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Uni·e·s pour le Dr Wang

Le Groupe d’Action Wallenberg se mobilise pour faire avancer la cause du prisonnier politique chinois Wang Bingzhang. 

Parker Le Bras-Brown | Le Délit

Le jeudi 16 septembre dernier avait lieu le premier événement d’envergure du Groupe d’Action Wallenberg (GAW), réunissant virtuellement nombre d’étudiant·e·s, de professeur·e·s, de député·s fédéraux·ales et d’activistes dédié·e·s à la cause de la libération du docteur Wang Bingzhang. Diplômé de la Faculté de médecine de l’Université McGill, ce dernier est maintenu en isolement cellulaire dans une prison chinoise depuis 2002, lorsqu’il a été condamné dans un simulacre de procès pour les « activités terroristes violentes » que constituait, selon le Parti communiste chinois (PCC), son militantisme en faveur des droits humains et de la démocratie.

Le GAW, créé cet été, est affilié au et travaille en cause commune avec le Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne, fondé et présidé par le professeur émérite de la Faculté de droit de McGill, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada Irwin Cotler. Composé d’étudiant·e·s en droit de l’Université McGill, le GAW a annoncé avoir adopté le cas et la cause du Dr Wang le 31 juillet dernier. Depuis, le groupe se mobilise pour exiger du gouvernement chinois sa libération, notamment en publiant au cours des dernières semaines un livre blanc et un éditorial dans le quotidien National Post. Le GAW a également réuni cinq député·e·s des principaux partis politiques fédéraux du Caucus parlementaire multipartite des droits de l’homme Raoul Wallenberg pour adopter la cause du Dr Wang : Elizabeth May du Parti vert, Garnett Genuis du Parti conservateur, Judy Sgro du Parti libéral, Alexis Brunelle-Duceppe du Bloc Québécois et Heather McPherson du Nouveau Parti démocratique.

La parole à la famille

Après une brève présentation par Jeremy Wiener, directeur du GAW et hôte de cette réunion virtuelle, l’événement du 16 septembre, qui s’est déroulé en direct sur Facebook, a commencé en donnant la parole à la famille du Dr Wang Bingzhang. Wang Bingwu, Ti-Anna Wang et Times Wang, respectivement le frère, la fille et le fils du Dr Wang, se sont prononcé·e·s sur leur combat de longue date pour faire libérer leur être cher. 

Ému par moments, Wang Bingwu a raconté l’histoire de son frère : premier citoyen chinois à obtenir un doctorat en Amérique du nord depuis la Révolution culturelle, il a abandonné sa carrière médicale afin d’oeuvrer pour la démocratie et la justice en Chine. À ce sujet, Dr Wang aurait dit à son frère : « Je pourrais guérir quelques personnes avec mon scalpel […], mais, maintenant, je vais saisir mon scalpel révolutionnaire et entailler toutes les plaies qui affligent la nation. » 

Ti-Anna Wang, diplômée de la Faculté de droit de McGill en 2017, a de son côté parlé de ses plaidoyers envers les gouvernements américain et canadien. Elle a tenté jusqu’à maintenant, sans succès, d’obtenir l’intervention personnelle d’un chef d’État auprès des plus hautes sphères du gouvernement chinois pour la libération de son père, qu’elle n’a pas vu depuis plus de dix ans. 

Quant à Times Wang, avocat comme sa sœur, il tenait à noter l’importance de ne pas cadrer la situation de son père comme illustrant une lutte entre la Chine et l’Ouest. Ce discours de « propagande » serait celui adopté par le PCC. Selon le fils du prisonnier politique, il faudrait plutôt voir la situation comme une lutte entre le PCC et les valeurs démocratiques. L’absence de règle de droit, illustrée par l’autorité du PCC prévalant sur celle des lois écrites, est précisément selon lui ce qui rend si difficile de plaider des causes comme celle de son père.

