Archives des Musique - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/artsculture/musique/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 20 Feb 2024 17:14:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Magie, féérie et nostalgie https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/magie-feerie-et-nostalgie/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54922 Concert Candlelight des musiques de Joe Hisaishi.

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Après New York et Londres, les concerts à la bougie sont enfin offerts à Montréal. Ces concerts Candlelight sont une expérience musicale magique qui nous invite à écouter et à redécouvrir la musique dans des lieux inédits. À partir de classiques comme Vivaldi en passant par des artistes contemporains comme Coldplay, leurs répertoires sont très variés, attirant un public diversifié. Les représentations se déroulent à Montréal, dans différents lieux sacrés comme la cathédrale Christ Church, l’église Saint-Jean-Baptiste et la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. D’innombrables bougies illuminent les scènes féériques, permettant une parenthèse musicale sublime dans une ambiance intime et douce. 

« L’idée derrière ces concerts est de démocratiser la musique classique, surtout pour les étudiants, en la mariant avec la culture populaire »

La vente des billets se déroule sur le site de Fever, qui propose maintenant de nombreuses dates à Montréal. Les concerts proposés sont d’ailleurs adaptés à la métropole québécoise. En effet, nous pouvons y retrouver les chansons de Céline Dion ainsi que de Leonard Cohen, deux artistes majeurs de la province francophone. L’idée derrière ces concerts, me partage Fever, est de démocratiser la musique classique, surtout pour les étudiants, en la mariant avec la culture populaire. Les expériences proposées par Fever varient en termes de prix, mais celle à laquelle j’ai assisté coûtait 30$, soit moins cher qu’un ballet classique ou qu’un opéra. 

Ce vendredi 16 février, je m’apprête de ma plus jolie robe pour assister à la représentation des musiques de Joe Hisaishi, connu principalement parce qu’il est le compositeur derrière la plupart des musiques iconiques des films de Hayao Myazaki. Cet événement se déroule dans un endroit exceptionnel : la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, soit la plus vieille chapelle à Montréal. Au programme, plus d’une dizaine de musiques provenant des films des studios Ghibli, tels que Mon Voisin Totoro, Princesse Mononoke, Le Château dans le Ciel, et bien évidemment Le Château Ambulant, mon préféré. Dès que franchis le seuil de la porte de la chapelle au bras de mon partenaire, le temps semble se suspendre. Éclairé par des centaines de chandelles, ce lieu merveilleux respire le calme et la sérénité. Les gens, pour la plupart habillés très chic, s’installent peu à peu sur les bancs en bois et se préparent pour le spectacle. Je regarde autour de moi. Les âges varient.  Il y a des personnes plus âgées, mais aussi des jeunes couples, comme nous, et des enfants. C’est alors au tour du Quatuor à Cordes Listeso de faire son entrée. Composé de deux violons, d’un alto et d’un violoncelle, ils prennent place sur scène, sous la lumière douce et chaude des bougies. Les premières notes retentissent et je ferme les yeux. Tout au long de la soirée, je suis transportée dans un univers féérique, retombant en enfance en entendant la bande sonore de mes films d’animation préférés. De temps en temps, un des musiciens s’interrompt pour nous en dire plus sur les musiques qu’ils interprètent. Cela nous permet d’en savoir un peu plus sur la vie de Joe Hisaishi et de sa collaboration avec Myazaki. On comprend également la philosophie de ce dernier et le message qu’il cherche à faire passer à travers ses films. Chacune de ses réalisations est un questionnement moral sur l’humain et ses technologies face à une nature sacrée, que l’on se doit de préserver. Bien souvent, c’est d’ailleurs la nature qui l’emporte. 

Enfin, tout le monde se lève et applaudit. Nous revenons dans l’espace temporel, tirés de notre rêve éveillé. Même si le concert fût une expérience remarquable, il n’y a pas à dire, c’est le fait d’avoir passé un moment plaisant avec une personne qui m’est chère que j’ai préféré. Je ne peux que vous inviter à en faire vous-même l’expérience. 

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Atelier Festival Gospel https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/atelier-festival-gospel/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54559 McGill ouvre le Mois de l’histoire des Noir·e·s avec l’Atelier Festival Gospel.

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À l’occasion du Mois de l’histoire des Noir·e·s, l’école de musique Schulich de l’Université McGill a organisé ce jeudi 1er février un atelier de musique gospel. Entièrement gratuite, cette chorale chaleureuse et collaborative était dirigée par Karen Burke, cheffe du Toronto Mass Choir, professeure et chanteuse spécialisée dans la musique vocale afro-américaine. La chorale était composée de plusieurs dizaines d’étudiant·e·s, de quatre musiciens et de trois vocalistes. Cette dernière s’est révélée être un spectacle de deux heures, joyeux et réconfortant, rythmé de plusieurs chants gospels et d’exercices vocaux impliquant la participation du public. Aucune qualification ou expérience en chant de la part des spectateur·rice·s n’était nécessaire pour prendre part au spectacle interactif. Mme Burke est parvenue à rendre l’expérience dynamique et amusante, si bien qu’il était difficile d’y rester insensible. Plusieurs personnes du public ont d’ailleurs pu monter sur scène et performer – très talentueusement – un solo, accompagné des musiciens et des voix de la chorale en fond.

« Cette musique apporte une touche émotionnelle en plus. En chantant, tu peux voir que tout le monde autour est aussi content que toi »

Une participante à la chorale

Malgré la courte durée des répétitions, l’ensemble des participant·e·s ont su faire vibrer les murs de la salle et provoquer un bonheur contagieux « Nous jouons souvent des morceaux plus “classiques” et c’est super, mais cette musique apporte une touche émotionnelle en plus. En chantant, tu peux voir que tout le monde autour est aussi content que toi », explique l’une des voix de la chorale. Les élèves de McGill étaient enchanté·e·s d’avoir pris part à cette expérience, mais aussi d’avoir découvert l’histoire derrière cette musique. « Je trouve que c’est formidable qu’il y ait eu cette représentation de la musique gospel. Surtout à McGill, où la rigidité du programme crée un manque de représentation [musicale, ndlr]. Là, on a pu apprendre d’une professeure qui connaît l’histoire du gospel et c’était vraiment intéressant. Je trouve que c’est très important d’inclure cela dans le programme [pédagogique de McGill, ndlr] », partage une étudiante de l’école de musique Schulich ayant participé à l’atelier.

Ouverture du Mois de l’histoire des Noir·e·s

Cet atelier musical marque le début du Mois de l’histoire des Noir·e·s, qui se déroule du 1er au 29 février. Pour rappel, le thème de cette année mis en place par le gouvernement est « L’excellence des personnes noires : un patrimoine à célébrer ; un avenir à construire ». Une invitation pour toute la population canadienne à s’informer sur les communautés noires et les manières dont elles contribuent à façonner le Canada. Dans le cadre de ce programme, plusieurs activités culturelles prendront place à Montréal, notamment au cinéma Moderne, au Black Theater Workshop, la Sotterenea, ou encore au Ausgang Plaza. Des spectacles d’humour, de musique, des conférences, des projections de film, ainsi que des expositions seront au rendez-vous pour faire valoir la richesse du patrimoine culturel de ces communautés.

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À la mémoire de Karl Tremblay https://www.delitfrancais.com/2023/11/29/cowboys-fringants/ Wed, 29 Nov 2023 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53812 Hommage au chanteur des Cowboys Fringants.

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Il y a déjà presque deux semaines, le monde de la musique québécoise a perdu l’une de ses étoiles les plus brillantes, Karl Tremblay, l’inimitable chanteur des Cowboys Fringants. À seulement 47 ans, il a succombé à une longue bataille contre le cancer de la prostate. C’est le 15 novembre que le groupe en a fait l’annonce sur sa page Facebook officielle, déclenchant une vague d’émotion parmi les internautes. Avec plus de 38 000 commentaires exprimant condoléances et souvenirs nostalgiques étroitement liés aux paroles de Karl, il devient clair que son influence transcende le domaine artistique : il s’agit d’un deuil collectif pour le Québec.

Le reflet d’une identité

Karl Tremblay était bien plus qu’un simple interprète engagé. Ses chansons, imprégnées d’humour et de critiques sociales, sont devenues le reflet de l’identité québécoise contemporaine. Sa voix distinctive se fait parfois nostalgique, parfois (souvent) revendicatrice, parfois complètement déjantée. Connu pour son engagement social, notamment pour la cause environnementale, Tremblay intégrait ces préoccupations

au cœur même de ses paroles, interpellant la fibre revendicatrice de son public, qui pouvait ainsi s’identifier à sa musique. Au-delà des préoccupations écologiques et politiques, Tremblay et les Cowboys Fringants abordent des thèmes profondément humains, qui évoquent la réalité quotidienne québécoise, par des référents communs qui ancrent encore davantage la musique du groupe dans le paysage québécois. Sans jamais déroger d’un « français québécois », le groupe puise dans le folklore local pour relier le passé au présent, transcendant les générations à travers des mélodies rassembleuses.

Des souvenirs, bien gravés dans la mémoire

Même pour ceux qui ne sont pas des auditeurs assidus des Cowboys Fringants, il est difficile d’échapper à leur influence. Leurs chansons résonnent inlassablement à la radio, dans les réunions familiales ou lors de soirées karaoké. Leur musique est devenue pour plusieurs synonyme de la musique québécoise, un véritable emblème de notre culture. Chaque chanson évoque des souvenirs uniques, des émotions différentes, témoignant de l’impact profond de la musique de Karl et ses cowboys sur le Québec. En hommage à ce pilier de la musique québécoise, plutôt que de chanter a capella « Toune d’automne » en conférence de presse, Le Délit recueille les meilleurs souvenirs des membres de l’équipe sous la trame sonore des Cowboys.

« La marine marchande » est devenue pour moi un écho de mon après-bal, une nuit inoubliable autour du feu, où nous entonnions cet air loufoque. Chaque note de cette mélodie me transporte instantanément vers ce moment, qui a marqué la fin de mon secondaire. (Béatrice, Coordonnatrice à la correction)

« Il devient clair que son influence transcende le domaine artistique »

Lors de mon premier séjour à un camp de vacances en tant que monitrice, « Shack à Hector » était l’hymne non officiel de nos soirées entre moniteurs. On l’a un peu réécrite à notre manière, en ajoutant après chaque phrase des « oui madame » et « oui monsieur ». Ça a été des moments rassembleurs marquants. (Juliette, Éditrice Culture)

Bien que récemment installée au Québec en tant qu’étudiante Française, les mélodies des Cowboys Fringants m’ont interpellée, notamment en partageant mes préoccupations écologiques. Parmi leur répertoire, les chansons emblématiques « 8 secondes » et « Plus rien » ont particulièrement capté mon attention par leur message poignant en faveur de la préservation de l’environnement. (Adèle, Éditrice Culture)

L’album Expédition est devenu la trame sonore constante de mes escapades en voiture. Chaque trajet était enveloppé de ces mélodies, qui accompagnaient chaque virage et chaque kilomètre parcouru. (Jeanne, Éditrice Opinion)

Les Cowboys Fringants incarnent l’esprit d’un groupe rassembleur, qui transcende les générations lors des fêtes familiales, où leurs chansons résonnent, créant une ambiance joyeuse et complice. Les balades en voiture avec ma grand-maman étaient particulièrement marquées par la présence de leur musique, transformant chaque trajet en un moment partagé empreint de nostalgie. (Léonard, Rédacteur en chef )

En octobre dernier, lors d’une conversation téléphonique avec mes grands-parents, j’ai décidé de leur faire découvrir la musique des Cowboys Fringants, consciente de l’importance que ce groupe revêt au Québec. Ma grand-mère, séduite par leur sonorité, m’a exprimé son souhait d’assister à l’un de leurs concerts. Lors de cette conversation, mes parents étaient présents, et cette mention n’est pas passée inaperçue. En un élan spontané, ils ont décidé d’acheter des billets pour la tournée des Cowboys, prévue en France en 2024. La confirmation de cet achat m’a été transmise par mon père via courriel, la veille de l’annonce du décès de Karl Tremblay… Ma colocataire québécoise, grande admiratrice des Cowboys Fringants, a réagi avec émotion à la triste nouvelle. En hommage, elle a décidé de faire résonner à plein volume les chansons du groupe dans notre appartement. (Camille, Coordonnatrice à la production)

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À bas le patriarcat! https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/a-bas-le-patriarcat/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53140 Entrevue avec Arthur Dagallier, membre du groupe MPL.

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Fondé en 2012 par cinq amis grenoblois, le groupe de musique pop MPL, d’abord connu sous le nom de « Ma Pauvre Lucette », est né d’une tragédie. Le fantôme de Lucette, leur amie commune disparue, occupe une place centrale dans les deux premiers albums sortis en 2015 et 2020. Assez mélancoliques, ils évoquent la disparition et l’amour, en la mémoire de Lucette. Aussi est-elle devenue la muse qui a inspiré l’univers théâtral du groupe, créé pour ses concerts, au cours desquels est racontée une histoire par le « gourou » de la bande, Arthur Dagallier. On retrouve Cédric Bouteiller au chant, Manuel Rouzier et Julien Abitbol à la guitare et Andreas Radwan à la basse.

