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Le manque de transparence continu de l’AÉUM

La crédibilité de l’AÉUM vascille.

Alexandre Gontier | Le Délit

Lors de sa dernière réunion de la session d’automne, le 25 novembre dernier, le conseil législatif de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a approuvé une motion appelant à la résignation du président Darshan Daryanani. Le 2 décembre 2021, le conseil d’administration de l’AÉUM a décidé de suspendre indéfiniment la motion qui obligeait le président de l’AÉUM, Darshan Daryanani, de soumettre une lettre de démission dans les 48 heures suivant la ratification de la motion. 

Celle-ci a été approuvée une semaine plus tôt, à la suite de l’absence prolongée du président Daryanani, qui n’a assisté à aucune réunion du conseil exécutif depuis le 30 août 2021. Au moment de l’écriture de cet article, la raison de l’absence du président n’est toujours pas connue du public.

Une absence énigmatique

Dans un article du 8 novembre intitulé « L’absence du président de l’AÉUM continue » (en anglais, SSMU President’s Leave of Absence Continues), le McGill Daily révélait des courriels de la part de la vice-présidente aux Affaires internes de l’AÉUM, Sarah Paulin, demandant au journal de cesser d’investiguer la raison de l’absentéisme du président. D’autres courriels dévoilés par le Daily indiquaient aux employé·e·s d’éviter de répondre aux questions des médias. 

« Aucune démocratie durable ne peut endurer ce genre de manque d’information de la part de ses membres et de leurs représentants sur des informations essentielles concernant le statut de ses dirigeants »

Extrait de la motion 

La semaine suivante, Sarah Paulin expliquait que son intention était de faire valoir qu’à son avis, les employé·e·s de l’Association ne devraient pas être questionné·e·s par des journalistes étudiant·e·s et n’auraient pas à leur répondre puisqu’il·elle·s ne sont pas élu·e·s. Dans son investigation, le McGill Daily avait obtenu une copie d’un manuel intimant clairement les employé·e·s de ne pas communiquer avec les médias. Le journal n’avait pas été en mesure de déterminer si les employé·e·s étaient contractuellement tenu·e·s de se conformer à cette instruction. Dans un cas comme dans l’autre, rien n’engage les médias étudiants à respecter la volonté de l’AÉUM. 

La motion proposée

La motion approuvée par le conseil législatif cite aussi que l’absence continue du président de l’AÉUM au Sénat de l’Université a « créé un déficit de représentation des étudiant·e·s de premier cycle au sein de la plus haute instance universitaire de McGill ». Au moment d’écrire ces lignes, le site du Sénat indique toujours que le siège du président est vacant. La motion réitère que les membres du conseil exécutif de l’AÉUM ont à toutes fins utiles refusé de répondre aux questions portant sur les motifs de l’absence du président.

Par ailleurs, le vice-président aux Finances, Éric Sader, refuse toujours de révéler si le président Daryanani est payé pendant son absence. Les salaires versés aux élu·e·s constituent une des plus grandes dépenses de l’AÉUM, avec celui du président estimé à environ 32 000 dollars par année.

En l’absence d’une lettre de démission, la motion prévoyait une assemblée générale dans la première semaine de la session d’hiver pour soumettre la continuation du mandat du président à un référendum. Or, la motion a été « reportée indéfiniment » par le conseil d’administration lors d’une réunion le 2 décembre sans que ne soit annoncé ce qu’il en adviendra. 

Dans les risques à considérer présentés dans la motion, le représentant de la Faculté de gestion Nathaniel Saad écrit que l’absence prolongée du président « menace la viabilité des opérations de l’Association, ainsi que la responsabilité et la transparence qui devraient accompagner cette fonction ». Sader avait affirmé dans une réunion antérieure que « l’Association fonctionne toujours tout à fait bien » malgré l’absence de Daryanani.

Le Livre de positions de l’AÉUM – qui recueille toutes les positions prises par l’AÉUM – (dont aucune version n’est disponible en français sur le site de l’association) engage l’AÉUM comme organisation ainsi que tous·tes ses représentant·e·s à agir de manière transparente envers ses membres. L’article 5.2 stipule qu’«[u]ne culture de transparence, de responsabilité et d’intégrité est essentielle pour maintenir la confiance du public dans la Société tout en poursuivant ses meilleurs intérêts ». La motion avancée au conseil accuse l’AÉUM d’abandonner les principes qui la gouvernent et les étudiant·e·s qu’elle représente.

« L’AÉUM admet l’existence de barrières à la politique étudiante pour les groupes marginalisés dans son Livre de position » 

Le manque d’information éloigne les étudiant·e·s de leurs représentant·e·s et de la politique étudiante, selon Nathaniel Saad. « Aucune démocratie durable ne peut appuyer ce genre de manque d’information de la part de ses membres et de leurs représentants sur des informations essentielles concernant le statut de ses dirigeants », peut-on lire dans la motion du représentant de la Faculté de gestion. « Les organisations ont des dirigeants et des présidents dans un but précis, et sans eux, ce but reste inaccompli. »

L’AÉUM en crise

La politique étudiante mcgilloise souffre d’un taux de participation extrêmement bas depuis plusieurs années. La situation est telle que l’AÉUM a adopté par référendum en novembre 2021 une politique de démocratisation. Le document liste divers grands titres des journaux étudiants des dernières années qui illustrent les principaux problèmes : mauvaise conduite d’élu·e·s, inconduites sexuelles, pratiques antidémocratiques et manque de participation. Il s’en dégage qu’il règnerait un climat hostile et non inclusif à l’AÉUM. La crédibilité de l’AÉUM et la confiance de la population étudiante en auraient souffert.

Voir aussi : Un v.-p. de l’AÉUM accusé d’inconduite sexuelle

En effet, lors des élections 2021–2022 de la branche exécutive de l’AÉUM, seulement 3 455 personnes au total ont voté pour choisir les membres de l’exécutif de l’AÉUM, ce qui représente un corps électoral qui n’a qu’étroitement atteint un taux de participation de 15%. Le taux de participation à un référendum n’aurait jamais excédé 32,8% depuis 2012, le taux moyen étant 19,6%.

La politique de démocratisation affirme que l’exclusion de la population étudiante crée une « classe d’élite» ; l’exclusivité de cette dernière attirerait un certain profil d’étudiants plus cyniques favorisant leur propre intérêt et renforcerait des rapports d’inégalité et d’oppression au sein de l’AÉUM.

Dans sa politique sur la transparence (disponible en anglais seulement), l’AÉUM reconnaît que les réunions du conseil législatif ne sont pas accessibles à tous·tes en raison de leur complexité et de leur longueur. L’AÉUM admet l’existence de barrières à la politique étudiante pour les groupes marginalisés dans son Livre de position. 

Le Délit a contacté par courriel le v.-p. aux Finances Éric Sader et la v.-p. aux Affaires universitaires Claire Downie ainsi que Nathanial Saad et Mary Zang, représentant·e·s de la Faculté de gestion, mais nos questions sont restées sans réponse en date de la rédaction.


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