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Entre innovation et tradition

Patrice Michaud en concert au MTelus.

Andréanne Gauthier

En grande forme pour son public rassemblé au MTelus – où il n’avait jamais joué –, Patrice Michaud aura livré avec vigueur et aplomb son plus récent de quatre albums, Grand voyage désorganisé. Alors que, plus tôt ce 16 novembre, tombaient sur Montréal quelques éphémères flocons, l’auteur-compositeur-interprète a su réchauffer son assemblée, qui, en retour, l’a accueilli avec toute l’énergie que requéraient de telles retrouvailles.

De l’innovation

Qui suit l’artiste originaire de Cap-Chat en Gaspésie depuis ses débuts a pu être déstabilisé·e par l’album sorti en septembre. Ce dernier opus se démarque par son tournant pop assumé, que laissaient présager certains titres d’Almanach, le précédent. Quelques écoutes de l’ensemble suffisent à l’acclimatation. On est « ici » pour assister à la maturité et l’inventivité d’un musicien qui sait proposer des airs rassembleurs et entraînants (« La grande évasion », « Vous êtes ici ») aussi bien que profonds et mélancoliques (« La guerre de toi n’aura pas lieu », « Ok maman »).

« On est “ici” pour assister à la maturité et à l’inventivité d’un musicien qui sait proposer des airs rassembleurs et entraînants »

Les chansons fort dynamiques de l’album en tournée se prêtent on ne peut mieux à la performance : lancé par « Origami », sortie en single quelques mois avant le reste du Grand voyage, le spectacle a rapidement trouvé son erre d’aller. C’est une prestation solide dans les tons, dans les rythmes et dans les enchaînements que Michaud, dont le timbre à la fois clair et bas est une force en soi, a proposé. On pourrait parler de sobriété plus que d’extravagance du côté visuel ; les effets sont limités, mais suffisants. Ce qui ressort de cette odyssée est bien loin de la maladresse ou de l’errance d’un certain Ulysse ; on a pu voir un artiste en contrôle jusque dans ses  trous de mémoire, qui met tout sur la table et rayonne dans son authenticité.

De la tradition

Accompagné de Marie-Pierre Bellefeuille au clavier, Patrice Michaud a offert une version épurée et tout en douceur de la très belle et maintenant incontournable « Saison des pluies ». Cette grande chanson tragique a ainsi clos la première partie du spectacle, où, comme de raison, dominaient « La grande évasion », « Golden Record », « Un cœur de baleine bleue », auxquelles se sont glissées, du troisième album, « Apocalypse Wow » et « Julie revient. Julie s’en va ». La seconde moitié a vu s’aviver quelques braises du Feu de chaque jour : « Je cours après Marie » et « Jusqu’à ce que je tombe ». L’insistance des basses et des percussions a pu donner à ces titres maintenant vieux de sept ans une nouvelle jeunesse. « Kamikaze » et « Mécanique générale » ont également trouvé leur place, au grand bonheur du public ravi, déchaîné, présent.

Fidèle à ses habitudes, cet ancien étudiant en littérature n’a pas manqué d’ajouter à l’ensemble une solide narration. Car Michaud, qui a fait paraître en avril un album jeunesse, La soupe aux allumettes, est un raconteur né, qui tisse son spectacle autour de ses souvenirs. Au total, 20 chansons ont constitué le répertoire de la soirée, dont deux d’entre elles issues de la « cassette de 1994 du patinage libre de Cap-Chat ». Interprétées avec brio, « Living on My Own » de Freddy Mercury et « Simply the Best » de Tina Turner, celle-ci à la toute fin du rappel, ont certainement apporté un brin de folie au spectacle.

Non pas à la jonction de l’innovation et la tradition, Patrice Michaud aura plutôt tour à tour occupé les deux espaces. L’artiste de Cap-Chat maintenant auteur-compositeur-interprète de quatre albums nous a convaincu·e·s qu’il sait voyager de l’une à l’autre, sans oublier d’emmener son public avec lui.


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