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Des millionaires dans l’embarras ?

Le syndicalisme n’est pas mort et il est encore indispensable. 

Aux rencontres Maîtres chez vous organisées par Force Jeunesse samedi dernier, un panel portait sur les raisons de se syndiquer en 2016. Mais au vu de son contenu, il aurait pu être rebaptisé : De l’importance de se syndiquer en 2016.

Les syndicats, une nécessité

Les syndicats n’ont pas la cote dans les médias. Omar Aktouf, professeur à HEC Montréal va plus loin : « les syndicats sont perçus comme une maladie sociale. » Selon Youri Chassin, de l’Institut économique de Montréal, ils sont vus comme bureaucratiques et résistants au changement. Pourtant, lorsqu’un travailleur débute un nouvel emploi au salaire minimum, il n’a pas à débattre pour obtenir ce salaire. En partant en vacances, il a la garantie d’avoir tout de même un chèque de paie en revenant. Ça vous semble normal, mais ça ne l’a pas toujours été. Les gains que font les syndicats aujourd’hui seront éventuellement considérés comme normaux, eux aussi. La sécurité d’emploi, la conciliation travail-famille, ce n’est pas un rêve, c’est du progrès. Ce dernier, contrairement au rêve, n’est pas illusoire. Il est en construction.

Ceux qui contribuent au progrès ne sont pas seuls. Guy Caron, député néo-démocrate, rappelle qu’isolé, l’employé n’a pas de pouvoir face à la machine capitaliste qu’est son employeur. Les syndicats viennent rééquilibrer le rapport de force entre l’employeur et l’employé. Pour ce dernier, son salaire « est un impératif de survie » dit Guy Caron. Devant les demandes de son employeur, l’employé ne peut que plier. Bien que certains employeurs aient réellement une vision progressiste, ces progrès viennent des rapports de force des syndicats. 

Lutter contre les inégalités

Avons-nous la mémoire courte au point d’oublier les batailles gagnées par des syndicalistes dévouant leur énergie au mouvement des travailleurs ? Le Nouveau Parti démocratique (NPD) est né de ce mouvement en 1961, par l’union du Parti social démocratique du Canada et du Congrès du travail du Canada. Ils créèrent le NPD qui se bat pour que l’écart entre les riches et les pauvres diminue. Depuis 2015, selon Oxfam, 1% de la population mondiale possède plus de richesses que l’autre 99%. Clairement, la lutte n’est pas finie.

« Les plus privilégiés peinent à voir les faveurs auxquels ils ont accès et les moins fortunés refusent de se voir comme tels »

Malgré cet écart, en politique, on parle souvent de classe moyenne. C’est pratique, car presque tous les électeurs s’y associent. Ronald Wright a écrit dans son livre Brève histoire du progrès que « le socialisme ne s’est jamais enraciné aux États-Unis parce que les pauvres s’y voient non pas comme un prolétariat exploité, mais comme des millionnaires temporairement dans l’embarras. » Il est là, le cœur du problème. Les plus privilégiés peinent à voir les faveurs auxquelles ils ont accès et les moins fortunés refusent de se voir comme tels. Nous sommes fiers, nous aimerions réussir par nous-mêmes sans l’aide de personne. Mais à quoi bon ? On ne peut pas trouver une réponse individuelle à un problème qui est collectif. Le travail, c’est ce que l’on accomplit individuellement mais qui nous affecte collectivement.

Et les jeunes, dans tout cela ?

« Aujourd’hui, l’employé n’est même plus dans la honte d’être exploité, il est dans la hantise de ne pas être exploitable » dit Aktouf. Caron rappelle que les jeunes se font compétition afin d’obtenir des stages qui ne seront même pas rémunérés. Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec, déplore que 62% des jeunes soient dans des situations atypiques au travail, soit un travail à temps partiel, à contrat, précaire, etc. Le portrait qu’ils brossent du marché du travail canadien est déplorable. Avons-nous à baisser les bras et l’accepter sans mot dire ?

Le mouvement syndical canadien est une expression de la démocratie. « C’est un lieu de débat et d’échanges. Les syndicats ont comme mission de travailler à une société plus juste et plus équitable », a dit Chabot. Cette mission revient aussi à nos élus. Nous sommes en droit d’exiger plus du pouvoir exécutif. Exigeons que les parlementaires se soucient des véritables personnes, plutôt que des entreprises qui n’ont qu’une personnalité juridique, mais pas d’âme.


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