Une lutte non-partisane

La parole a ensuite été accordée tour à tour aux cinq membres du Caucus parlementaire multipartite des droits de la personne Raoul Wallenberg. La députée libérale Judy Sgro, ayant dès 2003 souligné l’enjeu que posait l’emprisonnement du Dr Wang, a affirmé l’importance de continuer à « attaquer » la Chine sur le dossier des prisonnier·ère·s politiques. Elle a également rappelé que deux autres citoyens canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, étaient actuellement détenus en Chine. Le conservateur Garnett Genuis a quant à lui souligné l’urgence de faire progresser la démocratie et les droits humains en Chine à la lumière de la crise des Ouïghours et de la répression des voix dissidentes. Le bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe a pour sa part affirmé que la cause du Dr Wang est celle de la démocratie et que la liberté d’expression des citoyen·ne·s chinois·es devrait être la même que celle des citoyen·ne·s québécois·e·s. La néo-démocrate Heather McPherson a déclaré que le Dr Wang est un membre de la famille mcgilloise et de la famille canadienne et que le Canada, comme nation, devait faire tout ce qu’il pouvait pour le libérer. Enfin, la leader parlementaire du Parti vert Elizabeth May a souligné la solidarité de son parti avec tous·tes les prisonnier·ère·s politiques, comme le Dr Wang, les « deux Michael » et ceux·elles arrêté·e·s à Hong Kong pour leurs revendications démocratiques. Elle a conclu en faisant un parallèle entre la situation du Dr Wang et celle de Nelson Mandela, libéré après 27 années d’emprisonnement, pour souligner que la libération de l’activiste pro-démocratie chinois n’est pas une cause sans espoir et que rien n’est impossible. Tous·tes les député·e·s ont souligné leur admiration pour le courage dont fait preuve la famille du Dr Wang. 

« Parodies de justice »

Le professeur mcgillois Frédéric Mégret, spécialiste en droit international des droits de la personne, a été invité pour résumer les arguments juridiques de la cause du Dr Wang tels que présentés dans le livre blanc du GAW. « Il y a des procès injustes et il y a des parodies de justice », a entamé le professeur Mégret. La détention incommunicado, l’impossibilité de faire appel à un·e avocat·e avant son procès, l’ignorance des charges soulevées contre lui et l’interdiction de parler à son propre procès seraient des violations des droits du Dr Wang qui attaquent le cœur de la justice : selon le professeur, son procès n’était que « mascarade ». 

Au-delà des violations de traités internationaux, le professeur Mégret met en évidence l’incapacité du système judiciaire chinois d’être à la hauteur de ses propres idéaux et de respecter les normes qui, du moins sur papier, sont garanties. « Il ne reste pas grand-chose derrière ce procès si ce n’est l’hostilité avérée du régime au travail du Dr Wang en faveur de la démocratie et des droits humains », a‑t-il résumé. Il conclut en notant les conditions particulièrement cruelles de la détention du Dr Wang, l’isolement cellulaire étant reconnu par plusieurs organes de protection internationale des droits humains comme un traitement dégradant et inhumain, et même, lorsqu’il est prolongé, comme une forme de torture. 

Une répression à plus grande échelle

Le dernier orateur de l’évènement, le professeur émérite Irwin Cotler, a caractérisé le Dr Wang comme le « père fondateur » du militantisme pour la démocratie en Chine. Son emprisonnement, selon le professeur, reflète « l’autoritarisme global renaissant » que personnifie le Parti communiste chinois contemporain et que redoutait le Dr Wang. 

Cet autoritarisme, aux dires du professeur Cotler, se manifeste aujourd’hui par le ciblage des groupes que le PCC appelle lui-même « les cinq poisons » : les Ouïghours, Hong Kong, les Falun Gong, les Taiwanais et le Tibet. En plus des atrocités de masse commises notamment contre les Ouïghours, cet assaut contre la démocratie de la part du PCC comprend également la restriction de la liberté de presse en Chine et l’emprisonnement de ressortissant·e·s canadien·ne·s en guise de réponse politique au Canada, dont l’obéissance à un traité d’extradition a été qualifiée par le PCC comme étant « vile, inadmissible et mauvaise ». Le professeur Cotler n’a pas hésité à utiliser ces  mots contre le régime chinois : « Ce qui est vil, inadmissible et mauvais est la détention injuste et la torture continue du Dr Wang Bingzhang. » 

« Ce qui est vil, inadmissible et mauvais est la détention injuste et la torture continue du Dr Wang Bingzhang » 

Prof. Irwin Cotler

Le professeur Cotler a conclu son discours avec une liste d’initiatives à prendre :

  1. Renouveler la pétition au Groupe de travail sur les détentions arbitraires de l’ONU ;
  2. Faire des représentations aux agences spécialisées de l’ONU engagées dans la lutte contre l’emprisonnement illégal et la torture du Dr Wang ;
  3. Faire des représentations au Conseil des droits de l’homme de l’ONU afin qu’il cesse de considérer la candidature de la Chine parmi ses membres ;
  4. Internationaliser le militantisme parlementaire pour le Dr Wang ;
  5. Faire des représentations directes aux autorités chinoises ;
  6. Imposer des sanctions Magnitzky contre ceux·elles impliqué·e·s dans l’emprisonnement du Dr Wang ;
  7. Engager la société civile dans le mouvement pour la libération du Dr Wang. 


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