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Dans la Faculté de musique, les orchestres réduits au silence par la pandémie

En même temps que le reste du Québec, en mars dernier, la Faculté de musique de McGill a été prise de court par le confinement.

Margaux Brière de la Chenelière | Le Délit

En même temps que le reste du Québec, en mars dernier, la Faculté de musique de McGill a été prise de court par le confinement. Alors que les étudiant·e·s devaient initialement quitter le pavillon Strathcona pour une seule journée, cette absence s’est prolongée deux semaines, puis une session, pour finalement durer jusqu’à ce jour.

Il est toutefois vite apparu à l’administration que les étudiant·e·s en musique ne pourraient pas fonctionner complètement à distance, contrairement aux étudiant·e·s des autres facultés. En temps normal, il·elle·s disposent de salles de pratique sur le campus, qu’il·elle·s peuvent utiliser avec ou sans réservation. Ces cubicules sont particulièrement importants pour ceux et celles qui vivent en colocation ou dans des blocs appartements, puisqu’on attend de la plupart des étudiant·e·s inscrit·e·s au programme qu’il·elle·s s’exercent plusieurs heures par jour. 

La décision a donc été prise, dès le mois de mars 2020, d’ouvrir les salles de pratique malgré le confinement. Afin de respecter la limite au nombre de personnes permises dans le pavillon Strathcona, un système de réservation obligatoire a été mis en place, dont la complexité a causé de nombreux maux de tête aux étudiant·e·s. Il a été difficile, à certaines périodes, de trouver des places disponibles tant le service était en demande.

L’enseignement de la musique se prêtant assez mal à la vidéoconférence, il est aussi apparu nécessaire de maintenir des sessions en présentiel entre les étudiant·e·s et les professeur·e·s. En revanche, le choix était donné à tous les professeur·e·s d’enseigner à distance s’il·elle·s jugeaient que c’était plus sécuritaire. 

À partir du mois de septembre 2020, plusieurs professeur·e·s ont pu avoir accès à de plus grandes salles de classe afin de réduire les risques de transmission. Lors des cours, l’étudiant·e et l’enseignant·e se trouvent aux deux extrémités de la classe et sont séparé·e·s par un écran de plexiglas. Le port du masque n’est en revanche pas obligatoire chez les chanteur·se·s pour permettre à l’enseignant·e de repérer certaines tensions de la mâchoire, des mauvais plis dans le cou ou dans le visage.

Les purificateurs d’air et les horaires alternés entre les collègues du Département de musique se révèlent particulièrement utiles pour prévenir la transmission aérienne entre le passage des différents étudiant·e·s. À la fin du semestre, la mise en place de ces dispositifs devrait permettre aux étudiant·e·s de se produire en récital et de montrer le fruit de leur travail, qui s’est en grande partie fait de façon individuelle.

Les défis de la distance

Bien que les étudiant·e·s du Département de musique subissent généralement moins de stress de performance depuis le début du confinement, il·elle·s doivent maintenant s’autodiscipliner et s’imposer des défis qui leur sont propres. Annamaria Popescu, cantatrice et enseignante de chant à McGill, explique que la motivation dans ses classes varie d’un·e étudiant·e à l’autre. Alors que certain·ne·s restent à l’affût des places laissées vacantes par les nombreux·ses musicien·ne·s ayant quitté la profession depuis le début de la pandémie, d’autres ont été démoralisé·e·s par l’absence de concerts, des projets concrets qui les aidaient auparavant à passer au travers du semestre.

« J’essaie, dans mon enseignement, d’aider les élèves à trouver en eux leur propre rigueur, leur propre capacité d’expression vocale »

Annamaria Popescu

Ariane Martel, une ancienne étudiante de McGill, enseigne partiellement en ligne à des élèves du deuxième cycle au collège Regina Assumpta. Elle constate que le contexte moins académique de l’école à la maison rend difficile un apprentissage efficace. La jeune enseignante doit composer avec les décalages occasionnels entre le son et l’image, en plus de garder attentif un auditoire pouvant être distrait par les bruits de leur famille. 

Silence dans les ensembles

Si plusieurs activités ont pu être adaptées pour être maintenues malgré la pandémie, il demeure très difficile de jouer de la musique en groupe, une activité essentielle à presque tout curriculum musical. Toutes les pratiques ou représentations à plusieurs ont été annulées dès le début de la pandémie, et il a fallu attendre neuf mois avant d’entendre à nouveau le son des ensembles. Cette absence s’est fait particulièrement sentir pour les élèves, puisque c’est à travers les ensembles qu’il·elle·s pouvaient socialiser avec leurs collègues. 

Depuis janvier, il est à nouveau possible pour les étudiant·e·s de se produire en ensemble, mais en respectant de strictes mesures de distanciation sociales. Des écrans de plexiglas ont été installés dans les salles de concert, et ceux et celles qui le peuvent sont priés de garder leur masque. Évidemment, le nombre de musicien·ne·s autorisé·e·s à participer est limité.

« Du 12 mars jusqu’à cette session, je n’ai eu aucune expérience d’ensemble »

Carmina Franco, étudiante en troisième année

Pour l’avenir, rien est certain. Les perspectives d’emplois dans le milieu de la musique sont évidemment limitées en raison du contexte pandémique, et il n’est pas dit que les choses reviendront rapidement à la normale. Ceux et celles qui souhaitent faire carrière en musique doivent composer avec les impondérables d’une situation sanitaire réduisant leur horizon de carrière.

Dans les ateliers de développement professionnel, obligatoires pour tous·tes, on enseigne cette année des stratégies pour réussir à travailler même en temps de pandémie. Les étudiant·e·s ont donc été instruit·e·s, la semaine dernière, sur l’organisation de concerts professionnels en vidéoconférence et de performances à l’extérieur. La distanciation sociale oblige également la chorale à se réorganiser. Bientôt, un ensemble d’étudiant·e·s pourrait chanter dans un même espace, sans pour autant revivre l’expérience physique du chœur.

Carmina devait appliquer dans des conservatoires à l’international pour perfectionner sa pratique dès l’an prochain. Finalement, elle croit qu’elle ne sera pas capable de le faire aussi tôt, et elle craint qu’un grand nombre d’étudiant·e·s choisissent comme elle de remettre à plus tard leurs études. Cela aurait pour effet, suppose-t-elle, d’augmenter la compétition pour entrer dans deux ans. Un autre étudiant, inscrit dans le programme d’enseignement de la musique, a confié au Délit que la pandémie avait « précipité » sa décision de ne pas poursuivre en musique et de changer de branche à la fin de son baccalauréat.

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