Archives des Opinion - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/societe/opinion/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 27 Mar 2024 13:40:59 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Rendre le monde indisponible https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/rendre-le-monde-indisponible/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55302 Lire Hartmut Rosa pour réfléchir au sens de la vie.

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Vous etes vous déjà questionné sur le sens de vos actions? En tant qu’étudiants, on a souvent le nez dans les livres, parce qu’on se dit toujours dit qu’il fallait « travailler dur pour pouvoir choisir ce qu’on fera plus tard », comme si travailler dur et « réussir » était une promesse de l’accomplissement de nos désirs, et donc, d’accès au bonheur. Mais s’est-on déjà réellement posé la question quant à la raison pour laquelle on s’obstine à vouloir toujours « réussir »? Dans son livre Rendre le monde indisponible, le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa s’intéresse à cette idée selon laquelle la réussite et le progrès sont la source du bonheur. Voici quelques applications de sa pensée, à notre société, et à notre quotidien d’étudiant.

La modernité tardive [le monde contemporain, ndlr] a fait de cette logique productiviste son mantra. Elle est aujourd’hui ancrée à peu près partout, et conditionne nos actions et nos modes de pensée. En tant qu’étudiants, nous n’y échappons pas, et nous subissons de plein fouet ce déterminisme social qui régit nos actions. Dès l’enfance, nous sommes conditionnés par la nécessité d’avoir les meilleures notes possibles à l’école, et de s’améliorer au fil des ans, afin de s’assurer cette « réussite » et un avenir prospère.

Aujourd’hui encore à l’université, bien que nous étudions quelque chose qui nous intéresse (enfin, je l’espère pour vous), il est facile de se perdre dans cette course à la performance et d’en oublier le but premier : s’épanouir par l’apprentissage. Dans cette course effrénée, on veut toujours aller plus loin, avoir de meilleures notes pour s’assurer d’atteindre des maîtrises encore plus prestigieuses par la suite. En effet, poursuivre son parcours dans une institution moins prestigieuse que l’actuelle s’avérerait un échec cuisant.

La course à la disponibilité

Pour Hartmut Rosa, cette course effrénée atteste de l’accélération de notre monde, et de notre culture capitaliste, qui pose la nécessité de toujours croître, d’approprier et maîtriser davantage. Tout comme la croissance économique est perçue comme nécessaire au bonheur des sociétés contemporaines, accéder à plus de choses et progresser [selon la même logique que la croissance économique, ndlr] est présenté comme une promesse, si ce n’est une condtion au bonheur individuel. Dans son livre, Rosa explique que cette accélération a pour motif de rendre toujours plus de choses « disponibles », c’est-à-dire appropriables, maîtrisables.

Cette logique a su convaincre toute la société, et nous aussi les étudiants. Animés par cette idée selon laquelle la « réussite » est une promesse au bien-être parce qu’elle rend les choses disponibles (notamment par l’argent qu’elle procure), nous souhaitons toujours faire plus, en moins de temps possible : si j’ai écrit une dissertation en deux jours la semaine dernière, je veux maintenant l’écrire en un jour aujourd’hui, tout en maintenant la même qualité, voire améliorer mon texte. Pourtant, si nous présentons souvent la réussite comme le fait d’avoir les meilleures notes possibles, il nous est néanmoins difficile de la définir clairement (si vous aussi vous souhaitez « réussir », posez-vous d’abord la question : c’est quoi réussir?).

« Cette course effrénée atteste de l’accélération de notre monde, et de notre culture capitaliste, qui pose la nécessité de toujours croître, d’approprier et maîtriser davantage »

Hartmut Rosa considère que cette course effrénée visant à « rendre le monde disponible » a entraîné l’aliénation de nos sociétés. Elle n’est plus un moyen pour aboutir à une fin (le bonheur), mais une fin en tant que telle. Pour Rosa, ce phénomène cause des dommages importants sur nos sociétés toutes entières ; à travers cette logique qui dirige leurs vies, les individus deviennent étrangers à eux-mêmes et semblent « ne plus se reconnaître », ce qui donne parfois naissance à des crises identitaires et professionnelles, comme le burn-out.

L’indisponibilité du bonheur

Si la réussite nous permet d’accéder à plus de choses en les rendant plus « disponibles », pourquoi ne promet-elle
pas un accès au bonheur? Pour répondre à cette question, Rosa nous appelle à ne pas confondre « disponibilité » et « résonance ». Ce qui nous rend réellement heureux, c’est-à-dire les sentiments de bonheur et de bien-être, ne sont ni contrôlables, ni appropriables. Ce n’est pas parce que les choses nous sont disponibles qu’elles éveillent en nous un sentiment de bonheur. Par exemple, ce n’est pas parce que vous voyagez à Tokyo ou à Venise que ces villes vous toucheront et créeront en vous un sentiment particulier. Selon lui, pour vivre de telles émotions, l’accès et la disponibilité ne suffisent pas, il faut aussi « entrer en résonance ». Rosa décrit cette résonance comme l’entrée en relation cognitive, affective, ou corporelle entre un sujet et son environnement, son prochain, ou son action. Ce phénomène n’est pas contrôlable et demande davantage qu’une simple disponibilité. Elle demande à l’individu d’être suffisamment ouvert pour pouvoir se laisser « toucher » émotionnellement par son expérience du monde.

Rosa concède que son concept de « résonance » est opaque. En revanche, il en donne un exemple tout à fait parlant dans son livre : l’amour. Une relation amoureuse est une relation de résonance entre deux êtres humains. C’est une relation qui « touche » les individus. Si une personne peut mettre le plus de choses en œuvre afin d’accroître ses chances de tomber amoureuse le plus vite possible, en se rendant « disponible » lors des moments où elle rencontre une autre personne, la création de la relation amoureuse en tant que telle reste pour elle tout à fait indisponible : ses propres sentiments ne sont pas contrôlables, ni ceux de l’autre personne concernée. Nous ne pouvons pas savoir si la relation se créera, et c’est justement pour cela qu’elle a de la valeur pour nous. Une relation aurait-t-elle de la valeur si elle était pleinement prévisible et contrôlable? Selon Rosa, ce qui est « rendu calculable et maîtrisable [disponible, ndlr], ne perd pas seulement sa magie et sa couleur, mais aussi son sens ». Pour revenir à notre idée principale, la réussite et la mise à disposition du monde ne sont donc pas une promesse au bonheur. Ce dernier découle plutôt d’une relation de résonance, qui elle-même appelle à l’indisponibilité.

«Ne voyons pas le bonheur comme quelque chose de futur, faisons en plutôt quelque chose du présent. »

Une solution : ralentir

Rosa nous fait donc comprendre que notre obstination à toujours réussir et accomplir plus de choses n’est pas, contrairement à ce que nous pensons, la voie d’accès au bien-être et au bonheur. En réalité, la résonance nous est fondamentalement indisponible : on ne peut la contrôler. Cela ne veut pas pour autant dire qu’on ne peut rien faire pour s’ouvrir des voies vers le bien-être. Sans forcément s’assurer d’entrer en résonance, on peut garder des portes ouvertes pour se laisser toucher par notre monde. Rosa montre que c’est d’ailleurs pour cela que les gens vont au musée, pour potentiellement être marqués par une œuvre, sans pour autant en être certains.

Si Hartmut Rosa pouvait nous donner un conseil à nous les étudiants, ce serait sans doute de ne pas gâcher nos études en nous obstinant à avoir des bonnes notes, dans un but très vague de réussite. Il nous conseillerait de profiter de nos études pour faire ce que l’on aime, et d’utiliser cette période pour s’ouvrir à la discipline que l’on étudie. Si nous pouvions définir clairement ce qu’est la réussite, elle s’apparenterait sans doute à cette capacité à profiter du moment présent, et à se laisser toucher par son environnement, ses proches, et ses intérêts. Ne voyons pas le bonheur comme quelque chose de futur, faisons en plutôt quelque chose du présent.

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Aux femmes de ma vie https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/aux-femmes-de-ma-vie/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55334 Pour la Journée internationale des droits des femmes, je fais l’éloge des femmes qui m’inspirent.

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Le 8 mars dernier, nous avons célébré la Journée internationale des droits des femmes. À une époque où les inégalités basées sur le genre sont toujours présentes et où les droits des femmes sont constamment menacés, il y a autant de choses à souligner en cette journée qu’il y a de femmes sur la Terre. En tant qu’homme cisgenre, bien évidemment que j’ai une relation différente avec cette journée, mais loin de moi l’idée de faire du mansplaining sur son importance. Cependant, j’ai réfléchi à ce que cette journée signifiait pour moi. J’ai voulu comprendre ce qui rendait cette occasion si importante à mes yeux, et ce pourquoi j’avais eu autant envie d’en faire la promotion, de crier sur tous les toits que le 8 mars était la Journée internationale des droits des femmes.

D’abord, j’ai pensé aux suffragettes, à celles qui se sont battues pour faire reconnaître les droits politiques et sociaux des femmes. Je me suis dit que leur combat acharné était assez inspirant pour expliquer mon attachement au 8 mars. Leur courage, leur force de caractère, ainsi que leur détermination étaient monumentaux. C’était une partie de la réponse, mais pas toute.

Ensuite, j’ai pensé aux icônes féminines présentes dans la culture populaire, aux femmes artistes, politiciennes et athlètes. Celles qui nous font rêver, celles qui nous inspirent. Encore là, c’était un bout de la réponse sous-tendant
ma connexion à cette journée, mais il manquait toujours un morceau à ma réflexion.

Et j’ai compris. Ce qui rend cette journée si spéciale pour moi, ce qui me donne tant envie de parler de cette journée, ce sont les femmes de ma vie, celles qui marquent mon quotidien. Depuis tout jeune, les femmes de mon
entourage ont été mes plus grandes alliées. De par leur expérience de la vie, elles m’ont façonné, épaulé, et fait de moi qui je suis aujourd’hui. Sans les femmes de ma vie, il n’y aurait pas d’Elliott. Elliott George Grondin serait moins curieux, moins conscient du monde qui l’entoure, moins drôle, moins heureux, plus fade. Il faut dire que j’ai grandi entouré de modèles féminins inspirants, des personnes brillantes, fortes, des femmes d’opinion qui ne demandaient pas avant d’agir : elles le faisaient tout simplement. Des modèles pour moi et le monde entier. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai bénéficié de leur compagnie, de leurs conseils, de leurs histoires et de leur écoute. Aujourd’hui c’est à mon tour de leur rendre hommage et de les remercier pour le grand impact qu’elles ont eu et qu’elles continuent d’avoir sur ma personne.

« De par leur expérience de la vie, elles m’ont façonné, épaulé, et fait de moi qui je suis aujourd’hui. Sans les femmes de ma vie, il n’y aurait pas d’Elliott »

Premièrement, il y a mes deux grands-mères. Aussi différentes soient-elles, toutes les deux sont féministes sans même le savoir. Elles sont féministes à leurs dépens, car tout au long de leur existence, elles auront repoussé les limites, elles se seront battues de manière différentes, mais leurs victoires auront bénéficié à toutes les femmes.

Ma grand-mère paternelle s’est divorcée à une époque où les divorces étaient peu communs. Avec deux fils à sa charge, elle a quitté le foyer pour trouver un emploi afin de subvenir aux besoins de la famille. Je ne crois pas qu’être une mère sans spécialisation professionnelle qui retourne sur le marché du travail a toujours été facile pour elle, mais elle ne s’en est jamais plaint. Elle a gardé la tête haute, relevé ses manches et fait le travail qui devait être fait. Elle ne s’est pas contenté d’offrir à ses enfants le minimum, elle leur offrait le meilleur, elle leur offrait le mieux d’elle. Encore aujourd’hui, ma grand-mère est une de ces femmes humbles, qui serait gênée de savoir que je parle d’elle. Non pas par fausse modestie, mais bien parce qu’elle me dirait qu’elle ne se considère pas comme étant particulièrement forte. Pour moi, ma grand-mère m’aura appris la force et la résilience. Merci.

Ma grand-mère maternelle est une femme qui s’est toujours impliquée dans le monde politique. Elle aura milité pour toutes les causes sociales. Elle a toujours refusé de voir les femmes comme des choses fragiles qui doivent être câlinées. Elle est entrée dans l’arène et a récupéré son dû, et par extension, celui de toutes les femmes. C’est le genre de femme qui me dit souvent : « Le monde actuel va mal Elliott, mais il a pourtant été créé par des hommes. Et si on essayait de voir comment les femmes s’y prenaient pour une fois? Ça peut difficilement être pire! » Elle est persuadée que le monde se porterait mieux avec des femmes à sa tête. Elle est devenue l’une des premières femmes élues au Conseil municipal de ma ville natale et elle en est fière, avec raison. J’en suis fier aussi, comment ne pas l’être? Ma grand-mère maternelle m’a montré la force des convictions et la conviction dans la force. Merci.

Ensuite, il y a ma mère. Mon premier grand amour, celle qui est devenue mère à seulement 21 ans parce qu’avoir des enfants était son plus grand rêve. C’est celle qui aura tout donné à ma fratrie et à moi-même : l’amour, la présence et tout son temps. Elle a même ouvert une garderie en milieu familial pour nous garder près d’elle, pour nous voir grandir, pour nous aimer du plus près possible. Tout tourne autour de la famille avec ma mère. J’ai longtemps eu de la difficulté à comprendre ses choix. Pour moi, le fait de rester à la maison était antiféministe ; une femme ne devrait pas rester à la maison comme dans les années 1950. Pour moi, c’était trop réducteur à l’égard des femmes et de la lutte pour l’égalité des genres. Pourtant, je crois que ma mère aura su me prouver le contraire. Le féminisme c’est l’égalité des genres et la possibilité de jouir de ses propres choix. Ma mère nous aura choisis. Toujours. C’est aussi le genre de mère qui a entamé et terminé un diplôme universitaire à distance, juste pour nous montrer que c’était possible, afin de nous prouver qu’elle en était capable, qu’on en était tous capables. Ma mère m’aura montré l’amour inconditionnel. Merci.

Il y a aussi ma petite sœur. Elle me fait beaucoup penser à moi, et parfois c’est dur de se voir comme dans un miroir. Pourtant, elle n’est pas exactement comme moi, ni comme mon frère. Elle est la meilleure version de nous deux. Elle a le meilleur de mon frère et le meilleur de moi. Elle est plus drôle, plus intelligente, plus fonceuse. Elle est tout simplement plus. Ma sœur m’aura appris l’art de la finesse. Merci.

Finalement, mes amies, mes plus vieilles alliées. À mon plus bas, tout comme à mon plus haut, elles ne se seront pas contentées d’être à mes côtés, elles m’auront guidé. Elles ont été les premières à me savoir perdu dans ma vie
pendant une époque plus tumultueuse, et les premières à me montrer un futur plus simple. Architectes de mes joies, elles sont l’épaule sur laquelle je peux me poser et la raison pour me relever. Ma plus grande tragédie c’est d’être incapable de les aimer comme je le voudrais ; romantiquement. Mes amies m’auront montrer comment aimer. Merci.

Ce que je vous souhaite, c’est d’avoir des femmes dans votre vie comme celles qui sont dans la mienne. Denise, Françoise, Marie, Sandrine, Valérie, mes amies : je vous souhaite une joyeuse Journée internationale des droits des femmes.

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Laissons aux femmes le droit de choisir https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/laissons-aux-femmes-le-droit-de-choisir/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55176 Pourquoi les hommes ont-ils encore leur mot à dire sur l’habillement féminin dans le sport?

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Depuis que le sport compétitif nécessite des vêtements, celui-ci a été régi par des règles concernant l’habillement des athlètes. Ces restrictions existent pour plusieurs raisons, incluant la sécurité des participant·e·s, pour maximiser leur performance, ainsi que pour rendre le sport plus visuellement attrayant pour les spectateur·trice·s. Cependant, ces règles ont une tendance pernicieuse : celle de mettre en avant les corps des athlètes féminines afin de plaire au regard masculin. L’histoire du sport est marquée par de multiples instances où les femmes ont dû se soumettre à des normes strictes en matière d’apparence, souvent dictées par les standards sociaux découlant du patriarcat et de l’objectifiation historique des corps féminins. Dans le sport compétitif, l’hypersexualisation du corps féminin perpétue des préjugés sexistes injustes sur les femmes athlètes, et aujourd’hui, elles en ont assez d’être traitées comme de la chair servant à attirer le spectateur masculin.

Victimes du regard masculin

Va-t-on un jour laisser à nos athlètes féminines la chance de choisir leur tenue? Il semblerait que ce n’est pas pour tout de suite : les dernières années ont été ponctuées d’incidents liés aux revendications d’athlètes féminines
concernant des restrictions leur étant imposées quant à l’habillement. On pense à l’équipe norvégienne de handball de plage qui a été forcée à payer une amende de plus de 2 000 dollars canadiens pour avoir opté pour des cuissards au lieu du bikini traditionnellement imposé lors d’un championnat européen en 2021. Des gymnastes allemandes ont aussi été ciblées par la critique après s’être présentées aux qualifications des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 habillées de combinaisons couvrant les jambes et les bras, au lieu des léotards échancrés auxquels le public est habitué. Il aura fallu attendre 2023 pour que le tournoi de tennis Wimbledon assouplisse ses restrictions ultra-strictes quant à l’habillement complètement blanc qui était imposé aux joueurs
comme aux joueuses, mais qui était depuis bon temps remis en question par les joueuses qui se disaient inconfortables de devoir porter du blanc durant leurs menstruations. Ce qu’il faut en comprendre, c’est que les femmes dans le sport ont toujours été contraintes par des tenues inconfortables, inadéquates ou tout simplement trop révélatrices.

Une tendance se dessine en ce qui concerne les questions esthétiques dans le sport féminin : celle de la prévalence du male gaze dans les décisions prises à l’égard des tenues féminines dans le sport compétitif. Il semblerait qu’il soit nécessaire que le spectateur masculin se sente interpellé par les tenues légères des athlètes –
et non par leurs prouesses sportives – pour daigner s’intéresser au sport féminin. À mon avis, il est déplorable qu’on réduise encore aujourd’hui les femmes athlètes à leur apparence physique plutôt qu’à leurs performances sportives, et qu’on accorde autant d’importance au fait que leurs jambes soient dévoilées au lieu de leur offrir la reconnaissance qu’elles méritent.

« Ce qu’il faut en comprendre, c’est que les femmes dans le sport ont toujours été contraintes par des tenues inconfortables, inadéquates ou tout simplement trop révélatrices »

Je pense aussi qu’on se doit de souligner la prédominance des hommes sur les comités responsables de légiférer sur les tenues vestimentaires imposées aux athlètes féminines. Si on se penche sur le cas du Comité international olympique (CIO), on remarque rapidement que les neuf présidents ayant été à sa tête sont des hommes depuis
sa création en 1894. En date de décembre 2023, sur les 16 personnes administrant le CIO, seules cinq étaient des femmes. Cette inclination n’existe pas seulement au sein du CIO, mais aussi dans de nombreuses autres instances dirigeantes du monde sportif. Cette sous-représentation féminine dans les organes décisionnels renforce les inégalités de genre et influence sans doute les politiques qui régissent les tenues sportives féminines.

Le pouvoir de choisir

Selon Guylaine Demers, membre du Groupe de travail fédéral sur l’équité des genres en sport et professeure titulaire à l’Université Laval, c’est bien plus qu’une controverse sur le port du bikini : il s’agit d’une question
d’autonomie et de choix. En effet, les femmes dans le milieu sportif réclament bien plus que la simple autorisation de porter certains vêtements, mais une réelle considération de leurs préférences, de leur confort et de leur liberté de choix en ce qui concerne leur apparence et leur habillement lors de leur participation aux évènements sportifs. Dans ses mots : « L’enjeu n’est pas d’interdire le bikini et d’imposer le short, mais que les athlètes puissent prendre des décisions par et pour elles-mêmes, qu’elles puissent se réapproprier leur corps. »

« Il semblerait qu’il soit nécessaire que le spectateur masculin se sente interpellé par les tenues légères des athlètes – et non par leurs prouesses sportives – pour daigner s’intéresser au sport féminin »

Cela m’a fait penser à l’interdiction du port du hijab pour les athlètes féminines françaises lors des Jeux olympiques de 2024. Dans la foulée du mouvement de laïcité en France, l’équipe olympique française a annoncé l’automne dernier son intention de bannir le port du hijab pour ses athlètes. Bien qu’il existe des explications culturelles sous-tendant cette interdiction, il m’apparaît clair que c’est encore une fois une forme de légifération sur les corps féminins qui n’a pas lieu d’être. Il est malheureux qu’encore une fois, on force ces athlètes à devoir
choisir entre leur passion pour le sport qu’elles pratiquent et leur religion.

