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Brève grève à la Faculté de droit

Le mandat de grève ciblée a été levé après une semaine. 

Gabrielle Genest | Le Délit

Les étudiant·e·s de la Faculté de droit de l’Université McGill ont voté en faveur d’une grève ciblée les 29 et 30 janvier derniers. La grève se voulait un moyen de pression pour inciter les quatre professeur·e·s de droit qui donnaient uniquement leurs cours en présentiel à offrir des accommodements hybrides ou des alternatives satisfaisantes pour les étudiant·e·s. Des lignes de piquetage non contraignantes se sont formées devant les cours ciblés par la grève et ont été traversées en moyenne par deux tiers des étudiant·e·s inscrit·e·s à ces cours. Le mandat de grève a été levé par l’Association des étudiant·e·s en droit (AÉD) le 6 février, une semaine après son entrée en vigueur.

→ Voir aussi : Les origines du vote de grève

Une grève ciblée

Deux questions référendaires ont été posées au corps étudiant de la Faculté de droit durant la fin de semaine du 29 janvier dernier. L’une portait sur l’assentiment à la grève et l’autre sur les modalités de la grève. En effet, trois options de grève étaient proposées aux étudiant·e·s : la grève générale, la grève partielle et la grève ciblée. 

La grève générale aurait impliqué un refus des étudiant·e·s d’assister aux cours de façon synchrone, peu importe si les cours étaient en présentiel ou en ligne. Tous les cours, même ceux qui offraient des accommodements hybrides satisfaisants, auraient été ciblés par une grève générale. Quant à la grève partielle, elle aurait plutôt interdit aux étudiant·e·s d’assister à tout cours en personne. Les étudiant·e·s auraient toutefois pu assister aux cours de façon synchrone, à distance. Enfin, la grève ciblée impliquait un refus d’assister aux cours n’offrant pas d’enseignement hybride, affectant uniquement les étudiant·e·s inscrit·e·s à ces cours. 

« Au matin du lundi 31 janvier, quatre cours étaient visés par le mandat de grève, dont trois étant des cours de première année »

Le taux de participation au référendum a atteint 72,7%, une augmentation significative par rapport aux 19% du précédent référendum de l’AÉD qui portait sur la mise à jour de sa constitution. Parmi les participant·e·s, 56,6% ont voté en faveur d’une grève, et la grève ciblée a été l’option victorieuse. Au matin du lundi 31 janvier, quatre cours étaient visés par le mandat de grève, dont trois étant des cours de première année. 

En entretien avec Le Délit, la vice-présidente Affaires académiques de l’AÉD Charlotte Sullivan a affirmé qu’en voyant les résultats du référendum, elle savait que sa lutte allait être plus difficile que si une grève générale ou partielle avait été votée. En effet, a‑t-elle ajouté, ces deux dernières options auraient impliqué la participation de l’ensemble du corps étudiant. Dans sa foire aux questions publiée dans les jours menant au vote, l’AÉD avait précisé qu’elle souhaitait que la grève soit forte et témoigne de solidarité avec les étudiant·e·s affecté·e·s par l’absence d’accommodements hybrides. L’association rappelait que la force d’une grève est celle du nombre et sa « faiblesse, dans les demi-mesures ». 

Mobilisation étudiante

Des lignes de piquetage ont été installées devant les salles de classe du pavillon Chancellor Day qui accueillaient les cours ciblés par la grève. Selon les lignes directrices sur le piquetage partagées par l’AÉD, les piqueteur·se·s étaient prié·e·s de ne pas user de violence verbale ni de force physique pour empêcher les étudiant·e·s d’accéder à leurs cours, de ne pas interrompre ou déranger les cours et de ne pas chanter ni crier dans les couloirs de la Faculté. Selon les informations recueillies par Le Délit, la seule consigne qui n’aurait pas été respectée est celle interdisant les chants. Toutefois, selon la v.-p. Affaires académiques Charlotte Sullivan, aucune sanction disciplinaire n’a découlé des actions des lignes de piqueteage pendant la grève. 

