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Départ de Husayn Jamal

Le Délit s’entretient avec le président sortant du conseil législatif de l’AÉUM.

AÉUM

Le 31 janvier 2020, Husayn Jamal renonçait officiellement à ses fonctions en tant que président (speaker, en anglais) du conseil législatif de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM, SSMU en anglais). Il fait cependant encore partie du Comprehensive Governance Review Committee (CGRC). Le Délit s’est entretenu en exclusivité avec lui pour discuter de son expérience, des raisons de son départ, de la situation de l’AÉUM et de ses conseils pour Lauren Hill, nouvelle présidente du conseil.

Le Délit (LD) : Peux-tu nous expliquer quand et comment tu es devenu président du conseil ?

Husayn Jamal (HJ) : Oui, absolument. J’ai commencé à travailler pour l’AÉUM à l’automne 2017, ma première année à McGill. J’étais à l’assemblée générale de l’AÉUM de l’automne 2017. C’était quand Jad El-Tal était encore président du conseil, et il était en train de présider l’assemblée générale. Il y a alors eu un appel à la démission de la part du conseil judiciaire [organe juridique chargé de faire respecter la Constitution de l’AÉUM, ndlr] présenté contre Jad, et Jad a décidé de démissionner. J’ai postulé à la nouvelle position de président dès que l’emploi est redevenu disponible, et on m’a embauché en tant que vice-président. Le président était Nicholas Dolmat, l’année 2017–2018. L’année suivante, en mai 2018–2019, les rôles se sont inversés. Je suis devenu président et Nich Dolmat, vice-président, parce qu’il allait partir pendant un semestre à l’étranger.

LD : Peux-tu brièvement nous expliquer en quoi consistait ton rôle de président ?

HJ : Mon rôle était de présider les conseils législatifs qui se déroulent toutes les deux semaines, ainsi que les assemblées générales et les réunions du conseil d’administration. Dans ce rôle, je devais faire en sorte que les règles soient suivies, que personne – que ce soit dans ou en dehors du conseil – ne fasse quoi que ce soit qui aille à l’encontre de nos règlements internes ou notre constitution. J’agissais aussi comme point de contact entre la presse étudiante et le conseil étudiant. J’étais responsable d’informer la communauté de n’importe quel imprévu, comme d’un changement de salle. À part cela, je me chargeais aussi de superviser la logistique générale du conseil législatif.

De plus, je me chargeais d’administrer la politique de conflit d’intérêt de l’AÉUM. Normalement, c’est le directeur général qui le fait. Mais à cette période, l’AÉUM n’avait pas de directeur général. Donc ce travail m’a été transféré. Je présidais aussi les comités de responsabilité et de direction. Le comité de responsabilité reçoit des plaintes à propos des exécutifs de l’AÉUM et fait une évaluation de ces exécutifs une fois par an. Le comité de direction se charge principalement de construire l’agenda pour les réunions du conseil législatif et du conseil d’administration.

LD : Qu’as-tu aimé de ton travail en tant que président ?

HJ : J’aimais le fait de pouvoir interagir avec les étudiant·e·s et de faire en sorte que des discussions importantes soient portées. Un grand nombre d’étudiant·e·s ne s’intéressent pas à l’AÉUM ou ne savent même pas ce que c’est, et c’est donc très épanouissant lorsqu’un·e étudiant·e prend la parole et soulève une inquiétude, et l’on peut l’aider dans le processus. Le semestre dernier, par exemple, j’avais aidé C‑JAM (Climate Justice at McGill) à écrire la motion pour une grève générale d’une journée, parce que c’était la première fois qu’ils·elles faisaient cela.

Je me chargeais de superviser la logistique générale du conseil législatif 

LD : Quelle était, selon toi, la partie la plus difficile de ton travail en tant que président ? 

HJ : Je dirais que la chose la plus difficile, professionnellement, était de gérer les débats portant sur des sujets controversés au conseil législatif. Le conseil législatif a un format très public. Les règles sont construites de façon que les gens restent cordiaux, et en général ne se fâchent pas trop. Mais très souvent les gens se fâchent justement parce que les règles sont là, parce qu’elles peuvent empêcher le débat. Ceci dit, je suis beaucoup plus content si les gens sont fâchés contre moi et la façon dont je fais respecter les règles que s’ils·elles étaient fâché·e·s entre eux·elles. Donc, accepter le fait que les gens soient fâché·e·s contre moi pour le simple fait de faire mon travail était, professionnellement, une chose difficile à accepter, initialement.

LD : À l’inverse, quelle était la partie la plus agréable ? 