Il est impératif de reconnaître que la lutte pour l’égalité dans le sport va bien au-delà de la simple question de vêtements. Ceci étant dit, l’habillement reste un combat central à la cause féministe dans le sport de haut niveau, puisque ces règles reflètent souvent des normes sexistes et patriarcales qui réduisent les femmes à leur apparence physique plutôt qu’à leurs compétences athlétiques. L’histoire du sport est marquée par de multiples situations où
les femmes ont été contraintes de se conformer à des normes esthétiques injustes, souvent dictées par le regard masculin. Il est essentiel que les athlètes féminines aient le pouvoir de choisir leurs tenues en fonction de leurs préférences, de leur confort et de leur liberté individuelle. En donnant aux femmes athlètes la possibilité de se réapproprier leur corps et de prendre des décisions autonomes, nous pouvons travailler vers un sport plus inclusif et équitable pour tous·tes. Enfin, de récentes controverses entourant notamment le port du hijab dans le sport mettent en lumière la nécessité de lutter contre toute forme de légifération sur les corps féminins. Il est temps de mettre fin à ces pratiques discriminatoires et d’adopter une approche plus respectueuse de la diversité et de l’autonomie des athlètes féminines.

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Qui restera-t-il à mon mariage? https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/qui-restera-t-il-a-mon-mariage/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55038 Réflexions sur la complexité des relations sociales à l’université.

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Un narratif très particulier encadre la vie sociale à l’université : celui d’une promesse de liberté. Cette belle histoire, fruit de l’imagination collective, des souvenirs de nos anciens, des réseaux et des séries B, a tendance à définir les années universitaires comme les plus belles d’une vie, et ce surtout sur le plan social. Un environnement si riche et divers, regorgeant d’individus tous les plus intéressants les uns que les autres, ça ne peut être qu’un idéal relationnel, n’est-ce pas? Les fêtards vont en boîte de nuit, les curieux participent aux nombreux événements organisés par les associations étudiantes, et les intellos peuvent prendre part au légendaire club de génie en herbe. Tant d’opportunités de tisser des liens et tant de souvenirs qui, selon la croyance populaire, dureront toute une vie.

Nous estimons que la réalité est bien plus complexe qu’elle n’y paraît. Le mythe de la vie sociale universitaire, cultivé par le tsunami médiatique dont nous faisons tous l’expérience au quotidien, est loin d’être l’idylle sociale au cœur de laquelle les amitiés se nouent et se renforcent sans effort. Des efforts, chacun se doit d’en faire pour s’accrocher au rêve d’une vie sociale universitaire épanouie. Attention, notre but n’est pas d’effrayer le lecteur et d’avoir l’air de grands-parents donneurs de leçons! Des merveilles peuvent arriver au sein du monde universitaire, et des discussions très superficielles au coin de la cafétéria peuvent aboutir en relations magnifiques et durables. Néanmoins, la nuance doit être de mise. Si l’idylle populaire comporte du vrai, c’est également le cas pour son contraire : en tant qu’étudiants, il est important de reconnaître que nous sommes sous la pression constante de devoir faire des rencontres, toujours plus de rencontres, à une telle échelle que nous atteignons bien souvent le trop, le beaucoup trop. C’est alors que les discussions deviennent machinales, que l’intérêt authentique disparaît, que les prénoms s’effacent des mémoires. C’est alors que nous nous noyons.

Superficialité et popularité

C’est le début de l’année : on participe à Frosh, on enchaîne les bars et les soirées, on s’abonne à des dizaines de personnes sur Instagram, auxquelles on ne reparlera sûrement jamais, et on rencontre nos voisins de palier. Ça y est, nous y sommes : nous entrons dans le cycle infernal de la vie sociale à l’université. Au début ça peut être drôle. Beaucoup viennent de s’installer dans une nouvelle ville où ils ne connaissent personne. On est loin de chez soi, de ses amis, de sa famille, on a besoin de ces moments partagés. Cependant, on s’interroge sur la superficialité de ces soi-disant amitiés. En parlant d’expérience, j’ai rencontré des étudiants durant les diverses soirées d’intégration organisées par l’Université. De toutes ces personnes, seulement deux sont encore à mes côtés, après un an et demi. Je pense qu’il n’y a pas d’explication plus simple : ces soirées, c’est la course aux abonnés, une compétition silencieuse entre chaque personne présente pour parler à un maximum de monde. Bien sûr, ce n’est pas le cas de tous. Certains cherchent réellement à créer des amitiés fortes et solides. Mais, la plupart n’ont qu’un objectif : documenter leur popularité sur les réseaux. Difficile de créer de réelles connexions, profondes et humaines lorsque l’on a l’impression de se retrouver dans un océan d’influenceurs. J’entends souvent les gens autour de moi en parler: « Il faut que je me désabonne de certaines personnes pour avoir plus d’abonnés que d’abonnement » ; « Ce soir, je demande les comptes de tout le monde, il faut absolument que j’atteigne mille abonnés… »

« Le mythe de la vie sociale universitaire, cultivé par le tsunami médiatique dont nous faisons tous l’expérience au quotidien, est loin d’être l’idylle sociale au cœur de laquelle les amitiés se nouent et se renforcent sans effort »

Je me souviens être entrée en contact avec une personne qui semblait partager des intérêts communs avec moi. Pendant une dizaine de minutes, je lui ai parlé de livres et de poèmes et elle m’a raconté sa passion pour Sylvia Plath. Quelle surprise, c’est aussi mon autrice préférée! Il me semblait que nous l’avions, cette réelle connexion, qu’il y avait là le début d’une amitié sincère, une flamme qu’il ne suffisait plus qu’à nourrir et faire grandir. Autant dire que j’avais bien rêvé. Après trois tentatives de planifier une discussion littérature autour d’un bon café, je finis par abandonner, acceptant la dure vérité qu’elle ne voulait tout simplement pas être mon amie. Cet événement est loin d’être isolé. J’ai eu par la suite de nombreuses conversations avec mes proches qui m’ont, eux aussi, partagé des expériences similaires durant leurs premières semaines à l’université.

Maintenir des relations

Les mois passent et d’autres difficultés surgissent. Si tu n’es parvenu qu’à créer des relations superficielles, tu te sens maintenant bloqué. Tu as cette sensation d’obligation de rester aux côtés de personnes avec lesquelles tu préfèrerais ne plus parler. Il est vrai que, après avoir passé plusieurs semaines à s’envoyer des messages et des reels sur Instagram, tu te vois mal annoncer de façon décontractée que tu ne veux plus de cette amitié. C’est une situation difficile à laquelle beaucoup sont confrontés. Tiraillé entre ton envie d’être sincère et celle de ne pas vouloir blesser la personne, tu continues à parler avec des gens qui – et ça tu ne peux que le réaliser maintenant– ne s’alignent pas avec tes valeurs, ta personnalité, ou tes centres d’intérêts.

Dans le cas où tu as malgré tout réussi à créer des amitiés sincères, félicitations, tu as passé le niveau 1. Qu’en est-il du niveau 2? Parviens à maintenir ces relations avec des emplois du temps différents, les semaines de relâche et les périodes d’examens. Bon courage! Tu as beau avoir un groupe d’amis idéal, tu fais face
à un nouvel obstacle : organiser des sorties. Être étudiant, c’est un travail à temps plein. Peu importe ton programme d’étude, on est tous plus débordés les uns que les autres. S’il s’avère que tu n’as aucun cours en commun avec tes amis, tu vas vite réaliser qu’il est bien compliqué d’entretenir des relations. Les semaines de relâche sont aussi un moment où beaucoup signent la fin de leurs amitiés. À l’université, il est probable que les gens que tu rencontres habitent dans une province ou un pays différents. Entre le décalage horaire et le manque d’investissement de certains qui n’envoient jamais le premier message, ce n’est pas parce que tu rencontres la personne, que tu vas forcément continuer à la voir. Tu te sens alors coupable. Cette culpabilité te ronge de plus en plus et s’ajoute au stress des examens. Et voilà, c’est ça être étudiant…

Chemins parallèles

Le rêve de la vie sociale apparaît ainsi comme une vaste pièce de théâtre dans laquelle tout le monde doit jouer son rôle, ou du moins s’y résoudre de manière relativement imposée par le narratif dominant. Mais comme dans tout bon narratif, il existe des cas d’exceptions, que certains à l’université aiment qualifier d’intrus ou d’asociaux. Beaucoup peuvent trouver du bonheur et de la satisfaction personnelle dans le fait d’éviter la vie sociale, ou du moins de ne pas forcer la chose. Alors que certains préfèrent éviter une pression additionnelle en limitant leur nombre d’interactions, d’autres ne sont pas fermés à la vie sociale, au contraire, mais valorisent dans une plus grande mesure les amitiés réelles et authentiques, celles dont le sujet de discussion n’est pas seulement : « Et sinon, toi, c’est quoi ton programme à McGill? » Beaucoup d’étudiants ont déjà des amis avant d’entrer à l’université, et priorisent l’entretien d’une amitié de longue date avec quelqu’un de confiance plutôt que d’essayer de transformer leur environnement relationnel de A à Z. Il est raisonnable d’estimer que le « rôle » que le narratif veut assigner à chacun ne nous correspond tout simplement pas.

Enfin, la pression sociale est cruciale, et a souvent tendance à être sous-estimée. Les évènements, les soirées, les obligations, les sorties ; autant de données qui s’additionnent au cœur de l’équation déjà bien remplie qu’est la charge mentale étudiante. Pour beaucoup, les cours suffisent déjà, et sont parfois même trop conséquents sans aucune autre activité parallèle. La passerelle vers la vie adulte que représente l’université présente de nombreux défis, et l’épanouissement personnel est souvent incompatible avec l’overdose relationnelle, un trop plein de superficialité et de manque d’authenticité.

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Boycotter pour faire entendre sa voix https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/boycotter-pour-faire-entendre-sa-voix/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55063 Nos actions parlent souvent plus que nos mots.

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Dans un monde de plus en plus interconnecté et conscientisé, le pouvoir du boycott comme véhicule de protestation et comme outil pour initier le changement social n’a jamais été aussi prégnant. Au cœur de ce mouvement se trouve l’acronyme BDS, signifiant Boycott, Divest, Sanctions, une campagne mondiale de boycott économique et culturel visant à faire pression sur Israël afin de les contraindre à se conformer au droit international en ce qui concerne les droits des Palestinien·ne·s. Sur leur site, on peut lire : « BDS soutient le simple principe que les Palestinien·ne·s ont droit aux mêmes droits que le reste de l’humanité (tdlr) ». Cette initiative, qui trouve ses racines dans la société civile palestinienne et la diaspora, s’est étendue à travers le monde, suscitant un débat passionné sur les questions de justice, de droits de l’Homme, mais surtout, sur les résultats concrets de telles mesures. Malgré sa popularité, un discours continue de circuler au sein des cercles universitaires, soulevant un doute quant à l’efficacité du boycott, particulièrement pour les jeunes qui ont un pouvoir d’achat limité. Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises.

« À notre niveau, les sanctions ne sont peut-être pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et révoltée, nous continuions de réclamer des sanctions économiques et diplomatiques sur le régime génocidaire sioniste »

Boycott, Divest, Sanctions

Le mouvement BDS repose sur une stratégie non violente visant à faire entendre la voix des Palestinien·ne·s et de leurs allié·e·s afin de mettre fin à l’occupation israélienne de la Palestine, ainsi qu’à d’autres politiques discriminatoires imposées par le régime colonial d’Israël. En réponse à cette campagne, des individus, des organisations et même des États ont pris des mesures pour boycotter des produits, des entreprises et des événements ayant des liens directs ou indirects avec Israël. Le boycott peut prendre plusieurs formes : on peut penser à la Ligue arabe qui, de 1945 à 1980, a mis en place un boycott massif de tous produits dit « sionistes » ou encore à nos choix du quotidien, incluant le boycott d’institutions montréalaises qui peuvent avoir tenus des propos répréhensibles vis-à-vis du génocide en Palestine.

Le boycott d’Israël est donc un acte concret d’opposition à l’État sioniste, qui consiste à refuser de participer à son économie ou à sa culture, dans le but de limiter les gains économiques résultant de l’oppression des Palestinien·ne·s, tout en refusant d’accorder une quelconque légitimité à l’État. Dans notre ère, teintée par l’attrait du consumérisme, le boycott conscient de certains produits représente la seule avenue pour faire entendre aux grandes industries et aux sionistes – notre désaccord avec leur rôle, actif ou passif, dans le génocide des Palestinien·ne·s. À tous les niveaux, que notre portefeuille soit bien garni ou que nous soyons étudiant·e·s avec un budget limité, nous pouvons faire front commun contre le traitement inhumain des Palestinien·ne·s.

Le boycott en proie à la critique


Cependant, le boycott comme prise de position politique n’est pas sans controverse. Certain·e·s le voient comme un outil légitime pour exercer une pression pacifique en faveur du changement, tandis que d’autres le condamnent, allant parfois même jusqu’à dire qu’il est inutile. Ces appréhensions quant à l’efficacité du boycott proviennent souvent d’un sentiment d’impuissance. On pourrait comparer un tel discours aux gens qui disent « Pourquoi voter? Mon vote ne sera pas celui qui fera la différence. » Effectivement, nous vivons dans une ère où nous sommes constamment bombardé·e·s de nouvelles accablantes, nous pouvons donc parfois être sous l’impression d’être impuissant·e·s face aux grandes entreprises qui sont parties prenantes dans plusieurs enjeux globaux actuels. Néanmoins, c’est bien dans ce contexte que les petites actions du quotidien comptent le plus.

Selon mon expérience, le boycott fonctionne. Depuis le 7 octobre, j’ai moi-même participé au boycott de plusieurs institutions et produits aux affiliations répréhensibles aux côtés de plusieurs ami·e·s et connaissances. Je ne mentirai pas, ce n’est pas simple quand nous sommes habitués à consommer certains produits au quotidien et que soudainement, nous sommes confronté·es à la dure réalité qu’il faut boycotter pour rester fidèles à nos valeurs. Ceci étant dit, il m’est clair que depuis, le boycott a su faire sentir ses effets sur les plus grandes entreprises. Je pense notamment à la chaîne de cafés Starbucks : nombreux·euses sont ceux·celles qui ont choisi d’arrêter d’y acheter leurs boissons après avoir entendu parler d’un nouvel incident avec la compagnie, qui a d’ailleurs un historique assez controversé en ce qui a trait à la situation en Palestine.

Cette fois-ci, c’est la réponse de Starbucks à une publication sur X d’un de ses syndicats, le Starbucks Workers United, où il était mentionné « Solidarité avec la Palestine » accompagné d’une image montrant une clôture délimitant la bande de Gaza se faisant démolir, qui est à la source du boycott. Après cette publication, Starbucks s’est empressé de condamner l’union pour sa prise de position, menant à un boycott massif de la fameuse compagnie de café. Depuis, des employé·e·s ont témoigné que les succursales connaissent des temps difficiles, avec moins de client·e·s et une chute du prix de l’action de 7%, en date de décembre dernier. On peut également penser à la filiale de Starbucks en Égypte, où des coupures importantes ont eu lieu suite aux attaques meurtrières commises sur le peuple palestinien depuis octobre. On peut donc constater que le boycott fonctionne si suffisamment d’individus se sentent interpellé·e·s par la cause pour agir, pour en faire un mouvement d’action collective.

« Aujourd’hui, dans le contexte sociopolitique actuel, je juge qu’il est crucial de boycotter, peu importe qui nous sommes, peu importe notre sentiment de petitesse face aux grandes entreprises »

Le désinvestissement et les sanctions

Chez les étudiant·e·s, ayant été témoins des conséquences d’un boycott bien orchestré, la question qui persiste est celle à savoir si le boycott est un moyen de pression suffisant lorsqu’il opère seul. Je pense en effet qu’il est crucial de rappeler que le boycott c’est bien, mais que ce n’est pas assez. Pour maximiser son impact, il est important qu’il soit jumelé à d’autres initiatives qui imposent une pression similaire sur les institutions qu’on cherche à faire flancher. Jeudi dernier, le 22 février, le groupe SPHR (Students for Palestinian Human Rights) a organisé une action collective impliquant l’obstruction de l’entrée du bâtiment Bensadoun pendant une journée entière, empêchant ainsi la tenue régulière des cours de la Faculté de gestion Desautels. Cette protestation servait spécifiquement à demander à l’Université de mettre fin à un de ses programmes d’échange avec des universités en Israël. D’autres formes de mobilisation organisées sur le campus incluent la grève de la faim (@mcgillhungerstrike), qui dure déjà depuis le 19 février.

À notre niveau, les sanctions ne sont peut-être pas de notre ressort, mais il est crucial qu’en tant que jeunesse consciente et révoltée, nous continuions de réclamer des sanctions économiques et diplomatiques sur le régime génocidaire sioniste. Le désinvestissement, pour sa part, est entre nos mains : si nous continuons de nous organiser autour de la cause palestinienne, les institutions comme McGill finiront bien par entendre la voix de ceux·celles qui lui permettent de fonctionner, et se devront d’agir de pair avec l’opinion étudiante. Bien que cela puisse venir avec son lot de difficultés, c’est maintenant que nous devons prendre action, et le boycott n’est qu’une façon parmi tant d’autres de faire entendre son désaccord. Boycottons maintenant, boycottons pour faire entendre nos voix!

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L’abandon de nos garçons https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/labandon-de-nos-garcons/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54918 Pierre Poilièvre gagne en popularité chez les jeunes hommes à travers le pays

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Les sondages se multiplient et une tendance se dessine à l’horizon : la droite et son représentant fédéral, Pierre Poilièvre, sont premiers dans les sondages. Depuis plusieurs mois, le camp conservateur creuse son avance sur le gouvernement libéral. Là où Poilièvre semble gagner beaucoup de terrain, c’est au niveau du soutien marqué dont il bénéficie auprès des jeunes hommes. Comment se l’expliquer?

MeToo et nous

Dans les dernières années, les hommes et le modèle patriarcal ont été mis sous la loupe. Le mouvement MeToo en est sûrement l’investigateur. Depuis son apogée, nous avons été témoins d’un mouvement international qui invitait les femmes à dénoncer leurs agresseurs sexuels. Grâce à la prise de parole de ces femmes, des discussions sur la place de la femme et de la manière dont elle est traitée se sont invitées dans nos foyers et dans le reste de la société. De plus en plus de parents ont tenu à initier une discussion sur le respect de la femme avec leurs fils. MeToo nous a confrontés à notre propre reflet dans la glace, et il va sans dire qu’il n’était pas toujours beau.

La réponse masculiniste

Comme à chaque fois qu’un mouvement émerge, son contre-mouvement lui emboîte le pas. Dans ce cas, il s’agit de l’apparition d’un mouvement réactionnaire masculiniste farouchement antiféministe. En effet, en réponse au mouvement MeToo, certains influenceurs utilisant une rhétorique machiste ont surgi dans notre quotidien. Ces influenceurs ayant pour figure de proue Andrew Tate prônent une vision forte de la masculinité en réponse au mouvement féministe, qui représenterait une menace pour les hommes occidentaux. Pour eux, l’homme parfait, c’est celui qui va au gym, qui souffre en silence, qui ne fait jamais preuve de faiblesse, de sentimentalisme, et surtout de considération envers les femmes. Tate et ses sbires se sont dotés d’une fixation maladive pour les années 50 et son paradigme représentant l’âge d’or de la masculinité et de l’homme guerrier. Toujours selon eux, les femmes seraient devenues des Marie-Madeleine à la recherche d’attention depuis la libération sexuelle et les enseignements égalitaires féministes. Celles-ci seraient animées par un ressentiment misandre, ce qui les pousserait à vouloir remplacer l’homme dans les hautes sphères de la société. Juste à écrire ces lignes, j’en ai un haut le cœur.

