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Désinvestir des énergies fossiles : Portrait de la scène provinciale

Chapitre 4 de l’enquête sur l’empreinte carbone de McGill.

Iyad Kaghad | Le Délit

Lorsque l’on parle de transition énergétique, la question des investissements dans les énergies fossiles pèse également dans la balance de l’avenir écologique de la société. En effet, Divest McGIll estime que le portefeuille de l’Université est composé environ 8% d’investissements dans les énergies fossiles. Si l’on compare McGill aux autres institutions universitaires, notre université est-elle en retard ? 

D’emblée, il peut être complexe d’établir une comparaison, puisque les institutions universitaires, n’étant pas dans l’obligation d’une transparence quant à leur ensemble d’investissements, ne laissent pas toujours leurs documents de fonds d’investissement au grand jour. C’est le cas de l’Université Laval, la première institution académique à occulter complètement les énergies fossiles de son portefeuille. Le groupe ULaval sans fossiles visant à désinvestir a dû se faire ses propres estimations pour avoir une idée de la proportion d’ « argent fossile » que L’ULaval possédait. 

Grâce à Divest McGill, c’est depuis mai 2013 que des pétitions sont signées et que des manifestations sont organisées, mais sans désinvestissements majeurs. À Concordia, bien que l’Université n’ait pas encore désinvesti, la mobilisation a fait du bruit. Un projet pilote octroie cinq millions des 100 millions du fond de dotation à un gestionnaire pour placer des investissements durables en évitant les combustibles fossiles, les armes et le tabac. Cela marque tout de même un début de démarches de désinvestissement. L’Université de Sherbrooke s’organise de manière similaire, ayant également mis en place  une stratégie d’investissement responsable coordonnée par un comité créé il y a environ un an dédié à ce sujet. 

Le cas le plus semblable à celui de McGill est probablement celui de l’Université de Montréal (UdeM). Des étudiant•e•s protestent avec pour slogan « Visage vert fond noir ! » depuis 2015, soit peu après la formation de Divest McGill en 2013, mais n’ont toujours pas eu de petite victoire. En effet, c’est 12,8 millions de dollars que l’UdeM a d’investi dans le secteur du pétrole, du gaz et des combustibles, incluant le sous-secteur du stockage et du transport du pétrole et gaz. Ces données datent de fin 2015, aucun rapport n’ayant t  été publié depuis. Cela correspond à 4,3 % de l’actif total du fond de dotation, soit 298 millions de dollars. Toutefois, il serait assez précaire de comparer ces chiffres à ceux de McGill puisque ces derniers sont récents de l’année 2018 et non datés d’il y a presque 4 ans. Il est tout de même possible de constater que la fondation de l’Université de Montréal plaçait, à l’époque, plus de 35 millions  de dollars dans les énergies fossiles, ce qui représente environ 22% du total de ses investissements de plus de 500 000 dollars, c’est dire un peu plus de 154M$ au total. 

Toutes ces informations omettent les placements pour les fonds de pension des employés, ce qui pourrait bien faire augmenter le bilan. Certain•e•s étudiant•e•s estiment  qu’étant donné que le portefeuille de McGill est l’un des plus importants  du Québec, il est ainsi plus difficile pour l’université de désinvestir-  justifiant le fait qu’aucune démarche administrative ne soit à ce jour entreprise. Pourtant, plusieurs universités reconnues au niveau international sont sur la liste des établissements d’éducation ayant désinvesti, comme Yale ou l’Université d’Oxford. Bien qu’il soit difficile de comparer parfaitement les situations des différentes universités, connaître le statut de nos semblables est assez révélateur quant au positionnement de McGill.

Calculer les émissions des investissements ?

Un aspect absent de l’inventaire des GES de l’Université McGill est l’empreinte carbone de son portefeuille. En effet, à l’heure des discussions entourant les mouvements de désinvestissement des énergies fossiles, certain·e·s peuvent se demander si les institutions sont responsables d’une certaine partie des émissions de GES des entreprises qu’elles encouragent par des investissements. Faudrait-il inclure cette part d’émission dans l’inventaire de l’Université ?

C’est du moins ce que croient Professeur Gregory Mikkelson, directeur de l’École d’études environnementales de l’Université McGill, ainsi que Jérôme Conraud, directeur de la Gestion des services d’utilité et de l’énergie de McGill. Ce dernier explique que d’un point de vue technique de comptabilité environnementale, « on aimerait pouvoir les inclure ». Il met l’enjeu en perspective avec la situation d’autres institutions – notamment la Banque centrale européenne, qui a tenté d’avoir un projet pilote de calcul d’émissions induites, mais sans suite. Ainsi, pour avoir un portrait complet, il faudrait inclure les émissions de toutes les entreprises, et pas seulement celles directement impliquées dans les énergies fossiles. 

M. Conraud présente également les difficultés techniques entourant le calcul de l’empreinte carbone du portefeuille de McGill. La difficulté d’accès à sa composition exacte rend ce genre de calcul hasardeux. Ainsi, même si les plus grands investissements de McGill sont consultables en ligne, le gestionnaire de l’énergie évoque « le travail de moine » lié à l’analyse des émissions de GES de chaque compagnie : « Comment fait-on pour établir que, par exemple, un dollar chez Petro-Canada ou chez la RBC équivaut à x émission de GES ? » Une idée suggérée serait d’attribuer la proportion du total des émissions de l’entreprise correspondant au pourcentage d’actions détenues par McGill. Toutefois, toutes ces compagnies ne possèdent pas nécessairement de rapport d’émissions de GES, avance Jérôme Conraud.

 

Béatrice Malleret | Le Délit

 

L’article précédent :

Comment calculer les émissions liées aux déplacements de la communauté McGilloise ?

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