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Mark Carney resserre les liens Canada-Mexique

Entrevue exclusive avec Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique.

Valentin Pelouzet | Le Délit

Le jeudi 18 septembre, Mark Carney foulait pour la première fois le sol mexicain en tant que premier ministre du Canada. Deux jours d’intenses discussions plus tard, il repartait de Mexico avec une déclaration commune de la présidente Claudia Sheinbaum et la promesse d’un « partenariat stratégique global ». Ce dernier s’articule autour de quatre piliers principaux : la prospérité économique, la mobilité, la sécurité et l’environnement. Cette annonce majeure a été faite dans le contexte d’une inquiétude grandissante face à l’instabilité de la politique américaine. Afin de clarifier les enjeux de la visite du premier ministre, Le Délit a pu s’entretenir avec Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique et diplômé de l’Université McGill.

Un moment décisif dans la relation bilatérale

« Le moment choisi pour cette visite était très stratégique. Il n’y a aucun doute qu’au cours de la dernière année, en raison des tarifs imposés par les États-Unis, la relation entre le Mexique et le Canada était très tendue (tdlr) », explique l’ambassadeur MacKay. Lesdites tensions ne provenaient pas seulement de Washington – elles avaient également été alimentées par les déclarations du premier ministre de l’Ontario Doug Ford, selon qui le Canada devrait exclure le Mexique de l’accord de libre-échange nord-américain (ACEUM).

« Le moment choisi pour cette visite était très stratégique. Il n’y a aucun doute qu’au cours de la dernière année, en raison des tarifs imposés par les États-Unis, la relation entre le Mexique et le Canada était très tendue »

Cameron MacKay, ambassadeur du Canada au Mexique

Dans ce climat crispé, la visite de Mark Carney apparaît comme une tentative de réconciliation, en vue non seulement de la renégociation prochaine de l’ACEUM, mais aussi de la Coupe du monde de soccer 2026, qui sera organisée conjointement par les trois pays. L’ambassadeur souligne que « le premier ministre a pris une sage décision en choisissant de mettre fin à ces tensions dès maintenant ». Le geste est d’autant plus nécessaire que les économies des deux pays sont profondément liées – le Canada étant le cinquième partenaire commercial du Mexique, et le Mexique le troisième du Canada.

Le spectre américain en arrière-plan

Si le Canada et le Mexique ont intérêt à collaborer, la visite de Carney est toutefois partiellement dictée par la relation turbulente des deux pays avec les États-Unis. La présidence de Donald Trump, marquée par un très fort protectionnisme, a fragilisé l’équilibre nord-américain et incité ses partenaires à trouver d’autres alliances. « Les deux gouvernements [canadien et mexicain] réalisent aujourd’hui qu’ils doivent diversifier leurs échanges commerciaux vers de nouveaux marchés. Du point de vue canadien, la plupart de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis, et nous devons intensifier nos échanges avec d’autres pays, notamment le Mexique ». L’ambassadeur ajoute que « le Canada estime qu’il peut encore apprendre à mieux connaître, à explorer le Mexique – et le Mexique a exactement la même conviction ».

Lors de leur conférence de presse conjointe, Sheinbaum et Carney ont d’ailleurs été interrogés sur la possibilité qu’un accord plus avantageux avec les États-Unis les détourne de leur collaboration bilatérale. Un Carney catégorique a répondu que « le Canada était absolument engagé à collaborer avec ses deux partenaires ». Sheinbaum, quant à elle, a affirmé que « [le Canada et le Mexique] travailleront ensemble, sans l’ombre d’un doute ».

Au terme de cette visite, le Canada et le Mexique ont envoyé un message fort, celui d’une volonté commune de bâtir une relation stable et durable. Dans un environnement régional incertain, ce partenariat stratégique pourrait marquer un tournant décisif pour l’Amérique du Nord.


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