Malheureusement, pleins de garçons sont tombés dans le panneau. Ils voient le féminisme comme étant une mouvance fondamentalement anti-homme. Pour eux, si on accorde plus de pouvoir aux femmes à travers des politiques plus équitables, les hommes s’en trouvent forcément diminués. Au fond, c’est un raisonnement foncièrement enfantin. Comme si, lorsqu’on donne quelque chose à un autre, c’est impérativement parce qu’on l’enlève à d’autres. En omettant d’enseigner à nos jeunes garçons qu’en redistribuant la force de pouvoir aux femmes c’est toute la société qui en bénéficiait, nous avons créé une horde de jeunes hommes qui se sentent perdus et dépossédés de leurs droits fondamentaux. C’est une souffrance qu’on se doit d’adresser et de rectifier à travers l’enseignement pour le bien de la cohésion sociale. Et c’est là que la politique entre en jeu.

« Si Poilièvre peut compter sur un appui aussi considérable chez les jeunes hommes, c’est qu’il courtise une tranche extrémiste de cette partie de l’électorat. Le chef conservateur vient consoler ceux qui se sentent délaissés par les politiciens et la société en général, en écoutant et en validant leurs théories absurdes sur le genre »

Flirter avec le masculinisme


Avec ce mouvement masculiniste, une communauté d’hommes qui se sentent désabusés par le système actuel est apparue de par la création de réseaux d’hommes partageant ce sentiment. Pierre Poilièvre l’a compris et l’utilise à son avantage. Poilièvre et son parti ont tiré bénéfice de cette réelle souffrance en utilisant des hashtags cachés dans leurs publications sur les réseaux sociaux. Ces hashtags permettaient aux conservateurs d’utiliser des codes et des normes présents dans ces groupes. Par exemple, en utilisant des mots connotés dans le milieu masculiniste comme MGTOW, ce qui signifie men going their own way, les conservateurs s’assurent d’apparaître sur le fil d’actualité de ces cercles misogynes. Poilièvre s’est créé un discours basé sur ces croyances pour faire écho à ses potentiels électeurs. De ce fait, il a attiré leur attention et a été le premier politicien au Canada à courtiser cette tranche de la population. Il offre un refuge politique à de jeunes hommes qui en veulent au système qui les auraient abandonnés.

De plus, afin de consolider son soutien au sein de cette démographie, Poilièvre a dépeint ses adversaires de manière à ce que les masculinistes se sentent interpellés. Il a présenté le premier ministre Trudeau comme étant un homme rose, un féministe enragé et déconnecté, bref un homme faible et soumis au mouvement féministe soi-disant extrémiste. De ce fait, Poilièvre dépeint Trudeau comme un activiste anti-homme, qui suit un agenda woke, un politicien qui voue une aversion aux hommes, les vrais, ceux qui vont au gym et qui ne pleurent jamais.

Si Poilièvre peut compter sur un appui aussi considérable chez les jeunes hommes, c’est qu’il courtise une tranche extrémiste de cette partie de l’électorat. Le chef conservateur vient consoler ceux qui se sentent délaissés par les politiciens et la société en général, en écoutant et en validant leurs théories absurdes sur le genre. Poilièvre vient cautionner une rhétorique qui menace la santé et la sécurité des femmes dans notre société par des hashtags ridicules, mais qui représentent une réelle menace. À mes yeux, c’est un jeu extrêmement dangereux qui n’en vaut certainement pas la chandelle. Il attise la haine envers les femmes et cautionne les sentiments de ces masculinistes, qui intrinsèquement en veulent à celles-ci. Pour un homme qui aspire à occuper la plus haute fonction de notre nation, c’est une honte, c’est un danger pour notre démocratie. Néanmoins, je pense qu’il est primordial d’écouter les souffrances de ces jeunes hommes, parce qu’elles traduisent une réelle aliénation. Bien que je me refuse à accorder quelque crédit que ce soit à ces théories antiféministes et profondément misogynes, certains y croient et en souffrent. Ces souffrances sont perçues comme étant réelles, mais je refuse de les valider. De ce fait, une partie de nos fils se sentent perdus et déboussolés. Il serait imprudent d’ignorer cette mouvance ; des gens mal intentionnés se feraient un malin plaisir à réconforter leurs maux et sauraient sans doute les pousser à l’extrémisme. En les ignorant, nous les poussons directement dans les bras de personnes cachant un agenda dangereux. Il faut donc les écouter pour déboulonner les mythes sur l’égalité des sexes et pour assurer la pérennité du tissu social.

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Mettre la Saint-Valentin à la poubelle https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/mettre-la-saint-valentin-a-la-poubelle/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54729 Pourquoi s’agit-il d’une fête dépassée?

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Ce matin, en entrant à la pharmacie, j’ai été témoin de l’annuelle prise d’assaut des tablettes par les cœurs rouges et roses, les chocolats aux emballages thématiques, ainsi que les peluches tout aussi insignifiantes les unes que les autres. Dans l’esprit de cette effervescence éphémère et rituelle, j’ai constaté que cette année encore, la Saint-Valentin se trouvait à nos portes. Une journée teintée par le rouge de la passion pour certain·e·s, pour d’autres par l’horreur d’être encore seul·e·s cette année, la Saint-Valentin n’a plus de raison d’être en 2024. Certain·e·s diront que la fête de l’amour a encore un rôle important aujourd’hui, qu’elle nous permet de consacrer une journée à l’amour, mais il me semble plus que clair que sa période glorieuse est depuis longtemps révolue. Cette frénésie annuelle n’est en réalité que le fruit d’un travail méticuleusement orchestré par les doigts agiles du capitalisme et des normes sociales rigides : la Saint-Valentin n’est aujourd’hui rien de plus qu’un prétexte pour se dire « je t’aime ». Dans cet océan d’hétéronormativité et de consumérisme, il est grand temps de remettre en question la superficialité de cette célébration ponctuelle de l’amour, et de se questionner sur la nécessité d’une telle journée.

Célébration de l’hétéronormativité

Cupidon par ci, « veux-tu être mon·ma valentin·e » par là, la Saint-Valentin est une fête qui trouve sa pérennité dans le confort que représente le couple hétérosexuel. Cette fête est en réalité profondément enracinée dans des normes sociales étroites et rigides, limitant l’inclusivité d’une fête qui, au contraire, devrait être ancrée dans l’amour, peu importe qui cela unit. Cette célébration perpétue un récit romantique qui ne correspond plus toujours à la réalité des couples d’aujourd’hui : nombreux·euses sont ceux·celles qui disent ne plus s’identifier avec la célébration traditionnelle de cette fête. En se focalisant principalement sur les partenariats hétérosexuels et les expressions d’affection conformes aux normes sociétales, la Saint-Valentin exclut implicitement de nombreuses autres formes d’amour et de relations. De plus, pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’image hétérogenrée du couple, cette journée devient souvent un rappel malheureux de leur manque d’inclusion au sein de la société. Bien que plusieurs tentent de se réapproprier la Saint-Valentin afin d’en faire une fête à leur image, les couples non conventionnels, ceux qui sortent des normes de genre peuvent se sentir exclu·e·s ou invisibilisé·e·s par cette fête centrée sur des idéaux romantiques stéréotypés. En réalité, la Saint-Valentin, loin d’être une célébration universellement accueillante de l’amour, reflète plutôt les limites et les préjugés de nos normes sociales établies.

Appel au consumérisme capitaliste

Un aspect déjà longuement dénoncé de cette fête est son incitation à la consommation matérielle excessive. Escapade au spa, bouquets de fleurs qui finiront à la poubelle d’ici la semaine prochaine, cartes personnalisées ou encore bijoux aux prix exorbitants : la Saint-Valentin est une invitation à dépenser sans réfléchir aux potentiels impacts de notre consommation. La fête est reconnue par tous·tes les amoureux·euses comme l’occasion de faire plaisir à son·sa partenaire en lui offrant du chocolat, des fleurs ou encore toute sorte de cadeaux hors de prix. Effectivement, peu se questionnent sur le besoin réel d’offrir quelque chose de matériel au-delà de sa présence pour l’être aimé : plusieurs se contenteraient de passer une belle journée en compagnie de leurs êtres chers, sans pour autant céder à la pression commerciale inhérente à cette fête. En effet, l’industrie capitaliste profite largement de la Saint-Valentin en bombardant les consommateur·rice·s avec une multitude de produits soi-disant essentiels à l’expression de leur amour. L’industrie crée ainsi un climat de compétition sociale où l’expression de l’affection est mesurée en fonction de la valeur monétaire des cadeaux offerts. Pourtant, l’amour véritable est loin de se mesurer à une valeur monétaire, et devrait plutôt l’être en gestes sincères et en moments partagés. Cette commercialisation de la Saint-Valentin perpétue une culture de la consommation où l’amour est souvent réduit à une transaction financière. La véritable essence de l’amour réside dans les petites attentions quotidiennes, la présence attentive et le soutien mutuel, bien loin des artifices matérialistes imposés par la société de consommation.

« C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère »

Pour une vision plus authentique de l’amour

À mes yeux, la Saint-Valentin s’est développée à travers les années comme une fête vide de sens, j’irais même jusqu’à dire fake. Les œillères que la société s’est imposées quant à la célébration de la Saint-Valentin limitent l’infinité de formes que peut prendre l’amour. En effet, l’amour ne peut être canalisé en une unique journée : il s’agit d’un concept plus grand qui devrait transcender l’ensemble de nos actions et pensées. Qu’on ait envie de passer notre Saint-Valentin avec nos ami·e·s, avec notre famille, ou encore avec notre partenaire, on devrait mettre au placard le stigma qui existe autour de l’amour atypique. L’amour, platonique comme romantique, devrait avoir sa place au sein de la société et se doit de recevoir la même reconnaissance, peu importe sa forme. Il ne devrait pas y avoir de pression à célébrer cette journée avec quiconque en particulier, considérant que préférer être entre ami·e·s, en famille ou seul·e, est tout aussi légitime que passer la journée avec un·e partenaire romantique. Devoir s’entendre sur cette date, le 14 février, pour démontrer tous en cœur notre amour perpétue une vision étroite de l’affection, où l’expression des sentiments est dictée par les conventions sociales plutôt que par le désir organique de montrer notre amour. C’est triste de constater que nous avons besoin d’une célébration ponctuelle commune pour accorder du temps à l’amour, alors que chaque jour devrait être une opportunité de cultiver et de nourrir nos relations de manière spontanée et sincère.

Vers un futur plus amoureux

Dans un article satirique publié au Délit en 2018, l’autrice suggérait à McGill de faire de la Saint-Valentin un congé férié. Bien que cela puisse sembler loufoque, ce serait véritablement la manière de permettre une célébration de la fête de l’amour en bonne et due forme : on pourrait ainsi s’accorder une journée complète de célébration qualitative avec les gens qu’on aime. Bien qu’il y ait une part de bon à assigner une journée internationale à l’amour, je plaiderais en faveur d’une reconsidération de sa valeur, et proposerais de faire de nos vies une célébration continue de l’amour, incitant tous·tes à chérir les gens qui les entourent au quotidien. Ça peut paraître cynique, mais j’irais même jusqu’à dire qu’on devrait abolir la Saint-Valentin. Sachant que ce n’est pas près d’arriver, je suggère qu’en tant que communauté, nous nous contentions d’un effort conscient visant à faire de nos vies une célébration perpétuelle des gens qu’on aime, tout en accordant une attention particulière à la déconstruction des normes sociales qui sous-tendent la célébration de cette fête.

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Capitalisme Noir : Entre solidarité et exploitation https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/capitalisme-noir-entre-solidarite-et-exploitation/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54505 Que croire, le succès ou ses mirages?

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En ce Mois de l’histoire des Noir·e·s, une multiplication de produits, de collaborations et de campagnes de commercialisation mettent en avant cet événement. Chaque année, mes amis et moi nous interrogeons sur la pertinence de ces pratiques et discutons de la signification derrière cette soudaine solidarité. La plupart du temps, nous sommes d’accord sur le caractère performatif de ces représentations, qui visent principalement à attirer une clientèle plutôt qu’à exprimer une réelle pensée authentique. Cette année, notre réflexion s’est tournée vers une situation au caractère ambigu : qu’en est-il des entrepreneur·euse·s noir·e·s?

Le capitalisme noir propose d’encourager les afro-américain·e·s à supporter des entreprises dirigées par des personnes noires oeuvrant au profit de la communauté. Ce mouvement réactionnaire essaye de combattre les infrastructures économiques américaines qui ont historiquement rendu l’enrichissement des Noir·e·s américain·e·s presque impossible, comme le détaille Earl Ofari Hutchinson dans The Continuing Myth of Black Capitalism. Bien que l’attrayante proposition de la création d’une nouvelle économie noire soit basée sur la collectivité et la fraternité, plusieurs activistes critiquent ce genre de capitalisme. Le problème récurrent avec cette méthode est le succès d’un petit nombre d’entrepreneur·euse·s uniquement. La majorité des communautés noires continue à participer à cette économie ségrégationniste en achetant et en travaillant avec l’espoir de surmonter leurs inégalités financières. À première vue, l’encouragement d’entreprises noires est bénéfique, mais ne change pas les systèmes économiques racistes dont plusieurs sont victimes. Pour les penseur·euse·s comme Angela Davis, combattre le racisme par l’intérim du capitalisme est une mission impossible.

« À première vue, l’encouragement d’entreprises noires est bénéfique, mais ne change pas les systèmes économiques racistes dont plusieurs sont victimes. Pour les penseurs comme Angela Davis, combattre le racisme par l’intérim du capitalisme est une mission impossible »

Camélia Bakouri

Le livre Marxisme noir de Cedric Robinson, un politologue américain, introduit une notion importante, celle du capitalisme racial. Robinson explique que le capitalisme n’est pas une révolution contre le système féodal comme la pensée marxiste l’interprète, mais plutôt une évolution du système féodal et du racisme. Le capitalisme racial dépend de l’exploitation humaine se traduisant en esclavage, en impérialisme et en violence. En d’autres termes, le système capitaliste a historiquement utilisé des mécanismes racistes pour justifier et perpétuer l’oppression, en particulier à travers des structures économiques et politiques qui ont favorisé l’exploitation des groupes raciaux spécifiques.

Ces dynamiques de disparité peuvent être reprises par des entrepreneur·euse·s noir·e·s. En effet, en 2021, Beyoncé s’est associée à Tiffany & Co, la marque de bijoux estimée à plus de 16 milliards de dollars, pour la campagne de l’album About Love en collaboration avec son mari, Jay‑Z. Dans les photographies promotionnelles, l’artiste portait fièrement le diamant jaune Tiffany, un diamant de 128,54 carats. Elle fut la première femme noire à arborer ce joyau. Cependant, le diamant jaune Tiffany a été extrait en Afrique du Sud en 1877, durant la période coloniale où l’exploitation des mineurs africains et la destruction de leurs communautés était monnaie courante. Cette image présentée par Beyoncé n’est pas celle de la libération noire, mais plutôt une représentation de richesse et surtout d’un « symbole douloureux de colonialisme » comme le décrit Karen Attiah, rédactrice et chroniqueuse au Washington Post dans l’article intitulé « Sorry, Beyoncé, but Tiffany’s blood diamonds aren’t a girl’s best friend ».

Plus récemment, la compagnie Savage X Fenty, dirigée par Rihanna, récolte les résultats les plus bas selon le Fashion Accountability Report, une évaluation comprenant une analyse de la transparence et de la responsabilité des marques sur les catégories suivantes : la traçabilité, le salaire et le bien-être des employé·e·s, les pratiques commerciales, les matières premières, la justice environnementale et la gouvernance. Sur 150 points, Savage X Fenty n’a obtenu que quatre points. Pourtant, la chanteuse, interprète et designer a inspiré des groupes marginalisés à travers le monde en partant de la Barbade, un petit pays des Caraïbes, pour devenir une femme d’affaires accomplie. La marque de Rihanna tire profit de l’utilisation de l’inclusivité comme un élément central des stratégies de marketing, tout en négligeant les mesures de base pour protéger les droits fondamentaux de ses travailleur·se·s.

Au-delà de la perpétuation du cycle d’exploitation par les riches noir·e·s, le capitalisme noir attire également d’autres entreprises. La demande pour plus de diversité dans les médias est constante. Depuis quelques années, les industries sautent sur l’opportunité d’agrandir leur marché en créant l’illusion d’une réussite imminente, en utilisant l’image de personnes noires prospères. Dans le monde de la mode, l’utilisation de l’inclusivité est souvent commercialisable et évite la nécessité d’un changement structurel substantiel. Pour répondre à la demande, des mannequins noir·e·s sont souvent engagés. Pour ce faire, les agent·e·s ne cherchent pas de nouveaux profils, mais plutôt des jeunes femmes qui ressemblent à une tendance préétablie. Avec l’émergence de mannequins tels qu’Alek Wek, née au Soudan du Sud et arrivée en Angleterre en tant que réfugiée, l’industrie de la mode pourrait jouer le rôle d’actrice humanitaire. Cette histoire inspirante, comme celle de Rihanna, est précisément ce que les agences de mannequins tentent de reproduire en cherchant de nouveaux talents dans le camp de réfugié·e·s de Kakuma. Situé dans le comté de Turkana, au nord-ouest du Kenya, ce camp a été créé en 1992 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans le but de relocaliser les personnes déplacées du Soudan et de l’Éthiopie. Plus de la moitié de ses habitant·e·s viennent du Soudan du Sud en raison de l’insécurité alimentaire extrême et de la violence causée par la deuxième guerre civile ayant duré 22 ans. Les aspirant·e·s mannequins du camp de réfugié·e·s de Kakuma sont recruté·e·s avec la promesse d’une opportunité de quitter le camp, d’obtenir un permis de travail et de se lancer dans l’industrie du mannequinat. En Europe, on leur propose un logement et une allocation hebdomadaire bidon de 70 à 100 euros. Cependant, l’industrie du mannequinat fonctionne sur un système de dette. Toutes les dépenses initialement couvertes par les agences doivent être remboursées, et si les mannequins échouent à obtenir suffisamment de travail rémunéré ou sont jugé·e·s inaptes par les agences, les mannequins sont renvoyé·e·s au camp avec une dette importante. Selon une enquête du Sunday Times, la facture envoyée aux mannequins « échoué·e·s » peut atteindre jusqu’à 3 000 euros. Cette forme brutale d’exploitation se cache derrière une poursuite de diversification des distributions artistiques. Comme l’a écrit le directeur général de l’agence Select Model Management, Matteo Puglisi : « Voulez-vous revenir à des défilés de mode tous blancs? (tdlr) » Ce système de repêchage pseudo-inclusif exploite l’image d’une personne noire accomplie pour attirer des client·e·s qui souhaitent soutenir des figures qui les représentent.

Le capitalisme noir n’a pas pour but de perpétuer les inégalités raciales, mais plutôt d’offrir une voie de sortie d’un système généralement discriminatoire. Néanmoins, il est difficile de s’éloigner des habitudes néfastes profondément ancrées lorsqu’on utilise un modèle basé sur l’exploitation, comme le capitalisme. Ces instances d’abus ne devraient pas être considérées comme une impossibilité de libération, alors qu’elles mettent plutôt en valeur le besoin d’une solidarité noire. Aaron Ross Coleman, journaliste spécialisé en économie, propose dans son article « Black Capitalism Won’t Save Us » une entraide qui ne considère pas les personnes noires comme des consommateur·rice·s, mais comme des citoyen·ne·s actif·ve·s. Les organisations sociales, les mouvements de boycott et les médias servent de tribunes pour mettre en lumière les inégalités sociales et économiques, une profondeur que les entreprises ne peuvent pas offrir.

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Ce qui ne va pas https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/ce-qui-ne-va-pas/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54522 Réflexions d’une étudiante noire.