La musique, parfois parlée, parfois chantée, toujours avec une pointe de nostalgie, n’empêche pas de susciter la bonne humeur avec ses accents dansants et entraînants. Mélangeant textes poétiques, styles folk, pop, électronique, et vidéoclips loufoques, ce « boys band » ne manque pas d’originalité! En 2022, MPL sortait l’album Bonhommes, qui tourne la page sur Lucette pour embrasser de nouveaux thèmes, dont celui de la masculinité. Le Délit s’est entretenu avec Arthur Dagallier, qui est passé du rôle de réalisateur des vidéoclips à celui de gourou du groupe, avant de pouvoir s’atteler à la musique assistée par ordinateur (MAO) et participer aux deuxièmes voix.

Le Délit (LD) : Quel était votre jouet préféré quand vous étiez petit garçon?

Arthur Dagallier (AD) : La légende veut que j’aie passé mon temps à me déguiser.

LD : En quoi vous déguisiez-vous?

AD: Il y avait un peu de tout. Je mélangeais beaucoup de choses. Je n’avais pas de personnage existant. J’avais plein de masques, de capes… Je créais mes personnages.

LD : Ces personnages possédaient-ils des attributs de stéréotypes masculins, comme des armes, par exemple?

AD : Je pense que j’avais un peu de tout. Mes parents n’étaient pas de grands admirateurs des pistolets. Dans mon souvenir, je devais avoir des sabres de pirate. Mes déguisements, c’était beaucoup des vieilles fringues que ma mère récupérait. Je mettais aussi beaucoup de grandes jupes, j’avais des capes et des perruques. C’était très varié et ça ne correspondait pas vraiment à des archétypes.

LD : Votre dernier album Bonhommes cherche à détruire les codes sociaux de la masculinité. On peut penser que ce type de normes sociales est ancré dès l’enfance.

AD : Oui, bien sûr. C’est marrant, parce que pour le clip de Bonhommes , on avait décidé qu’on incarnerait des archétypes. Le réalisateur nous a appelé chacun séparément pour nous demander quel fantasme d’archétype on voudrait incarner. Instantanément, j’ai choisi le chevalier, qui est le personnage que j’interprète dans le clip. Pourtant, je n’ai pas souvenir d’avoir eu des déguisements de chevalier quand j’étais petit, mais là, en l’occurrence, je me suis vraiment rué sur l’occasion, parce que je savais qu’on allait louer des costumes de bonne qualité. J’avoue que j’étais très excité à l’idée d’avoir une armure et une épée!

« Cette injonction à ne pas pleurer, à être fort, à ne pas montrer ses sentiments, ne pas parler de ses sentiments, les hommes aussi en subissent les conséquences »

LD: Le groupe The Cure a écrit une chanson s’appelant « Boys don’t cry ». Pour vous, les garçons ont-ils l’interdiction de pleurer?

AD : Non, pas du tout. Dans la chanson, on parle justement de l’inverse. C’est simplement un des points de départ de la chanson. Il s’agit de dire que typiquement, [ne pas devoir pleurer quand on est un homme, ndlr] est une des injonctions à la masculinité, qu’on essaie de tordre en disant que : « non, tout le monde a le droit de pleurer, tout le monde a le droit d’être triste. » C’est un concept intéressant, parce qu’on parle beaucoup du patriarcat comme faisant des femmes des victimes, ce qui est une réalité indiscutable. L’argument que j’aime bien utiliser quand j’en parle avec des gens, c’est que tout le monde est victime du patriarcat. Et évidemment, bien plus les femmes que les hommes, mais les hommes aussi ont à gagner à ce que ça soit renversé, comme système. Cette injonction à ne pas pleurer, à être fort, à ne pas montrer ses sentiments, ne pas parler de ses sentiments, les hommes aussi en subissent les conséquences. Le monde entier en subit les conséquences.

LD : Vous dites, dans la chanson « Bonhommes », que vos « idoles de jeunesse ne [vous, ndlr] font plus rêver ». Qui étaient ces idoles?

AD : La phrase est volontairement vague pour que tout le monde puisse se représenter ses idoles de jeunesse. Pour notre génération, de 1986–87, dans le groupe, nos idoles masculins de quand on était jeunes et ados, c’étaient les héros de films d’action : Stallone, Schwarzenegger, Bruce Willis. On les retrouve tous dans le premier film de la série Expendables.

« Je ne me compare plus maintenant que je suis adulte. Je ne me dis plus “j’aimerais être cette personne quand je serai grand” »

LD : Avez-vous aujourd’hui de nouvelles idoles?

AD : Je ne saurais pas trop te citer quelqu’un en particulier, mais je sais qu’on s’échange quand même souvent des podcasts, des nouvelles personnes. Je ne parle pas d’idole, parce que je ne suis plus dans ce rapport-là. Je ne me compare plus maintenant que je suis adulte. Je ne me dis plus « j’aimerais être cette personne quand je serai grand ». Par contre, si je trouve une personne inspirante, je trouve important que cette personne ait le droit de parler, qu’elle ait une place, un espace d’expression, autant que les gros machos l’ont eu à l’époque.

LD : Dans la bande, qui est le plus fort? Qui aurait le plus de chances de battre les autres au bras de fer?

AD : C’est une bonne question, ça! (rires) On a tous des petites spécificités sur certains aspects physiques, mais je pense que ça se jouerait entre Cédric [chanteur du groupe, ndlr] et moi. Mais on ne le fait jamais.

LD : Diriez-vous que vous êtes les « bonhommes » de la troupe?

AD : Ça dépend de ce que tu veux dire. Selon l’ancien sens de bonhomme, non. On a tous évolué. Cédric, c’est celui qui nous a fait nous questionner le plus vite et le plus tôt. Il est vraiment arrivé au bout de son cheminement personnel. Il a tiré tout le groupe vers l’avant sur ce sujet. Tant mieux, parce que moi, je trouve ça génial. Cédric est un ami d’enfance, mais dans ce cadre-là, c’est un collègue de travail, qui m’a ouvert les yeux. On a tous cheminé à des vitesses différentes, parce qu’on ne venait pas du même milieu, variant selon nos histoires personnelles, les modèles, les rapports qu’on a eus dans nos familles, fratries, groupes d’amis. Et justement, l’enjeu pendant l’écriture de la chanson « Bonhommes », c’était d’être sûr que ce qu’on racontait convenait à chaque membre du groupe. Il fallait que ce soit représentatif de l’état d’esprit de chacun. S’il l’avait écrit pour lui tout seul, Cédric serait allé plus loin dans la dénonciation. Mais certains craignaient d’être trop donneur de leçons. Ça ne voulait pas dire que l’on n’était pas d’accord avec la chanson, mais plutôt qu’on ne se sentait pas assez légitime pour expliquer ce qu’il faut faire.

LD : Quelle est votre propre définition de « bonhomme »?

AD : Aujourd’hui, pour nous, un bonhomme, c’est un mec qui assume ses sentiments, ses faiblesses, qui assume surtout de se remettre en question et de remettre en question sa place. Je dirais que le plus important, c’est de prendre conscience de nos privilèges de départ. Pour moi, c’est le plus dur à entendre quand tu commences
à travailler là-dessus, surtout en tant qu’homme blanc, valide, hétéro, cisgenre. On cumule tous les passe-droits. Pour moi, il y a vraiment deux choses à faire : c’est de reconnaître ses privilèges, et c’est d’accepter qu’il ne faut pas nier ses privilèges, il faut que tout le monde ait ces privilèges. Il faut faire en sorte que tout le monde y ait accès.

LD : Dans la chanson « Sur une échelle », faites-vous un hommage aux grands-mères?

AD : Oui, Cédric l’a vraiment écrite en pensant à la dernière fois qu’il a visité sa grand-mère à l’hôpital. Il est parti de ce moment personnel, mais il a essayé d’écrire de manière un peu universelle pour que tout le monde s’y retrouve. Quand il nous a proposé ce morceau, c’était un peu une évidence au sein du groupe. L’avantage, c’est que, qu’on les ait connues ou non, tout le monde a eu deux grands-mères. D’ailleurs, on parle d’une grand-mère, mais il y a des gens qui viennent nous voir parfois, ça les projette dans le rapport qu’ils ont avec un proche autre, que ce soit un parent, un grand-parent…

LD : Comment vieillir dans une société aussi complexe, dans laquelle des guerres se déclenchent à tout instant et les questions environnementales deviennent de plus en plus pressantes? Est-ce que ce sont aussi des thèmes que vous pensez peut-être un jour aborder?

« D’un côté, il y a les journalistes, les gens qui font les infos à la télé le soir, et de l’autre, les artistes, qui parlent de sujets de la société à leur manière »

AD : Oui, c’est ce qu’on a essayé d’aborder avec « Blanc » [évoquant l’inquiétude sur l’avenir, ndlr]. C’est pour le moment la chanson de MPL qui parle le plus de ce sujet-là, même si c’est plutôt indirectement. On parle rarement des sujets de manière vraiment frontale dans les chansons. C’est un peu une manière qu’on a déjà utilisée plusieurs fois de parler d’un sujet en passant par un chemin un peu détourné. Mais c’est peut-être des thèmes qui vont revenir dans des chansons futures. De toute façon, tu ne peux pas éviter ces sujets-là, ils nous questionnent trop au quotidien. Il y a encore plein de combats.

LD : Même quand vous abordez des thèmes un peu plus sombres, votre musique est toujours plutôt gaie, dansante. Pensez-vous que la musique permet de traiter des sujets plus complexes avec de la légèreté?

AD : Oui, la musique permet de te laisser le temps de réfléchir et de maturer un sujet. Tu vas peut-être écouter « Blanc » une première fois et tu vas aimer la chanson sans comprendre de quoi ça parle. Tu vas la réécouter et au bout d’un moment, les paroles prendront du sens. Il y a des petites phrases qui restent, des petites musiques qui perdurent. D’un côté, il y a les journalistes, les gens qui font les infos à la télé le soir, et de l’autre, les artistes, qui parlent de sujets de la société à leur manière. On ne s’impose pas de parler de sujets comme ça, mais forcément, ça nous entoure. Du coup, on va forcément avoir envie d’en parler, et la musique est un moyen d’aborder ces sujets-là, parce qu’on a un auditoire. Les questions qu’on se pose alors sont les suivantes : Qu’est-ce qu’on veut que les gens entendent quand on va chanter cette chanson? Qu’est-ce qu’on veut qu’ils retiennent?

LD : Est-ce que vous ciblez un public en particulier ou est-ce que vous cherchez à vous adresser au plus de gens possible?

AD : On essaye surtout d’être compris par tout le monde. On cherche à être, même si ce n’est pas toujours facile, le plus inclusif et universel possible dans la manière d’écrire les chansons. Sur des questions de couple, par exemple, quand on a une chanson qui parle de deux personnes, Cédric essaye de faire l’effort pour qu’on ne sache jamais si c’est un couple hétéro ou homo, deux hommes, deux femmes. On essaye de trouver des formules dans lesquelles n’importe quelle personne amoureuse peut se projeter. C’est un exemple que je donne mais en tout cas, on trouve ça important de faire cet effort-là.

LD : Ce dernier album, en quoi se différencie-t-il des deux premiers?

AD : Nous, on ne se rend pas compte qu’on a fait quelque chose de fonda- mentalement différent, parce que nous vivons une évolution permanente. Toutefois, les premiers albums étaient quand même très teintés de ce mythe un peu fondateur du groupe, de cette Lucette, de cette fille qui avait disparue : cette espèce de légende qu’on avait construite autour de l’univers du groupe. Mais cette fois, cet album-là, Bonhommes, n’en parle pas du tout. C’est le premier album qui n’aborde absolument pas ce sujet-là , et c’était volontaire. C’est pour ça qu’on a changé d’univers visuel aussi. On est passé à la photo, on a changé de graphiste, on a changé tout ça. Et l’idée, c’était de dire qu’on marque un cap dans l’univers du groupe et de ce qu’on veut raconter.

LD : Vous aimez bien toucher à tout, comme les vidéoclips, la mise en scène des concerts, et la musique. Pour vous, la musique est-elle plus qu’un art acoustique, en étant aussi un art visuel?

AD : Oui, parce qu’on a commencé sur YouTube. Nous, au début, on n’avait pas de plateforme, on n’avait rien. On faisait des morceaux, on faisait des clips dans la foulée, on les publiait directement. Youtube, ça reste notre média de départ. Après, on a découvert qu’on pouvait mettre nos musiques sur les plateformes, mais c’était déjà trop tard. On avait déjà pris trop de plaisir à tourner des clips et du coup, on a continué.

« On marque un cap dans l’univers du groupe et de ce qu’on veut raconter »

LD : Pour finir, quel est le rôle d’un gourou dans un groupe de musique?

