Aller au contenu

L’opinion étudiante : Course à la chefferie du PQ

Le Délit a rencontré dix jeunes souverainistes pour discuter de l’avenir du Parti Québécois.

Gali Bonin | Le Délit

Du 5 au 9 octobre, les membres du Parti Québécois (PQ) seront appelé·e·s à compléter la saga qu’ils ont entamée le 1er février dernier. Huit mois après le début de cette course à la chefferie, les péquistes devront choisir qui, de Sylvain Gaudreault, Guy Nantel, Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP) et Frédéric Bastien, deviendra le 10e chef de leur formation politique.

Lors des élections générales québécoises de 2018, le PQ a subi, exactement 50 ans après sa création, sa plus lourde défaite électorale avec 17,06 % des voix exprimées. Avec ses 10 sièges obtenus, le PQ de Jean-François Lisée a emmené le parti à son plus bas depuis l’élection du gouvernement Lévesque en 1976. Nul besoin de préciser que les défis à relever par le prochain chef seront de taille. 

Une des grandes difficultés à laquelle fait face le PQ reste l’inclusion des jeunes, tant dans leur plateforme que dans leur équipe. Un an avant les élections de 2018, Paul St-Pierre Plamondon avait lui-même affirmé que le PQ était devenu « un parti figé, conservateur et vieillissant ». Afin de vérifier cette assertion, Le Délit est allé à la rencontre de dix jeunes étudiant·e·s souverainistes des quatre coins du Québec : François Gervais (cégep Lionel-Groulx), Jacques Martin (McGill), Marie-Laurence Desgagné (McGill), Gabrielle Gagnon (Université de Sherbrooke), Vincent Vallée (UQAM), Adèle Blanchard (McGill), Louis Favreau (McGill), Gabrielle Desjardins (Université du Québec en Outaouis), Mohammad-Afaaq Mansoor (McGill) et Jean-Simon Gagné-Nepton (Université du Québec à Chicoutimi).

Tous et toutes membres ou anciennement membres du parti, ils nous ont expliqué leur choix, leur réflexions et leur impressions sur ces quatre candidats.

Les quatre candidats

Image tirée de Wikimedia

Sylvain Gaudreault

Expérience politique
· Député depuis 2008
· Ancien ministre
· Chef intérimaire pendant huit mois en 2016

Une bonne raison de voter pour lui
«Il renoue avec l’audace que le Parti Québécois avait auparavant. » – Vincent Vallée

Une bonne raison de ne PAS voter pour lui
«En élisant Sylvain Gaudreault, c’est comme si on choisissait de faire mourir le PQ dans la dignité » – François Gervais


Image tirée de Wikimedia

Guy Nantel

Expérience politique
· Se renseigne et suit la politique depuis longtemps (blagues à l’appui)
· A écrit l’essai politique Je me souviens… de rien (2017)

Une bonne raison de voter pour lui
«Bien entouré, avec un bon cabinet, ça ferait changement des politiciens de carrière. » – Louis Favreau

Une bonne raison de ne PAS voter pour lui
«Il n’a pas voulu donner tout son temps à la chefferie […] je pense que ça démontre un manque de sérieux. » – Mohammad-Afaaq Mansoor


Image tirée de Wikimédia

Paul St-Pierre Plamondon

Expérience politique
· S’est présenté dans Prévost en 2018, mais a perdu
· S’implique activement dans la sphère politique depuis 2007 avec l’organisme Génération d’idées
· Défait lors de la course à la chefferie du PQ en 2016

Une bonne raison de voter pour lui
«C’est à peu près le seul candidat qui a fait des propositions féministes. […] En tant que féministe, je trouve que ça en dit beaucoup sur sa personnalité. » – Gabrielle Gagnon

Une bonne raison de ne PAS voter pour lui
«Il est charismatique, mais il n’apporte pas vraiment d’idées originales : sa campagne est centrée sur sa personne. » – Un militant de Gaudreault


Image tirée

Frédéric Bastien

Expérience politique
· Il a écrit plusieurs ouvrages sur l’histoire et la politique du Québec

Une bonne raison de voter pour lui
«Il apporte des idées originales. » – Une militante du PQ

Une bonne raison de ne PAS voter pour lui
«Souvent les gens disent qu’il y a des candidats pour lesquels ils ne voteraient vraiment pas. Évidemment, Frédéric Bastien revient souvent. » – Jean-Simon Gagné Nepton

Si la tendance se maintient…

Chez les jeunes indépendantistes que nous avons rencontré·e·s, une tendance claire se dessine : Paul St-Pierre Plamondon et Sylvain Gaudreault font chaude lutte pour avoir leur appui, tandis que Nantel et Bastien ne reçoivent presque aucun appui de leur part. 