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Lorsque j’ai désespérément voulu décrire à des conseillers d’orientation blancs ou encore à des hommes ce que c’était que d’être noire et féminine dans le monde des études supérieures, leur réponse était toujours de m’expliquer le concept du syndrome de l’imposteur. Pensaient-ils que c’était du jamais vu pour moi, pour nous? Je savais que c’était une tentative de relier leurs expériences aux miennes. C’est humain de le faire. Mais cette expérience, être noire et féminine dans le milieu des études, ne concerne que nous. J’écris féminine par faute de meilleurs mots pour désigner une identité et une réalité qui nous est imposée et qui ne correspond pas nécessairement à notre perception interne du soi : vivre en tant que femme noire, que nous nous identifions ou non comme telle.

L’école est généralement parmi les premiers endroits où nous commençons à soupçonner que quelque chose ne va pas. Et parce que nous n’avons pas encore appris que les adultes peuvent se tromper, nous nous blâmons. Ceci dit, il est évident que quelque chose ne cloche pas en nous. Au moment où les marées changent, peut-être sommes-nous tombées sur un livre, un film, une entrevue ou une conversation qui nous a poussées à entamer le démantèlement de nos croyances antérieures, le mal est déjà fait. Beaucoup d’entre nous, ayant conclu que nous ne sommes tout simplement pas faites pour l’école, abandonnent les études. Dans ce cas-là, nous n’avons pas eu le temps de nous demander si c’était peut-être l’école qui n’était pas faite pour nous, et non l’inverse. Pour celles d’entre nous qui poursuivent des études supérieures, nous essayons toujours de réparer notre passé et de faire nos preuves auprès de nos pairs. Comment appelez- vous cela lorsque vous vous sentez fière de recevoir la validation
de votre professeur blanc qui donne un cours sur la race alors qu’il applaudit vos « observations » poignantes? L’avez-vous observé ou l’avez-vous vécu? Il y a des choses que nous savons, non pas grâce à une démarche scientifique, mais grâce à des expériences vécues précieuses et souvent douloureuses. Que devons-nous alors penser de ces innombrables fois où nous avons regardé nerveusement la porte en chuchotant une prière silencieuse, en attendant que quelqu’un entre et nous épargne le fardeau d’être, une fois de plus, la seule femme noire dans la classe? Que devons-nous alors penser du « aucun résultat trouvé », qui apparaît chaque fois que nous recherchons une étude se concentrant sur les femmes noires? Je ne prétends pas détenir la réponse à ces questions, mais j’ai constaté que nous n’obtiendrons pas les réponses aux questions que nous n’osons pas poser. Je ne crois pas que la révolution naît dans des salles de classe, mais nous nous devons d’en faire des milieux où peut se cultiver l’esprit révolutionnaire.

À quel moment notre expérience prend-elle sa forme unique? C’est peut-être la première fois qu’un éducateur décide qu’il peut nous évaluer en un seul regard. Cette évaluation qui conclut que nous sommes forcément
perturbatrices et lentes. J’ai surmonté ces étiquettes, non pas parce que j’étais particulièrement sage ou douée. Je lisais simplement beaucoup et j’étais profondément anxieuse, ce qui me rendait calme et timide dans la plupart des cours. Qu’arrive-t-il alors à la fille noire qui ne peut pas rester assise, qui ose être une enfant enjouée, enthousiaste et sans peur? Elle est souvent punie.

« Beaucoup d’entre nous, ayant conclu que nous ne sommes tout simplement pas faites pour l’école, abandonnent les études. Dans ce cas-là, nous n’avons pas eu le temps de nous demander si c’était peut-être l’école qui n’était pas faite pour nous, et non l’inverse »

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une relation particulière avec l’école. D’une part, je ne me souviens pas d’une époque où je n’ai pas rêvé d’être enseignante. Je trouve que la dynamique entre l’enseignant
et l’élève a quelque chose de précieux, qui permet aux deux de s’enseigner et d’apprendre mutuellement. Je n’avais pas besoin d’être convaincue de la nécessité et de l’importance des enseignants ; je les admirais pour leur capacité à bâtir toute une génération. Je ne savais pas qu’ils pouvaient aussi facilement inspirer la confiance d’un
enfant qu’ils pouvaient anéantir ses espoirs. Et malheureusement, il est plus probable qu’un enseignant brise les rêves des jeunes qui me ressemblent. Il se pourrait que dans ma quête pour devenir professeure se cache un désir de réparer les torts que j’ai subis au cours des premières années de mon éducation conventionelle. Après tout, n’y a t‑il pas en chacune d’entre nous une enfant blessée qui souhaite qu’on lutte pour elle? D’ailleurs, c’est précisément ce combat qui me ronge. Devoir lutter pour se faire respecter, pour être traitée également, pour être écoutée, pour être crue dès notre entrée à l’école. Le rôle d’activiste nous est assigné sans qu’on ait eu la chance d’être des enfants insouciants au même titre que nos camarades de classe. Dans ma poursuite d’une carrière en
enseignement, je vois surtout de l’espoir. Je ne peux pas faire de retour dans mon passé, peu importe à quel point je le souhaite, mais je pourrais changer le cours de l’avenir d’une étudiante noire, si ce n’est qu’en lui offrant un espace où elle n’a pas besoin d’être en lutte contre la misogynoire du système scolaire.

« Je ne crois pas que la révolution naît dans des salles de classe, mais nous nous devons d’en faire des milieux où
peut se cultiver l’esprit révolutionnaire »

J’avais l’habitude de me moquer des gens qui utilisaient à l’excès la représentation comme un mot en vogue dans toute conversation qui constituait une véritable tentative d’examination et de proposition de solutions possibles. Une plus grande représentation dans le milieu scolaire, aussi nécessaire soit-elle, ne sera jamais l’objectif final. Pourtant, ce serait une faute de la considérer comme insignifiante. Je me considère chanceuse, car du primaire au
secondaire, je n’ai jamais été la seule fille noire de ma classe. Cependant, je n’ai jamais eu d’instructrice noire, et cela s’est avéré plus difficile. Je ne voulais pas admettre mon mécontentement à ce sujet, car j’aurais fait n’importe quoi pour ne pas avoir à faire face à la douleur et à la déception que je ressentais. Comme le dit le dicton affiché sur les murs de nombreuses écoles québécoises : « L’expert dans la classe, c’est le prof ». Ils étaient l’autorité et ils choisissaient les règles. On peut alors imaginer l’impact que ça a eu sur nous quand la tolérance et la grâce qu’ils accordaient n’étaient pas les mêmes pour tous. À cette époque, ce qui me permettait de persévérer, c’était de partager et de me défouler avec mes soeurs – au sens figuré et littéral. Nous nous sommes consolées, validées et édifiées les unes et les autres. Avant tout, la communauté est, en effet, notre outil le plus puissant.

Le monde des études supérieures continue d’être pour beaucoup d’entre nous une source d’aliénation. Ces institutions n’ont pas été construites pour nous accueillir. Les programmes d’études n’ont pas été faits pour nous apprendre. Plus tôt nous pourrons faire la paix avec cela, plus tôt nous commencerons à comprendre qu’il
y a effectivement quelque chose qui ne va pas, mais pas en nous. En fin de compte, notre objectif devrait être de faire en sorte que, lorsque les autres filles noires à l’école commencent à se douter que quelque chose ne va
pas, elles ne dirigent pas leurs soupçons vers elles-mêmes, car cela peut déterminer la suite de leur parcours scolaire. Nous voulons nous émanciper sur le plan académique, donc nous devons assurer notre présence
en plus grand nombre. Si le premier obstacle qui s’y oppose est la conviction que nous n’avons pas notre place ici, alors notre travail commence par là.

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Prédictions pour l’année 2024 https://www.delitfrancais.com/2024/01/17/predictions-pour-lannee-2024/ Wed, 17 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54188 Que nous réserve la nouvelle année?

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Chères lectrices, chers lecteurs, permettez-moi de vous souhaiter une joyeuse nouvelle année. Je vous souhaite – je nous souhaite – une magnifique année, marquée par la paix, la solidarité et le succès dans tout ce que nous pourrons entreprendre. Alors qu’une nouvelle année s’amorce, de nouveaux défis se dessinent déjà à l’horizon. Bien qu’il nous soit impossible de prédire ce que 2024 nous réserve, il est de notre ressort d’analyser l’actualité et d’en tirer des conclusions en ce qui a trait à l’année qui débute. En ce sens, laissez-moi vous partager mes hypothèses quant à ce que l’année 2024 nous réserve.

LA FIN DE X
Twitter ou X, appelez ce réseau social comme vous le voulez, mais sa fin approche. Hier une grande entreprise américaine évaluée à plusieurs milliards de dollars, aujourd’hui le dernier joujou d’Elon Musk ; la compagnie a certainement perdu ses lettres de noblesse. Autant au niveau de la valeur de son action à la bourse qu’à celui de la valeur sociale attribuée à X, la compagnie est en chute libre. Il faut dire que laisser un excentrique milliardaire libertarien gérer un réseau social n’est peut-être pas la meilleure des idées ; parlez-en à Trump et Truth Social.

TAYLOR SWIFT : L’ICÔNE D’UNE GÉNÉRATION
Plus de Taylor Swift, toujours plus.

MCGILL : INSTITUTION FIÈREMENT QUÉBÉCOISE
On l’entendra certainement davantage dans les mois à venir, mais McGill se positionnera assurément en tant que fière institution québécoise. En effet, après avoir été la cible de la CAQ, un gouvernement populiste devenu impopulaire, McGill tentera certainement de remettre les pendules à l’heure quant à sa place dans la société québécoise. Tantôt accusées à tort et à travers de contribuer au déclin du français dans la métropole par des individus qui favorisent un nationalisme identitaire faible et exclusif, les institutions mcgilloises – son administration, son corps enseignant et sa communauté étudiante – n’auront d’autre choix que de se faire les fiers ambassadeurs de notre Université. Il sera de notre responsabilité de rappeler à l’ensemble de la société que McGill est un vecteur de progrès, basée à Montréal depuis plus de 200 ans, et qui s’anime par l’interaction des Québécois avec le reste du monde.

CE QUE TRUMP NOUS RÉSERVE
Bien qu’en théorie les primaires républicaines n’aient pas encore désigné de vainqueur, dans les faits, je suis certain que Donald Trump remportera aisément la nomination de son parti pour affronter Joe Biden en novembre. Ainsi, une fois de plus, nous aurons une joute opposant Biden à Trump. Encore une fois, nos voisins du Sud devront se prononcer sur le futur de leur nation en choisissant entre deux options diamétralement opposées : un second mandat modéré signé Biden, ou un second mandat Trump, qui sera définitivement plus radical et dangereux que le premier. 2020 et ses blessures marquent toujours l’imaginaire collectif américain. Peu importe l’issue de l’élection présidentielle américaine, celle-ci représente pour Trump son chant du cygne, sa dernière chance. Il fera donc tout en son pouvoir pour faire parler de lui, au plus grand damne d’une saine culture politique et démocratique à travers l’Occident. Ce que je crains, c’est qu’une fois de plus, une fois de trop, nous risquons d’entendre des absurdités mensongères et vicieuses émanant du président déchu. La tribune qui sera offerte à Trump nous impactera sans aucun doute. Elle rappellera à tous ceux qui ne sont pas de la même base radicale le cauchemar que fut son premier mandat. Nous verrons et entendrons partout cet aspirant président aux allures parfois fascistes – voire dictatoriales – dire toutes sortes d’atrocités sur les autres, tous ceux qui ne sont pas des siens. Il méprisera nos principes démocratiques longuement polis dans l’unique but de reconquérir la Maison Blanche.

REGAIN DE POPULARITÉ POUR JUSTIN TRUDEAU
Malgré les sondages qui placent le parti du premier ministre au second rang derrière les Conservateurs, je suis convaincu que Justin Trudeau et son équipe libérale seront en mesure de reprendre une avance sur Pierre Poilièvre. Dans son entrevue de fin d’année, on a vu un Justin Trudeau serein et combatif, le même Justin Trudeau qu’en 2015. Il donnait une assurance guerrière dans sa candeur habituelle. Il était prêt à admettre ses fautes de la dernière année, mais plus important encore, il cherchait à poser son regard sur le futur comme s’il savait qu’il n’en avait pas terminé. Ce genre d’attitude gagnante saura regagner le cœur des Canadiens. Il faut dire aussi que Pierre Poilièvre, le principal adversaire du Premier ministre, a eu une fin d’année plus que rocambolesque. Après avoir sauté aux conclusions en nommant une attaque terroriste ce qui n’était en réalité qu’un triste accident à la frontière canado-américaine, son image en a pris un coup. À force de faire des déclarations aussi absurdes, un doute commencera à naître dans l’esprit des Canadiens, car il n’en demeure pas moins que Poilièvre ne jouit pas de l’appui indéfectible de l’électorat canadien. Aux yeux de la population votante, il demeure un électron libre, et rares sont les fois où les Canadiens ont fait confiance à un homme de ce type. Dans ce contexte, il ne faut donc pas sous-estimer Justin Trudeau.

PAS DE COUPE STANLEY EN VUE
Comme tout bon Canadien je n’ai d’autre choix que de commenter l’état de santé de notre belle équipe montréalaise. Pronostic : pas bon, pas bon du tout. Je suis forcé de constater que ce n’est pas cette année que je sortirai ma chaise de camping sur Ste-Catherine pour y voir la parade de la victoire. Les Canadiens de Montréal risquent de continuer à être quelque chose de décevant. Meilleure chance la prochaine fois à nos chers Habs!

DE L’AMOUR
Je ne sais pas si c’est une prédiction ou un souhait, mais pour cette année 2024 je souhaite voir plus d’amour. Dans un monde en proie à l’extrémisme, dans un monde en guerre, dans un monde inégal et parfois injuste, j’espère qu’il y aura de la place pour trouver un peu d’amour parce que l’amour, ça ne règle pas tout, mais c’est déjà un bon début.

*Cet article écrit par un contributeur ne reflète pas les opinions politiques du Délit.

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La lutte du Front commun est-elle un combat féministe? https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/la-lutte-du-front-commun-est-elle-un-combat-feministe/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54050 Rôle des femmes dans le syndicalisme québécois.

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À l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, en mars dernier, des militantes du Front commun s’étaient déjà réunies devant le Secrétariat du Conseil du trésor afin d’exprimer leur mécontentement quant à l’offre initiale du gouvernement de François Legault. Celui-ci prévoyait alors une inflation de 16,6% sur cinq ans, mais n’offrait qu’une bonification salariale de 9% sur la même période. Ainsi, le Front commun, qui compte une majorité importante de femmes, a choisi de se battre contre l’appauvrissement inévitable qu’aurait impliqué l’acceptation d’une telle offre. En discutant avec des membres de ma famille durant le temps des Fêtes, qui travaillent eux·elles-mêmes dans le secteur public, j’ai eu cette même réalisation : les femmes non seulement recevaient un traitement moins favorable que les hommes, mais étaient spécifiquement les cibles d’une marginalisation consciente au sein de la fonction publique. Leur lutte m’est apparue comme un combat servant clairement la cause féministe, puisqu’il s’agit de militer contre l’appauvrissement des Québécoises, celles qui portent sur leurs dos la société québécoise.

Depuis novembre, le Front commun a ébranlé l’écosystème québécois, lorsque quelque 420 000 fonctionnaires du niveau provincial, regroupé·e·s au sein de quatre centrales syndicales majeures, ont décidé de faire la grève pour de meilleures conditions de travail. Si on compte la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), ce sont près de 575 000 travailleuses et travailleurs qui se sont mobilisé·e·s pour démontrer leur insatisfaction vis-à-vis le traitement que leur réserve la fonction publique.

« Sans enlever à la noblesse du combat et à son aspect universel, il est indéniable que les femmes sont au cœur même de cette lutte, et que le traitement que ces employé·e·s subissent est grandement lié au caractère systémique de la discrimination contre les femmes, encore aujourd’hui »

Parmi les grévistes, on note une majorité indéniable de femmes, représentant entre 80 et 85% des militants. Malgré tout, on continue de voir des commentateurs remettre en question la nature féministe du combat du Front commun. Mais est-ce que le nombre écrasant de femmes portant cette lutte permet en lui-même au Front commun de s’inscrire dans un plus grand mouvement féministe, ou est-ce simplement, comme plusieurs le suggèrent, un combat humain pour une plus grande dignité pour ces travailleur·euse·s? Sans enlever à la noblesse du combat et à son aspect universel, il est indéniable que les femmes sont au cœur même de cette lutte, et que le traitement que ces employé·e·s subissent est grandement lié au caractère systémique de la discrimination contre les femmes, encore aujourd’hui.

D’une part, l’argumentaire en faveur de l’aspect féministe de la lutte du Front commun est grandement soutenu par la propension des rôles revendicateurs à être occupés par des femmes. On pense notamment aux enseignantes et aux infirmières, deux corps d’emploi largement dominés par les femmes. Ceci étant dit, il y a plusieurs autres titres d’emploi plus méconnus, plus souvent occupés par des femmes, qui sont également en grève : les orthopédagogues, les psychologues, les techniciennes de laboratoire, les éducatrices spécialisées, les orthophonistes, et j’en passe. Ainsi, bien que des hommes occupent également ces rôles au sein de notre société, il est indéniable que ces emplois, au sein de la fonction publique spécifiquement, sont largement occupés par des femmes, et subissent une marginalisation économique cooptée par le gouvernement. En refusant de leur accorder des conditions de travail et de vie – favorables, le gouvernement met ces femmes en situation de précarité, et perpétue leur situation fragile en leur faisant des offres en deçà de l’inflation.

« Bien que tous·tes préféreraient croire que le Québec n’est plus sol fertile pour la discrimination genrée, celle-ci est profondément institutionalisée, et le sera probablement pour les années – voire décennies – à venir »

D’autre part, il n’est pas complètement erroné de mettre de l’avant l’idée que le Front commun se bat pour plus d’égalité entre les secteurs publics et privés québécois. Dans une certaine mesure, il est vrai que les hommes travaillant dans les réseaux de l’éducation, de la santé et de l’administration publique sont tout autant marginalisés économiquement que les femmes. Néanmoins, ce n’est pas pour autant que les femmes et les hommes recevront un traitement similaire dans leur milieu de travail. Bien que tous·tes préféreraient croire que le Québec n’est plus sol fertile pour la discrimination genrée, celle-ci est profondément institutionalisée, et le sera probablement pour les années – voire décennies – à venir. Si on se penche simplement sur la question de l’équité salariale au Canada, en date de 2021, les employées de genre féminin gagnaient encore en moyenne 11,1% de moins que les hommes, selon Statistique Canada. Bien que les salaires soient standardisés au sein de la fonction publique, il existe plusieurs autres formes de discrimination bien plus insidieuse qui peuvent avoir lieu dans de tels milieux de travail : on pense notamment à l’ascension vers les postes de direction ou encore à l’administration des tâches, parmi tant d’autres. On peut donc imaginer qu’il est plus difficile pour une femme de gravir les échelons du milieu professionnel, y compris dans la fonction publique.

Avancée féministe pour le Front commun

Cette semaine, le Front commun et le gouvernement ont confirmé avoir atteint une entente de principe, signifiant que les différentes instances du Front commun ont décidé de recommander l’adoption de cette entente à l’ensemble de leurs membres. Les membres pourront donc passer au vote afin de confirmer l’adoption de l’entente négociée, qui comprend une augmentation salariale de 17,4%, sur cinq ans, ainsi qu’une provision protégeant le pouvoir d’achat des travailleuses et travailleurs de la fonction publique, pouvant atteindre jusqu’à 1% pour chacune des trois dernières années de la convention collective. Ainsi, l’offre du gouvernement Legault est passée de 9% sur cinq ans à 17,4% sur cette même période, offre finale représentant un compromis de la part du gouvernement qui permettra de freiner l’appauvrissement de ses employé·e·s.

Il est à souligner qu’une telle offre représente une victoire tangible pour les femmes du secteur public. En effet, cette offre est considérée comme l’augmentation la plus importante sur la durée d’une convention collective depuis 1979. Il est donc crucial de reconnaître le rôle vital des femmes, qui s’est manifesté au cours des derniers mois dans les rues montréalaises et à travers tout le Québec, dans la lutte pour de meilleures conditions de travail pour des corps d’emploi, il faut le dire, dominés par les femmes.

