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Réparer le vol colonial ?

Le rapport Savoy-Sarr préconise la restitution des œuvres d’art africaines exposées dans les musées français.

Béatrice Malleret | Le Délit

En date du vendredi 23 novembre 2018, le rapport Savoy-Sarr est déposé auprès du président de la République française, Emmanuel Macron. Le processus de restitution des œuvres africaines exposées dans les musées français, initié par le chef d’État l’année passée, a atteint un point critique avec la remise du document. L’économiste sénégalais Felwine Sarr et l’universitaire française Bénédicte Savoy furent employés pour rédiger un rapport sur sa planification et sur les détails de son exécution.

90 000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne seront restitués

Des chiffres sont publiés : quelques 90 000 objets d’art d’Afrique sub-saharienne seront restitués dans un plan de trois phases dont la date finale reste encore à voir. Le document fait polémique et le président doit bientôt déclarer ses intentions face à celui-ci. En Europe, les débats seront ardents et l’atmosphère restera tendue jusqu’à ce que déclaration soit faite de la part du gouvernement français.

Un problème d’ambiguïté

Par le temps qui sépare l’acquisition des œuvres en question et leur situation actuelle, un problème linguistique se présente. Sarr et Savoy écrivent dans leur rapport  : « L’une des questions à laquelle nous avons immédiatement dû faire face dès le début de la mission est le sens que nous devrions donner au terme ‘restitution’ ». La signification de certains mots et de certains concepts a visiblement été embrouillée par le temps, surtout ceux qui se rattachent aux possessions, tels que « patrimoine » ou « archives ». Les auteurs ont également dû réfléchir à ce que le président de la république insinuait par « restitutions temporaires » et « restitutions permanentes » lors de son discours au Burkina Faso en novembre 2017, où il déclara son intention de restituer à l’Afrique son patrimoine culturel en France. Savoy et Sarr semblent préconiser les restitutions pérennes avant tout. S’ajoute à l’ambigüité des concepts la fréquente impossibilité de retracer l’origine des œuvres en question. Il n’existe pas de registre sur l’origine exacte de plusieurs objets. C’est que le pillage de l’Afrique ne fut pas très méthodique.

Une polémique

« Macron a décidé de rendre des œuvres d’art au Bénin. C’est une faute qui met en péril ces œuvres mieux protégées en France et visibles par tous, mais c’est l’ouverture de revendications tous azimuts qui vont créer des crises y compris entre Européens. » Ce tweet écrit par Jacques Myard, membre honoraire du parlement français, représente une peur commune à plusieurs Français quant au sort des objets restitués. Il semble raisonnable d’avoir confiance en la capacité du gouvernement français à assurer la sécurité des objets remis. Mais même s’il fallait qu’ils soient détruits dans leur retour au bercail, l’art africain provient de mains africaines et c’est dans celles-ci qu’il devrait retourner. Au Quai Branly, il n’y a que l’Afrique morte, l’Afrique empaillée. Un art qui assouvit des regards curieux et distants.

Au lendemain d’une ère coloniale sanglante, les peuples des différents pays africains doivent se redéfinir ; un œil rivé sur l’avenir et un sur le passé. Donner des repères à ce regard coincé, c’est rendre vie à l’art africain. Pour que l’Afrique puisse à nouveau puiser son identité de son art et pour que son art puisse puiser son identité de l’Afrique : un échange équitable. Un échange qui n’est pas colonial…


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