C’est Sylvain Gaudreault, le député actuel de la circonscription Jonquière, qui a recueilli le plus d’appui parmi les jeunes que nous avons consulté·e·s. Pourtant, c’est loin d’être un nouveau venu dans l’arène politique : il siège à l’Assemblée nationale depuis 2008, a déjà été ministre sous le gouvernement Marois, en plus d’avoir été chef par intérim pendant six mois, après le départ de Pierre-Karl Péladeau en 2016. Depuis l’annonce de sa candidature, il fait campagne en tentant de séduire l’aile gauche du parti avec son programme qui se veut résolument environnementaliste. Ce qui motiverait sa conviction indépendantiste serait de créer « un pays vert à l’ONU » et de rendre le Québec carboneutre d’ici 2050. 

« C’est comme si l’on choisissait de faire mourir le PQ dans la dignité »

Plusieurs jeunes louent l’écoute et le caractère sympathique de M. Gaudreault, qui se serait beaucoup investi dans les dernières années pour aider l’aile jeunesse du parti. Par contre, on lui reproche de ne pas avoir apporté beaucoup de nouveauté au PQ. On lui reproche entre autre d’appartenir à une vieille garde qui n’arrive plus à attirer l’électorat. Surtout, selon certain·e·s, il manquerait de charisme et aurait de la difficulté à attirer l’attention des médias. « En élisant Sylvain Gaudreault, c’est comme si l’on choisissait de faire mourir le PQ dans la dignité », analyse François Gervais, un militant qui voit d’un mauvais œil qu’un membre de l’establishment revienne à la tête du parti.

Même si le programme de Sylvain Gaudreault semble très populaire, de nombreuses personnes lui préfèrent Paul St-Pierre Plamondon, un jeune avocat qui n’a jamais été député pour le parti et qui serait, au dire de plusieurs, plus charismatique. « Sylvain Gaudreault a quand même son côté sympathique, il arrive à bien rejoindre les militants du parti, mais c’est PSPP qui, dans l’ère médiatique, paraît le mieux : il est plus jeune, il a une famille, il s’exprime bien », estime Mohammad-Afaaq Mansoor, un militant péquiste. Même ceux qui militent pour Sylvain Gaudreault le reconnaissent : Plamondon a réussi à prendre bien plus de place dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux.

PSPP a beau ne pas avoir été élu député, il n’en est pas à sa première implication au parti. En 2016, il s’était présenté une première fois pour être chef du parti, mais avait fini avec une maigre quatrième place. Il est par la suite devenu conseiller spécial auprès de Jean-François Lisée et a lancé la consultation Oser repenser le PQ, qui avait été présentée comme un « grand rajeunissement du Parti Québécois ». Au cours de la campagne, PSPP s’est défini comme social-démocrate, tout en affirmant l’importance de considérer l’indépendance comme un enjeu transcendant les conflits entre la gauche et la droite. 

Deux candidats qui tirent de l’arrière

Quant aux deux autres candidats, Frédéric Bastien et Guy Nantel, aucun·e des jeunes que nous avons rencontré·e·s ne prévoyait leur accorder leur vote, même si quelques-un·e·s ont dit apprécier les idées que ces derniers apportent.

Le discours de Frédéric Bastien, un historien qui a écrit plusieurs livres sur l’histoire récente du Québec, est jugé trop axé sur l’identité par plusieurs jeunes qui voudraient que le nationalisme du PQ soit davantage un nationalisme d’ouverture. Sa proposition de réduire les seuils d’immigration à 20 000 contraste avec celle des autres candidats et fait dire à certain·e·s qu’il tente de séduire un électorat péquiste plus à droite que celui que représentent les jeunes. Toutefois, ses diatribes contre le Canada et le multiculturalisme (et contre la Faculté de droit de McGill) semblent plaire à une partie de l’électorat péquiste. « Bastien s’est en quelque sorte bâti un récit d’opposition avec le Canada, mais ce récit-là n’est pas toujours ancré dans la réalité », nous explique une militante. Frédéric Bastien a bâti sa campagne en partie sur la promesse de contester la constitution canadienne, dans l’espoir avoué que les confrontations avec le fédéral qui s’en suivraient fassent monter le « Oui » dans les sondages.

