Aller au contenu

Entrevue avec Jamil Azzaoui

Le Délit a rencontré Jamil Azzaoui, candidat pour le Parti vert dans Laurier Sainte-Marie. Il a fait carrière dans l’industrie de la musique comme agent d’artiste et comme chanteur. 

Équipe de campagne Jamil Azzaoui

Le Délit (LD) : Jamil Azzaoui, vous êtes le candidat du Parti vert dans la circonscription de Laurier Sainte-Marie. Qu’est-ce qui a fait en sorte que vous vous êtes joint à cette formation politique ?

Jamil Azzaoui (JA) : La démission du ministre Nicolas Hulot [en France] l’an dernier m’a beaucoup plus choqué que je pensais pouvoir être choqué par un enjeu politique. C’est là que je me suis rendu compte que c’était un choix naturel pour moi que de défendre les couleurs d’un parti qui place l’environnement au centre de ses priorités. L’environnement, c’est ce qui me touche et c’est la seule raison pour laquelle je suis en politique. Pour ce qui est des positions sociales du parti, je crois que c’est clair que c’est un parti social-démocrate, de gauche, et j’ai moi-même toujours été à gauche. Donc le plus à gauche possible, d’autant plus que tout est assez centriste au Canada.

LD : Les libéraux ont fait de la question des droits des Premières Nations l’un des piliers de leurs politiques dans les dernières années. Pourtant, il reste encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir dire que les communautés Autochtones sont traitées de la même façon que le reste des Canadiens. Quelle est votre appréciation du bilan de Justin Trudeau et quels sont les projets de votre parti pour améliorer leurs conditions de vie ?

JA : Tout ce qui a été fait est une bonne chose, mais il faut passer à l’action. Concrètement, rien n’a vraiment été fait. Il y a encore des gens dans les réserves qui n’ont pas d’eau potable ; c’est inacceptable. Notre pays est capable d’envoyer des hommes et des robots dans l’espace, mais nous ne sommes pas capables de donner de l’eau à nos citoyens ? C’est de la mauvaise foi, de la très mauvaise foi. Moi, je dis que tout ce que Trudeau a fait, c’est cosmétique, aussi cosmétique que de s’habiller en hindou quand il va à l’étranger. [Ce qu’il faut faire], c’est le geste de réconciliation, vraiment l’action de réconciliation. Tout ce qu’on a fait à date, c’est de s’excuser bêtement !

LD : Ce printemps, le gouvernement québécois a adopté une loi sur la laïcité, la fameuse loi 21. Quoique ce projet soit plutôt populaire parmi l’électorat québécois, il est décrié par plusieurs au Canada. Quelle est, dans un premier temps, l’opinion de votre parti sur la question et, dans un deuxième temps, que serait-il prêt à faire pour s’y opposer ?

JA : D’abord, il faut savoir que c’est une loi de juridiction provinciale. Donc, on n’a pas du tout à s’ingérer là-dedans, on n’a pas à y répondre. Personnellement, j’ai un passé et des origines qui font que, pour moi, il est très dur d’avoir une opinion sur cette loi-là. Je n’ai pas les mêmes peurs, les mêmes craintes que les Québécois en général, c’est ce que j’ai constaté. Donc, ma position sera de s’abstenir, et la position du parti pour l’instant est également de s’abstenir. On a parlé avec Elizabeth [May] et on lui a fait comprendre qu’on n’avait pas à s’occuper de ça, et je pense que ça a été clairement accepté.

L’environnement, c’est ce qui me touche et c’est la seule raison pour laquelle je suis en politique

LD : Quelles propositions fait votre parti pour améliorer les conditions des étudiants universitaires au pays ?

JA : Ça, c’est un enjeu qui me touche beaucoup, j’ai été propriétaire d’entreprises et je payais toutes les études de mes employés, dans le domaine de leur choix… sur crédit réussi seulement. Le Parti vert est pour la gratuité scolaire et pour [le fait de] plafonner la dette étudiante à 10 000 dollars. Personnellement, la gratuité scolaire, oui, mais je veux y mettre des conditions pour être sûr que l’étudiant ne fasse pas l’enfant gâté avec cette chance-là, que ce ne soit pas de l’argent perdu. Je ne veux pas de changements de programmes ad vitam eternam, j’aimerais ça qu’il y ait un peu de muscle dans cette aide-là, mais la gratuité scolaire, tout à fait d’accord.

LD : Depuis le début du mandat libéral, l’économie se porte plutôt bien. Pourtant, contrairement à ses prédécesseurs, Justin Trudeau a choisi de ne pas chercher à atteindre le déficit zéro. Pensez-vous que ces politiques sont justifiées et viables à long terme ?