AD : Le gourou, c’est vraiment un truc qu’on avait sur la dernière tournée, qu’on n’a plus maintenant. Mais le gourou, c’était vraiment un personnage qu’on avait inventé parce qu’au départ, quand je suis rentré dans le groupe, je réalisais des clips et je montais sur scène pour faire les inter-morceaux, pour raconter un peu des histoires, des anecdotes, donner la parole aux autres, pour créer un fil rouge qui faisait que le concert soit un spectacle continu et pas simplement une suite de morceaux. Je ne saurais même pas te dire exactement comment ça a commencé. Ça a été un peu progressif avec les spectacles en live. Ce gourou qu’on avait inventé était un personnage qui était très drôle à faire parce que c’est un code que les gens comprenaient tout de suite. Tu avais vraiment le gourou et les quatre musiciens. On avait inventé ce principe de cérémonie qui remplaçait les concerts. Et quand on a changé de cap avec le dernier album, on s’est posé la question de garder le gourou pour finalement se dire qu’il faisait vraiment trop partie de l’univers d’avant et qu’il fallait l’abandonner. Et donc maintenant, il y a d’autres personnages sur scène, mais le gourou a disparu avec le nouvel album.

MPL sera en concert à Montréal le 3 novembre au Lion d’Or, dans le cadre de l’événement Coup de cœur francophone. Vous pouvez également retrouver leurs chansons et vidéoclips sur leur compte Youtube.

Eileen Davidson | Le Délit

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Fermez les yeux, ouvrez les oreilles! https://www.delitfrancais.com/2023/10/04/fermez-les-yeux-ouvrez-les-oreilles/ Wed, 04 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52686 Voyage historique et musical avec l’Orchestre classique de Montréal.

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Nouveau Départ, c’est le titre donné à la 84e saison de l’Orchestre classique de Montréal (OCM), qui a été lancée le 21 septembre dernier à la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. Elle rend hommage au chef d’orchestre Jacques Lacombe, son nouveau directeur artistique. Le premier concert À travers les Amériques nous donne la tonalité de la saison à venir. Malgré un début quelque peu lent, les musiciens nous transportent graduellement dans un univers parallèle captivant.

Inclusion, diversité, équité

L’OCM est une organisation à but non lucratif, disposant du statut d’organisme de bienfaisance, car il a pour objectif de profiter à la collectivité. Il est financé par des dons et des commanditaires. Il s’engage à célébrer la musique et les talents québécois, autochtones et canadiens : l’orchestre se veut inclusif. En 2018, il a lancé l’initiative Musique pour tous, qui vise à faciliter l’accessibilité de ses concerts. En collaboration avec de nombreux organismes, des billets gratuits sont offerts aux nouveaux arrivants afin de faciliter leur intégration au Québec. L’orchestre propose également des concerts dans des maisons de retraite.

Fondé en 1939 par Alexander et Lotte Brott, il était, à l’origine, composé de professeurs du Conservatoire de musique de l’Université McGill. Ils formaient le Quatuor à cordes McGill. Yaëla Hertz était pendant longtemps la violoniste solo de l’orchestre, l’une des premières femmes à occuper ce statut au Canada. Aujourd’hui, le rôle revient au talentueux et renommé Marc Djokic.

Un crescendo puissant

Les lumières tamisées des cierges de la Chapelle Notre- Dame-de-Bon-Secours nous enveloppent dans l’atmosphère chaleureuse du concert de musique de chambre. Ce type de musique, apparu au 16e siècle, était réservé à la noblesse. Elle consiste en un petit ensemble qui nous permet d’entendre distinctement le timbre de chaque instrument.

« L’acoustique exceptionnelle de la chapelle fait résonner les notes du dernier morceau qui nous transcende »

À travers les Amériques nous convie dans l’intimité musicale de Marc Djokic, qui a choisi d’interpréter ses œuvres de chambre préférées du continent. Divisé en deux par- ties par un entracte, le concert se construit sur une accumulation, les instruments faisant chacun leur entrée, morceau par morceau. Il commence avec un air pour violon soliste de l’artiste canadien contemporain Christos Hatzis. S’ajoute ensuite le piano pour une sonate du compositeur Corigliano. Puis, le quatuor à cordes rejoint la partie. Si les morceaux ne suivent pas de chronologie particulière, on comprend que l’ordre des chansons n’a pas été choisi par hasard. Chaque nouveau morceau monte en puissance, affichant la virtuosité, la concentration et la passion des artistes qui engagent même leur corps dans la musique, virevoltant à son rythme. Les notes filent des aigus aux graves, d’un tempo lent à rapide, de doux à très fort, en un instant, nous donnant l’impression de rebondir sur un cheval en plein galop. Bien que les sons soient harmonieux, aucune mélodie ne se distingue réellement. Mon émotion en tant que spectatrice n’est réellement provoquée qu’après l’entracte, lorsque les musiciens commencent à jouer des morceaux plus puissants. Dans cette deuxième partie, Marc Djokic nous fait voyager à travers les époques du tango impétueux, que l’on voit se transformer au cours du temps. L’acoustique exceptionnelle de la chapelle fait résonner les notes du dernier morceau qui nous transcende. Il s’agit d’Anunciation du compositeur américain Philip Glass. Cette fois, tous les instruments sont réunis, participant à la tempête de notes qui semblent nous élever jusqu’au ciel, vers un état euphorique. On ferme les yeux, et se dévoile un tout autre univers merveilleux, alors que la musique libère notre imagination.

L’OCM propose des spectacles tout au long de l’année à différents endroits dans Montréal. Sa programmation complète est à retrouver sur son site internet.

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Recommandation musicale : Inuktitut par Elisapie https://www.delitfrancais.com/2023/09/20/recommandation-musicale-inuktitut-par-elisapie/ Wed, 20 Sep 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52305 Un plongeon émouvant dans la jeunesse d’Elisapie.

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Au-delà d’être des artistes et groupes de musique qui ont marqué des générations, qu’est-ce que Metallica, Fleetwood Mac, Cindy Lauper, Queen, Pink Floyd, Led Zeppelin, Blondie, Patrick Hernandez, Leonard Cohen et The Rolling Stones ont en commun? Tous ces artistes ont accepté d’être représentés dans l’album de reprises Inuktitut de l’auteure-compositrice-interprète inuk Elisapie. Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik.

En pleurer avant d’en rire

La chanteuse a sélectionné les morceaux en fonction des émotions fortes qu’ils réveillent en elle, et des souvenirs associés à chacun d’entre eux : « J’ai choisi des chansons qui me font pleurer », a‑t-elle dit en entrevue avec Le Journal de Montréal. Elisapie a demandé l’autorisation aux artistes pour reprendre et traduire leurs chansons en inuktitut. Contrairement à l’enthousiasme de certains pour le projet, d’autres ont refusé de voir leurs chansons traduites. C’est le cas du groupe de pop suédois ABBA : « C’est dommage, on avait une version complètement pétée de Chiquitita. Ma fille ne les écoute plus à cause de ça! » a dit Elisapie à La Presse dans une autre entrevue. Pour sa part, la reprise de The Unforgiven de Metallica a été partagée par le groupe sur ses réseaux sociaux et a même été mise en avant dans un article dans l’éminent magazine Rolling Stone. Selon ce dernier, on entend dans l’album d’Elisapie un mélange de « banjo, percussions traditionnelles, saxophone, basse, chants de gorge et scie musicale, en addition à la guitare et au synthétiseur (tdlr) ». Les reprises des chansons, pour la plupart de genre rock, sont des versions plus douces et épurées des originales. Elles véhiculent avec brio l’impact émotionnel que ces chansons ont eu sur Elisapie et sa communauté inuk dans leur jeunesse, soit, entre autres, de les accompagner dans leur tristesse et de leur apprendre que c’est valable de vivre sa peine pleinement.

« Dans cet album cathartique, Elisapie reprend en inuktitut, sa langue maternelle, dix chansons qui ont marqué sa jeunesse au Nunavik »

L’album Inuktitut, produit par le label Bonsound, est disponible sur les plateformes Spotify, Apple Music, Bandcamp et Bonstore. Cet automne, Elisapie sera en tournée dans plusieurs villes du Québec et sera notamment en concert à Montréal à l’Usine C les 7, 8 et 9 décembre prochain.

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Nostalgie amoureuse et envoûtement grec https://www.delitfrancais.com/2023/08/30/nostalgie-amoureuse-et-envoutement-grec/ Wed, 30 Aug 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51816 Le nouvel album d’Aliocha Schneider: l’expression intime de sentiments personnels dans sa langue maternelle.

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Qu’est ce que l’amour à distance? Une relation amoureuse peut-elle survivre à l’épreuve de la séparation géographique et temporelle? « Qu’est-ce que ça veut dire d’être ensemble si on n’est pas ensemble? » se demande Aliocha Schneider dans une nouvelle chanson sortie cet été. Celle-ci, avec l’autre titre la précédant, Avant elle, préfigure les thèmes de son nouvel album qui paraîtra le 29 septembre, à savoir la souffrance liée à l’amour ou encore la difficulté de vivre dans le présent.

Le français mis à l’honneur

Ce chanteur et comédien français québécois de 29 ans est né à Paris, le 21 septembre 1993. Sa famille s’est installée au Québec alors qu’il était encore enfant. Il a rapidement adopté son pays d’accueil et la ville de Montréal. Il enregistre ses premières chansons avec l’aide du chanteur canadien Jean Leloup qu’il a rencontré dans un café et auquel il a présenté ses compositions. Ses premiers albums, Eleven songs (2017) et Naked (2020), en anglais, avaient été signés sous le seul prénom d’Aliocha. Cette fois, il affiche pleinement son identité avec son nom complet pour un album plus intime rédigé dans sa langue maternelle. Il explique avoir toujours du mal à exprimer ses émotions dans ses chansons en français, ne trouvant pas « ma patte à moi ». Avec le confinement, il s’est décidé à relever le défi. Pour cet album, il se confie : « Les idées je les chante en anglais, puis après je traduis. » Il trouve d’abord les sonorités qui lui plaisent en anglais et essaye de les reproduire en français.

D’après la biographie du chanteur disponible sur Spotify, s’il fallait choisir une image pour décrire son nouvel album, il choisirait celle de « La Méditerranée, en Grèce, où j’ai composé et écrit la plupart des chansons de cet album ». En effet, Aliocha a été choisi par le célèbre réalisateur français Cédric Klapisch pour incarner le rôle principal de sa nouvelle série, intitulée Salade grecque, diffusée sur Amazon Prime depuis avril 2023. Cette dernière est un nouvel opus de l’histoire de L’Auberge espagnole (2002), déjà déclinée en plusieurs films. La série nous plonge dans le quotidien de Tom (Aliocha Schneider) et Mia (Megan Northam), les enfants des précédents personnages principaux. Tom rejoint sa sœur en Grèce où elle travaille dans une association humanitaire accueillant les migrés. Le parcours des jeunes personnages reflète les nouveaux enjeux qui se présentent à leur génération : crise migratoire en Europe, violences policières, guerre en Ukraine, questions de genre et de sexualité…

« Cette fois, il affiche pleinement son identité avec son nom complet pour un album plus intime rédigé dans sa langue maternelle »

Ce n’est pas la première fois que l’artiste montréalais se retrouve derrière un écran. Après avoir fait un peu de théâtre, il est révélé par sa participation à l’émission Tactik à la télévision. Plus tard, il commence une véritable carrière dans le cinéma avec ses rôles dans les films Closet Monster et Ville-Marie (2015), tous deux sélectionnés au Festival international du film de Toronto. Pourquoi devoir choisir entre le cinéma et la musique quand il excelle dans les deux domaines?

Six mois de tournage à Athènes, malgré son charme antique, représentent une longue épreuve pour Aliocha qui est confronté au manque de sa compagne, qui n’est autre que la talentueuse chanteuse montréalaise Charlotte Cardin. C’est cette contradiction entre douleur et fascination pour la Grèce qui, entre deux scènes de tournage, lui inspire le sujet et la musique de l’album.

Les tourments de l’amour

Avant elle est le premier extrait de l’album révélé au grand public. D’un style folk/pop, la voix suave d’Aliocha chante la peur d’être éconduit lorsque l’on est amoureux. Avec des paroles simples, il utilise des tournures négatives à répétition « y a rien à espérer de moi », « j’ai pas osé » qui traduisent son découragement, car il n’arrive pas à faire le premier pas.

Le refrain envoûtant nous reste facilement dans la tête pour nous tourmenter tandis qu’une voix féminine se joint à la plainte d’une douceur mélancolique.

On retrouve cette mélancolie douce-amère dans le deuxième titre Ensemble, dans lequel une guitare acoustique accompagne les fredonnements du chanteur. En arrière-plan, le rythme lent et les voix polyphoniques font penser au va-et-vient des vagues et laissent imaginer la beauté chaleureuse de la Grèce et du moment présent. Néanmoins, un désir contrarié transparaît aux onomatopées « hmm » prononcées comme des soupirs. Loin de sa bien-aimée, il met en avant le côté éphémère des souvenirs et la crainte de ne pas réussir à maintenir une connexion avec elle, en l’absence d’une présence physique. Malgré l’existence des réseaux sociaux, qui nous permettent de communiquer à distance avec nos proches, les incertitudes liées à la robustesse de l’amour mis à l’épreuve du temps subsistent toujours.

