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 Sur la voie de la réconciliation

Un temps pour réfléchir et honorer les victimes du système des pensionnats autochtones.

Natacha Papieau | Le Délit

Le vendredi 30 septembre dernier a eu lieu la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, créée en 2013. À l’occasion de cette journée de commémoration nationale, les Canadien·ne·s sont invité·e·s à se souvenir des enfants autochtones qui ont été envoyés de force dans des pensionnats entre 1863 et 1996 et des milliers qui y ont laissé la vie, victimes de violences, de mauvais traitements ou d’absence de soins. La date du 30 septembre marque aussi la Journée du chandail orange (Orange Shirt Day), créée en 2013 par Phyllis Webstad, membre de la communauté Stswecem’c Xgat’tem et survivante du système des pensionnats autochtones.

À l’occasion de cette journée, l’Université McGill a organisé la quatrième édition de l’événement « Skàtne Entewathahìta » ou « Nous marcherons ensemble » devant le pavillon de la Faculté d’éducation. Plusieurs membres du corps professoral, autochtones ou impliqué·e·s dans les initiatives autochtones de l’Université, ont pris la parole. Des performances musicales d’artistes autochtones ont été réalisées, suivies d’un salon d’information interactif mettant de l’avant les initiatives autochtones au sein et au-delà de l’Université.

Après la reconnaissance territoriale, plusieurs orateur·rice·s se sont succédé·e·s pour discuter du thème de l’éducation comme solution pour la réconciliation et pour témoigner de leurs expériences. Denis Wendt, professeur assistant au Département de psychopédagogie et de psychologie du counseling de la Faculté d’éducation, a rappelé les paroles de Murray Sinclair, ancien commissaire en chef de la Commission de vérité et réconciliation du Canada : « L’éducation est la clé pour la réconciliation (tdlr). » Marie-Hélène Pennestri, professeure assistante au sein de la Faculté d’éducation, a ensuite rappelé que l’éducation n’est pas seulement le temps passé en classe, mais englobe aussi la culture en général (musicale, littéraire, cinématographique) et les expériences vécues et entendues. Ainsi, « promouvoir la réconciliation par l’éducation », c’est aussi, selon elle, repenser « les outils pédagogiques » pour qu’ils « reflètent l’histoire de ces enfants et de ces familles » qui ont été marqués par le système des pensionnats autochtones.

« Beaucoup de la réthorique est positive, mais n’est pas suivie par l’action »

Denis Wendt, professeur assistant au Département de psychopédagogie et de psychologie du counseling

Le Délit a rencontré Stephen Peters, directeur du Bureau d’éducation des peuples Inuits et Autochtones de l’Université McGill, un des programmes présents sur place. Il nous a rappelé l’importance que des « organismes comme McGill construisent des partenariats robustes avec des organisations autochtones ». Son programme, offrant plus de 50 cours mcgillois au sein de communautés autochtones au Québec en partenariat avec ces dernières, en est un exemple.

« La réconciliation est une ligne infinie »

Aneeka Anderson, l’une des intervenantes lors de la cérémonie, étudiante inuite à McGill et assistante en communication au sein des Initiatives Autochtones (un programme créé pour fédérer les projets des communautés autochtones à McGill), nous a dit que cette journée représente pour elle « un temps de réflexion pour voir comment nous pouvons avancer ». Selon elle, « il faut travailler sur le système éducatif » et « instruire les gens pour leur rappeler les conséquences du système des pensionnats autochtones et leurs impacts persistants ». « Il reste beaucoup de travail à faire, mais le premier pas a été fait », a‑t-elle ajouté. De son côté, Denis Wendt a rappelé que « la réconciliation est une ligne infinie (tdlr) » et que « dans notre contexte, beaucoup de la rhétorique est positive, mais n’est pas suivie par l’action ». Il faut donc, selon lui, assurer « la responsabilité des politiciens » vis-à-vis de leurs déclarations et de leurs engagements, car c’est « par le haut que les choses les plus importantes peuvent arriver ». En effet, sur les 94 appels à l’action du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, livré en 2015, seuls 13 ont été mis en œuvre. Ce comité, créé en 2008 par le gouvernement canadien, avait pour mission de sensibiliser la population aux séquelles du système des pensionnats autochtones et de livrer ses recommandations pour avancer vers la réconciliation entre les communautés autochtones et tous les Canadiens.

« C’est mentalement, physiquement, émotionnellement épuisant de devoir se battre pour prouver que nos vies comptent »

Lara Kramer, artiste multidisciplinaire et chorégraphe issue de la nation Oji-Crie

« Chaque enfant compte »

Cette cérémonie a été suivie par la deuxième édition de la marche « Chaque enfant compte » (Every Child Matters) organisée par le Foyer des femmes de Montréal et Résilience Montréal, à laquelle l’Université a invité ses étudiant·e·s à prendre part. Le Délit s’est rendu sur place. Steve McComber, un aîné de la nation Kanien’kehá:ka y a prononcé le mot d’ouverture : « Je pense qu’une fois que la vérité sera connue, ça aidera les gens à se rencontrer et à se réconcilier. On ne peut pas changer ce qui est arrivé dans le passé, mais
on peut certainement travailler pour améliorer le futur (tdlr)
». Cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation doit donc « commémorer et faire connaître au monde entier ce qui est arrivé », a‑t-il souligné. Cet événement est selon lui un début positif : « Quand j’entends le premier ministre parler du jour de la vérité et de la réconciliation, je me dis “très bien”, mais ce n’est que le début ». Lara Kramer, artiste multidisciplinaire et chorégraphe issue de la nation Oji-Crie, a ajouté dans son discours : « Nous amenons la vérité, mais c’est mentalemment, physiquement, émotionnellement épuisant de devoir se battre pour prouver que nos vies comptent (tdlr) ».

Dans l’un des derniers discours, Elisapie Isaac, autrice, compositrice, interprète et réalisatrice inuite a déclaré « ne pas vouloir perdre cette humanité à laquelle [elle] veut encore croire au Québec ». « On est peut-être malades, mais avec le temps, peut-être dans quelques générations, on va être guéris. Mais, pour aller vers cette guérison, on a besoin d’être entendus » a‑t-elle conclu.


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