Un pas pour la cause féministe

La mobilisation du Front commun au Québec pour de meilleures conditions de travail dans la fonction publique a dévoilé une dimension féministe au syndicalisme québécois. Face à une offre gouvernementale initialement insuffisante, les fonctionnaires concernées, en majorité des femmes, ont manifesté contre les offres dérisoires du gouvernement Legault. La mobilisation massive, comptant des centaines de milliers de travailleurs, aura su mettre en lumière la prédominance féminine parmi les grévistes. En refusant des conditions de travail justes à ses employé·e·s, le gouvernement Legault a jusqu’ici renforcé la précarité économique des femmes, certaines grevant sans fonds de grève, signifiant que plusieurs étaient sans salaire depuis déjà quelques semaines.

Toutefois, cette mobilisation a également mis en évidence la nécessité de promouvoir une plus grande égalité entre les secteurs public et privé, afin de freiner l’exode massif vers le privé que plusieurs milieux subissent. L’accord de principe conclu entre le Front commun et le gouvernement représente une victoire majeure pour les travailleuses et travailleurs du secteur public. Cette avancée, fruit d’une mobilisation exceptionnelle des femmes, marque une progression pour le féminisme québécois en reconnaissant et en luttant contre les discriminations structurelles persistantes dans le monde du travail. Cette lutte souligne l’importance de poursuivre les efforts pour l’égalité des genres et la reconnaissance du rôle crucial joué par les femmes dans tous les secteurs de la société québécoise, notamment au sein de la fonction publique.

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Résolutions et désillusions https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/resolutions-et-desillusions/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54060 Pourquoi les résolutions sont-elles dépassées?

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Le temps des fêtes est pour beaucoup un moment de joie, de retrouvailles, de temps passé avec la famille et les amis, qui marque le tournant vers une nouvelle année. Pour nous autres étudiants, qui terminons la période d’examen à cran, avec bien souvent des cauchemars de cette horloge numérique au stade intérieur Tomlinson, la fin d’année est synonyme de relâche, de soirées entre copains, mais aussi de préparation pour le nouveau semestre. Voilà qu’intervient une tradition qui revient chaque janvier : les résolutions de la nouvelle année. De nombreux étudiants voudront ainsi devenir une meilleure version d’eux-mêmes, en se convainquant qu’ils arriveront à décrocher de leur écran de téléphone et de consacrer plus de temps à leurs études, ou d’arrêter d’aller acheter trois cafés lattés par session de révision, finalement utilisant tout leur temps disponible à faire des allers-retours entre le Tim Hortons et la bibliothèque. Pourtant, ils s’apercevront bien souvent que leurs si chers engagements feront rapidement l’objet d’exceptions (parce que les lattés, quand même, c’est délicieux), et seront sitôt oubliés. Enterrées au cimetière des promesses que l’on se fait à soi-même et que l’on ne tient jamais, ces résolutions seront seulement dérangées par celles de l’année suivante.

Pourquoi les résolutions?

Sur le papier, les résolutions sont loin d’être négatives. Qu’y a‑t-il de malsain à vouloir changer nos mauvaises habitudes d’une année à l’autre? Désirer un plus grand bien-être, que cela soit pour soi ou pour les autres, est parfaitement louable. Cependant je fais preuve d’un grand scepticisme, voire pessimisme, quant aux résolutions de la nouvelle année. Même si elles sont une source de motivation intrinsèque, c’est-à-dire non imposée par les autres, cela ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas être une source de pression. Ainsi, quand cette motivation imposée par soi-même devient un fardeau à porter, il est plus difficile de s’en détacher, puisque nous sommes la seule cause possible d’un potentiel échec, et nous ne pouvons pas remettre la faute sur les autres. Les résolutions que nous nous imposons peuvent ainsi devenir relativement anxiogènes, et réveiller un paradoxe : alors que ces promesses étaient censées faire de nous des personnes meilleures, elles n’ont finalement fait que nous empoisonner, doucement et calmement, jusqu’au jour de l’abandon.

Pour celles et ceux qui croyaient vraiment en leurs résolutions (ce qui n’est plus mon cas depuis bien longtemps), l’échec peut alors susciter une haine intérieure : on se demande pourquoi c’est si dur, on a l’impression que les autres réussissent, et on finit par se mettre une pression encore plus intense pour l’année suivante. Bien évidemment, ce joli cocktail d’émotions toxiques est agrémenté d’un subtil soupçon de réseaux sociaux, qui nous rappelle constamment notre échec en nous montrant en permanence la réussite d’autrui. Une personne qui désirait perdre du poids – une résolution qui figure, d’ailleurs, parmi les plus populaires à chaque année – et qui n’aurait pas réussi à maintenir le rythme d’exercice hebdomadaire prescrit en début d’année, tombera à un moment ou à un autre sur une vidéo d’un ou une athlète, au corps qui correspond aux standards de beauté, montrant sa routine fitness parfaite, où tout semble si facile.

« Une sorte de discours de radicalité accompagne toujours les nouvelles années, puisque tout le monde fait des résolutions, ces dernières ont tendance à être radicales, et ainsi des plus irréalistes »

Comprendre l’échec : une histoire d’équilibre

Comme je l’ai dit plus haut, les résolutions ne sont pas intrinsèquement mauvaises. Elles sont un symbole d’espoir et de renouveau important. Je pense cependant que ce fameux symbolisme qui les accompagne, toute cette rhétorique du « nouvelle année, nouveau moi », rendent les résolutions peu réalistes à long terme. Une sorte de discours de radicalité accompagne toujours les nouvelles années, puisque tout le monde fait des résolutions, ces dernières ont tendance à être radicales, et ainsi des plus irréalistes. En effet, je pense que les résolutions de nouvelle année, dans leur format actuel, encouragent relativement peu la vraie réussite.

Reprenons l’exemple de la personne qui veut perdre du poids. Lors d’un dîner avec des amis, elle apprend que certains d’entre eux se donnent l’objectif d’aller à la salle de sport cinq fois par semaine. Prise dans l’engouement du moment, elle se dit qu’elle va les suivre, bien qu’elle ne soit jamais allée dans un tel lieu, et ne fasse pas d’exercice physique régulièrement. Aussi motivée qu’elle puisse l’être, un tel défi s’avérera probablement très difficile à réaliser. Même si elle arrive à tenir le rythme quelques semaines, y arriver durant une année complète n’est pas la même chose. Par ailleurs, elle risque même d’être dégoûtée de la salle de sport, puisqu’elle va l’associer à des moments difficiles, tout simplement parce qu’elle n’a pas commencé avec un rythme adapté. Tout est dans l’équilibre : il est important de faire du sport, certes, mais est-ce qu’il est nécessaire d’adopter les habitudes d’un athlète du jour au lendemain? J’estime que les résolutions de nouvelle année favorisent cette radicalité qui entraîne bien souvent le découragement. Il est important d’aborder de nouveaux défis pas à pas, et d’apprécier sa courbe de progression, voir l’objectif se dessiner peu à peu avec le temps.

« Notre société est aujourd’hui trop axée vers la performance, l’efficacité et le résultat immédiat. Et si nos envies de changement ne suivaient pas ces schémas anxiogènes, qui misent tout sur la productivité? »

Notre société est aujourd’hui trop axée vers la performance, l’efficacité et le résultat immédiat. Et si nos envies de changement ne suivaient pas ces schémas anxiogènes, qui misent tout sur la productivité? Et si, au lieu d’attendre la nouvelle année pour se donner des objectifs concrets, comme arrêter de fumer, ou passer plus de temps à réviser, nous nous concentrions sur les choses simples? Parfois même, la nouvelle année devient une excuse : si quelqu’un constate qu’il devrait arrêter de fumer en juin, il peut se dire qu’attendre à la nouvelle année pour le faire sera plus symbolique. Cependant, je trouve qu’il est déraisonnable d’attendre le prochain 1er janvier pour entreprendre les changements qui sont réellement nécessaires. Des prises de conscience immédiates doivent être suivies d’actions immédiates – et non radicales, ne vous y méprenez pas. Je pense que la page qui s’ouvre avec la nouvelle année doit être celle qui nous permet de nous concentrer sur des valeurs plus abstraites, que l’on perd bien souvent de vue au cœur d’une société moderne. L’amour vrai, l’appréciation des choses simples, des petites attentions, la reconnexion avec la réalité, le véritable bien-être et non le bien-être induit par la performance : en somme, de quoi se rappeler que la vie est belle.

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Censure : Quand les portes se ferment sur Gaza https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/censure-quand-les-portes-se-ferment-sur-gaza/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53802 La lutte pour la voix palestinienne dans les médias québécois.

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Des portes closes, voilà ce qui nous attendait, mon ami et moi, lundi le 6 novembre dernier, alors que nous devions assister à la projection de trois documentaires de la réalisatrice Jocelyne Saab dans le cadre d’une levée de fond en vue de venir en aide au peuple de Gaza, organisée par le collectif Regards Palestiniens. À notre grand désarroi, le conseil d’administration et la direction générale de la Corporation du Cinéma du Parc ont décidé d’annuler l’événement « compte tenu des malaises suscités par rapport à [sa] teneur politique », comme l’indiquait l’affiche qui annonçait son annulation. Nous avons appris plus tard dans la soirée qu’une pétition avait été signée contre la tenue de l’événement, notamment dû au titre de la levée de fond, « Du fleuve à la mer », phrase qui aurait des sous-entendus génocidaires à l’égard du peuple israélien.

Heureusement, les organisateurs ont été assez généreux et patients pour, en contrepartie, offrir une soirée de «teach in », tenue devant les portes closes du Cinéma du Parc. Lors de cette occasion, ils ont répondu à des questions par rapport à la situation actuelle, tout en nous éclairant sur les motifs invoqués pour justifier la décision injustifiable du comité du cinéma. Bien que cet événement improvisé fût informatif, il m’a aussi permis de réaliser l’omniprésence de la censure et de la fausse représentation que reçoivent les Gazaouis et les activistes défenseurs des droits humains palestiniens.

« À la vue du nombre grandissant de personnes faisant un appel à la paix, il est important de reconnaître que la paix ne devrait pas être une façon détournée de condamner les Palestiniens au silence, une fois de plus.»

Un baccalauréat en communications n’est pas nécessaire pour concevoir que la Palestine et l’Israël ont été représentés de manière bien différente depuis le 7 octobre, jour des attaques perpétrées par le Hamas sur Israël. Samar Saheed écrit notamment sur le site d’information The New Arab, que plusieurs médias occidentaux refusent de considérer la nature anticoloniale et résistante des évènements du 7 octobre, et au contraire, s’en limitent à sa nature terroriste, enlevant une immense nuance au conflit. De plus, il y a également un bais dans les mots que les reportages utilisent. Par exemple, les Israéliens « sont tués », tandis que les Palestiniens « sont morts », tel que le démontre un article de la BBC. Toutefois, il est évident que les plus de 14 500 Gazaouis décédés depuis les ripostes criminelles des forces armées israéliennes ne sont pas morts de causes naturelles. Alors comment expliquer un tel écart dans la représentation médiatique en Occident entre Gazaouis et Palestiniens?

Je me considère assez privilégiée d’être entourée d’un cercle d’amis et de connaissances qui ne se laissent pas influencer par les biais véhiculés par plusieurs des médias occidentaux au sujet des événements actuels. J’ai donc la chance de pouvoir obtenir une quantité importante d’informations provenant de sources primaires, comme des vidéos prises par des citoyens et des témoignages en temps réel, qui ne sont pas filtrés par les journaux et bulletins télévisés de l’Occident. Comme Isräel n’autorise pas l’entrée de journalistes internationaux sur le territoire de Gaza, il est crucial d’orienter ses recherches sur les événements actuels vers les journalistes palestiniens, qui sont sur le terrain et qui montrent des images que plusieurs médias externes ne peuvent pas fournir. Je reconnais que plusieurs n’ont pas ma chance : il est alors nécessaire de reconnaître l’impact considérable que la représentation biaisée des Palestiniens peut avoir sur une grande partie de la population, qui voit déjà trop souvent sa perception du monde arabe négativement influencée depuis les événements du 11 septembre 2001.

Non seulement, plusieurs médias imposent une subjectivité dans leur représentation de l’actualité du Moyen-Orient, mais il me semble également qu’ils omettent la représentation des activistes palestiniens et leurs alliés. Depuis le 7 octobre, plusieurs manifestations appelant au cessez-le-feu ont eu lieu dans les rues montréalaises, certaines réunissant même jusqu’à 50 000 manifestants. Il aura fallu la présence de l’imam controversé Adil Charkaoui lors du rallye du 28 octobre, pour que ces rassemblements se voient accorder une once de représentation dans la presse québécoise, affaiblissant ainsi la voix d’une population qui marche en faveur de tous les principes qui sont supposés être au coeur même de notre démocratie : les droits humains, la paix et les libertés civiles et individuelles.

Ayant participé à plusieurs de ces manifestations, j’ai pu observer que celles auxquelles j’ai eu la chance d’assister s’étaient déroulées de manière très pacifiste, et dans un respect sans équivoque de la communauté juive. À noter que l’organisation des Voix Juives Indépendantes de Montréal est un acteur très important dans ces rassemblements et que presque à chaque fois, l’un de leurs représentants a été invité à prendre le micro. Néanmoins, ces aspects des rassemblements appelant au respect des lois internationales et des droits humains sont absents de la plupart de nos médias, puisque Adil Charkaoui, aux yeux du Journal de Montréal, du Journal de Québec ou encore de La Presse, s’avère plus intéressant qu’un appel à la paix.

« Toutefois, il est évident que les plus de 14 500 Gazaouis décédés depuis les ripostes criminelles des forces armées israéliennes ne sont pas morts de causes naturelles »

Hélas, McGill n’est pas à l’abri de cette représentation biaisée des activistes des droits humains. Depuis le 7 octobre, nombreux sont les courriels de l’administration qui appellent à des dialogues respectueux et civils, ainsi qu’à la compassion envers les communautés affectées par la situation actuelle. Certes, ces courriels offrent leur support total aux étudiants juifs de McGill, mais ils sont, selon moi, tout sauf empathiques envers la communauté palestinienne de notre université ; celle-ci, en plus d’être endeuillée, doit justifier son soutien à la libération d’un peuple opprimé à l’administration de son université, qui prétend se positionner en faveur de la décolonisation au Canada, sans pour autant reconnaître les similarités avec le vécu du peuple palestinien. Bien que les messages demandent le respect des deux communautés sans qu’il n’y ait un parti pris explicite, le simple fait que l’administration ne cesse de mettre des bâtons dans les roues des étudiants palestiniens, qui doivent passer à travers une série de troubles administratifs, en plus d’être en deuil, démontre un grand manque d’empathie. Les mots et les actions ne se suivent pas toujours, et ici, on peut voir que les appels à l’empathie et au respect sont souvent synonyme d’un appel au silence des activistes palestiniens.

Il y a deux semaines, le principal Deep Saini a envoyé un courriel condamnant le rassemblement prévu le jeudi 9 novembre, informant que des mesures de sécurité supplémentaires allaient être mises en place si l’événement avait toujours lieu. Ce rassemblement demandait à l’Université McGill de couper ses liens avec toute entité qui lui permet de bénéficier de l’oppression des Palestiniens, notamment par l’investissement dans des compagnies qui profitent de l’occupation, comme les compagnies Safran et Lockheed Martin, qui fournissent des armes à l’armée israélienne. Le motif de ce renforcement de sécurité à la manifestation était la présence d’affiches sur les réseaux sociaux, qui montraient des manifestants en train de briser des fenêtres, image qui faisait soi-disant allusion à la destruction de propriété durant la Kristallnacht, une soirée d’attaques du régime nazi en 1938 pendant laquelle plusieurs synagogues et magasins juifs ont été vandalisés. Toutefois, il a plus tard été révélé sur la page Instagram de Independent Jewish Voices McGill que cette même photo était tirée du documentaire Discordia, qui suit les manifestations d’étudiants de Concordia contre la visite du premier ministre d’Israël Benjamin Netanyahu sur le campus en 2002. Ainsi, la réappropriation d’un moment traumatisant de l’histoire juive dans le but de dissuader les étudiants de McGill de se rassembler est une atteinte directe au droit des élèves de manifester, tout en étant une représentation hautement déformée des actions du corps étudiant et des associations ayant participé à l’organisation de cet événement.

Je reconnais entièrement qu’il est impossible pour moi de comprendre la douleur de la communauté juive québécoise et internationale et je ne supporte aucun des actes antisémites qui ont été commis dans les dernières semaines. Toutefois, trop souvent cette douleur a été utilisée comme arme contre la liberté du peuple palestinien et de ses alliés d’exprimer leur désir pour la libération. Le soutien pour la communauté juive ne devrait pas venir au détriment du soutien des Palestiniens, qui souffrent depuis plus de 70 ans. À la vue du nombre grandissant de personnes faisant un appel à la paix, il est important de reconnaître que la paix ne devrait pas être une façon détournée de condamner les Palestiniens au silence, une fois de plus.

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L’instrumentalisation de la tradition, de l’histoire et de la mémoire https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/linstrumentalisation-de-la-tradition-de-lhistoire-et-de-la-memoire/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53804 Comment les politiciens jouent-ils avec le passé?

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Le passé joue un rôle majeur dans le développement des sociétés humaines et des individus. C’est ce qui atteste de nos origines géographiques, historiques, ce qui forge notre identité. Le passé façonne directement le développement des sociétés à travers les traditions, l’histoire et la mémoire. En effet, les traditions ont un lien avec le temps long, et correspondent à la transmission intergénérationnelle de pratiques et d’habitudes. D’un autre côté, la mémoire est elle aussi fondamentalement temporelle, puisqu’elle relate des événements du passé.

Ces deux éléments sont propres à l’Homme : la poursuite des pratiques inculquées par ses aînés est un acte purement naturel, tout comme le souvenir du passé l’est. La mémoire et la tradition sont aussi partagées à l’échelle des sociétés, et c’est justement ce qui fait de ces deux concepts des choses éminemment politiques. Les acteurs politiques, comme les gouvernements, ont utilisé les traditions et la mémoire à de nombreuses reprises pour servir leurs fins politiques ; par exemple pour engendrer un sentiment d’appartenance à la nation. Cet article s’intéresse au caractère politique des traditions, et de la mémoire plus généralement.

Comprendre le pouvoir et l’artificialité des traditions

Dans nos sociétés modernes, les traditions jouent un rôle clé, parce qu’elles possèdent un pouvoir de mobilisation. En effet, que ce soit à des fins culturelles, économiques, ou politiques, les traditions créent de la cohésion, un sentiment d’appartenance important, et permettent de mobiliser des populations pour des causes diverses et variées. Par définition, la tradition est un héritage, et possède forcément une composante temporelle. Ainsi, la personne qui a l’habitude d’aller ramasser des champignons dans la forêt tous les dimanches emmènera ses enfants faire de même, et ces derniers transmettront à leur tour cette habitude aux leurs, et ainsi de suite. C’est ainsi qu’au bout d’un certain temps, l’habitude devient la tradition.

Il est possible de contrevenir à l’habitude, puisqu’elle est souvent personnelle. Mais il est compliqué de contrevenir à la tradition, puisqu’elle remonte à plusieurs générations et implique un certain respect ancestral. Ne pas la respecter constitue une entorse à une règle non écrite, une insulte aux anciens, alors qu’un tel règlement n’existe pas pour une simple habitude. C’est donc l’aspect temporel de la tradition qu’il convient de remettre en question.

« Les traditions créent de la cohésion, un sentiment d’appartenance important, et permettent de mobiliser des populations pour des causes diverses et variées »

Alors que l’exemple cité ci-dessus n’implique qu’une famille, bon nombre de traditions s’étendent à des échelles bien plus importantes, parfois nationales et internationales. À de telles échelles, ces traditions ont un impact d’une magnitude impressionnante. Pourquoi obéissons-nous aux traditions? Pourquoi nous sentons-nous obligés d’aller magasiner pour Noël, pour la Saint-Valentin ou pour l’Halloween? Ce genre de tradition a un pouvoir significatif, puisqu’elles poussent les gens à adopter des comportements à première vue irrationnels, sans se poser de questions, simplement parce que « c’est la tradition ».