Aliocha s’approprie ces thèmes courants pour en faire une musique romantique qui lui est propre, tout en transmettant des émotions dans lesquelles n’importe qui peut se reconnaître.

« Malgré l’existence des réseaux sociaux, qui nous permettent de communiquer
à distance avec nos proches, les incertitudes liées à la robustesse de l’amour mis à l’épreuve du temps subsistent toujours »

Un vidéoclip digne du cinéma

Au regard de leur nouvelle amitié, Cédric Klapisch a offert à Aliocha de réaliser le vidéoclip de la chanson Avant elle. Le réalisateur de cinéma parvient à mettre en image le côté romantique et sensuel de la musique. Pour cela, il utilise des gros plans de caméra qui suivent le mouvement des corps, enlacés dans une danse lors d’une soirée privée. Le jeu des regards entre Aliocha et celle qu’il désire, dans les bras d’un autre, renforce la tension amoureuse. Nous vivons la scène à travers Aliocha, qui se languit de ne pouvoir danser avec elle. Les scènes de danse s’entrecoupent avec les tentatives de l’amant transi de se présenter à la porte de sa bien-aimée pour mettre ses sentiments à nu. Klapisch utilise un point de vue original, car le prétendant est filmé par le judas de la porte, légèrement en contre-plongée, ce qui illustre bien sa vulnérabilité, inévitable lorsqu’il s’agit de déclarer notre flamme à quelqu’un.

Si l’artiste français québécois interroge la nature de l’amour, il ne nous apporte ni réponse ni solution définitive à ses inconvénients. Il nous reste à découvrir l’intégralité de l’album pour espérer que la mélancolie laisse place aux côtés plus positifs du sentiment amoureux.

Aliocha Schneider sera en concert à Montréal le 29 novembre au Studio TD. La série Salade grecque est disponible sur Prime Video.

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Thierry Larose frappe de nouveau avec Sprint! https://www.delitfrancais.com/2023/03/22/thierry-larose-frappe-de-nouveau-avec-sprint/ Wed, 22 Mar 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51409 Toujours fidèle à l’expérimentation du rock indie.

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Le vendredi 10 mars dernier était dévoilé Sprint!, le nouvel album de Thierry Larose. Cette œuvre tant attendue dans la scène musicale montréalaise compte onze chansons dont « Des nœuds dans les doigts », sortie durant l’été, et deux autres lancées au début de l’automne sous forme de single.

Son premier album, Cantalou, sorti en 2021, avait mis la barre très haute pour son prochain, notamment par le grand succès de la chanson « Les amants de Pompéï », qui a gagné le prix de la chanson SOCAN en 2021. Larose n’a pas déçu les attentes de son public en offrant quelque chose de tout aussi réussi. Comme l’album précédent, celui-ci a été coréalisé avec le producteur Alexandre Martel, et les arrangements de celui-ci sont accompagnés par Lou-Adriane Cassidy. L’ensemble de l’album reste fidèle au style qu’on lui connaît, alternant entre une sorte de placidité et un côté rock indie bien prononcé. De plus, Thierry Larose ne manque pas de surprendre son public avec ses paroles poétiques et son génie pour composer des lignes qui poussent à la réflexion, tout en demeurant agréables à écouter, comme dans cet extrait de « Complètement intacte » : « Leurs paroles devenues dignes/ Des plus grands proverbes/ Elle sait qu’l’amour est aveugle/ Mais qu’il sait distinguer les tons. »

« Thierry Larose ne manque pas de surprendre son public avec ses paroles poétiques et son génie »

Lors d’une entrevue avec Catherine Pogonat dans le cadre de son émission à « Ici Musique », L’effet Pogonat, Thierry raconte que l’enregistrement de l’album s’est fait de façon plus improvisée, c’est-à-dire plus axée sur la performance en direct, laissant ainsi une grande liberté à ses collaborateurs. Entre autres, les chœurs y sont très présents, ce qui apporte une grande vitalité à l’album, empruntant au style du gospel. La chanson « Demain demain » avait déjà été jouée en version acoustique durant un hommage à l’émission Mange ta ville, qui mettait en vedette le chanteur. Cette version de l’album ajoute de la texture au rythme, et surtout au refrain.

La couverture de l’album est une image de limace orange sur un fond blanc, exploitant une esthétique minimaliste ironique, qui concorde bien avec le style de l’auteur-compositeur-interprète. D’ailleurs, c’est Marianne Boucher, sa copine, qui s’est chargée de la conceptualisation de ses deux albums en contribuant aussi aux paroles de la chanson « Plein prix » et aux voix de quelques-uns des morceaux du nouvel album. On peut remarquer l’influence du groupe rock montréalais Malajube, dans la chanson « Cœur de Lion ». Thierry racontait même à L’effet Pogonat que la chanson « Destin » de Céline Dion avait servi de modèle à l’album pour son esthétisme. Dans la chanson « Frisbee & marmelade », on peut entendre des arrangements de guitare qui rappellent la balade espagnole, ce qui marque une nouveauté très intéressante.

Selon moi, les meilleurs endroits pour écouter cet album sont nombreux : dans une banlieue en faisant du vélo le soir, sur le banc d’un parc en lisant un livre et en regardant la neige fondre, ou bien encore à l’occasion d’une petite soirée entre amis autour d’un verre de cidre local et d’un bol de chips aux cornichons.

Thierry Larose sera en spectacle à Montréal dans le cadre du festival des Francofolies le 13 juin prochain.

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Rap, horreur, métal et expériences https://www.delitfrancais.com/2023/03/15/rap-horreur-metal-et-experiences/ Wed, 15 Mar 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=51207 Backxwash utilise la musique expérimentale à des fins sociales.

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Ashanti Mutinta, autrement connue sous son nom de scène Backxwash, est une artiste qui redéfinit le genre heavy sur la scène musicale contemporaine. Son parcours hors du commun a retenu mon attention et a suscité mon admiration. Originaire de Zambie, Backxwash a commencé en tant qu’artiste en produisant des beats avec le logiciel FL Studio, avant d’aller en Colombie-Britannique pour étudier l’informatique. Après avoir obtenu son diplôme, elle a emménagé ici, à Montréal, où elle a fait son coming-out en tant que femme transgenre, puis s’est lancée dans le rap en 2018 avec ses deux premiers EPs, F.R.E.A.K.S. et Black Sailor Moon. Dans les années suivantes, Backxwash a sorti quatre albums, chacun avançant une association musicale inédite de rap, métal, musique industrielle, rock expérimental gothique, et parfois, pur son de cri d’horreur. Son album God Has Nothing to Do with This Leave Him Out of It, sorti en 2020, a été récompensé par le Prix de musique Polaris. Selon moi, son album le plus récent, His Happiness Shall Come First Even Though We Are Suffering, sorti à l’Halloween de l’année passée, est sa meilleure œuvre jusqu’à maintenant, le zénith de ses talents en tant que parolière, productrice et artiste conceptuelle.

Backxwash imagine dans sa musique une vision de musique heavy non limitée par les restrictions de genre, une vision qui peut englober une panoplie de références culturelles. C’est une artiste unique car elle offre un point de vue particulier et rare sur le rôle social de la musique heavy metal. La musique de Backxwash décrit la lutte quotidienne contre les traumatismes profonds que les institutions religieuses infligent trop souvent aux personnes transgenres, une lutte que l’artiste a vécu en grandissant dans un contexte strict, conservateur et chrétien auquel elle fait souvent référence dans son œuvre. Dans le cas de l’artiste, cette lutte contre les traumatismes de transphobie est liée inextricablement à la lutte quotidienne des personnes de la diaspora africaine contre le racisme. Elle combat ces traumatismes nés du racisme systémique et la transphobie des institutions religieuses dans ses œuvres en créant un personnage de scène satanique, une réponse au contexte chrétien transphobe dans lequel elle a grandi, mais aussi aux méconnaissances coloniales de la spiritualité traditionnelle de ses ancêtres parmi les peuples Tumbuka et Chewa, une spiritualité qu’elle a adoptée pendant le processus de déconstruction des dogmes qu’elle a reçus pendant sa jeunesse. L’utilisation d’une image satanique n’est pas inconnue dans l’histoire du métal, mais ici elle est fortement mobilisée dans le contexte de la survie, de la résistance, et de l’apaisement d’une artiste transgenre et noire, c’est-à-dire membre d’une population exposée de façon disproportionnée à la mort dans un monde postmoderne qui perpétue toujours la mort sociale des personnes noires ainsi que l’imposition violente d’un système patriarcal binaire de genre.

« Backxwash fait un rugissement infernal de défi face à une société mondiale »

La musique de Backxwash pousse un rugissement infernal de défi face à une société mondiale qui mène bien trop souvent à la honte, à la haine de soi et à la mort pour les individus comme l’artiste. J’ai eu la chance le 9 février d’assister à un spectacle récent à la Sala Rossa, ici à Montréal, auquel Backxwash a performé aux côtés de Jodie Jodie Roger et Dreamcrusher, deux autres musicien·ne·s expérimental·e·s queer noir·e·s. Pendant ce spectacle, j’ai eu le sentiment inexplicable d’assister sous mes yeux à un épisode dans la construction de l’avenir musical. Pendant sa prestation Backxwash a montré entre autres des vidéoclips des révolutionnaires noir·e·s Malik el-Shabazz et Angela Davis, un rappel puissant de la lignée politique et artistique des siècles de rêves et résistances radicaux des personnes noires à travers la diaspora mondiale qui a nourri les conditions de possibilités pour cet avenir musical réimaginé. En tant que musicien·ne trans montréalais·e moi-même, je vois comme une énorme bénédiction le fait de pouvoir être témoin de l’ascension artistique merveilleuse de ce personnage au talent unique.

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Le MTELUS fête ses cinq ans https://www.delitfrancais.com/2022/11/16/le-mtelus-fete-ses-cinq-ans/ Wed, 16 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49927 TELUS offrait pour l’occasion un spectacle gratuit.

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Le 3 novembre dernier, TELUS offrait un spectacle d’anniversaire gratuit afin de célébrer les 5 ans d’existence du MTELUS, résultat de son partenariat avec L’Équipe Spectra. La salle de spectacle, située sur la rue Sainte-Catherine, affichait complet avec au programme les artistes Ariane Moffatt, Valaire, FouKi, Naomi, Les Louanges, Mike Clay et Marilyne Léonard. Le spectacle a permis d’amasser 10 000$ au profit de LOVE Québec, un organisme montréalais qui aide des jeunes à développer leur intelligence émotionnelle et surmonter leurs défis personnels.

Des prestations hautes en couleur

À la suite d’une prestation captivante de Marilyne Léonard en première partie, le spectacle a débuté avec Valaire, un groupe de musique aux influences électro-jazz-hip-hop-rock originaire de Sherbrooke. En plus de présenter ses compositions originales, Valaire a accompagné les artistes invité·e·s tout au long de la soirée. Mike Clay a interprété plusieurs succès de son groupe, Clay and Friends, tels que CNQDL et OMG.

Le chanteur est allé au plus près de ses fans en se laissant porter par la foule sur les airs de Bouge ton thang. Il a eu l’occasion de revenir sur scène plus tard dans la soirée aux côtés d’Ariane Moffatt pour chanter Sunshine. Entre chaque artiste, Luis Clavis (membre de Valaire et animateur improvisé) laissait le public survolté deviner le nom du·de la prochain·e invité·e à monter sur scène à l’aide de jeux de mots et de phrases inusitées. Parmis les invité·e·s, Les Louanges a interprété Chaussée et Pigeons, et FouKi, son single Ciel ainsi que Copilote et Gayé. Ces artistes ont eu l’occasion de présenter leurs chansons et d’enflammer la scène.

Toutes les générations présentes au MTELUS ont eu droit à un spectacle endiablé. Ariane Moffatt a ainsi réjoui ses fans en interprétant Point de mire, grand succès de son premier album solo Aquanaute sorti en 2002 et certifié disque de platine au Québec. Preuve que sa musique est indémodable : ce printemps, elle a lancé Aquanaute 2022 en compagnie de jeunes artistes qui revisitent son album mythique.

«Toutes les générations présentes au MTELUS ont eu droit à un spectacle endiablé»

Un anniversaire qui fait écho à son histoire

Le spectacle gratuit offert par Telus n’est pas une nouveauté pour l’établissement. Cinq ans plus tôt, un spectacle gratuit avait lieu, cette fois-ci pour inaugurer le tout nouveau MTELUS. L’établissement avait alors été complètement rénové afin de procurer une nouvelle acoustique et une nouvelle ambiance modernisée à ses spectateur·rice·s. Certains éléments emblématiques du «Métropolis» (ancien nom du MTELUS) ont toutefois été conservés et mis en valeur : les arches du hall d’entrée et de la scène, les moulures, les colonnes, l’architecture.

