Aller au contenu

Grève à Air Canada : résolution atteinte ?

L’accord d’Air Canada « ne règle pas le fond du problème » selon les agents de bord.

Si jamais les abeilles venaient à disparaître un jour, il faudrait au moins quelques années pourque le monde cesse de tourner. Dans le cas d’une grève chez Air Canada, il ne faut que quelques jours.

Comme toutes les grèves, celle-ci est naturellement née de la frustration et de l’indignation des employés de la compagnie aérienne – là, il s’agit de plus de 10 000 agents et agentes de bord, dont les revendications sont nombreuses. Il faut savoir qu’ils ne sont pas rémunérés dès leur arrivée à l’aéroport. En effet, ils doivent d’abord passer par la sécurité ; puis effectuer le contrôle de sécurité, accueillir les passagers à bord, placer les valises et les sacs dans les compartiments supérieurs, préparer les repas à l’arrière de l’avion et procéder à la séance d’information concernant une éventuelle évacuation. Mais ce n’est qu’à partir du moment où l’avion se dirige vers la piste (le pushback) que le personnel d’Air Canada commence à être rémunéré.

Détail à ne pas négliger : en 25 ans, les salaires des employés de la compagnie nationale canadienne n’ont augmenté qu’une seule fois, à hauteur de 10%. Une augmentation de 3 dollars par heure donc, ne faisant pas le poids face à une inflation qui bondit de 170%. « Les autorités refusent d’écouter. Elles préfèrent perdre 60 millions de dollars en seulement trois jours plutôt que de nous payer équitablement. Cela montre à quel point elles accordent peu d’importance aux personnes qui font tourner l’ensemble du système », s’exaspère Émilie*, une agente de bord d’Air Canada, que j’ai interrogée.

Grève et conséquences

Le 18 août, après trois jours de grève, le mouvement est déclaré « illégal » par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), qui ordonne au corps des agents de bord de reprendre le travail. Une injonction catégoriquement refusée par les grévistes, qui n’entendent pas se laisser intimider. Beaucoup dénoncent un conflit d’intérêts de la part des autorités : Maryse Tremblay, la patronne de la CCRI, a servi comme conseillère juridique chez Air Canada pendant près de 7 ans.

Cette grève impacte plus de 600 vols, bloquant des centaines de milliers de voyageurs aux quatre coins du monde. « Mon retour au Canada était prévu pour le 18 août, mais il a été annulé. Nous avons alors contacté Air Canada et ils nous ont reprogrammé un vol pour le 22 », témoigne, exaspéré, Alain*, un étudiant de McGill. Mais que pensent les agents de bord d’Air Canada de la frustration des voyageurs ? « Sur le plan personnel, je me sens vraiment mal pour les passagers, beaucoup se rendaient à des événements importants. Mais à un moment, il faut savoir se défendre, sinon, on nous demandera simplement d’accepter en silence d’être sous-payés », explique Émilie. Tous ces rendez-vous ratés, ces vacances interrompues, ou, au contraire, prolongées, suscitent effectivement la colère et l’impatience des passagers d’Air Canada – mais pas tous. « J’arrive à comprendre d’une certaine manière les revendications des grévistes, malgré le fait que je sois affecté à un niveau personnel. Les travailleurs devraient être payés correctement et personne ne devrait être privé de ses droits », reconnaît Alain.

Objectifs « définitivement pas » atteints

Malgré la fin de la première grève en 40 ans des agents de bord, le 19 août dernier à la suite d’un accord entre Air Canada et le syndicat, la satisfaction est loin d’être partagée. Bien au contraire, elle est purement unilatérale. « Nous n’avons définitivement pas atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Après avoir fait grève, on nous a proposé une augmentation salariale de 8% et une compensation de 38%, accompagnées d’avantages qui, en réalité, n’augmentent pas notre salaire. Ces avantages sont agréables, mais ils ne règlent pas le problème de fond : des salaires qui ne sont pas adaptés à l’augmentation du coût de la vie », s’indigne Émilie.

Pendant ces trois jours de grève, des années de frustration se sont libérées dans les rues et devant les aéroports. Le 19 août, les agents de bord d’Air Canada se sont mis en route vers l’aéroport, mais, cette fois, avec des uniformes repassés, des lacets serrés et des valises prêtes. Jusqu’à, sans doute, la prochaine grève, tant que l’équipage Air Canada ne sera pas satisfait…

*Noms fictifs.


Dans la même édition