JA : Je vais être méchant : c’est la politique d’un enfant gâté qui s’attend à ce que papa paye la carte de crédit ; mais il n’y a pas de papa et pas de carte de crédit. Ça peut bien aller quand on paye 10 milliards de dollars par année. On comprend qu’il faut réinvestir dans l’économie, mais 52 milliards de dollars en quatre ans, alors que l’économie va bien ? C’est de la folie. 

LD : Lors de la dernière campagne, le Parti libéral de Justin Trudeau avait promis de réformer le mode de scrutin. Ce changement avantagerait beaucoup les petits partis, comme le Parti vert ou le NPD, au détriment des gros partis que sont le Parti conservateur et le Parti libéral. Comment est-ce que ce changement pourrait mieux servir les Canadiens selon vous ?

JA : Aucune idée ! Ou plutôt je suis en réflexion. Jusqu’à il y a quelques jours, j’étais en faveur du scrutin proportionnel, mais il semblerait qu’il y a des expériences actuellement qui ne sont pas si géniales que ça. Je n’ai pas la prétention de savoir la vérité sur cet enjeu, et d’ailleurs je ne pense pas que ce soit raisonnable ni nécessaire de demander à tous les députés de tout savoir sur tous les enjeux.

Notre pays est capable d’envoyer des hommes et des robots dans l’espace, mais nous ne sommes pas capables de donner de l’eau à nos citoyens

LD : Si le gouvernement libéral a toujours affirmé qu’il se préoccupait de l’environnement, il n’en demeure pas moins que le bilan du gouvernement a été sévèrement critiqué par beaucoup d’environnementalistes, que l’on parle de l’achat du pipeline Trans Mountain, des énormes subventions à l’industrie pétrolière ou encore des efforts qui n’ont finalement pas été faits pour atteindre les objectifs des accords de Paris. Êtes-vous à l’aise avec le bilan des dernières années ?

JA : C’est clair que je ne le suis pas ! Il n’y a que Steven Guilbeault pour vous dire que c’est le gouvernement qui a fait le plus de réalisations ; tu sais, quand on se compare, on se console ! L’achat de Trans Mountain, ça représente 4,5 milliards de dollars d’argent public, et si on ajoute l’argent que ça va coûter pour le finir, ça va finir aux alentours de 15 à 19 milliards de dollars. On aurait pu prendre tout cet argent-là et simplement le confier aux Albertains pour qu’ils changent, pour qu’ils transforment leur économie de manière à ne plus dépendre des sables bitumineux. Quel homme d’affaires normal mettrait 4,5 milliards de dollars dans une industrie qui, d’ici 2025, va commencer à chuter, parce que d’ici 2025, on va commencer à avoir de plus en plus d’automobiles électriques sur le marché, au même prix qu’une voiture normale et avec une autonomie équivalente. En ce moment déjà, il y a de très nombreuses grandes villes qui investissent pour rendre tout le transport en commun électrifié. Quand ce virage-là va avoir été opéré, à quoi le pétrole va-t-il encore servir ? Peut-être pour faire des dérivés du pétrole, comme du plastique, mais de moins en moins pour faire du fioul. Alors, je pense que c’est une mesure pour servir les grandes entreprises que les libéraux sont là pour représenter, car ils ont toujours été là, il ne faut pas l’oublier, pour représenter les grandes entreprises. Quand ils parlent de soulager la classe moyenne, moi ce que j’entends c’est : « on va éviter une révolution. » J’ai l’impression que c’est moyenâgeux comme manière de faire : « Donnez-leur du pain et des jeux ! » Ça a été moins pire que les conservateurs, parce que les conservateurs étaient catastrophiques. Au pays des aveugles, le borgne est roi.

LD : Dans notre système électoral, les partis de même orientation qui se divisent les votes récoltent beaucoup moins de sièges que s’ils avaient été réunis. Est-ce que vous pensez que la compétition que fait maintenant le Parti vert au NPDnuit à la cause progressiste ?

JA : S’il y a une divergence dans la gauche, c’est parce que le Parti vert  place l’environnement comme priorité. Sans environnement, c’est clair, il n’y a plus rien. Depuis 35 ans, on est la voix des scientifiques. Les scientifiques disent depuis 35 ans qu’il faut agir. Et si ça fait des décennies que les scientifiques sont confrontés à l’indifférence, c’est le Parti vert qui a porté l’espoir pendant tout ce temps. C’est pour ça que nous sommes entendus aujourd’hui et c’est pour ça qu’on se fait voler nos idées, ce qui est très bien. Pour cette raison, on ne peut pas demander au Parti vert de donner les commandes à une autre formation, parce que cette même formation a refusé de s’asseoir pour faire une coalition. On ne peut pas dire qu’on divise le vote, parce qu’on a des opinions différentes, et on représente un mouvement de personnes pour qui l’environnement est la priorité. Le NPD ne représente pas ces gens-là, c’est tout. 


Articles en lien