Cependant le Métropolis n’est pas le seul prédécesseur du MTELUS. Construit en 1884, le bâtiment sert de théâtre d’été dès l’année suivante, avant d’être rebaptisé le «Théâtre français » en 1893. Entre 1923 et 1981, le théatre est reconverti en cinéma puis de nouveau en théâtre avant de faire office de cinéma érotique. Après six ans de fermeture, le Métropolis voit le jour jusqu’à son acquisition par l’Équipe Spectra en 1997 qui, depuis lors, perpétue la mission artistique de l’établissement.

Pour connaître les prochains spectacles du MTELUS, visitez https://mtelus.com/fr.

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Lomepal change de tempo https://www.delitfrancais.com/2022/10/05/lomepal-change-de-tempo/ Wed, 05 Oct 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49188 Avec Mauvais ordre, l’artiste passe du rap à la chanson.

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Dès le début, Mauvais ordre sonne juste. Il rappelle le talent sans pareil de Lomepal pour la réalisation de pochettes équivoques, qui résonnent au-delà du projet du disque. Aussi, le regard écrasant de cette jeune femme qui se dresse en arrière-plan de son nouvel album évoque-t-il une image littéraire et cinématographique connue; à la fois Big Brother dans 1984, le Docteur T. J. Eckleburg chez Fitzgerald ou encore The Truman Show de Peter Weirr. Cette dernière référence est centrale dans la narration de l’album, qui tourne autour d’un personnage en quête d’identité, mal à l’aise face à son image et aux yeux qui le scrutent.

Né à Paris en 1991, Antoine Valentinelli, dit Lomepal, n’en est pas à son coup d’essai. En 2017, déjà, l’album Flip avait autant fait parler de lui pour sa prose mélancolique et survoltée que pour sa photographie de couverture façon William Klein, avec le chanteur posant en sublime travesti, comme Gainsbourg autrefois. Le succès est immédiat, et se confirme en 2019 avec Jeannine, album dans lequel il exprime son ambition de se hisser parmi les plus grand·e·s artiste·s de la musique française. Trois ans plus tard, c’est chose faite: Lomepal est un artiste au sommet, dont l’existence s’est transformée et la musique aussi.

«Lomepal est un artiste au sommet, dont l’existence s’est transformée et la musique aussi»

Avec Mauvais ordre, le tempo ralentit, et la multiplication des effets sonores laisse place à une clarté musicale et une acoustique épurée. Ce qui domine désormais dans tous les morceaux, c’est sa voix, le beau timbre grave d’un rappeur qui «ne rappe presque plus, mais chante de mieux en mieux» (Le Monde). Il impose son texte en douceur, par la seule force de ses mots, en ne conservant souvent qu’une mélodie très simple qu’il épouse et magnifie ; comme dans «Maladie moderne», un «guitare-voix façon 90s» (France Inter) qui évoque la solitude de la vie moderne.

Ce qui tranche avec les albums précédents, ce sont aussi les thèmes abordés. À 30 ans, Lomepal semble en effet moins assuré, mais plus sincère. Finis les dysfonctionnements d’une famille psychotique et les gargarismes d’un jeune homme trop sûr de son talent: Mauvais ordre vire souvent au cynisme et à l’autodépréciation. Lomepal raconte les déboires d’un personnage fictif et se raconte lui-même: l’histoire d’un homme, seul, obsédé par une fille sans identité claire, et que l’on croise par images, à différents moments de sa vie. Loin d’être sombre cependant, le disque est parcouru par la puissante envie de vivre qui habite le musicien depuis qu’il a failli mourir dans un violent accident de voiture en 2019. «Cette vie est horriblement belle, profitons avant de finir dans le cahier de Light», lance-t-il ainsi au début d’« Hasarder».

«Mauvais ordre vire souvent au cynisme et à l’autodépréciation»

La spécificité de Mauvais ordre tient surtout à l’éclectisme des genres explorés et des inspirations. Malgré quelques faiblesses, comme le titre «50°» qui peine à se démarquer, la magie de l’album prend. En empruntant certains airs aux Beatles, en s’inspirant de l’écriture de Julian Casablancas (The Strokes), et en ayant recours à des instruments aussi divers que l’orgue, le piano ou le clavecin, Lomepal expérimente.

Il trace son chemin loin du rap où sa notoriété est née vers un genre proche de la variété française (notamment son superbe «Decrescendo»), et prouve – s’il fallait encore le prouver – qu’en musique les frontières n’existent pas. Doucement mais sûrement, Lomepal imprime son style mélancolique et moderne dans la complexité.

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Le Délit et la musique https://www.delitfrancais.com/2022/02/09/le-delit-et-la-musique/ Wed, 09 Feb 2022 13:00:45 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=47009 Recommandations de la rédaction: albums.

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In Rainbows de Radiohead (Léonard Smith, coordonnateur de la correction)

In Rainbows (2007) est à mon sens l’album le plus abouti qu’ait composé Radiohead depuis l’incontournable OK Computer (1997). Les arrangements instrumentaux se complètent si bien d’une piste à l’autre qu’ils forment un tout organique et fluide, sans pour autant qu’on sorte de l’écoute de cet album avec l’impression que tous les morceaux se confondent entre eux jusqu’à ne plus pouvoir les distinguer. Chaque pièce possède sa singularité tout en s’inscrivant dans une évolution lyrique qui frôle l’exaltation sensorielle. Les rythmiques haletantes aux accents rocks de «Bodysnatchers» laissent progressivement place à une musique quasi surréelle propice à la contemplation, comme l’envoûtante «Nude» ou l’énigmatique «All I Need». Je ne peux pas penser à une seule piste d’In Rainbows qui soit inachevée ou simplement moins réussie, tant Radiohead parvient ici à créer un son unique en son genre dans le paysage de la musique expérimentale.


It Is What It Is de Thundercat (Myriam Bourry-Shalabi, éditrice Actualités)

Si je me décide finalement à investir dans un tourne-disque, le premier album que j’achèterai sera It Is What It Is de Thundercat. Ce doit être sa voix douce qui me donne toujours l’impression de flotter dans l’espace, sans aucune crainte face au monde, comme si je conduisais indéfiniment dans un long tunnel. Ce calme contraste avec les chansons plus optimistes, faites pour danser («Black Qualls» ou «Funny Thing»). Avec des parfums de jazz, funk, pop, Thundercat et son style musical varié expriment le flux et le reflux de ses émotions vécues après le décès de son ami intime Mac Miller. Bon, je l’avoue, les paroles ne sont pas si révolutionnaires et parfois même un peu répétitives, mais Thundercat est le meilleur joueur de basse de notre génération, sans aucun doute. Si les 20 premières secondes de la douzième chanson «Unrequited Love» ne t’éblouissent pas, on a un problème sur les bras. Lorsque je fais ma vaisselle, j’écoute «Funny Thing» ou bien «Overseas», et lorsqu’il est l’heure de contempler ma vie, je choisis plutôt «Existential Dread» ou «It Is What It Is».  


Raasük de Mashrou’ Leila (Alexandre Gontier, illustrateur)

La vie nocturne à Beyrouth, c’est non seulement des shawarmas à quatre heures du matin, mais c’est aussi – et surtout – des corps sans inhibition qui bougent et transpirent. En arabe, «Raasük» veut dire «Iels t’ont fait danser», «Mashrou’ Leila» se traduit par «Plan d’un soir» ou «Projet d’une nuit». C’est le troisième album du groupe libanais, enregistré à Montréal en 2013. Il s’inspire des rues beyrouthines festives du début des années 2010. Cette liste d’électro-pop-rock alternative rassemble les instruments de la ligne orchestrale du groupe, soit des violons, des cuivres et des percussions, en les traitant comme un seul et même instrument. Les sonorités électroniques des 10 chansons s’opposent aux envolées vocales du chanteur – traditionnellement réservées aux chanteuses orientales de la deuxième moitié du 20e siècle. Cet album propulse le groupe indie sur la scène mondiale et fossilise l’esprit d’une jeunesse délaissée: victime des printemps arabes, d’homophobie, de transphobie, de la culture de la honte. Jusqu’à maintenant, aucun autre artiste musical n’avait joué avec les tabous comme ils le font. En plus d’être l’objet de controverses illégitimes, «Raasük» est un duel: d’un côté, la malédiction d’une génération abandonnée par son propre pays, de l’autre la célébration comme solution. Gracieux et magnétique, l’album porte sur ceux qui n’ont rien, mais fait tout danser, même les larmes.

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«C’est vraiment pas comme Pitch Perfect» https://www.delitfrancais.com/2022/02/02/cest-vraiment-pas-comme-pitch-perfect/ Wed, 02 Feb 2022 13:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=46774 Portrait des clubs a cappella mcgillois en pandémie.

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Le terme a cappella, ou «à la chapelle» lorsque l’expression est traduite mot à mot, fait originellement référence aux chants religieux chantés sans instruments dans ces édifices religieux. En musique vocale, l’expression réfère maintenant à tout type de chant performé sans accompagnement instrumental. À McGill, la communauté a cappella se divise en quatre groupes: Tonal Ecstasy, Effusion, Soulstice et Chromatones. Même si le R&B et la musique pop demeurent populaires, ces quatre groupes s’inspirent d’un éventail assez varié de genres musicaux et sont surtout distincts en raison de leur date de formation différente. Tonal Ecstasy a d’abord été fondé en 1998, puis Effusion en 1999, Soulstice en 2000 et Chromatones a suivi en 2012.   

Les clubs a cappella sont généralement composés d’un·e directeur·ice musical·e, une personne en charge de guider le groupe a cappella et d’encadrer leurs répétitions et leur technique, ainsi que d’un groupe de chanteur·se·s minimalement composé de sections regroupant les voix basse, tenor (milieu grave), alto (milieu aigu) et soprano. À ces tessitures peuvent aussi s’ajouter des voix baryton et mezzo-soprano et du beatbox afin de couvrir un plus grand registre musical. Même s’il n’est pas utilisé dans toutes les chansons, le beatbox demeure très important en a cappella, car il «aide à donner de l’énergie aux performances et à assurer qu’on respecte le rythme», souligne Mekayla Forrest, présidente de Chromatones. 

«Même s’il n’est pas utilisé dans toutes les chansons, le beatbox demeure très important en a cappella»

Un recrutement virtuel «différent» 

Avant la pandémie, selon la présidente de Tonal Ecstasy, Aliya Frendo, le groupe recevait à lui seul des centaines de personnes en audition à chaque semestre pour seulement quatre ou cinq places disponibles. En effet, même s’il y a quatre groupes, la compétition pour rejoindre un groupe a cappella à McGill demeure très forte. «La première année où j’ai fait les auditions, je n’ai pas été acceptée. Il y a une grande compétition, surtout pour les voix soprano et alto. Malheureusement, à chaque année, on doit refuser plusieurs personnes très talentueuses et, pour augmenter leurs chances, les gens intéressés auditionnent normalement pour les quatre clubs», explique Forrest. Chaque club est normalement composé d’environ 18 chanteur·se·s, et le rôle de chaque voix individuelle est important dans le but d’atteindre un bon blend, c’est-à-dire un son d’ensemble caractérisé par le mélange équilibré des voix, ce qui fait en sorte qu’aucune ne ressort trop du lot et que toutes se fondent ensemble.

Après le début de la pandémie, les quatre groupes de chant a cappella ont d’abord pris une pause, puis recommencé à recruter plus activement lors de la session d’hiver 2021 en organisant des auditions virtuelles collaboratives. Malgré cela, David Cruz, président de Soulstice, explique que ces auditions n’ont reçu qu’une douzaine de candidatures. Lors du semestre d’automne 2021, le retour en présentiel a toutefois aidé les clubs à augmenter le taux de participation aux auditions, toujours virtuelles quant à elles; Tonal Ecstasy a notamment reçu une soixantaine de candidatures et Chromatones, presque 90. De son côté, Soulstice a comblé toutes les places laissées vacantes par les gens qui ont quitté durant la pandémie avec «des personnes vraiment passionnées, qui voulaient être là.» Pour Effusion, le recrutement à l’automne 2021 a aussi été fructueux: «l’automne dernier, on a réussi à recruter sept ou huit nouveaux membres, à peu près le même nombre de personnes que lors d’une année normale», mentionne Celia Benhocine, présidente d’Effusion. 

Cette dernière ajoute cependant que l’automne dernier, «ça a été vraiment difficile d’avoir nos callbacks, la deuxième ronde des auditions, en ligne.» Selon Benhocine, «lors des callbacks, c’est très important d’évaluer si le son d’une personne s’agence avec le reste du groupe, si on peut voir qu’elle va grandir avec le groupe, si elle va bien s’entendre avec les membres. C’est donc plus difficile d’évaluer tout ça par Zoom, parce qu’on peut à peine interagir avec les gens, on n’a pas vraiment le temps de s’asseoir, puis de socialiser comme on pourrait le faire en personne.» Pour Forrest, cependant, les auditions en ligne ont l’avantage d’être plus «faciles» à organiser que celles en personne: «Normalement, avant la COVID, les candidat·e·s venaient nous voir en personne l’un·e après l’autre. C’est une bonne stratégie, mais c’est aussi très fatigant, alors que sur Zoom, c’est plus confortable.» 

