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Dilemme : CV, économies ou plaisir ?

Que font les étudiants de McGill pendant leur été ?

Clément Veysset | Le Délit

Pour certains, l’été est synonyme de vacances, pour d’autres, il signifie plutôt une période propice pour gagner de l’argent ou améliorer son CV.

Le Délit s’est entretenu avec trois étudiant·e·s de McGill sur leurs projets d’été 2023. Détente, travail ou stage, pour eux, c’est un vrai dilemme. Parmi les doutes, les « que vais-je faire cet été ? », la pression des annonces LinkedIn et les peurs de ne pas réussir à payer ses études, son loyer ou encore ses propres vacances, les étudiant·e·s doivent faire des choix.

Gagne-pain

Étant donné qu’en première, deuxième ou troisième année de baccalauréat à McGill, les étudiant·e·s n’ont généralement pas assez d’expérience ni de qualifications pour être rémunéré·e·s en travaillant dans le domaine lié à leurs études, il leur faut se rabattre sur un emploi alimentaire. Les étudiant·e·s travaillent majoritairement dans le domaine des services et commerces comme les cafés, restaurants ou encore les supérettes. Le Délit a passé une entrevue avec Morgane, une étudiante de McGill travaillant dans une crêperie de Montréal pendant l’été. Elle dit être rémunérée d’un salaire horaire de 12,20 dollars et précise que l’obtention des pourboires font, selon elle, la majorité de son salaire.

Ce genre de salaire est considéré comme étant une bonne rémunération pour un emploi dans la restauration. Il permet à l’étudiant·e de payer l’épicerie, ses loisirs et déplacements, mais il n’est malheureusement pas suffisant pour payer les plus gros frais comme le loyer. En outre, ce dernier est une charge en hausse de 3% à 4% en 2023 au Québec. Le salaire minimum nécessaire pour une personne vivant seule au Québec est d’environ 27 948 dollars canadiens par an à Montréal. Mais, en plus de devoir surveiller leurs dépenses et respecter un budget, les étudiant·e·s doivent penser à leurs frais de scolarité – qui représentent, eux aussi, une facture assez salée.

Lors d’une entrevue avec Mason, étudiant en psychologie, sciences du comportement et environnement à McGill, la question du plaisir à été mise en avant. Souhaitant combiner plaisir et travail, Mason a choisi de travailler pour le service des parcs de sa ville natale, Whitehorse, dans le Yukon. Mason dit vouloir faire ce travail d’été « parce qu’en plus d’être thérapeutique, il me rend heureux et il paie bien (tdlr) ».

Pour Mason, « la priorité numéro un est d’économiser suffisamment d’argent pour passer l’année universitaire sans avoir à contracter de prêts ». Une année scolaire de baccalauréat pour un étudiant de nationalité canadienne mais non québécois revient à la somme conséquente de 11 426,28 dollars canadiens. Pour Mason, le Territoire du Yukon, le gouvernement du Canada ainsi que sa banque parentale lui offrent une aide financière. Afin de s’organiser, il fait un budget chaque été, dans lequel il tient compte de ses revenus et dépenses prévus pendant l’été et pendant l’année universitaire. Cela lui donne une idée de sa marge de manœuvre financière et lui permet de savoir s’il aura besoin d’un travail à temps partiel pendant l’année scolaire. Malgré cette organisation calculée, son été « serait nul si je ne sortais pas pour quelques voyages de camping ou si je ne me permettais pas une petite bière de temps en temps ». Mason conclut qu’évidemment, ce serait bien de voyager tout l’été ou de faire du bénévolat, « mais ce ne sont pas des options réalistes étant donné que mon objectif principal est d’obtenir un diplôme, pas des dettes ».

« Mon objectif principal est d’obtenir un diplôme, pas des dettes »


Mason, étudiant à McGill

Expérience professionnelle

Au-delà du besoin vital de recevoir un salaire, certains étudiant·e·s cherchent à faire un stage dans le domaine de leurs études afin d’acquérir de l’expérience et d’améliorer leur CV. Et pour cause : en sortant de l’université, les dossiers des étudiant·e·s ayant fait un stage pendant leur cursus sont généralement mis en avant. Benjamin, un étudiant de McGill entrant en troisième année, a échangé avec Le Délit sur ses incitations et motivations. Stagiaire dans un centre de recherche de sciences politiques à Bordeaux, l’idée de faire un stage n’était pas forcément une évidence, mais plutôt une pression. Il explique : « On est dans une période de notre vie où il faut expérimenter. » Ne sachant pas quel métier il souhaite exercer plus tard – comme la grande majorité des jeunes de vingt ans –Benjamin a pour but d’explorer, de découvrir « pour voir si la recherche en sciences politiques serait quelque chose qui pourrait l’intéresser ». Toutefois, Benjamin se garde deux mois de vacances après son stage rémunéré.

Cette pression dont Benjamin parle, est la même que celle qu’a ressenti Hugo, étudiant stagiaire journaliste chez Écran du Monde à Bordeaux. Elle ne provient pas – malgré ce que l’on a tendance à penser – de la famille, mais plutôt d’une exigence vis-à-vis de soi-même et d’une compétition intra-étudiante. Pour beaucoup, le réseau se construit grâce à LinkedIn, et ses dizaines de publications par jour décrivant en détails les bienfaits de chaque expérience professionnelle. Dans ces publications, on retrouve sans cesse des phrases comme : « Je suis extrêmement reconnaissant·e d’avoir pu contribuer et apprendre… » Ces stages doivent tout de même être à la hauteur, car, pour Hugo, il ne s’agit pas d’accepter un stage quelconque, mais de réellement trouver quelque chose de pertinent, d’autant plus s’il n’est pas rémunéré.

Outre l’académique

Pour d’autres, qui ont décidé de mettre leur CV de côté pour un été, une culpabilité de ne rien faire se crée. C’est le cas de Sophie, une étudiante qui entame sa quatrième année à McGill. Elle a vécu, comme beaucoup d’étudiant·e·s, les exigences de mettre en avant sa carrière professionnelle dès le jeune âge de 18 ans, sans même encore savoir vers quoi se dirigerait cette carrière. Pourtant, elle a décidé d’aller voir « le monde réel pour contraster avec ses études très théoriques » en sciences environnementales. Ne souhaitant pas rester deux à quatre mois assise à un bureau pour passer sa journée « à faire des photocopies » lors d’un soi-disant stage, elle a choisi de travailler dans des cadres différents, en étant nourrie et logée, et d’apprendre quelque chose de manuel, ce qu’elle nomme « vrai ». Elle postule donc dans des endroits insolites, comme une auberge qui propose des camps de surf au nord de l’Espagne, pour des périodes plus courtes. Cela lui permet de voyager, un sac à dos sur les épaules. 

« Pourtant, elle a décidé d’aller voir ‘‘le monde réel pour contraster avec ses études très théoriques’’ en sciences environnementales »

Reste-t-il un dilemme : CV ou plaisir ? Quand, pour certain·e·s, le choix est radical, d’autres se culpabilisent de leur choix, parce qu’en faisant un choix, ils mettent de côté un rêve ou une opportunité de carrière. Dans tous les cas, peu importe comment les étudiant·e·s auront choisi de passer leur été, il·elle·s seront tous·tes de retour en salle de classe début septembre.


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