Presque quatre mois après la défaite du Parti conservateur aux élections fédérales, la droite canadienne peut enfin se réjouir d’une victoire. Pierre Poilievre, chef du parti, retrouve sa place au Parlement après avoir perdu la circonscription ontarienne de Carleton en avril dernier contre le libéral Bruce Fanjoy. Avec l’annonce de sa victoire écrasante le 19 août aux élections partielles dans Battle River-Crowfoot, dans l’est rural de l’Alberta, Poilievre s’apprête à défier Mark Carney et les libéraux, comme il l’avait fait face à Justin Trudeau. Pour autant, Poilievre n’est pas au bout de ses peines. Avec une présence libérale renforcée à Ottawa, il retrouve un parlement dans lequel les rapports de force ont été bouleversés par les élections du printemps dernier.
Retour au premier plan
La défaite électorale historique subie par les conservateurs a brièvement suscité un débat sur l’avenir du parti, et, par conséquent, sur celui de Pierre Poilievre. Certains conservateurs modérés, tels que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, ou encore son homologue de l’Alberta, Jason Kenney, ont été considérés comme de possibles remplaçants de Poilievre. Aujourd’hui, la situation a évolué. Il semblerait que Poilievre ait retrouvé le soutien inconditionnel de son parti. La décision du parlementaire Damien Kurek de démissionner, qui a déclenché cette élection partielle, est d’ailleurs symbolique d’un parti uni derrière son chef. En effet, la circonscription de Battle River–Crowfoot est une victoire assurée pour les conservateurs, qui n’ont jamais récolté moins de 70% des voix depuis sa création en 2013. Le message est donc clair : Pierre Poilievre est bel et bien l’avenir du parti.
« Le Parti conservateur est maintenant confronté à un choix : se distancer de la rhétorique populiste portée lors de l’élection, ou la renforcer »
Il faudra encore confirmer cette légitimité fin janvier 2026, lors de la convention nationale du Parti conservateur, dont la constitution prévoit des élections obligatoires lorsque le chef du parti perd une élection.
Nouveau plan d’attaque ?
Après une stratégie de campagne reposant sur le porte à porte dans une région agricole loin de la capitale, Poilievre retrouve un environnement politique qui lui est bien plus hostile. En plein affrontement avec l’administration Trump, la majorité parlementaire voit en Poilievre et ses partisans un parallèle avec le président américain et ses fidèles. Le Parti conservateur est maintenant confronté à un choix : se distancer de la rhétorique populiste portée lors de l’élection, ou la renforcer.
Selon Colin Scott, professeur de sciences politiques à l’Université Concordia, il y a différentes leçons à retenir vis-à-vis du succès de cette stratégie aux dernières élections : « D’un côté, cette stratégie a permis au parti de récolter plus de votes et de gagner de nombreux sièges, notamment au détriment du NPD (de 120 à 144). De l’autre, elle a été incapable de vaincre la stratégie libérale d’appel au bloc face à Trump. (tdlr) » Il explique cela par une recherche de « professionnalisme politique » des électeurs pour contraster le trumpisme ; un professionnalisme que Poilievre aurait visiblement du mal à incarner. Colin Scott explique alors que le défi du chef conservateur sera maintenant de « repenser la stratégie nationale pour qu’elle cesse d’exclure les plus modérés », gardant en tête les prochaines élections.