Les traditions forment les sociétés telles qu’on les connaît, elles définissent nos mœurs, nos fêtes nationales et nos cultures. En raison de cette capacité à structurer une société toute entière, les traditions ont souvent été utilisées par les acteurs politiques à des fins bien précises. Au cours du 19e siècle, les traditions ont souvent permis aux acteurs politiques de consolider leur pouvoir en créant un sens d’identité partagée et un sentiment d’appartenance au sein de la société. L’historien britannique Eric Hobsbawm a publié dès les années 80 une collection d’essais analysant certaines traditions, et faisait le postulat que « les ‘‘traditions’’ qui semblent ou prétendent être anciennes sont souvent d’origine très récente et parfois inventées (tdlr) ».

« Cette évolution du concept de bushido montre donc que les traditions, en plus d’être des émanations intrinsèques aux sociétés, sont aussi influençables et modelables, pouvant-être adaptées à diverses applications et utilisées à des fins économiques ou politiques. »

Au Japon, le bushido est un exemple de tradition inventée. Le bushido correspond à la « voie du samouraï », le code moral définissant les pratiques, valeurs, et habitudes des samouraïs dans un Japon féodal. Cet élément est encore aujourd’hui très important au sein de la société japonaise. Néanmoins, le concept de bushido a changé : alors que certains de ses principes étaient transmis – en grande partie oralement – à l’époque des samouraïs, sa forme moderne date du début du 20e siècle, quand des intellectuels et hommes d’État japonais l’ont remodelé afin de servir un nationalisme japonais naissant pendant la restauration de Meiji. Très présent dans le monde des affaires japonais, il est l’inspiration directe du respect, de l’harmonie et de la confiance au sein des relations professionnelles. Dans les années 70, la croissance économique fulgurante du Japon peut en partie être expliquée par le bushido. Le terme a été réinterprété et intégré dans une culture du travail plus large ; il était alors synonyme de travail acharné, loyauté, dévotion et perfectionnisme. Ainsi, le bushido qui structure aujourd’hui le monde industriel du Japon, autant économiquement que socialement, a permis au gouvernement de mettre en place l’idéologie de l’harmonie industrielle et de devenir un chef de file économique en Asie.

Cette évolution du concept de bushido montre donc que les traditions, en plus d’être des émanations intrinsèques aux sociétés, sont aussi influençables et modelables, pouvant-être adaptées à diverses applications et utilisées à des fins économiques ou politiques. Mais plus généralement, c’est l’histoire et la mémoire toute entière qui sont parfois altérées et mobilisées à des fins politiques.

Au delà de la tradition : l’histoire et la mémoire

Le passé est souvent instrumentalisé à travers l’établissement d’une mémoire officielle, sélective et stratégique. La mémoire officielle, c’est celle qui est posée par l’État, célébrée officiellement et cultivée par les pouvoirs centraux. Elle n’est donc pas complètement naturelle, ni établie indépendamment par les individus. Elle est plutôt choisie de manière sélective. À travers cette pratique, les États et acteurs politiques visent souvent à défendre une version avantageuse des événements du passé, en posant la mémoire officielle comme « l’unique » et « vraie » représentation du passé. Les mémoires officielles peuvent parfois entrer en conflit et présenter des visions du passé divergentes, en décalage.

Par exemple, les relations entre l’Algérie et la France ont jusqu’à aujourd’hui été façonnées par un conflit mémoriel découlant de la guerre d’Algérie (1954–1962). À la suite de l’indépendance de l’Algérie en 1962, son gouvernement s’est beaucoup appuyé sur l’oppression dont le pays avait été victime lors de la colonisation, dans le but de fédérer sa population et bâtir sa légitimité. Au sein de cette construction mémorielle, la mémoire d’une opposition unanime à la France à été construite par le gouvernement algérien et fait aujourd’hui partie intégrante de l’imaginaire collectif. Pourtant, la mémoire à été choisie et les faits, précisément sélectionnés. Cette mémoire d’une unité nationale contre la France occulte une partie de la population algérienne, qui était favorable à la gouvernance française. Par exemple, les Harkis ont combattu aux côtés de la France pendant la guerre, leur nombre allant jusqu’à 200 000 combattants.

Le gouvernement algérien cultive ce passé de martyr encore aujourd’hui, notamment avec la réintroduction récente d’un couplet anti-français dans son hymne national.

De son côté, la France avait mis du temps à assumer son histoire et ses actes en Algérie. Longtemps appelés «évènements d’Algérie », la guerre n’a été reconnue par les institutions françaises qu’en 1999, 37 ans après les faits. Encore aujourd’hui, la République française nie avoir employé la torture et commis des exactions sur les membres indépendantistes du Front de Libération Nationale (FLN) pendant la guerre. Seule la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin en 1957 a été reconnue par le Président français Emmanuel Macron, en 2018. L’histoire et la mémoire façonnent donc autant les traditions que les relations diplomatiques entre les pays. Le passé structure autant les sociétés que les projets politiques de notre temps.

Quelle responsabilité face au passé?

Tradition et mémoire se rejoignent donc sur leur caractère temporel, et correspondent toutes deux à des actions du présent, dépendantes des événements du passé. Tout comme les traditions évoluent avec le temps, la mémoire officielle est elle aussi décidée par l’évolution des climats politiques dans lesquels se développent les sociétés. En raison de leur capacité à former et transformer les sociétés, les traditions, l’histoire et la mémoire ont été utilisées à des fins politiques. La mémoire officielle est une mémoire sélective, qui occulte une partie des faits, et qui ne retranscrit que rarement la pleine réalité. Alors que l’instrumentalisation des traditions a pour principale conséquence modification culturelle dans nos sociétés, la manipulation de la mémoire et la déformation de la réalité peuvent avoir des impacts juridiques plus profonds.

Il est nécessaire de reconnaître que les traditions et les mémoires peuvent parfois être dénaturées à des fins politiques. En effet, il est important de garder un esprit critique et de conserver des pratiques d’historicisations indépendantes. Il est dans le devoir des citoyens et des historiens de privilégier une commémoration et un souvenir fidèle à la réalité des faits, prenant en considération tous les éléments du passé, afin d’apaiser et de concilier les peines, ainsi que de pré- server et cultiver les richesses de nos héritages collectifs.

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Commissions de vérité et réconciliation https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/commissions-de-verite-et-reconciliation/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53808 Quelles mémoires écrivent la vérité ?

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Entre les replis de l’Histoire, là où les souvenirs s’entremêlent avec les ombres du passé, se trouve un terrain chargé d’émotions, de vérités enfouies et de quêtes de rédemption. Les Commissions de vérité et réconciliation – connues au Canada pour avoir dévoilé les récits murmurés des pensionnats autochtones – sont éclairées par la mémoire. Le Délit a voulu plonger dans ce processus mémoriel où la vérité devient une boussole, et où la réconciliation tente de se dessiner entre les lignes de l’Histoire. Pour cela, nous avons discuté avec le professeur en sciences politiques, Daniel Douek.

Au cœur des débats sur la vérité et la réconciliation, la mémoire émerge en tant qu’élément central, définissant les contours de notre histoire collective. Les Commissions de vérité et réconciliation (CVR), à travers le monde, se sont engagées dans une exploration profonde de la mémoire, cherchant à éclairer les zones d’ombre, révéler les injustices et façonner un chemin vers la réconciliation.

De quelle vérité parlons-nous?

Au sein des débats philosophiques, la vérité a souvent été conceptualisée comme une réalité objective et indépendante de nos perceptions individuelles. Cependant, son essence demeure énigmatique. La vérité pourrait être considérée comme l’objectif d’une quête perpétuelle, un horizon inaccessible, mais qui guide perpétuellement notre exploration intellectuelle. Sa nature réside en une recherche constante de compréhension, et en une remise en question continue de nos croyances et perceptions. La vérité, dans cette optique, devient un processus dynamique plutôt qu’une destination fixe, qui est influencée par notre compréhension du monde, nos expériences individuelles et les contextes culturels. Le souvenir que l’on a de cette vérité sera, par conséquent, forgé par nos mémoires. Quand je dis « les mémoires », c’est pour souligner la pluralité et la diversité de celles- ci. Mais, peut-on dire « à chacun sa vérité »? Devons-nous parler d’une vérité collective ou individuelle? Je pense que c’est l’ensemble des vérités individuelles qui peuvent former une vérité collective.

Les commissions pour conserver la mémoire

Les Commissions de vérité et réconciliation sont des institutions et organisations mises en place dans des contextes post-conflit ou post-régime autoritaire pour examiner les violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu pendant ces périodes spécifiques. Leur objectif principal est de faire émerger la vérité sur ces violations, de promouvoir la réconciliation entre les communautés autochtones et l’autorité coloniale afin de faciliter la reconstruction de la société. Par exemple, de 2007 à 2015, les membres de la commission canadienne ont passé six ans aux quatre coins du Canada pour écouter plus de 6 500 témoignages. Ils ont également tenu sept événements nationaux dans différentes régions du pays afin de mobiliser la population canadienne.

Dans ce processus, la mémoire individuelle et collective joue un rôle crucial. Les CVR contribuent à la reconstruction de la mémoire collective d’une société en confrontant les réalités souvent douloureuses du passé. En exposant les vérités souvent dissimulées, ces commissions cherchent à éviter l’oubli sélectif et à encourager une compréhension partagée de l’histoire. Les victimes, les témoins et même les auteurs des violences partagent leurs souvenirs, contribuant ainsi à la construction d’une vérité historique la plus complète possible. La vérité, dans le contexte des CVR, va au-delà de la simple correspondance avec les faits. Elle englobe la révélation des motivations derrière les violations et la contextualisation des événements dans le cadre sociopolitique de l’époque.

Néanmoins, le rôle principal des CVR est de permettre la reconnaissance des responsabilités, et l’initiation d’un processus judiciaire. À travers cela, les CVR visent à l’apaisement, et à faciliter la réconciliation nationale. En effet, la reconnaissance des souffrances passées et l’assignation des responsabilités accélèrent la guérison des blessures sociales, et permettent ainsi à la société de progresser vers un avenir plus juste et éclairé. Mais la création des CVR, mène-t-elle réellement à la vérité? Lorsqu’on parle des Commissions de vérité et réconciliation, on ne prend pas un point de vue métaphysique de vérité absolue, mais de vérité relative.

Que ce soit sur le continent africain ou ce qui est aujourd’hui considéré comme le Canada, les CVR ont tenté d’enluminer la mémoire de ceux qui ont souffert. En Afrique du Sud, la CVR a été mise en place après la fin de l’apartheid pour confronter les abus des Droits de l’Homme commis pendant cette période. Au Canada, la CVR a particulièrement ciblé le système des pensionnats autochtones, soulignant les injustices historiques et les séquelles de la colonisation. Le professeur Douek a évoqué des corrélations dans leurs objectifs, leur approche et leurs répercussions entre les CVR en Afrique du Sud et au Canada : « Bien que ce ne soit en aucun cas identique, il existe des dynamiques similaires (tdlr) ». Les CVR ont accordé une place centrale aux témoignages des victimes et des responsables – parfois amnistiés en échange d’une prise de parole – et cette implication directe a contribué à la construction de la vérité et à la prise de conscience collective des conséquences des politiques passées. En ce qui concerne la question délicate de l’amnistie en échange de vérité, il est important de questionner la facilité à accepter le « pardon » des criminels. Comment trouver le juste milieu entre la nécessité de rendre des comptes et la promotion de la réconciliation?

« Les victimes, les témoins et même les auteurs des violences partagent leurs souvenirs, contribuant ainsi à la construction d’une vérité historique la plus complète possible »

Pour le professeur Douek, interrogé sur la CVR au Canada, « le fossé entre le récit officiel, étatique, et les récits des peuples colonisés peut être énorme ». Dans le communiqué de la Commission de vérité et réconciliation du Canada–qui a eu lieu en 2008– Margaret Simpson, une survivante des pensionnats autochtones, explique cette dissimulation de la vérité : « J’ai appris à mentir pour pouvoir faire tout ce que ma “sœur” voulait que je fasse et lui dire tout ce qu’elle voulait entendre .» Margaret fait référence aux Bonnes sœurs présentes dans les pensionnats. Elle explique que l’une des techniques de survie consistait à cacher la vérité, cacher leurs sentiments, cacher leur culture, cacher leur identité. Le rôle de ces commissions est donc de rétablir la vérité – même si celle-ci est relative – sur l’étendue des dommages causés par les pensionnats, afin de « proposer des solutions et prévenir de futurs abus envers les communautés autochtones ». Toutefois, c’est le processus en lui- même qui est important. Comme Douek le souligne : « Si vous ne faites pas connaître les histoires des gens qui ont vécu le système des pensionnats, vous n’aurez jamais une idée complète de ce qui s’est passé. Et leurs expériences, leurs souvenirs sont primordiaux. » La commission au Canada a permis une réflexion d’autant plus globale du démantèlement, de la dissolution, de la suppression totale des cultures autochtones à travers le pays, qui ont eu lieu par la force et la violence.

Alors, quel est le risque d’oublier? Le risque est de raconter l’histoire d’un peuple d’une manière qui renforce non seulement son asservissement, mais aussi son effacement de l’imaginaire collectif. Les CVR sont un moyen de conserver cette mémoire, de la faire vivre et c’est notre responsabilité en tant que communauté, en tant qu’individu, de dévoiler des histoires souvent cachées, mais dont l’écho résonne à travers les époques.

Serons-nous capable de nous souvenir?

Les commissions en Afrique du Sud ont été considérées comme des succès. Au Canada, les avancées continuent, même si elles sont loin d’être parfaites. En juin 2015, la commission canadienne a tenu son événement de clôture, au cours duquel elle a rendu public le sommaire exécutif de son rapport final, énonçant « 94 appels à l’action » afin de favoriser la réconciliation entre les Canadiens et les peuples autochtones. Pour le Professeur Douek, il y a un besoin de partager l’histoire du Canada. Il faut rendre compatibles les revendications et la mémoire des autochtones avec les institutions et les autorités dominantes canadiennes, « il faut atteindre un point où ils disent, “oui, nous devons trouver une solution, quoi qu’il arrive, nous sommes dans la même équipe ici”. Cela fait partie de l’histoire du Canada ».

Si nous voulons construire ensemble, il faudra reconnaître et assumer entièrement notre passé, et cela passe à travers la mémoire de l’ensemble des personnes touchées. Pour cela, il faut que les institutions soient capables et déterminées à révéler cette vérité. Une question s’est posée avec les commissions au Canada et dans d’autres autres pays : s’agit-il d’un exercice cosmétique visant à nettoyer le passé, afin de rétablir un statut quo dans lequel le pays peut avancer et être stable, et ainsi rassurer les élites dans leur bonne conscience? Ou existe-t-il un véritable engagement en faveur de l’égalité, de la transformation, de l’équité, de la réconciliation? Le professeur Douek, optimiste, laisse une certaine marge à la possibilité qu’un tel changement soit possible, et que celui-ci soit approfondi.

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Concours d’écriture de chroniques journalistiques https://www.delitfrancais.com/2023/11/22/concours-decriture-de-chroniques-journalistiques/ Wed, 22 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53505 Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de son tout premier projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques sur des… Lire la suite »Concours d’écriture de chroniques journalistiques

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Cette semaine, Le Délit vous présente le fruit de son tout premier projet collaboratif avec le Centre d’enseignement du français à McGill (CEF). Dans le cadre du cours « FRSL 449 – Le français des médias », les étudiant·e·s en apprentissage du français comme langue seconde ont été invité·e·s à soumettre des chroniques sur des faits marquants de l’actualité, culturelle ou politique, d’ici ou d’ailleurs. Ayant pour thème commun « Une image vaut mille mots », les chroniques développent les points de vue personnels des auteur·rice·s sur les enjeux sociaux illustrés dans des œuvres d’art ou des photos journalistiques qui ont attiré leur attention. Ces textes, préalablement révisés dans un contexte académique par la professeure Élisabeth Veilleux, ont par la suite été sélectionnés pour être publiés dans Le Délit. Nous vous présentons donc notre sélection des trois meilleures chroniques.

Les illustrations qui figurent ci-dessous ont été créées par les illustrateur·ice·s du Délit et s’inspirent librement des images originales.


Le droit de propager la haine
Emma Custer, Contributrice

Le 21 janvier 2022, un homme dans la quarantaine se tient devant l’ambassade de Turquie à Stockholm. Portant une casquette sur laquelle on peut lire « Stram Kurs », il tient un livre entre ses mains. Bien que la manifestation à laquelle il participe soit assez restreinte, avec une foule modeste de spectateurs tenus à distance par la police, les images de ce qui est sur le point de se produire vont faire le tour du monde. Avec quelques caméras fixées sur lui, l’homme prend un briquet et met le livre – une traduction en anglais du Coran – en feu.

L’homme s’appelle Rasmus Paludan, et ce n’est pas la première fois qu’il brûle un Coran. Il est le fondateur du parti politique danois de l’extrême droite Stram Kurs, dont les membres sont connus pour avoir brûlé des Corans à plusieurs reprises, en Suède comme au Danemark, dans le but d’exprimer leur opposition à l’Islam, explique un TikTok publié par Mise à Jour en avril 2022. Dès le moment où ces images ont été diffusées dans les médias, elles ont suscité de vives réactions des partisans comme des critiques de Stram Kurs. « Vive la Suède il faut qu’on se défendent (tdlr) », écrit un internaute pour montrer son soutien à Stram Kurs dans les commentaires du TikTok. « Les flammes de l’enfer se régaleront de leur chair pour leurs méfaits », écrit un autre pour critiquer les auteurs de ces autodafés.

« L’homme prend un briquet et met le livre – une traduction en anglais du Coran– en feu»

La question qui s’impose à la suite de cette polémique est la suivante : est-ce que la liberté d’expression s’étend aux autodafés de livres saints? Les autorités suédoises affirment que oui ; tout en dénonçant l ́islamophobie, le ministre suédois des Affaires étrangères rappelle que la Constitution protège le droit d’expression. En revanche, selon un article de l’Agence France- Presse (AFP) et du Monde, les 57 États membres de l’Organisation de la coopération islamique se sont dits déçus que la Suède n’ait rien fait sur le plan juridique pour prévenir ces actes. Après tout, c’est ce qu’a fait le Danemark face à des incidents similaires, proposant une loi qui interdirait ces autodafés, a rapporté l’AFP dans un article relayé par Radio-Canada.

Clément Veysset | Le Délit

Cette illustration de Clément Veysset est une création dérivée d’une photographie de Fredrick Sandberg.

Tandis que le débat semble se centrer sur la question de la liberté d’expression, une question plus importante se noie dans les voix énervées : celle de l’islamophobie. Il suffit de regarder les effets virulents de l’islamophobie dans notre société pour comprendre que ces autodafés ne sont pas une cause, mais un symptôme d’un phénomène répandu à travers le monde occidental. Selon le Conseil national des musulmans Canadiens, le Canada était le pays parmi les états du G‑7 avec le plus de musulmans tués en raison de l ́islamophobie entre 2016 et 2021, ce qui n ́est pas choquant quand on considère un sondage mené cette année par l’Institut Angus Reid, qui révèle que 39% des Canadiens ont une opinion défavorable à l’égard de l’Islam.

Comme ces autodafés ne sont qu’une des nombreuses conséquences de l’islamophobie, modifier une loi ne changera rien aux mentalités populaires. La question qui aurait dû être posée depuis le début est plus difficile à résoudre que celle de la liberté d’expression : comment peut-on éliminer les racines de l’islamophobie en Occident?



De bonnes clôtures font des voisins précaires
Genny Plumptre, Contributrice

Clôturer et déposséder : c’est une pratique encore plus ancienne que le Canada. Dans les premiers temps de la colonisation du Nouveau Monde, les colons anglais et français s’appuyaient sur des signes de possession, tels que les clôtures et le développement agricole, pour manifester leur droit au territoire et l’exclusion conséquente des Premières Nations. Encore aujourd’hui, les clôtures sont une expression du contrôle exclusif dont les propriétaires bénéficient. Mais si clore son terrain est un droit de propriété privé reconnu au Québec, il ne faut pas oublier que cet acte physique et symbolique peut faire violence. C’est ce que nous apprend le court-métrage classique de Norman McLaren, qui documente une rupture des relations de voisinage à la suite de l’installation d’une clôture entre deux propriétés. Les clôtures peuvent faire du mal. Elles peuvent même tuer.