« Il tente de séduire un électorat péquiste plus à droite que celui que représentent les jeunes »

Même pour ceux et celles qui adhèrent en partie ou en totalité aux idées de M. Bastien, il subsiste un doute quant à sa capacité à réunir l’ensemble de l’électorat. Plusieurs nous ont souligné que le PQ a historiquement été perçu comme une « grande coalition » entre les souverainistes de gauche et de droite. Certain·e·s craignent que le candidat pousse encore plus de souverainistes de gauche à s’en aller vers Québec Solidaire avec son discours à caractère très identitaire. 

Certain·e·s notent tout de même que Bastien a causé une relative surprise en étant capable d’aller chercher les donations et les signatures nécessaires. « Je ne sais pas si Frédéric Bastien devrait devenir chef du Parti Québécois, mais il a clairement sa place dans la course, puisqu’il représente une frange importante du parti qui n’est toujours pas considérée par l’establishment », croit François Gervais, un militant qui optera plutôt pour PSPP. 

L’humoriste Guy Nantel, qui semblait dominer au début de la course, n’a pas donné l’impression d’être un candidat crédible. Certain·e·s ne se sont pas gêné·e·s pour le qualifier de populiste, en raison de son programme vague, mais aussi à cause de son attitude face à la course, autant à cause des débats houleux qu’à cause de son refus de laisser de côté sa carrière d’humoriste. « Ce qui est bon pour un humoriste, ça ne l’est pas nécessairement pour un politicien. Guy Nantel n’est pas, selon moi, la bonne personne pour faire de la politique », croit Mohammad-Afaaq Mansoor.

La pertinence du PQ remise en cause

Sur les dix jeunes souverainistes que nous avons rencontré·e·s, deux ont quitté le parti au cours des dernières années et ne voteront donc pas pour un nouveau chef. 

« L’avenir du PQ devrait être un avenir féminin »

Pour Adèle Blanchard, ancienne partisane du PQ et nouvellement membre de QS, le choix était assez clair : « L’avenir du PQ devrait être un avenir féminin. » Effectivement, les quatre candidats à la chefferie sont tous des hommes, rappelant que la politique reste encore, pour reprendre l’expression de Pauline Marois, un boys club dans lequel les femmes n’arrivent pas à trouver leur voix. « Je trouve ça vraiment décevant et plate qu’il n’y ait aucune femme qui se présente. […] Le PQ aurait plus de chance de recommencer à se démarquer avec une voix féminine. » 

Outre ce manque d’inclusion, c’est surtout le manque de clarté dans la ligne directrice du parti qui est largement critiqué. Selon Jean-Simon Gagné-Nepton, un ancien membre du parti, « le PQ a brûlé toutes [ses] cartes ». Sur la question de l’indépendance, il estime que le parti s’est historiquement mis à dos à la fois les factions souverainistes de gauche et de droite, ce qui expliquerait, entre autres choses, les gains considérables qu’a réalisés QS lors des dernières élections. « Le Parti Québécois, [ses]campagnes électorales sont à gauche et ensuite il gouverne à droite. C’est parce qu’ils veulent contenter tout le monde », analyse le natif de Chicoutimi. Le PQ s’étant trop institutionnalisé, il considère que cette formation n’a plus du tout sa place dans la sphère politique contemporaine. « Pour moi, la pertinence du parti, au-delà du fait qu’il est indépendantiste, c’est fini. »

Plus modéré et encore indécis, Mohammad-Afaaq Mansoor, membre du PQ, comprend la situation tendue dans laquelle se trouve le parti. Il sait qu’avec l’apparition de QS dans la sphère indépendantiste, le PQ perd son statut d’unique parti souverainiste, mais considère tout de même qu’il a sa place et sa pertinence en 2020. « Le mouvement souverainiste ne peut pas survivre en étant divisé entre des péquistes et des solidaires », conclut-il. Sans forcément vouloir éliminer un parti ou un autre, Mohammad estime que les chances d’indépendance résident dans l’union : « Il faut arrêter de dire que le PQ et Québec Solidaire doivent se fusionner. Il faut dire que ce sont les souverainistes qui doivent fusionner sous un nouveau véhicule. »


Dans la même édition