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À la recherche de la vie sur Mars

Entrevue avec Lyle Whyte, professeur et chercheur en microbiologie à McGill.

Photo fournie par Lyle Whyte

Professeur au département des ressources naturelles de l’Université McGill et chercheur à l’Institut spatial Trottier de McGill, Lyle Whyte est spécialisé dans le domaine de la microbiologie. Il mène notamment des recherches dans l’Arctique canadien. Cet été, son équipe a publié un article sur une découverte qui pourrait aider à la recherche de la vie sur Mars.

Le Délit (LD): Quelle définition pouvez-vous nous donner de l’astrobiologie ?

Lyle Whyte (LW): C’est une branche des sciences planétaires. Elle devient particulièrement utile lorsqu’on parle
des rovers qui atterrissent sur Mars pour y chercher de la vie, ou des orbiteurs qui se rendent sur Jupiter. Prenons l’exemple de Mars : nous savons qu’il y a environ quatre milliards d’années, cette planète était plus chaude et plus humide qu’elle ne l’est maintenant, ce qui signifie qu’il y avait probablement de l’eau à sa surface. Nous savons qu’il a dû se passer quelque chose pour causer un échappement atmosphérique. À la suite de cet événement, Mars aurait commencé à devenir de plus en plus froide et sèche ; et depuis environ deux milliards d’années, elle l’est complètement. Nous ne connaissons pas de micro-organismes terrestres qui pourraient survivre sur la surface de la planète Mars, mais nous pouvons envisager des écosystèmes microbiens qui pourraient habiter sous sa surface, dans des endroits froids et salés où l’on pourrait trouver de l’eau liquide.

LD : Quel est le but de vos recherches ?

LW : La plupart de nos recherches sont effectuées à la Station de recherche arctique de McGill (MARS) qui se trouve sur l’île Axel Heiberg [au Nunavut, ndlr]. Nos recherches se concentrent sur des questions comme : « Quelles sont les limites de températures froides dans lesquelles peut survivre la vie microbienne sur cette planète ? » ou « Quels sont les effets des micro-écosystèmes sur les émissions de gaz à effet de serre provenant du réchauffement rapide de certains environnements, notamment le pergélisol ? ». La planète Mars et les lunes Europe et Encelade [lunes de Jupiter et de Saturne respectivement, ndlr] sont les principales cibles de la recherche de la vie extraterrestre dans notre système solaire, et sont également connues pour leurs environnements glaciaux. Ainsi, les microbes que nous trouvons dans l’Arctique canadien nous guident dans la recherche de la vie dans ce type d’endroits.

LD : Grâce en partie à vos recherches, pensez-vous qu’il serait un jour possible de trouver de la vie sur Mars ?

LW : En tant que scientifique, je suis formé pour être neutre et objectif. Il y a environ quatre mois, nous [le groupe de recherche du Pr Lyle Whyte, ndlr] avons publié un article révélant une découverte faite sur l’un de nos sites, une source saline très froide dans l’Arctique canadien, appelée Lost Hammer Spring. Elle contient de l’eau liquide extrêmement salée, et c’est un environnement anaérobique, c’est-à-dire qui ne contient aucun oxygène. Lorsque nous avons effectué ces recherches, nous avons découvert quatre ou cinq groupes de micro-organismes qui, selon nous, pourraient exister sur Mars, vivant sur Terre dans cette source saline très froide et sans oxygène. Une découverte de plus pour répondre à cette question, sans doute !

LD : De 2013 à 2018, vous avez participé à la mission ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne, une mission qui a pour but de chercher des traces de vie sur Mars. Quel a été votre rôle au sein de ce projet international ?

LW : J’ai notamment fait partie du groupe de travail sur la sélection du site d’atterrissage du rover. Cette mission a réuni 25 scientifiques du monde entier. Nous devions évaluer les meilleures propositions pour l’atterrissage du rover sur Mars afin d’avoir la meilleure chance de trouver de la vie.

LD : À votre avis, pourrait-on bientôt voir un humain poser un pied sur Mars ?

LW : Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’avoir des êtres humains à la surface de Mars va grandement améliorer les recherches scientifiques. Ce sera probablement votre génération qui ira sur Mars, donc si vous envisagez d’y aller, il reste encore du temps pour candidater !

LD : Petite question cinéma pour finir : Seul sur Mars avec Matt Damon, ça vous paraît réaliste ?

LW : Oui, c’est un film de très bonne qualité ! Si vous comparez avec tous les films qui ont été faits pour recréer une mission vers Mars, c’est probablement le meilleur en termes d’exactitude. À l’exception du dénouement, bien sûr. Mais la partie du film qui a lieu à la surface de la planète me semble assez réaliste.


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