« Contrairement à ce que la Ville souhaite nous faire croire, les droits de propriété privée ne sont pas impénétrables ; ils doivent parfois céder aux droits et libertés constitutionnels. Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne affirme que nul ne peut empêcher autrui d’avoir accès aux lieux publics ou commerciaux sur une base discriminatoire telle que leur condition sociale, y compris l’absence de domicile fixe. Le partage d’espace figure donc parmi les valeurs fondamentales d’une société démocratique »

Telle est la réalité que vivent les habitants du secteur Milton- Parc, particulièrement les personnes en situation d’itinérance qui ont été expulsées du terrain vague situé à l’angle de l’avenue du Parc et de la rue Milton en 2020. Goldmanco Inc, la société immobilière à laquelle appartient le terrain, aurait installé une première grille pour apaiser des voisins qui se plaignaient du bruit, entre autres nuisances. En conséquence, la zone bétonnée qui servait autrefois de plaque tournante pour plusieurs personnes en situation d’itinérance – principalement issues des communautés inuites — leur est maintenant inaccessible. Malgré les efforts de certains organismes communautaires tels que le Comité des citoyen·ne·s Milton Parc, une deuxième clôture permanente a été érigée en juillet 2021.

Face à cette expulsion, la Ville de Montréal prétend avoir les mains liées. Dans un courriel envoyé au journal Métro, le Cabinet de la mairesse a indiqué que la municipalité ne peut pas intervenir quand il est question de propriété privée. Au lieu de se prononcer sur les actions de Goldmanco Inc, la Ville espère étendre les options de logements sécuritaires et abordables pour la communauté autochtone. Bien que louable, la solution proposée est inadéquate et esquive le cœur du problème. Lorsque l’exercice des droits de propriété met activement en danger un groupe défavorisé, ces droits devraient-ils toujours prévaloir?

Rose Chedid | Le Délit

Cette illustration de Rose Chedid est une création dérivée d’un extrait du film de Norman McLaren, Voisins.


Le coût humain de la clôture est déjà manifeste. En 2020, Kitty Kakkinerk, une femme inuite, a été heurtée par un camion à quelques mètres de la grille. Des témoins de l’accident, dont son frère, ont affirmé que la clôture avait joué un rôle déterminant dans sa mort. Dans un rapport publié l’année dernière, Nadine Mailloux, l’ombudsman de Montréal, affirme que l’itinérance autochtone dans le quartier Milton-Parc constitue une « crise humanitaire ». Les relations au sein de la communauté semblent également s’être détériorées depuis l’installation de la clôture. En effet, la fermeture du terrain vague a contraint les sans-abri du quartier à s’établir sur le trottoir, ce qui engendre des frictions avec les établissements commerciaux.

Contrairement à ce que la Ville souhaite nous faire croire, les droits de propriété privée ne sont pas impénétrables; ils doivent parfois se soumettre aux droits et libertés constitutionnels. Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne affirme que nul ne peut empêcher autrui d’avoir accès aux lieux publics ou commerciaux sur une base discriminatoire telle que leur condition sociale, y compris l’absence de domicile fixe. Le partage d’espace figure donc parmi les valeurs fondamentales d’une société démocratique. Norman McLaren avait raison de dévoiler la brutalité des clôtures. Il est temps de revoir notre déférence inconditionnelle à l’égard de cet élément naturalisé du paysage urbain.



L’itinérance autochtone : une crise humanitaire
Molly Kines, Contributrice

Que diriez-vous si une crise humanitaire se déroulait au cœur même de votre ville? Comment réagiriez-vous? C’est une réalité regrettable qui a cours à Montréal actuellement, comme le montre une photo de Jacques Nadeau publiée dans Le Devoir. L’itinérance autochtone est un grave problème qui devrait tous nous préoccuper. En 2022, l’ombudsman de Montréal a publié un rapport avec cinq recommandations à la ville sur l’urgence d’agir pour les peuples autochtones dans le besoin. Depuis lors, malgré certaines avancées, l’itinérance au sein de la population autochtone à Montréal reste endémique. À mon avis, nous pouvons et devons en faire plus pour soutenir cette population vulnérable. Afin d’avancer vers une solution, il faut établir des logements à long terme pour les itinérants autochtones, ainsi qu’un meilleur programme d’accueil pour les personnes inuites qui s’installent à Montréal.

Rose Chedid | Le Délit

Cette illustration de Rose Chedid est une création dérivée d’une photo de Jacques Nadeau parue dans Le Devoir.


Tout d’abord, il faut mettre en place des logements sûrs, stables et disponibles à long terme pour ces peuples à Montréal. En 2022, l’Hôtel des Arts, un refuge qui accueille les personnes autochtones 24 heures sur 24,
a été construit dans l’arrondissement de Ville-Marie. Selon un article de Radio-Canada, cet hébergement ne compte que 50 chambres et a été conçu comme une solution temporaire pour les périodes de grand froid. D’après moi, ces refuges sont un pansement sur une artère coupée : insuffisants et lacunaires par rapport au vrai problème. Ainsi, la Ville de Montréal doit proposer un plan d’action solide, qui inclut une solution permanente à la question du logement.

Par ailleurs, la situation de la population inuite à Montréal est particulièrement préoccupante. Selon le recensement canadien de 2021, la population de Montréal comptait 1 130 personnes inuites. D’après un article de Radio-Canada, de nombreux Inuits déménagent à Montréal pour obtenir des soins de santé ou pour échapper à des situations précaires, mais se retrouvent ensuite à la rue. La psychiatre Marie-Ève Cotton, qui soigne la population autochtone à Montréal, affirme que cette dernière se heurte souvent à différentes formes de discrimination et à la difficulté de trouver un emploi et un logement. Des services sociaux, des ressources et des logements abordables doivent donc être fournis après leur arrivée, afin d’éviter qu’elle se retrouve en situation d’itinérance. Tout ceci devrait se faire dans les langues autochtones et en tenant compte des besoins psychosociaux liés aux traumatismes intergénérationnels qu’ils pourraient avoir vécus. Avec des ressources d’accueil culturellement sensibles, les personnes inuites seront plus à même de s’établir à Montréal.

« Le passé de cette population au Canada est chargé de racisme, de discrimination et d’abus. Bien que nous ne soyons pas les auteurs directs de ces mauvais traitements, nous occupons une position privilégiée en tant que membres du groupe dominant. Cette position implique une certaine responsabilité, malgré la gêne que nous pouvons ressentir face à ces vérités troublantes. Je vous laisse donc avec la question suivante : vous sentez-vous responsable? Et si oui, comment comptez-vous agir? »

De toute évidence, l’itinérance autochtone à Montréal est un problème qui persiste en dépit de nombreux appels à l’action. Malheureusement, le passé de cette population au Canada est chargé de racisme, de discrimination et d’abus. Bien que nous ne soyons pas les auteurs directs de ces mauvais traitements, nous occupons une position privilégiée en tant que membres du groupe dominant. Cette position implique une certaine responsabilité, malgré la gêne que nous pouvons ressentir face à ces vérités troublantes. Je vous laisse donc avec la question suivante : vous sentez-vous responsable? Et si oui, comment comptez-vous agir?

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Le voyage transforme-t-il? https://www.delitfrancais.com/2023/11/22/le-voyage-transforme-t-il/ Wed, 22 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53499 Permettre au voyage d’agir en nous.

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Fin juin de cette année, à la veille de ce qui est pour beaucoup de Québécois le début des vacances estivales, le magazine The New Yorker publiait un essai qui remettait en question le fantasme d’été par excellence : Les arguments contre le voyage (tdlr). Rappelant le dédain de Socrate et de Kant envers le voyage, Agnes Callard creuse une place dans le for intérieur du pèlerin et sème le doute quant aux aspects « transformateurs » du voyage, dont les adeptes vantent trop rapidement les mérites. Cet article tente de briser l’illusion miraculeuse d’un bref échappatoire du quotidien. « On sait déjà ce qu’on sera à notre retour […] Le voyage est comme un boomerang, il nous dépose là où il nous a pris », et il n’est pas en tort d’affirmer : « Les voyages sont amusants, il n’est donc pas mystérieux que nous les aimions. » Il l’est par contre lorsque, dans la phrase suivante, il affirme : «Ce qui est mystérieux, c’est la raison pour laquelle nous lui donnons une si grande importance, une telle aura de vertu. » Le voyage a cette vertu qu’on lui accorde parce qu’il peut s’avérer transformateur, parce qu’il peut nous déposer ailleurs que là où il nous a pris ; à condition qu’on le lui permette.

Le voyage est un phénomène qui transcende toute culture. L’Épopée de Gilgamesh, l’une des œuvres littéraires les plus anciennes, est un récit de voyage. Le récit fondateur des trois grandes religions monothéistes, celui d’Abraham, commence également par un appel au voyage, et le plus renommé des chants de l’époque de Socrate en est devenu éponyme. Toutes ces histoires pérennes, plus influentes les unes que les autres, voient le voyage opérer sur les héros une chirurgie corporelle et spirituelle. L’un part tyran et revient chez lui exemple de l’humanité même, l’autre consolide sa foi en son Dieu, et le dernier apprend la patience et l’humilité qui feront de lui un homme sage. Ces trois méta-récits illustrent la raison pour laquelle la notion du voyage est ainsi conçue : la culture, populaire ou non, dépeint le voyage comme la toile de l’évolution.

Toujours est-il que le Québécois lambda qui traverse l’Atlantique n’est pas en risque d’être dévoré par Scylla ; ce qui l’attend est moins de l’ordre des monstres marins, des déesses perverties et des sacrifices filiaux, que celui de journées passées à errer dans un dédale de rues inconnues ou sur les plages dont les eaux sont légèrement plus limpides que celles du Saint-Laurent. L’oisiveté qui habite les vacanciers empêche- t‑elle au voyage d’engendrer une transformation qui ne s’anéantit pas quelques semaines après le retour au quotidien? Si la rencontre avec un cyclope est impossible, qu’est-ce qui pourrait traumatiser le regard d’un Québécois, qui passe deux semaines sans voir de cône orange? Sans doute la réponse est telle que la magie du voyage opère particulièrement ainsi : il répond à ce que nous cherchons. Le touriste français qui veut s’entourer d’autres Français pour rappeler que « le fromage est quand même meilleur en France » réussira à en trouver d’autres qui fuient leur pays seulement pour en éprouver la nostalgie ; les Américains qui refusent d’apprendre d’autre langue que l’anglais trouveront un guide qui le parle couramment et qui veut bien tout leur expliquer pour une somme généreuse ; le « voyageur » qui souhaite se différencier du « touriste » trouvera d’autres « voyageurs » avec lesquels il pourra s’enorgueillir d’avoir appris comment dire « bonjour » dans la langue locale. Mais qu’en est-il de celui qui cherche la transformation? Comment le voyage répond-il à son appel?

« Qu’est-ce qui pourrait bien traumatiser le regard d’un Québécois, qui passe deux semaines sans voir de
cône orange? »

L’environnement

Le voyage opère par le changement d’environnement. Tant le paysage que le rythme de vie, les habitudes, les goûts et mœurs, ou encore les bruits et les odeurs sont altérés par l’échappatoire. Cette altération de la routine, bien qu’artificielle et éphémère, a pourtant fait ses preuves. C’est en quelque sorte de la même façon que procèdent les centres de réhabilitation comme Portage, qui retirent les participants de leurs environnements pour leur montrer un milieu différent, leur faire (re)découvrir des habitudes de vies ignorées en espérant que ce qui est découvert sera ramené chez-eux. Lors du voyage, la métamorphose de l’environnement voit l’entourage du voyageur devenir un miroir, non seulement de ce qu’il souhaite voir, mais également de qui il est. Tout ce qui arrive est soit propre à lui-même, soit propre à la culture qui l’entoure : c’est la personnalisation de l’expérience. L’entièreté du vécu dans l’inconnu reçoit chaque péripétie comme un événement singulier parce qu’il est difficilement explicable selon les repères de son chez-soi. S’offre donc au voyageur le choix de l’explication : d’un côté que ce sont la culture et le mode de vie qui sont différents, et de l’autre son dernier recours face à l’inconnu ; le hasard, la (mal) chance, les esprits, Dieu… Une telle interprétation d’événements dont l’apparence serait banale chez-soi peut-elle provoquer chez le voyageur davantage qu’un étonnement fugace? C’est dans son approche de ces incompréhensions que le voyageur devient réfléchi par son entourage, et qu’il se voit choisir entre permettre au voyage d’agir en réponse à son appel ou revenir chez lui tel qu’il en est parti. La redécouverte de l’interaction avec le monde qui l’entoure offre au pèlerin l’opportunité de remettre en question sa responsabilité vis-à-vis de ce qui lui est avancé. Le voyage le place au centre de l’expérience, et s’il souhaite être transformé, il doit autant s’approprier la beauté qui lui est révélée, qu’il doit délaisser son orgueil, qui l’empêcherait de l’entrevoir. Après tout, « Partir, c’est mourir un peu ».

Le voyage associe espace et temps

L’une des forces du voyage est le lien qu’il crée entre le temps et l’endroit où il a lieu. La personne que le voyageur est à ce moment est également ce qu’il est en ce lieu. La référence à l’expérience ne se fait plus autant par l’entremise d’une ancre temporelle que par le souvenir de l’environnement qu’il habitait alors ; ou plutôt, les deux marqueurs deviennent indissociables. L’association de ces deux domaines durant une courte période, dans un lieu éphémère, permet d’en réaliser la dissociation acquise dans son quotidien. Celui qui permet au voyage de l’entraîner dans son flot a la possibilité d’entrevoir comment le temps est le cœur du voyage, et que les changements de l’espace qui l’entoure ne sont qu’un moyen de rendre plus saillant le chemin parcouru : le voyage se fait davantage à l’intérieur de soi-même qu’à l’extérieur. Ce qui fait sa magie est cette volonté de découverte et d’émerveillement par laquelle on l’appelle, et l’humilité avec laquelle on reçoit ses réponses. Mais cette magie du voyage peut être reproduite dans une même ville, et le voyage peut se faire sur place. Le défi se trouve dans la conservation de l’approche à l’espace et au temps qu’il insuffle lorsque l’environnement est le même à l’année longue.

« Ce qui fait sa magie est cette volonté de découverte et d’émerveillement par laquelle on l’appelle, et l’humilité avec laquelle on reçoit ses réponses.»

Ulysse et Gilgamesh, même si leur odyssée les dépose là où elle les a pris, ne sont pas tels qu’ils se sont imaginés à leur départ. Le voyage a agi sur eux, et ce qui fait leur gloire est ce qu’il sont devenus, les personnes qu’ils sont à leur retour. Si le voyageur veut être transformé, il doit non seulement permettre au voyage d’opérer sur lui, mais prendre soin des souvenirs qui lui ont été impartis.


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Toutes mes sympathies https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/deuil-et-guerre/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53152 La guerre : une source de douleurs importantes, pour tous.

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Je m’en souviendrai toujours : c’était le 27 octobre 2021, à 11h53. Dans un coup de vent, il est parti. Calmement, dans sa maison, entouré des siens, de sa femme des 40 dernières années, de la chair de sa chair, Denis Pierre Robert a entamé son grand voyage, l’ultime, celui qui nous sépare depuis. Mon grand-père nous a quittés, comme il a vécu, calmement, dans le plus grand des conforts, de la plus belle des manières et dans la grâce. Mon grand-père nous aura offert le cadeau d’un départ sobre et doux, et pour ça, je lui en serai éternellement reconnaissant. Dans la beauté de sa mort, il m’aura permis de garder la belle image que j’ai de lui, de l’homme bon, fort et fier qu’il était. Un luxe dont trop peu peuvent profiter.

Malgré la nature paisible de son départ et malgré le temps qui passe, encore aujourd’hui, son décès marque ma famille. Il nous marque dans les petites choses, dans le quotidien. Sans jamais crier gare, il s’agit de moments qui viennent et passent, de ces petites résurgences de peine, comme un amour qui se refuse à mourir. Encore aujourd’hui, deux ans plus tard, je vois mon grand-père dans les chansons de Ginette Reno et d’Andrea Bocelli, ses chanteurs favoris. Depuis, je ne peux m’empêcher de penser à tout ce qu’il a manqué : mon admission à McGill, mes amours, mes passions, ma vie. Je le vois dans le printemps et dans l’automne, partout dans les différents cycles de ma vie. Pour une rare fois, un évènement m’aura laissé sans mot. Bien que son départ était imminent, bien que les grands-parents ne sont que de passage dans une vie, il faut admettre qu’une mort, c’est la fin d’un monde. Ce n’est pas la fin du monde, mais la fin d’un monde. Dans mon cas, dans le cas de ma famille, c’est la fin d’un monde où mon grand-père était constamment présent.

Mon grand-père est mort dans un pays en paix, de causes naturelles. J’ai eu le temps de m’y préparer et j’ai pu lui dire que je l’aimais, une dernière fois. Il n’y a personne à accuser pour son décès, sauf peut-être le temps lui-même. En revanche, il s’agit d’un moment important dans ma vie, d’un marqueur de temps qui m’a forgé et qui continue de me façonner. Il y aura toujours un avant et un après. Aujourd’hui, j’essaie d’imaginer ce que représente la perte d’un proche dans des circonstances différentes. Aujourd’hui, je me mets à la place des personnes qui perdent des membres de leur famille dans un conflit armé. Je pense à ces autres, à ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi, qui n’auront jamais eu le temps de s’y préparer ni de dire un dernier « je t’aime ». Je pense à tous ces mondes chamboulés, à toutes ces réalités fracturées.

Vous l’aurez compris, au moment d’écrire ces lignes, je pense à un conflit en particulier. Une guerre qui nous divise, qui nous déchire, qui nous oblige à prendre un camp. Pour certains d’entre nous, prendre parti c’est tomber dans la démagogie. C’est expliquer pourquoi un tel a raison. C’est tenter de se dédouaner d’une action pour une cause ou une autre. C’est tenter d’expliquer la raison du combat par tel ou tel facteur historique. Pour eux, se ranger dans un camp, c’est comme supporter une équipe de hockey, sans rationalité, guidé par l’émotion.

Aujourd’hui, dans mon humanité, avec mon expérience du deuil, ma compréhension de ses ravages, j’ai de la difficulté à me positionner. Clausewitz, ce grand théoricien souvent mentionné en sciences politiques, disait que la guerre c’est la continuation de la politique à travers d’autres moyens. Je crois que la guerre, c’est l’échec ultime de la diplomatie et la fin de la fraternité humaine au détriment de la barbarie sanglante. Au fond, la guerre c’est l’atomisation de l’humanité et de sa bienveillance.

Je condamne le conflit sous toutes ses formes. Je condamne les souffrances qu’il impose. Partout où il y a une mort, il y a de la souffrance. Dans la mort, on enterre l’être aimé et cette version de nous qui vivait en lui. Dans la mort de l’autre, on meurt aussi un peu.

« Je crois que la guerre, c’est l’échec ultime de la diplomatie et la fin de la fraternité humaine au détriment de la barbarie sanglante. Au fond, la guerre c’est l’atomisation de l’humanité et de sa bienveillance »

Dans ce conflit, tout ce que je vois, c’est la peine des familles. En voyant les images qui nous viennent du Moyen-Orient, je repense impérativement à mon grand-père, à ce deuil qui m’habite. Je m’imagine, le perdre, sous les bombes. Mon cœur, il flanche. À toutes les fois, je ne peux m’empêcher de ressentir un coup dans mon ventre, ce fameux sentiment d’injustice. Je ne peux que compatir, que souffrir devant ces images qui me rappellent notre côté animal.

Ce que je sais, c’est que la mort et sa douleur ne connaissent ni les religions, ni les frontières, ni l’histoire et la politique. Le chagrin du deuil étend ses tentacules d’un camp à l’autre sans distinction pour les peuples, sans scrupule. Au fond, une mort, c’en est déjà une de trop. On ne peut pas expliquer la mort, elle n’a pas d’idéologie, pas d’excuse. Il n’y a aucune fierté dans le nationalisme qui tue. Lorsque le conflit se terminera, après que toutes les bombes auront sauté, après que les drapeaux seront retirés des cercueils, tout ce qui restera, c’est la séparation entre les vivants et les morts.

