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La sortie

Le poème acéré.

Elissa Kayal
  1. La sortie

Je me sens comme du papier peint qu’on arrache
Dans une gare où les enfants s’effritent
Au vent des derniers trains
Des dernières lunes poudrées
Du silence de la marée
Dans la marée

Je me demande pourquoi je ne peux pas simplement
Manger une banane
Ou boire un café
Sans être jugé comme élitiste mâle cis privilégié hétéronormatif

Je me demande comment faire
Pour toucher tes côtes sans m’excuser

Je voudrais pouvoir chevaucher une baleine
Sans avoir honte ni peur
Que ce soit la dernière

Dormir sous le ciel échoué des baleines
Les étoiles les ventres qui tombent
Sur la plage qui échoue
Les gaz des soleils des estomacs
Des effets de serre
Qui nous retombent aux visages qui
Nous aspergent l’égo de sang qui
S’asphyxient les attentes
D’une dernière chevauchée
De notre dernière sortie

Nous sommes condamnés
Aux caniveaux douillets
Aux oreillers infinis de Xannax

Je ne sais plus comment couper un arbre
Je ne sais plus où couper
Plus personne ne sait

Je cours j’essaie
J’essaie de me rappeler
La caresse savonneuse de ma grand-mère

Je ne distingue plus les cheveux des feuilles tes doigts
Les salles d’attentes de psychologues

Nous allons partir
Nous nous sommes endormis dans cette gare
Où les enfants n’arrivent plus
Où les vieillards ne se lavent plus
Nous allons avoir besoin de silence
D’églises
Et d’une doublure

Pour qu’ils croient que nous sommes toujours là
Pour que personne ne s’inquiète

Pour réapprendre à toucher le visage de nos parents


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