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La DPS baillonnée

Des documents administratifs de McGill qui fuitent sur Internet entraînent une vive réaction de la part de l’Université.

Le 3 mars dernier, un site Internet fonctionnant selon le système des lanceurs d’alerte anonymes a été mis en ligne. Ce site, prenant exemple sur le désormais célèbre WikiLeaks, agissait sous l’intitulé McGillLeaks. Il avait comme mission avouée de publier, lors des trois semaines à venir, des centaines de documents plus ou moins confidentiels traitant des donateurs et des partenaires industriels de l’Université et de leur rôle dans le financement et l’orientation de la recherche à McGill.

D’après McGillLeaks, la publication de ces documents aurait pour but de rétablir une plus grande transparence administrative, ainsi que d’informer la communauté étudiante quant à la nature des recherches (et de leur financement) entreprises à McGill, notamment dans les domaines épineux de la défense, de la pharmacie et de la biotechnologie.

L’administration a réagi promptement. Dès mardi, les documents publiés sur McGillLeaks avaient été mis hors ligne et le vice-principal aux relations externes, Olivier Marcil, annonçait que les documents avaient été obtenus de manière illégale, que cela constituait donc un crime et que, par conséquent, la police avait été contactée tandis que l’administration conduirait une enquête interne.

La réaction de l’Université ne s’est malgré tout pas arrêtée là. Le McGill  Daily s’est retrouvé face à une lettre d’avocat les menaçant de poursuite au civil suite à la publication d’un article sur leur site Internet le lundi 5 mars dans la soirée. L’article en question, rédigé par Erin Hudson, rapportait les faits en précisant le lien URL du site.

Il aurait été difficile de justifier l’absence d’articles sur un sujet aussi sensible que celui-ci dans l’une des plus grosses publications étudiantes du campus. Il aurait surtout été déplorable que la communauté étudiante n’en soit pas informée. Le 5 mars au soir, la Daily Publication Society (DPS) –organe de presse étudiant et indépendant– et Erin Hudson ont reçu un courrier du cabinet McCarthy Tétrault qui les informait que l’Université McGill les enjoignait de modifier leur article en ligne, sous peine de poursuites au civil.

D’après la lettre de l’avocat, les documents publiés auraient été « volés et obtenus illégalement par McGillLeaks » et leur publication représenterait un délit. Le courrier exige donc que le Daily « retire tout lien sur le site Internet mcgilldaily​.com qui redirigerait les utilisateurs vers le site [de McGillLeaks] » et les « somme de ne pas publier de tel lien sur le site delitfrancais​.com ».
En plus de cette injonction visant à réduire le trafic vers le site de McGillLeaks et empêcher une pratique déclarée illégale, la lettre demande aussi à la DPS de « supprimer immédiatement toute référence faite à ces documents et informations, ainsi que d’effacer tout commentaires faits sur ceux-ci ». L’Université a donc tenté d’utiliser les moyens mis à sa disposition afin d’empêcher l’organisme de publication indépendant de rapporter des faits relatifs à la vie sur le campus et aux relations entre les étudiants et leur administration.

Suite à la réception de cette lettre, la DPS s’est concertée avec Maître Bergman (son avocat depuis 1989) pour voir comment gérer la situation de manière appropriée. De cette concertation, il est ressorti plusieurs réponses aux problématiques posées par ce courrier, ainsi qu’une lettre de Maître Bergman à l’encontre de Maître Michel Gagné , qui représente l’Université McGill au sein du cabinet McCarthy Tétreault.

Dans le communiqué officiel de la DPS, publié le 12 mars, la direction de la société de publication explique que cette dernière « s’abstiendra de publier l’adresse internet, un hyperlien ou n’importe quel autre lien internet donnant accès aux documents de McGillLeaks », s’abstiendra de « rapporter les faits ou d’exprimer une opinion quant au contenu des documents McGillLeaks et se réfrènera de reproduire lesdits documents », mais que, malgré tout, la DPS « continuera à rapporter, commenter et exprimer son opinion quant aux faits relatifs à l’existence de McGillLeaks, ainsi que sur la réaction de l’Université McGill par rapport à la publication de ces documents  et sur l’enquête de l’Université relative à McGillLeaks et la fuite de ces documents ».

La DPS a donc choisi de se soumettre aux injonctions directes de l’équipe légale de l’administration de McGill concernant la publication de liens directs vers McGillLeaks ou les documents publiés par McGillLeaks, et à l’interdiction de commenter directement le contenu des documents qu’elle aurait obtenu dans le domaine public (Internet).

Malgré tout, la DPS refuse d’être réduite au silence total par l’administration mcgilloise de laquelle, par ailleurs, elle ne dépend pas et a choisi de continuer à rapporter les faits relatifs à cette affaire qui reste d’une haute importance pour la vie des étudiants sur le campus, ainsi que pour leur relation vis-à-vis de l’administration.


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