J’entends mes critiques, ceux qui prônent l’impératif de prendre une position, je les comprends aussi. Nous vivons un moment complexe, qui vient nous secouer dans nos identités, dans nos croyances. Lorsque j’ai expliqué mon point de vue à une de mes amies, elle m’a dit une phrase célèbre de Ginetta Sagan : « Le silence face à l’injustice est une forme de complicité avec l’oppresseur. » Je comprends et respecte son point de vue. Cependant, j’espère que ce que nous retiendrons dans ces prises de positions, c’est que l’Homme, dans toute sa complexité, n’est pas réductible à un campement idéologique ; il mérite et nécessite la nuance. Donc, dans cet esprit, je tente de nuancer mes propos. Ce n’est pas toujours facile, car personne ne peut rester de marbre devant la mort.

« Le chagrin du deuil étend ses tentacules d’un camp à l’autre sans distinction pour les peuples, sans scrupule. Au fond, une mort, c’en est déjà une de trop. On ne peut pas expliquer la mort, elle n’a pas d’idéologie, pas d’excuse »

J’ose penser que dans la mort, il est possible pour les vivants de communier. Je crois fermement que deux personnes endeuillées peuvent se comprendre. J’ose espérer que deux humains qui auront perdu un être cher peuvent éprouver de la compassion l’un pour l’autre. Je ne demande même pas de l’empathie, je me suffis à de la compassion. J’ose croire en l’universalité de la douleur. À mes amis qui ont choisi un camp, sachez que l’autre vit du chagrin tout comme vous. Vous êtes liés, nous sommes liés, par notre peine.

Pendant que le monde souffre, pendant que des amis, des amours et des familles se font massacrer sous les bombes, j’ose espérer. J’ose espérer que le Canada, un pays en paix, un pays qui trouve sa force et sa richesse dans sa diversité, mon beau pays, saura ouvrir ses portes et ses bras aux réfugiés. J’espère que nous serons assez forts pour montrer notre faiblesse, que nous aurons assez confiance en nous pour faire confiance à l’autre. J’ose espérer que ma déception est légitime. Parce qu’au fond, la déception, c’est de savoir que nous sommes capables de plus, beaucoup plus. J’ose espérer que notre humanité nous unira, un jour et toujours. J’ose espérer que la paix est toujours possible, et toujours souhaitable. Aujourd’hui, dans le deuil et la déception, je continue d’espérer de notre bonté, parce qu’espérer, c’est tout ce qu’il nous reste. Mes sympathies à ceux qui souffrent, mes sympathies à nous tous, mes sympathies à notre humanité commune qui est en deuil.

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La version française suivra https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/hausse-des-frais-de-scolarite/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53154 Déclin de la langue française et augmentation des frais de scolarité.

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Comme une grande partie de la communauté mcgilloise, j’ai appris avec une grande frustration la décision du gouvernement Legault de presque doubler les frais de scolarité des étudiants canadiens venant de l’extérieur du Québec, en plus d’établir à 20 000$ le tarif plancher imposé aux étudiants internationaux. Cette politique envoie un message bien clair aux étudiants des autres provinces : vous n’avez pas ce qu’il faut pour contribuer positivement à la société québécoise, et n’y êtes pas les bienvenus.

J’ai toujours été une amoureuse de la langue française, reconnaissante de la richesse qu’elle apporte à la société québécoise. Comme plusieurs, son déclin me préoccupe, et j’applaudis notre gouvernement lorsqu’il soutient les artistes francophones ou qu’il remet en question l’hégémonie des géants médiatiques comme Netflix et Spotify. Cependant, je ne suis pas du même avis lorsqu’il s’agit de partir en guerre contre le milieu académique. Certes, McGill est une université anglophone, mais c’est avant tout une institution d’éducation et de recherche, qui valorise les talents d’individus de toutes les origines. La protection de la langue française n’est pas une justification pour limiter le potentiel de ceux qui la fréquentent.

Le lien entre l’augmentation des frais de scolarité des étudiants non francophones et la survie de la langue française est au mieux approximatif, sinon complètement absurde. McGill continuera d’exister et de faire vibrer la communauté anglophone montréalaise qui gravite autour d’elle, malgré le risque d’une diminution des inscriptions de la part des étudiants canadiens hors Québec. Les étudiants des autres provinces qui s’y inscriront proviendront simplement de milieux plus aisés, contribuant à isoler davantage l’Université du commun des Montréalais.

Ce que j’apprécie à McGill, c’est de pouvoir côtoyer des étudiants de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, des États-Unis, et d’ailleurs dans le monde, qui sont issus de toutes sortes de réalités sociales, incluant la classe moyenne. Nous nous rejoignons. L’augmentation des frais de scolarité produira un milieu paradoxal, où des Québécois francophones étudieront aux côtés d’étudiants canadiens fortunés, une perspective qui me rend très mal à l’aise. Un tel scénario créera une culture d’exclusivité problématique : les étudiants qui peuvent se permettre de dépenser 17 000$ en frais de scolarité n’ont pas plus de potentiel que ceux qui n’ont pas cet argent ; mais, ce qui fait la force d’une communauté étudiante, c’est la diversité d’expériences et de perspectives de ses membres. Au final, McGill continuera d’attirer sa population d’étudiants anglophones, mais celle-ci sera largement différente. Les étudiants hors Québec au potentiel académique supérieur seront pénalisés au profit de ceux plus riches, mais pas forcément plus prometteurs.

S’il est fort plausible que la hausse des frais de scolarité sera néfaste au milieu académique, elle soulève néanmoins un débat crucial : la place des universités anglophones, particulièrement McGill, au sein de la société québécoise francophone. J’invite ceux qui connaissent mal ce sujet à se pencher sur l’histoire des relations entre l’Université McGill et la population francophone du Québec. Jusqu’aux années 1970, McGill disposait d’un budget de recherche et d’une capacité d’accueil plus élevés que toutes les universités francophones réunies, et ce, malgré le poids démographique beaucoup moins important de la population anglophone. En effet, entre 1936 et 1975, 41% des diplômés universitaires de la province provenaient d’institutions anglophones, alors que la communauté anglophone ne représentait que 20% de la population québécoise.

L’accès à l’enseignement supérieur était extrêmement limité pour les cégépiens francophones, dans un contexte où il existait un fossé socio-économique important entre l’élite anglophone et la majorité francophone. Au tournant des années 1960, les francophones ne dirigeaient que 5% des grandes entreprises présentes sur le territoire, et la communauté anglophone, quant à elle, pourvoyait 70% de la main‑d’œuvre hautement qualifiée du secteur manufacturier. Dans la région de Montréal, il est estimé que les francophones gagnaient entre 24 à 38% de moins que les travailleurs d’expression anglaise. En tant qu’institution d’enseignement supérieur dans la province, l’Université McGill était vue comme un mécanisme de reproduction de ces inégalités et un symbole de la domination des intérêts anglophones sur l’économie québécoise. Un mouvement important pour la francisation de McGill a d’ailleurs eu lieu, avec le soutien notoire du journal The McGill Daily. À l’époque, laisser entrer le français à McGill revenait à démocratiser la société québécoise et à s’attaquer aux injustices perpétrées contre la classe ouvrière.

Aujourd’hui, les inégalités sociales n’ont plus cette dimension linguistique, et le Québec jouit d’un réseau universitaire francophone accessible et d’excellente qualité. Cependant, McGill est demeurée pour plusieurs un symbole d’exclusion des francophones, principalement auprès des générations qui ont connu ces luttes sociales. Selon moi, la mesure d’augmentation des frais de scolarité proposée par la CAQ, et surtout la représentation des universités anglophones comme bouc émissaire du déclin du français, peut être interprétée à travers la perspective de ce long historique d’animosité.

« L’Université McGill était vue comme un mécanisme de reproduction de ces inégalités et un symbole de la domination des intérêts anglophones sur l’économie québécoise »

J’ai aussi l’impression que plus de 50 ans après l’opération McGill Français, l’Université McGill n’a pas démontré davantage d’ouverture envers la société francophone dans laquelle elle évolue. À McGill, la langue française est au bas de la page, mal orthographiée, et des étudiants de troisième année de baccalauréat se retrouvent surpris et déçus lorsqu’ils constatent qu’il sera difficile pour eux de trouver un stage à Montréal, compte tenu du fait qu’ils ne parlent pas le français. Je suis cependant loin de blâmer les étudiants hors Québec qui sous-estiment parfois l’importance d’apprendre le français pour s’intégrer à la province : personne ne leur a expliqué. Avant de débuter ma première session, j’ai assisté à une réunion pour les nouveaux étudiants portant sur la vie étudiante à McGill et à Montréal en général. Alors que la présentatrice avait offert une description détaillée et enthousiaste des avantages de vivre dans ce milieu multiculturel et ouvert sur le monde, elle n’a évoqué la place du français au Québec qu’une seule fois : « Lorsque vous marcherez dans la rue », nous avait-elle avertis, « vous entendrez parler anglais, français, et toutes les langues du monde! »

« Le lien entre l’augmentation des frais de scolarité des étudiants non-francophones et la survie de la langue française est au mieux approximatif, sinon complètement absurde»

En présence de futurs étudiants, dont plusieurs n’avaient encore jamais mis les pieds dans la province, le Bureau des Admissions a exprimé ce que j’ai perçu comme un profond déni de l’identité francophone de la province. Les affiches unilingues promouvant la mineure en études québécoises, un programme qui dit connecter ses étudiants à la société québécoise, a également retiré toute mention de la langue française dans sa description, qui va comme suit : « [Le Québec] est le foyer d’un mélange de cultures dynamiques, de langues, de Premières Nations et autres peuples autochtones, ainsi que d’une diversité régionale incroyable (tdlr). » Alors que je salue la place que cet aperçu réserve aux peuples autochtones et à l’incroyable diversité culturelle dont jouit la province, je me demande pourquoi on a considéré son héritage francophone comme si peu important qu’on s’est permis de l’omettre entièrement. Comment peut-on s’attendre à ce que les étudiants internationaux s’intègrent réellement au Québec si on leur cache une caractéristique élémentaire de la province, seul territoire du continent nord-américain ayant le français comme unique langue officielle? Surtout, pourquoi McGill se prive-t-elle de mettre l’accent sur la valeur ajoutée du français dans ses activités promotionnelles?

Augmenter les frais de scolarité des étudiants des autres provinces canadiennes n’est pas un moyen de les intégrer à l’économie et à la vie au Québec. Pour cela, il faudrait mieux les accueillir ; leur donner les outils nécessaires et leur permettre de comprendre réellement le contexte dans lequel ils sont venus s’installer. Il faut créer des ponts entre le monde francophone et les universités anglophones au lieu de les ostraciser. Du côté de l’Université McGill, il y a un long travail à accomplir pour redéfinir sa place dans la société québécoise : elle doit corriger ses erreurs du passé en ouvrant ses portes à la langue et à la culture francophone.

En recherchant des destinations pour ma session à l’étranger, j’ai remarqué que les deux universités suédoises avec qui McGill est en partenariat, Lund et Uppsala, demandaient que tous ses étudiants étrangers, à défaut de démontrer une connaissance préalable de la langue suédoise, rejoignent des cours offerts gratuitement par l’université. Des systèmes équivalents existent dans de nombreux établissements à travers le monde pour permettre à des étudiants d’exceller dans leur domaine, tout en ayant la possibilité de s’installer et de travailler dans la société d’accueil après leur graduation. On ne devrait pas réduire le potentiel d’un étudiant à la langue qu’il parle, mais bien à son excellence académique et ses qualités personnelles – l’intégration peut venir après.

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Satire, moquerie et humour noir https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/peut-on-rire-de-tout/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53160 Peut-on rire de tout?

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Tout comme il y a d’innombrables sensibilités à l’humour, il existe une variété de manières de faire rire, certaines faisant plus débat que d’autres. Aujourd’hui, la satire, le sarcasme et l’humour noir sont des façons de faire rire encore courantes. Elles ont pour point commun de s’attaquer directement à une personne ou un groupe d’individus pour faire rire l’auditoire. Il ne fait aucun doute que ces attaques causent une peine importante. Chacun s’est déjà vu être moqué publiquement au travers d’une blague sarcastique, et est donc bien conscient des dommages que cela peut causer.

Parmi toutes les attaques, l’humour noir ne correspond pas simplement à de la moquerie envers autrui. Il est caractérisé par sa propension à pousser plus loin, à faire rire en abordant les absurdités, horreurs et peines de notre monde. Aborder de tels sujets publiquement rend son usage extrêmement complexe et son succès ne tient qu’à un fil : soit ça passe, soit ça casse.

La liberté d’expression, intrinsèque aux démocraties occidentales, autorise chaque individu à aborder les sujets qu’il souhaite à sa manière. La moquerie et ses déclinaisons parfois verbalement violentes sont donc légales, mais qu’en est-il de leur aspect moral? L’humour noir peut dépasser les limites, blesser et accabler certaines personnes ou communautés. Dans quelques cas, ces dernières peuvent répondre à ces moqueries par des menaces, voire des actes de violence physique. En 2015, la France a été touchée par un attentat faisant 12 morts dans les locaux de Charlie Hebdo, un journal satirique traitant de l’actualité par le biais de caricatures provocatrices. L’assaillant a justifié ses actes en accusant le journal d’avoir auparavant représenté le prophète Mahomet à travers des caricatures dégradantes.

« Notre statut social, notre couleur de peau, notre religion et nos autres caractéristiques, déterminent implicitement notre droit, ou notre interdiction à la moquerie »

Ces évènements ont exacerbé un débat qui divise au sein de nos sociétés : peut-on réellement rire de tout? Le « drôle » n’est-il pas un outil de légitimation de la moquerie, pour rire du malheur des autres?

Qui peut rire de quoi

La légitimité d’une moquerie dépend du contexte dans lequel elle est émise, du statut social de celui qui fait la blague, et des personnes auxquelles elle s’adresse. La question du statut est cruciale, car elle détermine qui a « le droit » de rire de quelqu’un : selon la logique sociétale, une personne issue d’un groupe social défavorisé et marginalisé semble détenir toute la légitimité à se moquer de son propre groupe social, étant donné qu’elle connaît elle-même une condition difficile, et sait « de quoi elle parle ». À l’inverse, une personne plus favorisée qui se permet de rire de la misère d’un monde qu’elle ne comprendra probablement jamais, est automatiquement jugée comme immorale et à censurer. Notre statut social, notre couleur de peau, notre religion et nos autres caractéristiques, déterminent implicitement notre droit, ou notre interdiction à la moquerie. La même blague prononcée par deux individus différents n’aura probablement pas le même effet, bien que leurs motivations puissent être les mêmes, et qu’aucun mal n’ait voulu être commis.

En somme, même si la hiérarchisation sociale n’est pas institutionnalisée, il ne faut pas négliger la réalité des normes tacites et intériorisées. Non, tout le monde ne peut pas rire de tout, il existe un droit à la moquerie.

L’intention dans l’humour noir

L’intention de la blague a aussi son importance. Comme énoncé plus tôt, s’il est correctement utilisé, l’humour noir n’est pas violent par malice ; il tente d’utiliser la provocation de manière consciente et réfléchie, et ce, pour dénoncer les horreurs de notre monde, à travers le rire. Seulement lorsque ces critères spécifiques sont respectés, et lorsqu’il n’est pas employé simplement pour choquer, l’humour noir peut être légitimé. Aujourd’hui, l’humour noir peut encore être employé comme outil de plaidoirie par certains humoristes, notamment pour sensibiliser leur auditoire aux problèmes sociétaux. Mais, l’humour noir sort trop facilement de son cadre initial, et est trop fréquemment mal utilisé. Il perd donc sa portée politico-sociale, alors que que c’est justement elle qui fonde sa légitimité. Tout cela témoigne donc de la complexité de l’ouvrage: un humour pesé et réfléchi se fait malheureusement rare aujourd’hui, d’où la recherche d’une validité, non pas dans les propos, mais dans le statut social.

Vers la banalisation du mal?

On a tous déjà entendu cette personne ayant réponse à tout, et qui, après avoir prononcé une blague provocante ou simplement déplacée, balaye tout commentaire et critique allant à l’encontre de ses propos en clamant haut et fort le sempiternel : « eh, mais c’est une blague, détends-toi ! » Alors que non, ce n’est pas une question d’être coincé ou rabat-joie, bien au contraire : l’humour noir, au détour d’une blague considérée « limite », peut réellement gêner, voire blesser une personne. L’utilisation du sarcasme, de la satire et de l’humour noir en général peut souvent être vue comme un moyen détourné pour critiquer et se moquer d’autrui sans en craindre les conséquences, car le rire « sauve » : les propos offensants sont vus comme légitimes dans les circonstances de la blague. Néanmoins, ce type d’humour, jouant avec les vulnérabilités des uns et des autres – les différences physiques, les constructions sociales, etc. – peut avoir de véritables conséquences néfastes, d’autant plus que la tendance vers l’hypersensibilité dans nos sociétés actuelles n’est pas négligeable. Il est également important de noter que l’usage de l’humour noir renforce les faiblesses et vulnérabilités d’autrui, le tout basé sur des stéréotypes et généralités internalisés par la société. Les premières cibles sont les minorités ethniques, de genre, ou religieuses, et les personnes racisées ; en somme les plus « faibles » de nos sociétés – celles qui sont peu écoutées, sous-représentées et marginalisées. Ainsi, accepter et rire de l’humour noir révèle une certaine banalisation du mal.

Il semblerait que ce soit toujours les mêmes qui soient moquées, et que ceux qui adhèrent au « on peut rire de tout », soient eux aussi toujours les mêmes : les moqueurs. Ces derniers rient donc d’autrui sans jamais rire d’eux-mêmes, et sont les premiers à se plaindre qu’« on ne peut plus rien dire aujourd’hui », mais sans jamais se remettre en question, ni se demander d’où provient le réel problème. Leur refus d’introspection vient du fait que ces individus baignent dans des microcosmes fermés, où tout le monde se ressemble, et où personne n’a jamais été victime de ces blagues, étant donné qu’ils en sont les émetteurs.

« Nous ne pouvons plus accepter de rire de stéréotypes d’un autre temps, mais cela n’implique pas que nous soyons condamnés à ne plus rire du tout, cela appelle plutôt à s’adapter à des normes qui évoluent »

Une hypersensibilité sociétale?

Aujourd’hui, il y a une véritable dissociation entre l’intention derrière une blague et l’effet qu’elle produit. Si une blague est jugée déplacée, la priorité est axée sur la ou les victimes de ces propos, et l’auteur s’en retrouve instantanément blâmé, sans qu’on cherche à comprendre l’intention derrière sa blague. Nos sociétés ont particulièrement tendance à voir le mal, avant même qu’il survienne.

Cela nous amène à réfléchir sur la tournure qu’a pris l’humour aujourd’hui, et sur l’évolution de l’humour noir au fil du temps. Prenons comme exemple, Pierre Desproges et Coluche, deux humoristes français des années 60 à 80, qui maniaient le sarcasme et l’humour noir à un certain degré, souvent avec grossièreté et causticité. Leurs sketchs sont aujourd’hui considérés par beaucoup comme dépassés. Il semblerait alors que la tolérance était beaucoup plus élevée il y a quelques décennies : le rire fusait plus facilement. En réalité, ce qui était drôle avant ne l’est plus automatiquement aujourd’hui, et heureusement.

Mais l’hypersensibilité d’aujourd’hui impose-t-elle la nécessité de s’autocensurer et de se taire plutôt que de risquer une blague pouvant potentiellement être mal interprétée? Il est important de différencier humour et humour noir. Nous ne pouvons plus accepter de rire de stéréotypes d’un autre temps, mais cela n’implique pas que nous soyons condamnés à ne plus rire du tout, cela appelle plutôt à s’adapter à des normes qui évoluent. Face à un humour noir archaïque, il y a la nécessité de réinventer de nouvelles formes d’humour.

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