Avant la pandémie, les quatre groupes de chant a cappella comptaient aussi beaucoup sur la Soirée des activités (Activities Night) semestrielle de l’Association étudiante de l’Université McGill pour recruter de nouveaux·elles chanteur·se·s. «Normalement Activities Night, c’est vraiment une belle opportunité pour tous les clubs de montrer aux étudiant·e·s de McGill toutes les différentes choses qu’il·elle·s peuvent faire. Quand c’est en ligne, ce n’est pas la même chose», affirme Cruz, qui se rappelle notamment les problèmes techniques de la Soirée des activités à l’automne 2021: «Je me suis connecté pendant cinq ou six heures, j’attendais et il n’y avait personne qui venait parce que personne ne pouvait venir, ça ne marchait pas, c’était terrible.» 

«Même s’il y a quatre groupes, la compétition pour rejoindre un groupe a cappella à McGill demeure très forte»

Chanter au rythme de la bande passante

Depuis l’annonce des restrictions sanitaires concernant les activités culturelles parascolaires à la suite de la vague Omicron, les clubs a cappella à McGill ont dû de nouveau effectuer un virage en ligne et reprendre les répétitions sur Zoom ou les enregistrements de voix en différé. Ce retour en ligne a aussi eu un impact négatif sur le recrutement. «Ce semestre-ci, pour le moment on a seulement une quinzaine de candidatures et je crois que ces personnes font les auditions pour les quatre groupes», affirme Forrest. «C’est difficile, car on a besoin de nouveaux·elles membres, mais ça ne peut pas être n’importe qui non plus.»

 «[Pour le moment] on essaye de garder le rythme de deux pratiques par semaine et de garder le moral un petit peu, jusqu’à temps qu’on puisse se retrouver en personne» explique Frendo, en parlant de Tonal Ecstasy. Isabelle Tardif-Sanchez, membre du même club, précise que ce retour en ligne est «vraiment difficile», car «dans un groupe a cappella, c’est super important de tous·tes s’écouter et d’être tous·tes ensemble pour vraiment s’assurer qu’on blend bien puis qu’on harmonise… La seule façon possible de pratiquer ensemble [sur Zoom, ndlr], c’est de se diviser dans des breakout rooms en sections et d’écouter chanter une seule personne à la fois… C’est extrêmement difficile de [blend] sans être physiquement tous·tes ensemble.» 

«Ce retour en ligne est “vraiment difficile”, car “dans un groupe a cappella, c’est super important de tous·tes s’écouter et d’être tous·tes ensemble pour vraiment s’assurer qu’on blend bien puis qu’on harmonise”»

Isabelle Tardif-Sanchez, membre de Tonal Ecstasy

Pour Chromatones, les difficultés de pratiquer le blend sur Zoom ont plutôt encouragé le groupe à utiliser les répétitions en ligne pour se concentrer «sur l’apprentissage des notes, dans l’espoir d’éventuellement retourner en présentiel plus tard dans le semestre afin de pratiquer le blend», dit Forrest. «On enregistre les voix, puis avant la prochaine répétition, je combine tous les enregistrements sur Garage Band et je crée un seul enregistrement que tous·tes les chanteur·se·s peuvent ensuite utiliser pour pratiquer. C’est difficile, mais on fait ce qu’on peut», ajoute-t-elle. De son côté, Benhocine mentionne que la mémorisation des chansons est aussi plus ardue lorsque l’a cappella se pratique en ligne : «[en présentiel], tu groove, tu entends les autres, donc ça te donne des indices sur ce qui s’en vient; c’est plus facile d’avoir une mémoire physique et musculaire de cette façon. Donc ça a été un ajustement d’apprendre des trucs par cœur à travers Zoom.»

Contrairement aux trois autre clubs qui ont continué les répétitions en ligne lors des semestres à distance, les défis que posent les problèmes de connexion sur Zoom ont plutôt encouragé Soulstice à concentrer leurs efforts sur la création d’un album en ligne composé d’une mise en commun d’enregistrements individuels et asynchrones. Pour la formation des nouveaux·elles membres potentiel·le·s pour le semestre d’hiver 2022, qui devra, pour le moment, se faire en ligne, Cruz affirme que cela représente encore «un défi, parce qu’on ne l’a pas encore fait.» En effet, il explique que «même les trois nouvelles personnes recrutées pendant notre période en ligne au début de la pandémie ont dû être formées comme si elles étaient des nouveaux·elles membres lorsqu’on est retourné en présentiel l’automne dernier.» Pour l’hiver 2022, Cruz ajoute que Soulstice prévoit tout de même tenter l’expérience des répétitions virtuelles: «On va peut-être essayer de faire des pratiques sur Zoom en demandant d’abord au·à la directeur·rice musical·e d’ouvrir son micro pour nous apprendre chaque partie. Après, on demanderait à chaque personne d’ouvrir son micro tour à tour et de chanter… on va voir si ça marche.»

«[En présentiel], tu groove, tu entends les autres, donc ça te donne des indices sur ce qui s’en vient; c’est plus facile d’avoir une mémoire physique et musculaire de cette façon. Donc ça a été un ajustement d’apprendre des trucs par cœur à travers Zoom»

Celia Benhocine, présidente d’Effusion

Une famille

Malgré les défis du virage en ligne, Benhocine, Cruz, Frendo, Forrest et Tardif-Sanchez soulignent cependant que Zoom et les autres plateformes numériques leur permettent au moins de garder contact avec leur groupe a cappella, qu’il·elle·s qualifient toutes et tous sans hésitation de «famille». «La meilleure décision que j’ai prise à l’université, c’était de rejoindre Soulstice, parce que je les aime tellement; le groupe est tellement fantastique, et je ne l’oublierai jamais», confie Cruz. 

«Zoom et les autres plateformes numériques leur permettent au moins de garder contact avec leur groupe a cappella, qu’il·elle·s qualifient toutes et tous sans hésitation de “famille”»


En effet, une bonne chimie de groupe est primordiale en a cappella, et Zoom permet au moins aux membres des groupes de se côtoyer virtuellement: «malgré la situation, les liens qu’on a en tant que groupe, on arrive à les maintenir. Puis on arrive quand même à rire à travers Zoom. Par exemple, si la connexion d’une personne bloque et qu’elle fige, ça fait des sons de robots et ça crée quand même des moments drôles, comme ceux qu’on aurait en personne», ajoute Benhocine. Forrest, de son côté, est membre de Chromatones depuis cinq ans et a aussi beaucoup d’amour pour son groupe. «Chromatones est une grande partie de ma vie à McGill. On fait tout ensemble. On forme aussi une communauté avec les autres groupes; avant la pandémie, on faisait souvent des activités et des soirées avec Soulstice, Effusion et Tonal Ecstasy. Le chant a cappella est une très bonne communauté. Des personnes qui aiment la musique et qui se mettent ensemble, c’est très magique.» Tardif-Sanchez, le sourire aux lèvres, souligne de manière similaire la richesse de la communauté a cappella: «C’est vraiment pas comme Pitch Perfect», dit-elle, en précisant que l’a cappella à McGill est une expérience beaucoup plus enrichissante et moins superficielle que ce que le film présente.

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Entre innovation et tradition https://www.delitfrancais.com/2021/11/23/entre-innovation-et-tradition/ Wed, 24 Nov 2021 01:44:38 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45648 Patrice Michaud en concert au MTelus.

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En grande forme pour son public rassemblé au MTelus – où il n’avait jamais joué –, Patrice Michaud aura livré avec vigueur et aplomb son plus récent de quatre albums, Grand voyage désorganisé. Alors que, plus tôt ce 16 novembre, tombaient sur Montréal quelques éphémères flocons, l’auteur-compositeur-interprète a su réchauffer son assemblée, qui, en retour, l’a accueilli avec toute l’énergie que requéraient de telles retrouvailles.

De l’innovation

Qui suit l’artiste originaire de Cap-Chat en Gaspésie depuis ses débuts a pu être déstabilisé·e par l’album sorti en septembre. Ce dernier opus se démarque par son tournant pop assumé, que laissaient présager certains titres d’Almanach, le précédent. Quelques écoutes de l’ensemble suffisent à l’acclimatation. On est « ici » pour assister à la maturité et l’inventivité d’un musicien qui sait proposer des airs rassembleurs et entraînants (« La grande évasion », « Vous êtes ici ») aussi bien que profonds et mélancoliques (« La guerre de toi n’aura pas lieu », « Ok maman »).

«On est “ici” pour assister à la maturité et à l’inventivité d’un musicien qui sait proposer des airs rassembleurs et entraînants»

Les chansons fort dynamiques de l’album en tournée se prêtent on ne peut mieux à la performance : lancé par « Origami », sortie en single quelques mois avant le reste du Grand voyage, le spectacle a rapidement trouvé son erre d’aller. C’est une prestation solide dans les tons, dans les rythmes et dans les enchaînements que Michaud, dont le timbre à la fois clair et bas est une force en soi, a proposé. On pourrait parler de sobriété plus que d’extravagance du côté visuel ; les effets sont limités, mais suffisants. Ce qui ressort de cette odyssée est bien loin de la maladresse ou de l’errance d’un certain Ulysse ; on a pu voir un artiste en contrôle jusque dans ses  trous de mémoire, qui met tout sur la table et rayonne dans son authenticité.

De la tradition

Accompagné de Marie-Pierre Bellefeuille au clavier, Patrice Michaud a offert une version épurée et tout en douceur de la très belle et maintenant incontournable « Saison des pluies ». Cette grande chanson tragique a ainsi clos la première partie du spectacle, où, comme de raison, dominaient « La grande évasion », « Golden Record », « Un cœur de baleine bleue », auxquelles se sont glissées, du troisième album, « Apocalypse Wow » et « Julie revient. Julie s’en va ». La seconde moitié a vu s’aviver quelques braises du Feu de chaque jour : « Je cours après Marie » et « Jusqu’à ce que je tombe ». L’insistance des basses et des percussions a pu donner à ces titres maintenant vieux de sept ans une nouvelle jeunesse. « Kamikaze » et « Mécanique générale » ont également trouvé leur place, au grand bonheur du public ravi, déchaîné, présent.

Fidèle à ses habitudes, cet ancien étudiant en littérature n’a pas manqué d’ajouter à l’ensemble une solide narration. Car Michaud, qui a fait paraître en avril un album jeunesse, La soupe aux allumettes, est un raconteur né, qui tisse son spectacle autour de ses souvenirs. Au total, 20 chansons ont constitué le répertoire de la soirée, dont deux d’entre elles issues de la « cassette de 1994 du patinage libre de Cap-Chat ». Interprétées avec brio, « Living on My Own » de Freddy Mercury et « Simply the Best » de Tina Turner, celle-ci à la toute fin du rappel, ont certainement apporté un brin de folie au spectacle.

Non pas à la jonction de l’innovation et la tradition, Patrice Michaud aura plutôt tour à tour occupé les deux espaces. L’artiste de Cap-Chat maintenant auteur-compositeur-interprète de quatre albums nous a convaincu·e·s qu’il sait voyager de l’une à l’autre, sans oublier d’emmener son public avec lui.

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Promenade dans la vie de Chopin https://www.delitfrancais.com/2021/10/26/promenade-dans-la-vie-de-chopin/ Wed, 27 Oct 2021 01:49:03 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45102 Regard sur un concert à la lueur des bougies.

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Le 7 octobre dernier, les notes des œuvres de Frédéric François Chopin ont résonné sur les murs de l’église Saint-Jean-Baptiste durant le concert du pianiste Jesse Plessis à la lueur des bougies. Le concert était organisé par Fever, une entreprise internationale dont la mission est de faire découvrir les richesses des villes tout en présentant les pièces les plus connues de la musique classique. Ce concert semblait être une ballade doucement éclairée à travers la vie de Chopin.

L’influence sur la musique

Le programme musical du concert suit l’ordre chronologique de la création des compositions. Avant de jouer ses compositions, le pianiste, Jesse Plessis, nous raconte ce qui a inspiré Chopin tout au long de sa carrière. Il débute le concert en jouant « Polonaise Op. Posth., B1 en Sol Mineur », composé par Chopin alors qu’il était âgé de sept ans. 

Le spectacle à la lueur des bougies se poursuit avec la performance « Mazurka Op. 7 No. 2 en La Mineur et No. 3 en Si bémol Majeur » et « Nocturne Op. 9 No. 2 en Mi bémol Majeur » – pièces composées par Chopin durant son adolescence. Les sons de la musique folklorique de la Pologne peuvent être entendus dans les pièces de Chopin et son amour pour sa nation se ressent dans les notes vives du piano. L’influence de son pays natal est entendue dans les pièces composées avant son départ de la Pologne.

