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Quelques questions à Jérôme Conraud, gestionnaire de l’énergie à McGill

Chapitre 2 de l’enquête sur l’empreinte carbone de McGill.

Iyad Kaghad | Le Délit

Le Délit (LD) : Brièvement, comment sont calculées les émissions de GES à McGill ?

Jérôme Conraud (JC) : Pour le processus d’inventaire des gaz à effet de serre (GES, ndlr), on se partage (la tâche d’inventaire, ndlr) entre le département de Gestion des services d’utilité et de l’énergie (dont M. Jérôme Conraud est le directeur, ndlr) et le Bureau de développement durable. On va travailler conjointement pour faire ce rapport à chaque année. La grosse part des émissions de l’Université – les deux tiers à peu près – est liée à la consommation d’énergie des bâtiments, c’est pourquoi nous autres sommes impliqués dans le processus. On regarde sur une période d’un an (du 1er janvier au 31 décembre de chaque année) notre consommation réelle de combustibles fossiles dans tous les bâtiments. Donc on a du gaz naturel, mais également un peu de propane, un peu de mazout, et aussi un peu de diesel pour les génératrices d’urgence. Donc on a plein de factures qu’on collige, qu’on compile, et ça nous donne la consommation totale de ces différentes sources d’énergie qu’on multiplie par des facteurs d’émissions établis par [les ministères provincial et fédéral]. 

LD : On note un changement dans la méthode de calcul entre le rapport 2015 et le rapport 2017, notamment l’inclusion de nouveaux bâtiments gérés par des tiers, faisant augmenter le total de l’année 2015 de 4 757 tCO2. Que répondriez-vous à ceux et celles pouvant penser que ce changement de calcul a été fait dans l’optique d’assurer une diminution de l’inventaire de GES entre 2015 et 2017 ?

JC : Ce n’est vraiment pas pour ça qu’on a fait ce changement, puisqu’on ne savait pas à l’avance ce qu’on allait avoir comme résultat. La raison pour laquelle on a décidé d’inclure (les bâtiments gérés par des tiers, ndlr), c’est vraiment pour adhérer strictement au GHG Protocol Accounting and Reporting Standards, le protocole qu’on a choisi pour rapporter nos émissions de GES. On l’a fait d’un point de vue scientifique, comptable, dans le but d’être le plus transparent possible, d’en prendre plus que pas assez. Ce sont plein d’émissions qu’on n’était pas obligé d’inclure dans notre envergure (sic), parce que beaucoup de ces émissions sont des émissions de Catégorie 3 (émission indirecte, ndlr). Même si on adhère au GHG Protocol, on n’est pas obligé d’inclure ces émissions-là. C’est best practice [de les inclure], mais si ce n’est pas fait, on remplit quand même les exigences du Protocol. Mais on veut toujours aller plus loin, et le but aussi, c’est de pouvoir informer les gens – on inclut également la méthodologie détaillée du rapport avec les calculs de génie – dans une recherche d’exactitude. […]

Une autre grosse catégorie qu’on aimerait inclure, c’est notre parc immobilier, parce qu’il y a des émissions induites avec le type de constructions que l’on fait. Par exemple, si l’on fait une structure en bois plutôt qu’une structure en acier, le bois est un matériel renouvelable qui peut capturer du CO2 pendant sa croissance alors que du côté de l’acier, c’est tout le contraire, c’est un des matériaux qui a la plus lourde empreinte carbone par volume. Là aussi, les choix que l’on fait en termes de conception de bâtiments vont avoir un gros impact. Estimer les énergies grises (la quantité d’énergie utilisée dans le cycle de vie d’un matériau, ndlr) de notre parc immobilier, c’est quelque chose que l’on voudrait faire. 

LD : Est-il juste de penser que l’empreinte carbone telle que calculée présentement sous-estime ce qu’on pourrait qualifier d’empreinte réelle de McGill ?

JC : Oui, en fait oui dans un sens. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les GES sont classés dans trois catégories (voir le segment « Qu’est que l’empreinte carbone », ndlr) […] Il y a ainsi des choix que les étudiants font, par exemple le choix d’habiter proche ou non du campus, d’avoir une auto ou pas, etc. On s’entend que ce choix est dicté par notre situation socio-économique, je ne dis pas qu’on est tous en mesure de prendre la bonne décision qui fera qu’on aura une empreinte carbone de zéro quand on arrivera sur le campus. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a une partie de choix individuels que l’Université qui rapporte ses émissions de GES ne contrôle pas à 100%. C’est pour ça que dans tous les grands protocoles, il y a des catégories différentes : celles où on a directement un bras de levier et celles qui sont plus difficiles à influencer. […] 

C’est pourquoi une organisation qui rapporte ses GES se fixe une limite, une frontière. Nous, on est d’avis d’intégrer de plus en plus d’éléments dans le futur, mais ça ne veut pas dire que nos émissions sont surévaluées ou sous-évaluées. C’est plutôt d’inclure les émissions dont nous sommes indirectement responsables, pas pour dire qu’on a sous-évalué nos impacts, mais pour dire qu’on va un peu ouvrir nos esprits et on va regarder toutes les ramifications et toute la complexité du système économique et social et donc de la problématique des changements climatiques.

 

Béatrice Malleret | Le Délit

Suivez l’enquête !

Chapitre 1 : L’empreinte carbone de McGill

Chapitre 2 : Quelques questions à Jérôme Conraud, gestionnaire de l’énergie à McGill

Chapitre 3 : Comment calculer les émissions liées aux déplacements de la communauté McGilloise ?

Chapitre 4 : Et après ? Comment réduire les émissions ?

Chapitre 5 : Désinvestir des énergies fossiles : Portrait de la scène provinciale

L’article précédent ici :

L’empreinte carbone de McGill

La suite ici :
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