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Le Délit, passerelle linguistique ?

Célia Pétrissans | Le Délit

Il y a près d’un mois, l’Office québécois de la langue française (OQLF) lançait la Vitrine linguistique, une nouvelle plateforme en ligne rassemblant les contenus associés aux sites de la Banque de dépannage linguistique (BDL) et du Grand Dictionnaire terminologique (GDT). La Vitrine linguistique fusionne les filtres de recherche auparavant distincts de la BDL et du GDT afin de centraliser les ressources linguistiques francophones et d’en faciliter l’accès. On peut y trouver des réponses aux questions relatives à la syntaxe, au vocabulaire, aux emprunts à l’anglais, des guides à la rédaction, mais aussi des méthodes facilitant l’apprentissage de la langue française.

La vitrine concrétise en quelque sorte l’idée de rendre visible le français dans la société tout en le démocratisant et en le rendant plus accessible. Cette initiative de l’OQLF part sans doute d’une volonté de réduire l’impression d’exclusivité liée à la bonne connaissance de la langue de Molière, notamment chez les nouveaux·elles apprenant·e·s qui doivent composer avec la mémorisation des règles de grammaire regorgeant d’exceptions. En ce sens, les six mois prévus par la loi 96 pour permettre aux immigrant·e·s d’apprendre cette nouvelle langue – après lesquels l’État prévoit de fournir des services uniquement en français – sont largement insuffisants. La connaissance d’une nouvelle langue est intrinsèquement liée à la lente appréhension des us et coutumes d’une société, de ses valeurs et de sa culture. La volonté de doter le français au Québec d’une « vitrine linguistique », n’est-ce pas déjà lui donner le statut d’une langue exclusive, en affirmant du même geste qu’elle est complexe et difficile d’approche ?

Il n’est pas question ici de remettre en cause le bien-fondé des ressources linguistiques mises à disposition par le BDL et le GDT. Cependant, la manière avec laquelle on met de l’avant le français a un impact sur les représentations collectives entourant sa pratique. Est-ce que la langue « commune » du Québec, telle que définie par la Charte de la langue française, est aussi démocratique et accessible qu’on le prétend ?

Le Délit, seul journal francophone de l’Université McGill, agit comme une vitrine linguistique du français à l’échelle réduite d’un campus majoritairement anglophone. Sans avoir pour but de mettre en avant la richesse de la langue française, nous y participons indirectement par la publication d’articles qui reflètent des problématiques liées à la communauté francophone de McGill. Notre rôle principal, c’est d’agir comme porte-voix des enjeux liés à la francophonie, tout en s’assurant de ne pas éclipser les enjeux qui touchent également les communautés anglophones et allophones sur le campus. Le Délit doit demeurer un univers invitant et ouvert qui valorise les différentes manières d’expression du français. La manière avec laquelle on s’exprime ne transparaît pas seulement à l’oral et à travers nos usages linguistiques ; la langue, fondée sur un agrégat de pratiques plutôt que sur un modèle unifié, est au fondement même de nos représentations du monde. Le Délit se doit d’être le vecteur de transmission écrite de ces diverses représentations. 


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