Aller au contenu

McGill, dernier bastion universitaire des investissements fossiles à Montréal

Après plusieurs jours d’occupation, des militants climatiques obtiennent gain de cause à l’Université de Montréal.

Paul Breton

Le samedi 2 avril dernier, l’Université de Montréal (UdeM) s’est engagée à désinvestir 100% de ses actifs dans les énergies fossiles d’ici le 31 décembre 2025, une promesse qu’un groupe d’étudiants a soutirée à l’administration à force de protestation et de grèves de la faim. L’UdeM rejoint ainsi l’UQAM et Concordia sur la voie du désinvestissement, en s’engageant dans « l’investissement responsable ». Par dessus tout, l’UdeM fait de McGill une exception : l’université anglophone est maintenant la seule université montréalaise à maintenir ses investissements dans le pétrole et les autres hydrocarbures.

Une lutte de longue haleine à l’UdeM

Ils étaient une trentaine d’étudiants affiliés à l’Écothèque, un regroupement militant pour la justice climatique, à occuper le pavillon Roger-Gaudry la semaine dernière. Une vingtaine de tentes parsemait le plancher, des tables garnies de nourriture, une bibliothèque de livres sur le militantisme… Les occupants s’étaient pleinement appropriés les lieux. 

Le plus impressionnant dans ce hall d’honneur aux immenses piliers restait un petit tableau blanc au fond de la salle. On pouvait y lire le décompte des heures que les grévistes de la faim avaient passé sans manger. Le plus déterminé d’entre eux, Vincent Vaslin, jeûnait depuis minuit, dans la nuit du 27 au 28. Rencontré vendredi matin, il avançait à petits pas. « Les déplacements sont extrêmement durs », lâche-t-il sur un ton épuisé. « Je dormais en haut d’une série d’escaliers. Je sais que ça ne sera plus possible dans les prochains jours. »

« Rien ne change : l’université continue de se taper dans le dos, de se mettre un vernis vert »

Vincent Vaslin, gréviste de la faim

L’étudiant en philosophie et en sciences politiques avait deux demandes pour mettre fin à sa grève. D’abord, un plan de désinvestissement du Fonds de dotation de l’Université, qui détient plus de 14 millions de dollars en actions dans les énergies fossiles. Ensuite, que le recteur prenne publiquement position contre l’investissement dans les hydrocarbures de la part du Régime de retraite de l’Université de Montréal (RRUM). Or, selon le professeur Adrian L. Burke, cette prise de position serait vue comme de l’ingérence par le comité qui dirige le RRUM. « Ce serait très mal vu et même, à la limite, illégal que l’administration dise au comité de retraite quoi faire », avance-t-il. Le Pr Burke siège à ce comité comme représentant du corps professoral. « Les décisions que [le comité, ndlr] prend sont indépendantes et doivent être indépendantes de l’administration », explique-t-il. 

Malgré tout, le recteur s’est avancé sur la question. Dans sa réponse à l’Écothèque, il s’engage à « inviter le comité de retraite du RRUM, dans le respect de ses responsabilités fiduciaires, à considérer l’opportunité de rencontrer dans un avenir rapproché un petit groupe de représentants d’Écothèque pour discuter des politiques d’investissement responsable ». Lors du dernier bilan du RRUM, vers la fin de l’année 2020, le Fonds possédait plus de 78 millions de dollars en investissements dans les hydrocarbures, aussi appelés combustibles fossiles. 

Après plus de 100 heures de jeûne, Vincent Vaslin a été transporté à l’hôpital alors qu’une infirmière de l’université se soit inquiétée de son état. Il a finalement recommencé à manger après que le recteur Daniel Jutras se soit fermement engagé à proposer un plan de désinvestissement total des actions cotées en bourse de l’industrie des énergies fossiles d’ici le 1er juin.

McGill bon dernier dans la course au désinvestissement

McGill est donc, depuis samedi matin, la seule université montréalaise à n’avoir aucun objectif en matière de désinvestissement. Pour Lexi (nom fictif), membre du mouvement Désinvestissement McGill (Divest McGill), l’annonce de l’UdeM est une excellente nouvelle : « Je me suis juste mis·e à pleurer ! C’était juste tellement beau ». Iel trouve inspirant de voir que la mobilisation peut porter fruit : « C’est magnifique de voir que la pression étudiante a fonctionné [pour une université] qui a un beaucoup plus gros montant que McGill ». Selon les données de Désinvestissement McGill, l’Université aurait plus de 60 millions de dollars investis dans les énergies fossiles.

« [Même si l’Université désinvestit], ce ne sera pas une réelle victoire, mais seulement une concession par le Conseil de gouverneurs pour faire taire le feu révolutionnaire » 

Lexi (nom fictif), membre du mouvement Désinvestissement McGill

McGill va-t-elle emboîter le pas à ses pairs ? Lexi n’en est pas si convaincu·e : « Je dirais oui et non », commence-t-iel. « Non, parce que tant qu’il y a un Conseil des gouverneurs, l’Université McGill ne sera pas gouvernée de façon démocratique. Et donc [même si l’Université désinvestit], ce ne sera pas une réelle victoire, mais seulement une concession par le Conseil de gouverneurs pour faire taire le feu révolutionnaire. »

D’un autre côté, l’activiste reconnaît que la victoire de l’Écothèque à l’Université de Montréal ne peut être que bénéfique pour le mouvement de désinvestissement : « Je pense qu’on est en train de voir que la mobilisation étudiante fonctionne. Qu’on peut avoir des réussites, qu’il faut juste continuer de pousser pour ça. La victoire de l’UdeM, ça va mettre du feu et dire à McGill “Ok, ça suffit maintenant”. »

Désinvestissement McGill a occupé le hall d’entrée du Pavillon des Arts au début du mois de mars. Le groupe se préparait à une longue occupation, mais deux personnes y avaient contracté la COVID-19, ce qui avait forcé les manifestants à plier bagage.


Dans la même édition