HJ : Je dirais que ce sont ceux·elle·s avec lesquel·le·s je travaillais. Il est très facile pour les clubs et étudiant·e·s d’être frustré·e·s de la façon dont l’AÉUM fonctionne, et de son inefficacité. Je reconnais complètement que c’est une perception que les gens ont. Mais presque toutes les personnes avec lesquelles je travaillais, presque tout·e·s mes collègues au bureau – qu’ils·elles soient au département de communication, de comptabilité, de ressources humaines, d’opérations – étaient pour la plupart des personnes merveilleuses, à qui les problèmes étudiants et le fonctionnement de l’AÉUM importaient véritablement. Et donc les gens avec qui je travaillais étaient absolument la meilleure partie.

LD : Ne devient-on pas frustré·e, lorsqu’on fait face à des sujets controversés en tant que président·e, et que l’on ne peut pas donner son opinion ? 

HJ : Oui, ce peut être frustrant, lorsque nous sommes dans la septième heure d’un conseil législatif qui se prolonge jusqu’à parfois deux heures du matin. Et je suis assis en essayant de faire respecter les règles d’une façon juste, d’une façon qui respecte le droit de chacun·e d’être entendu·e. Car tout le monde, au conseil – que ce soient le conseiller·ère·s, les membres de l’exéctif ou les membres du public – a le droit de contribuer. Tout le monde sauf moi. Donc, oui, cela peut être difficile et un peu frustrant parfois durant le conseil. Mais ce qui m’aide beaucoup, personnellement, est qu’après les réunions, nous allons au Tim Hortons avec deux de mes collègues. Cela aide vraiment et c’est donc très important d’avoir ce réseau de soutien.

J’aimais le fait de pouvoir interagir avec les étudiant·e·s et de faire en sorte que des discussions importantes soient portées

LD : Peux-tu nous dire pourquoi tu as décidé de démissionner ?

HJ : Je suis dans mon dernier semestre, j’obtiens mon diplôme en avril. Donc plusieurs choses m’ont mené à démissionner. D’abord, mon contrat de travail était en théorie pour environ 12 heures par semaine. Au cours du semestre d’automne 2019, je travaillais en réalité autour de 22 heures par semaine. Je prends aussi le maximum de cinq cours chaque semestre. Cela fait donc beaucoup, de travailler vingt-deux heures, car en plus du travail à proprement parler il y a la charge émotionnelle liée à l’AÉUM à traiter, et toute l’atmosphère politique qui l’entoure. Ceci était particulièrement épuisant pour moi.

Il y avait plusieurs raisons pour lesquelles je devais travailler autant en tant que président. D’abord, le manque de directeur général, à l’AÉUM, faisait qu’une quantité importante de travail était déléguée à d’autres personnes comme moi. Ensuite, le manque d’un bâtiment de l’AÉUM [la fin de la rénovation du bâtiment de l’AÉUM est prévue à la fin de ce semestre, ndlr] faisait que je devais travailler quelques cinq heures additionnelles par semaine. Pour chaque conseil législatif, nous devions porter trois tables pliables du bâtiment de l’AÉUM jusqu’à McConnell 603. De même pour tous les microphones, tout l’équipement sonore, à récupérer au bâtiment Brown. Je devais aussi prendre un Uber et aller à Midnight Kitchen pour chercher à manger pour le conseil législatif. C’était environ une heure d’aller-retour. Après le conseil législatif, de plus, il fallait ranger les tables et l’équipement, et les remettre à leur place au bâtiment Brown et au bâtiment de l’AÉUM. Je devais aussi personnellement mettre toute la vaisselle utilisée par le conseil législatif dans le lave-vaisselle au bâtiment Brown. Les grands conteneurs en plastique, je devais les laver à la main, car ils ne rentrent pas dans le lave-vaisselle. Donc, il y avait beaucoup plus de travail que ce que les gens pensent généralement. Et pour mon dernier semestre, je voulais prioriser mes études et prendre un repos de la gouvernance étudiante. Je veux prendre un semestre pour me détendre davantage.

Mon contrat de travail était en théorie pour environ 12 heures par semaine. Au cours du semestre d’automne 2019, je travaillais en réalité autour de 22 heures 

LD : Tu nous as parlé du fait que de nombreux·ses étudiant·e·s ne connaissent pas l’AÉUM et son fonctionnement. Que pourrait faire l’AÉUM pour que les étudiant·e·s se sentent plus concerné·e·s ?