Le Délit a pu observer l’une des lignes de piquetage du 3 février, à l’extérieur d’un cours de première année. Environ les deux tiers des étudiant·e·s (37 sur 60, selon l’un·e des piqueteur·se·s) avaient traversé la ligne pour assister à ce cours. Selon la v.-p. Affaires académiques Charlotte Sullivan, ce ratio des deux tiers était la norme pour tous les cours ciblés par la grève. « C’est certain que c’est décevant, […] surtout qu’une grève se veut un effort de solidarité avec les personnes qui ne peuvent assister à leurs cours », a dit la v.-p. au Délit. Selon elle, un grand nombre des étudiant·e·s ayant traversé la ligne de piquetage – la majorité étant en première année – s’inquiétaient des répercussions que la grève aurait sur leur éducation. 

Gabrielle Genest | Le Délit Ligne de piquetage devant un cours de première année à la Faculté de droit, le 3 février 2022.

Des étudiant·e·s des années supérieures ont tenté de pallier ces inquiétudes en organisant des discussions dirigées par les pairs en ligne pour certains des cours de première année ciblés par la grève. Diana Stepner, étudiante de quatrième année, a coordonné deux de ces séances destinées aux personnes qui voulaient respecter le vote de grève, étaient malades ou ne se sentaient pas à l’aise d’assister au cours en présentiel. Une dizaine d’étudiant·e·s ont participé à la première de ces discussions qui suivaient la matière indiquée au plan de cours pour ces dates, selon Diana Stepner. 

Consentement et communication

Ciblant quatre cours à son début le lundi 31 janvier, le mandat de grève a été levé le mardi pour l’un d’entre eux. Les trois cours restants étaient des cours de première année. L’un d’entre eux a été retiré des cours ciblés le mercredi en soirée. Le mandat de grève pour les deux cours restants a été levé avec l’annonce de la fin de la grève, le dimanche 6 février en soirée. 

Le retrait des cours de la liste du mandat de grève était dû au consentement des étudiant·e·s ou à une clarification des accommodements disponibles. Le premier cours a été retiré puisque les étudiant·e·s qui avaient exprimé des doléances par rapport aux accommodements avaient pu se retirer du cours, comme il n’était pas obligatoire ; toutes les autres personnes inscrites s’étaient montrées satisfaites des mesures en place. Quant aux autres cours ciblés, une meilleure communication des mesures offertes ainsi que l’assurance des instructeur·rice·s ciblé·e·s de respecter certaines demandes de l’AÉD – notamment une modification de la politique de participation afin de permettre la participation en ligne pour des absences à long terme dans l’un des cours ciblés – auraient entraîné la levée du mandat de grève.

« Certain·e·s [étudiant·e·s] auraient reçu des informations contradictoires sur les accommodements offerts au sein d’un même cours »

En effet, selon Charlotte Sullivan, certain·e·s professeur·e·s ciblé·e·s considéraient que leur mode d’enseignement était flexible, mais les étudiant·e·s n’étaient pas certain·e·s de ce que cette flexibilité impliquait. Certain·e·s auraient reçu des informations contradictoires sur les accommodements offerts au sein d’un même cours, et d’autres avaient des inquiétudes liées à la confidentialité, craignant que les informations qu’il·elle·s devraient partager pour obtenir des accommodements compromettraient leur statut dans la classe ou de futures lettres de recommandation. L’AÉD s’est donc entretenue avec les professeur·e·s en question afin d’établir quelles étaient les mesures en place ainsi que le degré d’anonymat qu’elles offraient ; ces mesures, une fois clarifiées, auraient alors été communiquées aux étudiant·e·s. Cette explication des accommodements disponibles aurait suffisamment apaisé les inquiétudes des étudiant·e·s pour qu’il·elle·s en soient satisfait·e·s. La communication entre les étudiant·e·s affecté·e·s, les professeur·e·s ciblé·e·s par la grève et l’AÉD a donc été un élément-clé de la résolution de la grève, selon la v.-p. Affaires académiques.


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