Chopin s’est établi à Paris en 1813, dans l’espoir de se faire un nom dans le centre mondial de l’art de l’époque. L’influence de la musique française se fait entendre dans les œuvres qu’il a composées depuis qu’il s’est installé en France. Plessis présente une œuvre de Chopin, « Valses Op. 64 No. 1 en Ré bémol Majeur », aussi connue sous le nom de « Valse du petit chien » pour illustrer la répétition de quelques notes tout au long de la pièce. Elles font penser à un chien qui tourne autour de lui-même, en tentant d’attraper sa queue sans jamais y arriver. 

«Les sons de la musique folklorique de la Pologne peuvent être entendus dans les pièces de Chopin et son amour pour sa nation se ressent dans les notes vives du piano»

Les sons venant du piano dans l’église élèvent la qualité du concert. Étant soumis·es à cette beauté architecturale, les spectateur·rice·s sont assis·es dans une salle pleine, excité·e·s pour les œuvres qui suivent. Si l’interprétation des œuvres n’est pas au gout de certain·e·s, la grandeur de l‘église Saint-Jean Baptiste et l’ambiance comblent les attentes.

Une maladie sans espoir

En train vers Majorque en 1838, selon la croyance populaire, Chopin observe les gouttes de pluie alors qu’elles tombent du ciel en pensant à la grave nouvelle qu’il vient d’obtenir – son diagnostic de tuberculose. Cet événement l’a inspiré à écrire l’œuvre interprétée par Plessis – « Prélude Op. 28 No. 15 en Ré bémol Majeur  ‘La goutte d’eau’  ». Sa tristesse et sa détresse peuvent être perçues dans la répétition d’une note jouée qui nous rappelle la pluie qui ne cesse de tomber.

La maîtrise du piano et l’ingéniosité de Chopin peut être senties dans la « Nocturne Op. Posth., P1 Do dièse mineur ». Cette œuvre donne de l’espoir, mais attriste également. Chopin accepte le fait qu’il est malade et sans espoir de guérison lorsqu’il compose cette pièce. Il comprend qu’il ne reverra plus jamais son pays natal. Il compose donc une œuvre douce pour sa sœur en y incluant des mesures de mazurkas (danse traditionnelle de Pologne). L’œuvre « Ballade No. 4 Op. 52 en Fa Mineur » est un cadeau d’un frère à une sœur qui ne se verront plus jamais, un câlin d’adieu.

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Entretien avec Franky Fade https://www.delitfrancais.com/2021/10/19/entretien-avec-franky-fade/ Tue, 19 Oct 2021 16:00:26 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=45000 Un premier album solo pour vivre ses contradictions.

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Si une chose est bien certaine, c’est que l’album CONTRADICTIONS de Franky Fade porte bien son nom. Des paroles du single « Vertige » à la pochette de l’album, le jeune rappeur de 25 ans n’hésite pas un moment à dévoiler à l’auditoire ses bons comme ses moins bons côtés. Avec ce premier album solo signé chez Bonsound, Franky Fade insiste sur le caractère équivoque de notre nature humaine et sur toutes ces incohérences. Cette punchline de la dernière chanson du projet, « FFreestyle », illustre parfaitement mon point : « Shout out à tous mes problèmes de dépendances / […] It’s part of me, j’pas en train d’repentir / Ça fait longtemps qu’j’ai accepté la sentence. »

Je connaissais déjà Franky Fade du septuor Original Gros Bonnet (O.G.B.), je savais qu’il avait étudié en musique au cégep Saint-Laurent, je savais qu’il avait (presque) autant de surnoms qu’Anthony Fantano : François Fondu, Feu Follet, Fou Furieux, Fin Finaud, etc. Mais entendre son album solo et le sentir si sincère et transparent dans ses paroles m’a impressionné. J’ai eu envie d’en apprendre plus sur lui et sur le contexte qui a mené à la parution de CONTRADICTIONS le 8 octobre dernier. Et quoi de mieux qu’un entretien avec lui pour comprendre sa pensée, ses influences et, inévitablement, ses contradictions?


Le Délit (LD) : J’aimerais commencer avec une question de contexte. Je sais que tu es un grand mélomane et je voudrais savoir, quels albums écoutais-tu pendant que tu travaillais sur  CONTRADICTIONS?

Franky Fade (FF) : Bonne question, ça. Qu’est ce que j’ai écouté? J’ai écouté un peu de BROCKHAMPTON, mais plus au début du processus. Il y a une certaine influence d’Outcast, mais qui ne s’entend pas nécessairement. Il y a certainement une influence de Frank Ocean. Je pense qu’on l’entend plus, celle-là. Mais je ne pourrais pas dire « ça, c’est l’influence de ça », « là c’est telle autre chose »… J’écoute toujours beaucoup de musique et ça se transforme pas mal dans ma musique après. 

«J’écoute toujours beaucoup de musique et ça se transforme pas mal dans ma musique après»

Un truc qui pourrait être intéressant, c’est que j’écoutais beaucoup de musique soul des années 70. Du Bill Whiters, Roy Ayers, Bootsy Collins… Fuck, il y a des noms qui m’échappent… Attends, je peux aller les trouver : j’ai mes petites playlists! [Franky Fade sort son cellulaire et se met à chercher dans ses listes de lecture, ndlr] Ah ouais! Il y a du Sly and the Family Stone, du Mini Riperton, une chanteuse que j’aime beaucoup ; du Darondo, du Isaac Hayes et du Otis Reding.

«C’est une contradiction que je vis»

LD : Est-ce que tu crois que toute cette musique soul est venue influencer ta production musicale, d’une certaine manière?

POCHETTE DU SINGLE VERTIGE PARU EN JUIN 2021

FF : Pas nécessairement dans le son, mais dans la façon de penser la musique, oui. Souvent, ce sont des idées assez simples qui sont ensuite complexifiées par la richesse des instruments ou par l’arrangement. La manière dont les tracks de soul sont construites, c’est toujours intelligent. Il y a une réflexion. Ça va où tu penses que ça va aller, mais d’une façon tellement satisfaisante. Ça, c’est quelque chose que j’aime bien et que j’essaie de recréer. Donc, dans mon album, les idées peuvent être simples à la base. Il n’y pas nécessairement des gros patterns harmoniques super compliqués. Les mélodies ne sont pas forcément complètement surprenantes ou dures à écouter, non plus. Mais autour de tout ça, j’essaie de mettre un petit plus dans l’arrangement. 

«J’écoutais beaucoup de musique soul des années 70»

LD : Parlons un peu de la pochette de ton album. 

POCHETTE DE L’ALBUM

On remarque que tu as vraiment une belle identité visuelle qui est continue et se transforme de singles en singles. La pochette de ton album est très intéressante, parce qu’on voit que tu y es mis à nu, mais qu’il y a aussi une certaine distance entre toi et le spectateur. Tu lui tournes le dos, il y a un filtre bleu ajouté à la photo… Pour un album qui s’appelle CONTRADICTIONS et sur lequel tu te mets beaucoup à découvert dans les chansons, on peut dire qu’il y en a une ici, une contradiction. 

FF : Oui, exactement. On savait déjà qu’il y allait avoir deux singles, donc on voulait qu’il y ait une progression dans les pochettes. Le fil conducteur, c’était le bleu. L’idée de base, c’était qu’on se rapproche de moi et qu’on dévoile mon visage à la fin, que la pochette de l’album soit un portrait de moi en gros plan. Mais quand on s’est mis à regarder les photos qu’on avait prises, celle-là [celle de la pochette, ndlr] est ressortie. J’ai commencé à jouer avec et je lui ai donné cet aspect « Docteur Manhattan ». 

POCHETTE DU SINGLE REWINPARU EN AOÛT 2021

Quand j’ai vu cet effet là, je me suis dit oh shit! C’est quand même fou que ce soit mon premier album pour partir ma carrière solo, que dans les chansons je me dévoile et qu’il y ait des moments assez vulnérables ; mais que, dans la pochette, on sente une distance et qu’on ressente une certaine pudeur. C’est une contradiction que je vis. Je veux faire carrière en musique, je veux une certaine reconnaissance, une certaine fortune aussi. Mais, en même temps, il y a quelque chose dans cette espèce de cirque de la célébrité qui ne m’attire pas du tout. Je sais que ça ne va pas forcément m’amener du bonheur ou me rendre heureux. Cette contradiction-là, je trouvais ça cool de la placer sur la pochette aussi puisqu’elle n’était pas forcément super explicite dans mes paroles. 

«Il y a quand même une progression dans ma façon de penser, de dealer avec certains trucs»

LD : Justement, parlons des paroles de ton album. Tu te mets à nu, tu te mets à découvert. Tu as même dit que ça te rendait vulnérable par moments. Est-ce que c’est difficile de se rendre aussi disponible pour l’auditoire?

FF : Je n’ai pas trop réfléchi, je pense que j’ai juste fait la musique qui sortait. Probablement que le confinement a participé à tomber dans une création plus intime. Être dans une situation où on était très, très longtemps seul avec soi-même, ça m’a forcé à me poser certaines questions. Il n’y a pas non plus des tonnes de réponses dans l’album, mais il y a quand même une progression dans ma façon de penser, de dealer avec certains trucs. Ça s’est fait comme ça : c’était naturel. Je ne me suis pas censuré, mais je ne me suis pas non plus poussé à aller dans des zones qui me rendaient inconfortable. Je pense que j’étais juste rendu là dans ma progression artistique. Je suis de plus en plus à l’aise à parler de certains sujets. Je trouve ça bien finalement : ça ouvre des portes. Ça rend le projet plus relatable que si j’avais un front et que je faisais juste dire que j’étais le meilleur rappeur du monde.

L’album CONTRADICTIONS de Franky Fade est disponible sur toutes les plateformes de distribution musicale. Son lancement aura lieu le 9 novembre au Ausgang Plaza, à Montréal. Une supplémentaire à déjà été annoncée pour le 10 novembre. Franky Fade va débuter sa tournée du Québec dans les jours suivants.

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À partir de demain https://www.delitfrancais.com/2021/09/29/a-partir-de-demain/ Thu, 30 Sep 2021 02:28:26 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44782 Voème.

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Poème écrit par Eliot Forget et interprété par Marianne Mercier-Dulac. Vidéo par Éloi Angers-Roy. Musique par Mikhael Daoudi.

Journal de poésie

à partir de demain

plus de repas silencieux

où les visages décollés

tombent avec un grand splash 

dans la sauce à spag

les tâches sur la nappe

deviendront des continents

à la dérive

qui feront naufrage

au lave-vaisselle

à partir de demain

d’un instant à l’autre

il y a moi

qui s’entend commencé

à exister 

qui déboule

dans la trame narrative

d’un été raconté

par la pluie sur les feuilles de peuplier

placé tout juste avant

l’élément déclencheur

à partir de demain

la forêt qui se construit à l’aube

en amoncellements de bruits

de feuilles sèches qui froisse

de brindilles qui craque

de tracés agiles d’écureuils

qui se répondent en échos

viendra baignée de naissance

la lisière du monde connue

viendra noué en baluchon 

les quatre coins d’horizon fripé 

pour le grand voyage

d’une vallée de résilience et d’eau

veinée de ruisseau

pour la marche organique

d’un instant à l’orée du temps

où brame la puissance d’un matin

à partir de demain

tu seras resté quelque part

au pied des amélanchiers

à bout de regard de prairie et de baies

je te regarderais au coin de moi

naitre au fond du froid 

sous un hiver exténué

je te regarderais naitre par les yeux

comme une partie complète

de tout ce qui te reste

à partir de demain

au réveil boréal

nos ferrailles d’oublie et  de sous-bois

cent ans d’hiver à froid

sur nos sommeils raqués

on se lève

                   en étincelle

                                          debout

dos à dos

neuf pas 

on tire

à partir de demain

le bord de route

sera mon lieu de naissance

et je recoudrai 

mon existence empaillée

avec de longs points de suture

point tillée

d’asphalte

point final

à partir de demain

je me perdrai sur la terre

je ne saurais plus quoi faire

ici

à la fine pointe de la technologie

je feuillète des lieux

plis l’horizon

pour ne pas perdre la page

à partir de demain

à l’ambre tombée 

il y aura l’heure des fenêtres ouvertes

des ombres qui s’enroulent

à l’air assoupi 

du miel doré de l’après-midi

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Carmen réinventée https://www.delitfrancais.com/2021/09/21/carmen-reinventee/ Tue, 21 Sep 2021 14:55:23 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44622 Rencontre entre le hip-hop et l’opéra.

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L’ opéra est l’un de ces domaines artistiques que l’on croit exclusifs à certaines strates de la société ; il s’agit d’un art méconnu et, plus souvent qu’autrement, peu accessible financièrement. C’est dans un esprit de rencontre qu’a donc été conçu le spectacle Hip-Hopéra, Carmen, présenté gratuitement à la Place de la Paix – rencontre entre artistes, entre domaines, entre partenaires de production. La Tête de pioche s’est notamment alliée au Quartier des Spectacles et au Festival Mode+Design pour produire l’événement, mis en scène par Louis Tremblay. Comme le suggère son titre, le spectacle se fait le lieu d’un métissage du hip-hop et de l’opéra Carmen, métissage qui se déploie jusque dans le décor, les costumes et la chorégraphie. C’est l’art de la rue et l’occupation de l’espace public que Tremblay dit avoir voulu exploiter, creuser.  