HJ : J’ai eu du mal avec cette question pendant les trois années où j’ai travaillé ici. Car le conseil législatif de l’AÉUM est retransmis en direct sur Internet. En moyenne, nous n’avons qu’autour de dix personnes qui regardent chaque semaine. Ce sont bien sûr dix personnes de plus que celles qui auraient assisté aux débats en personne. Dans la salle du conseil, il n’y a généralement qu’une poignée d’étudiant·e·s qui assistent, à part lorsque nous parlons de sujets controversés. Pour l’affaire des voyages en Israël, par exemple, la salle était remplie. Ces sujets contentieux font que les étudiant·e·s s’engagent. Mais je dirais que c’est le mauvais type d’engagement. Les étudiant·e·s devraient vouloir s’impliquer dans leur association étudiante sans qu’il y ait un scandale. Comment fait-on cela ? En rendant la gouvernance plus facile à comprendre. L’une des choses que j’ai faites en tant que governing documents researcher est de changer la constitution pour permettre à n’importe quel·le étudiant·e de premier cycle de proposer une motion au conseil législatif. Donc, au lieu de devoir attendre jusqu’à une assemblée générale, n’importe quel·le étudiant·e intéressé·e par un sujet spécifique, parmi les 40 000 étudiant·e·s, peut réunir des signatures et présenter une motion. C’est une chose que nous avons proposée et nous espérons que le changement sera adopté avant l’automne prochain.

LD : Maintenant que tu ne fais plus partie de l’AÉUM, quelle est ton opinion sur l’AÉUM ? L’association fonctionne-t-elle proprement pour défendre ses étudiant·e·s ?

HJ : Cela dépend presque exclusivement de l’exécutif chaque année. L’AÉUM peut avoir de très bonnes années et de très mauvaises années. La manière dont l’exécutif travaille en équipe donne le ton non seulement pour les autres membres du conseil législatif mais aussi pour tous·tes les employé·e·s permanent·e·s de l’AÉUM. La façon dont l’exécutif interagit en tant qu’équipe affecte tout le fonctionnement de l’AÉUM. Donc, si une année, les exécutif·ve·s sont sur des côtés opposés du spectre politique, ou s’ils·elles ont des projets différents pour l’AÉUM, il est généralement beaucoup plus difficile d’accomplir quoi que ce soit.

Il y a eu certaines propositions pour résoudre cela au dernier conseil législatif, des propositions sur des façons différentes d’organiser les élections. Actuellement, à l’AÉUM, on élit chaque exécutif·ve individuellement. À Concordia, les gens peuvent faire campagne en tant qu’équipe de six personnes, et on peut voter par équipe. C’est un modèle intéressant. Est-ce que cela fonctionnerait à McGill ? Honnêtement, je ne sais pas. Ensuite, il y a un autre modèle, celui de l’Université Western Ontario. On n’élit qu’un·e président·e et un·e vice-président·e, et le conseil législatif discute des candidatures pour le reste de l’exécutif. C’est un système très similaire à celui de l’AÉFA, ici à McGill. J’ai présenté tous ces modèles au conseil législatif, la semaine dernière, et ils ont détesté les options 2 et 3. Le conseil législatif aime vraiment le modèle que nous avons actuellement à McGill de six ou sept exécutif·ve·s élu·e·s individuellement. Cela donne beaucoup de légitimité démocratique. Cela fait en sorte qu’il n’y ait pas de dynamiques de pouvoir au sein de l’exécutif. Mais est-ce qu’élire six exécutif·ve·s individuellement est bénéfique pour leur travail en équipe ? Je ne crois pas. Pour le moment, nous garderons le même système que nous avons actuellement.

Parker Le Bras-Brown | Le Délit

LD : En terme de coopération entre les exécutif·ve·s, où se situe-t-on cette année ?

HJ : Sur mes trois années à l’AÉUM, cette année a été l’une des plus difficiles en tant qu’employé. Je ne pense que ce soit un secret qu’il y a eu quelques scandales cette année. Le nombre de scandales que traverse l’AÉUM pendant une année a un impact sur le personnel qui y travaille. Et cette année a été particulièrement difficile pour moi en tant qu’employé.

LD : Quels seraient tes conseils pour la nouvelle présidente Lauren Hill ?

HJ : J’ai travaillé étroitement avec Lauren. Elle était secrétaire de séance, donc elle s’asseyait toujours derrière moi durant les conseils législatifs. Le meilleur conseil que je pourrais lui donner est d’avoir pleinement confiance en elle. Lauren a passé un entretien où sa connaissance des règles de l’AÉUM et des Robert’s rules [système de règles de procédure pour les assemblées délibérantes dans la plupart d’Amérique du Nord, ndlr] a été testée. Elle a obtenu le poste, donc elle a dû plutôt bien réussir l’entretien. Elle a donc toutes les compétences, tout le savoir nécessaire. Mon meilleur conseil serait : sois confiante ! Non pas qu’elle ne le soit pas mais je dirais cela à tout le monde car une fois que tu es dans la salle du conseil tu dois être prêt·e à établir les règles. Le rôle du·de la président·e du conseil est de faire appliquer les règles comme elles sont écrites, pour être sûr·e, autant que possible, qu’il y ait un pied d’égalité. Je n’ai aucun doute en ce qui concerne les compétences de Lauren. J’ai travaillé avec elle depuis septembre, elle a été une collègue incroyable.


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