense continue de la rivière Magpie 

En 2021, la rivière Magpie est devenue le premier élément naturel à obtenir le statut de personnalité juridique au Canada, après avoir été déclarée comme telle par le Conseil des Innus d’Ekuanitshit et la municipalité régionale de comté (MRC) de Minganie. En 2023, malgré son statut exceptionnel, la rivière Magpie fait face à une menace importante : un projet de barrage par le gouvernement provincial et Hydro-Québec. Le gouvernement provincial a son œil sur la rivière Muteshekaushipu (le nom innu de la Magpie) à cause de son débit puissant, parfait pour l’instauration d’un barrage hydro-électrique. La rivière possède pourtant un moyen de défense : la population. Les communautés autochtones, les amateur·trice·s de sports d’eaux vives et certains groupes citoyens et environnementaux s’opposent fortement au projet de barrage, et posent des actions concrètes pour le contrer. Les gens impliqués dans la protection de la Magpie revendiquent le statut d’« aire protégée » pour la rivière, ce qui l’écarterait des options pour la construction de barrages. La Magpie s’est bâtie une réputation à l’internationale, notamment à la COP15 en décembre 2022 et dans le prestigieux magazine de plein air National Geographic, qui l’a classée parmi les 10 meilleures rivières au monde pour les sports d’eaux vives. En 2023, la lutte continue, entre autres par le passage de Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté innue d’Ekuanitshit, et Luc Noël, préfet de la MRC de Minganie, à une conférence à l’ONU. De plus, cette année, de nombreux citoyen·ne·s se sont exprimé·e·s dans les médias en faveur de la protection de cette rivière exceptionnelle. 

Dominika Grand’Maison | le Délit Fleuve Saint-Laurent, Tadoussac

Restauration de l’île Tekakwitha

La communauté Mohawk de Kahnawake, sur la Rive-Sud de Montréal, a historiquement été désavantagée par les projets de construction du gouvernement fédéral. L’exploitation du territoire par le gouvernement a eu des effets néfastes sur l’environnement et la culture des habitant·e·s. L’île Tekakwitha, une île artificielle, a ensuite été bâtie avec des résidus de travaux dans le fleuve. Aujourd’hui, des problèmes de diversité faunique et végétale persistent sur l’île, à cause de ses sols pauvres et de la prolifération d’espèces envahissantes. Un projet de travaux de revitalisation a été mis en place il y a quelques années par des jeunes employé·e·s autochtones et non-autochtones du Kahnawake Environment Protection Office (KEPO). Ces travaux incluent le dragage de la baie (pour retirer des sédiments et les transformer en terre riche pour faire pousser des plantes), la création d’habitats (pour les hirondelles, les tortues et les serpents), et la création d’un milieu humide avec un marais artificiel. En 2023, ces travaux ont continué d’avancer et de mener à de petites victoires en termes de biodiversité. Un nouveau projet de forêt nourricière a aussi été mis en place. Il vise à créer un espace pour que la communauté puisse venir cueillir des fruits, des plantes médicinales et des graines. En plus d’être potentiellement propice à l’épanouissement de la biodiversité, l’île Tekakwitha accueille chaque année le pow-wow de Kahnawake, un évènement traditionnel qui célèbre la fierté autochtone. L’année dernière, le pow-wow de Kahnawake a accueilli, comme chaque année, des centaines de danseur·se·s et des milliers de spectateur·trice·s. Il est important de continuer à protéger et à revitaliser cette île, qui sert d’endroit de ressourcement à la nature et à la communauté mohawk de Kahnawake. 

Agriculture urbaine hivernale 

Malgré le froid et la neige des mois d’hiver, il est possible de faire pousser des légumes à l’extérieur ! En 2023, à Montréal, le Carrefour solidaire et le Laboratoire sur l’agriculture urbaine ont créé, à l’aide d’abris d’automobiles, des serres chauffées uniquement par le soleil. Alors qu’il faisait ‑5 ̊C à l’extérieur, les pousses à l’intérieur des serres à énergie passive profitaient d’une température plus clémente, d’environ 7 ̊C. Les légumes-feuilles, tels que les laitues et les pak choïs, sont les plus résistants au froid, donc les plus heureux dans un tel environnement. L’agriculture urbaine hivernale dans les abris d’automobiles utilise l’espace de manière plus productive et durable que des places de stationnements, souvent laissées vides dans la rue. Les récoltes des serres à énergie passive sont servies dans un centre communautaire du quartier du Centre-Sud. Ce projet peut facilement être recréé par les citoyen·ne·s dans les quartiers où les abris à automobiles sont permis.

À suivre en 2024

2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Elle a été une année difficile pour la protection de notre écosystème, mais cela n’a pas empêché le rayonnement de victoires et de nouvelles initiatives en matière de lutte contre les changements climatiques au Québec. 

Pour ce qui est de l’année qui commence, les dossiers environnementaux (positifs et négatifs) à suivre sont entre autres l’avancement des projets présentés dans cet article ; la stratégie de protection des caribous forestiers du gouvernement Legault ; la COP29, qui aura lieu en Azerbaïdjan en novembre ; la conférence de Berne III, qui se tiendra du 23 au 25 janvier en Suisse ; le projet d’usine à batteries Northvolt, et le potentiel projet de tramway dans la ville de Québec. Qui sait, peut-être que certains (certainement pas tous) de ces dossiers feront l’objet d’un futur article sur les bonnes nouvelles environnementales de l’année 2024.


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