Audace scénographique

La culture urbaine s’est immiscée dans chaque facette du spectacle, qui ne se déroule plus à Séville, mais dans une sorte de monde moderne fictif, où éclatent les conventions, sans véritable ancrage dans la réalité. Néanmoins, le décor et les costumes exploitent nombre d’éléments fidèles à Carmen, tout en penchant vers le contemporain : notamment, le taureau espagnol et le rouge côtoient les graffitis aux couleurs fluorescentes. La scène est petite et tout proche du public. Contrairement à un opéra classique, où le quatrième mur est épais,  Hip-Hopéra, Carmen se veut presque participatif ; il n’est pas rare que le rappeur S. P. Sans Pression sollicite le public. Les costumes, quant à eux, conçus par des artistes du Festival Mode+Design comme Pony, baignent dans l’art de rue, outre les grandes jupes portées par les deux chanteuses classiques, que l’on pourrait également retrouver dans une adaptation plus conventionnelle du célèbre opéra de Bizet.

«C’est dans un esprit de rencontre qu’a donc été conçu le spectacle Hip-Hopéra, Carmen»

Histoire écourtée

Carmen, dans sa version originale, dure environ deux heures et demie. Le spectacle est dense, l’histoire est complexe et le personnage principal, icône de liberté et de séduction, a besoin de ces deux heures et demie pour exister dans toute sa profondeur. Hip-Hopéra, Carmen, en revanche, dure un peu plus d’une demi-heure. On assiste à des numéros de danse d’une grande qualité, on rencontre Carmen, on rencontre Don José, on entend les morceaux les plus populaires de l’opéra – ces airs que beaucoup, sans être féru·e·s d’opéra, ont déjà entendus –, puis, contre toute attente, le spectacle prend fin. Si cette formule permet de démocratiser l’opéra et de présenter Carmen et la culture urbaine à qui ne connaît pas l’un ou l’autre, elle laisse le·a spectateur·rice sur sa faim. Elle donne également l’impression d’être une vitrine, comme si le but du spectacle était de présenter des talents – le public a pu constater l’expertise des danseur·euse·s, des chanteur·euse·s, des créateur·rice·s, l’habileté du métissage entre hip-hop et opéra, mais sans plus. Malgré un certain manque de profondeur, la représentation est pleine d’énergie ; la culture urbaine vient dynamiser Carmen, la réinventer, en plus de rejoindre et d’investir le public. Il y a quelque chose de subversif, d’étonnant, dans le fait de faire habiter l’espace public par un opéra, objet culturel ancré dans une certaine idée de la bourgeoisie et du mondain.

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Calendrier culturel de l’été 2021 https://www.delitfrancais.com/2021/07/16/calendrier-culturel-de-lete-2021/ Fri, 16 Jul 2021 21:38:20 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=44046 Une sélection de quelques-uns des événements culturels qui animeront Montréal cet été.

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Arts vivants : Présence Autochtone et Arts de ruelle.

Littérature : Jamais Lu et Dehors est un poème.

Arts visuels : MURAL et Un fleuve coupe la roche.

Cinéma : Projections au LIVART et Cinéma sous les étoiles.

Musique : Cycle Musique ! et Les Shows en Orbite.

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«Je ne peux plus mourir» https://www.delitfrancais.com/2021/04/05/je-ne-peux-plus-mourir/ Tue, 06 Apr 2021 01:51:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=43665 Le Délit s’entretient avec l'auteure-compositrice interprète Klô Pelgag.

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Klô Pelgag colore le paysage artistique québécois depuis près de 10 ans. Artiste multidisciplinaire, l’auteure-compositrice fait résonner sa musique comme une poésie incarnée. Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est le titre de son plus récent album sorti le 26 juin dernier; c’est aussi le nom d’un village. Dans la genèse de l’album, l’artiste raconte que petite, elle passait souvent sur la route qui menait au village avec ses parents. En voyant la pancarte qui en affichait le nom, elle en était horrifiée, imaginant un endroit traumatisant, douloureux. Klô décide de s’y rendre dans les dernières années, pour se rendre compte qu’il s’agit en fait d’une île magnifique, avec à peine 35 habitants, où la nature est à son état le plus pur. Son troisième album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs offre un langage imagé, des arrangements orchestraux ambitieux et un récit viscéral de sa propre traversée. 

Le Délit (LD): Tu es passée à travers une période assez creuse dans les dernières années, et la genèse de ton album rapporte un peu ce chemin que tu as parcouru pour te rendre où tu es aujourd’hui : un état plus heureux et serein. Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, c’est donc le parcours dans cet univers terrifiant, très sombre, comme l’épisode dépressif que tu as vécu. En replongeant dans l’album, trouves-tu cela difficile de parcourir à nouveau ces zones d’ombre?

Klô Pelgag (KP): Je ne l’ai pas encore tourné pendant deux ans, cet album. Ma réponse serait peut-être différente à ce moment-là, mais pour l’instant, quand j’entends ces chansons et que je les joue, elles me rappellent la traversée et la force que je pense avoir acquise lors de ce passage. Cette force est fragile et je crois que cet album représentera pour moi ce point d’ancrage et cette démonstration qu’il est possible pour moi de me relever. J’ose espérer que je saurai m’en souvenir dans le futur. On n’est pas au bout de nos peines et c’est un bon signe, dans le fond, de ressentir des choses. C’est un signe de cœur et de vie. 

«Je crois que cet album représentera pour moi ce point d’ancrage et cette démonstration qu’il est possible pour moi de me relever. J’ose espérer que je saurai m’en souvenir dans le futur. On n’est pas au bout de nos peines et c’est un bon signe, dans le fond, de ressentir des choses. C’est un signe de cœur et de vie»

Klô Pelgag

LD: Ton album était censé sortir avant la pandémie. Il a été retardé et est finalement paru le 26 juin dernier. As-tu eu de la difficulté à faire de la musique et à être créative en étant confinée chez toi?

KP: Entre-temps, j’ai fait quelques projets de composition. Je n’ai pas eu de grandes difficultés au niveau de mon travail pour le disque. Généralement, après un album, ça me prend un petit bout avant de commencer à en imaginer un autre: je ne veux pas me répéter. Je pense que cette période est bénéfique pour la suite.

LD: Tu as fait l’annonce d’un spectacle virtuel, les 23 et 24 avril prochain. Tu présentes le spectacle comme un « univers ponctué d’effets spéciaux et d’expériences bizarroïdes ». Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce spectacle?

KP: C’est un spectacle qui est à mi-chemin entre le bug de l’an 3000 et un sandwich aux œufs. C’est un peu comme un spectacle live dans lequel il arrive quelques péripéties. Un prétexte pour réaliser quelques fantasmes scéniques. Quelque chose qui n’aurait jamais existé sans pandémie. Ultra-sécurisé. 

LD: Est-ce que ça a été difficile de repenser un processus de spectacle «virtuel»?

KP: Ç’a été difficile, étant donné la pandémie, de travailler à distance avec tout le monde et de devoir s’adapter aux va-et-vient des mesures sanitaires. En même temps, je crois que c’est parfait de faire quelque chose qui soit affecté par son époque et sa réalité. Je ne veux pas faire semblant qu’il ne se passe rien, je veux utiliser la situation de façon à ce qu’elle ponctue cette création et qu’on sente l’influence que le contexte pandémique a sur le résultat final. C’est la base de la création que de transfigurer le mauvais vers quelque chose de nouveau et de plus positif. J’aimerais que le spectacle soit à l’image de notre soif de vivre, ce désir d’exploser exacerbé par cet isolement forcé.

«J’aimerais que le spectacle soit à l’image de notre soif de vivre, ce désir d’exploser exacerbé par cet isolement forcé»

Klô Pelgag

LD: Tu as expérimenté en studio des synthétiseurs et des logiciels d’enregistrement. Qu’est-ce que ces outils t’ont apporté dans la pratique musicale? Toi qui as normalement un style musical un peu plus « naturel », pourquoi as-tu été tentée par ce genre d’outils?  

KP: J’ai toujours écrit de façon impulsive et instinctive. Ces outils me permettent d’écrire en même temps que les éléments évoluent au rythme (autant qu’il est possible de le faire) de ce que j’entends dans ma tête. Ils m’aident à attraper ces avalanches d’idées pour ne plus qu’elles m’échappent, et à être plus autonome. Je préfère me rendre le plus loin possible toute seule avant d’amener quelqu’un d’autre dans la toune, comme ça, on se comprend toujours mieux.

LD: Tu es devenue maman assez récemment. Comment s’inscrit cette facette de ta vie dans ta pratique artistique?

KP: La plus grande différence, c’est que je ne peux plus mourir. Ce n’est plus vraiment une possibilité. Sinon, mon désir de créer et de faire des nouvelles choses demeure le même. J’aurai probablement un autre discours si les tournées reprennent. Je devrai faire des choix et être bien organisée, ce qui n’est pas ma plus grande force.

Image

LD: Tu as vécu une dernière année extrêmement mouvementée : ta grossesse, la maladie dégénérative de ton père puis son décès. Les émotions vives ont-elles tendance à bonifier ta pratique artistique? Est-ce plus inspirant pour toi de créer par grands vents ou quand la vie est plus calme?

KP: Chaque moment est susceptible d’en inspirer d’autres. Pour moi, la musique, c’est tout ce qu’on porte en soi. C’est toute notre vie. C’est le calme après la tempête et puis la tempête par-dessus la tempête et puis la neige qui statufie tout ça et puis le soleil au dégel. Ce sont tous les moments de pause et de réflexion… puis il faut apprivoiser l’ennui pour créer. Je n’ai jamais écrit dans d’autres moments que ceux-là, personnellement. 

LD: La symbolique de la chanson La maison jaune est empruntée à Vincent Van Gogh, artiste que tu admires beaucoup. Cette maison jaune où tu ne veux plus retourner, c’est aussi une référence à l’état dépressif et de surmenage dans lequel tu étais confinée. Crois-tu que revisiter cette maison jaune, de temps à autre, est inévitable?

KP: Je vais la revisiter de près ou de loin toute ma vie, mais je vais juste tout faire pour ne pas entrer dedans complètement. Si j’entre dedans, j’espère que je trouverais le moyen d’ouvrir une fenêtre pour me rappeler que la vie est au‑dehors. 

LD: Dirais-tu que tu es une artiste disciplinée? Te forces-tu à faire des séances créatives, ou bien prends-tu l’inspiration comme elle vient?

KP: Je pense que je fonctionne par phases. J’accumule, j’ai besoin de vivre et de penser pour qu’ensuite, je puisse faire quelque chose qui a du sens pour moi. Je suis mon instinct mais parfois, il m’arrive de me provoquer. 

«Pour moi, la musique, c’est tout ce qu’on porte en soi. C’est toute notre vie. C’est le calme après la tempête et puis la tempête par-dessus la tempête et puis la neige qui statufie tout ça et puis le soleil au dégel»

Klô Pelgag

LD: Tu dis que la création demande beaucoup d’abandon. Comment s’inscrit le retravail dans cet abandon?

KP: Je pense que le travail, c’est tout ce qui vient avant l’état créatif. Il sert à atteindre l’état, à se prédisposer pour y entrer. Ensuite, quand je suis dedans, dans l’instinct, je ne vois pas ça comme un travail et il ne faut pas que ça le soit. Le travail c’est apprendre comment fonctionne le logiciel ou un instrument pour qu’ensuite ils soient au service de la création. 

LD: J’ai l’impression que l’aspect showbiz est parfois en décalage avec l’univers poétique et créatif que tu portes. Comment navigues-tu dans ce milieu-là? 

KP: Je me suis habituée à tout ça parce que j’ai envie que ma musique trouve les bonnes personnes, où qu’elles soient, peu importe le milieu. Et pour ce faire, il faut en parler un peu. Bien sûr, il y a parfois un décalage, mais je crois que si on peut insuffler ne serait-ce qu’1% de poésie au quotidien de quelqu’un pour qui ce serait la porte d’entrée vers un monde différent, je suis prête à me prêter à l’exercice. 

LD: Quel est ton rapport aux prix et récompenses? Qu’apportent ces reconnaissances à ton travail?

KP: Je crois que ces reconnaissances donnent de l’importance et du prestige à mon travail dans les yeux des autres. Ils me permettent d’exister pour ceux qui y accordent de l’importance. Ça facilite le chemin entre mon œuvre et le grand public, c’est presque un «outil promotionnel». Autrement, c’est quelque chose de flatteur qui est agréable et difficile à recevoir. Je tente de ne pas trop m’y attacher, mais j’essaie aussi de plus en plus d’apprécier ces moments et d’être en mesure d’accepter. Comme un compliment.

En plus du spectacle virtuel annoncé les 23–24 avril prochain, vous pourrez également retrouver Klô Pelgag sur scène, un peu partout à travers la province. Tous les détails à www.klopelgag.com/#spectacles

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