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Jagmeet Singh à Montréal

Le chef du NPD répond à des questions
sur l’environnement, le Québec et l’immigration.

Nicolas Patoine-Hamel

Le Délit a assisté à une séance de questions avec Jagmeet Singh, organisée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) au centre communautaire St-Jax dans le centre-ville de Montréal. Le but de l’exercice était de faire connaître le chef du parti et sa plateforme électorale aux Montréalais en vue des élections fédérales du 21 octobre prochain. 

La rencontre, plutôt informelle, s’est déroulée dans une atmosphère détendue. Dès l’entrée en scène de Jagmeet Singh, il est devenu apparent que l’auditoire était surtout composé de ses partisans, puisqu’il a été accueilli par des applaudissements longuement nourris. M. Singh a fait des tope-las aux spectateurs assis en première rangée, a remercié la foule et enfin, a proposé de répondre aux questions en français comme en anglais.

Droits humains et immigrants

La séance s’est ouverte avec un appel à la défense des Haïtiens. Une participante a rappelé au chef du NPD que les « Haïtiens sont toujours victimes d’un régime politique corrompu, instable et violent » et lui a demandé d’intercéder en leur faveur au parlement canadien. M. Singh, tout en paraissant compatissant, n’a offert néanmoins aucun engagement concret dans ce dossier.

Il a donné une réponse similaire à une militante de Hong Kong, laquelle interrogeait le chef du NPD sur sa position quant à la crise se déroulant dans la région administrative spéciale. Dans les deux cas, il a toutefois souhaité se positionner clairement en tant que défenseur de la dignité humaine et des droits humains, au Canada comme ailleurs dans le monde. 

Sur le dossier des migrants arrivants au Canada, Jagmeet Singh a promis de suspendre l’entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, pour mieux faire face à l’afflux de migrants en provenance des États-Unis. Questionné sur le taux de chômage élevé des nouveaux arrivants, le chef du NPD a reconnu de grandes lacunes en ce qui a trait à l’intégration des immigrants au Canada. Il a insisté surtout sur la reconnaissance des expériences et des compétences, qu’il a jugé inadéquates. 

À gauche toute

Le chef du NPD s’est positionné à gauche par ses intentions d’imposer les plus riches et de résister aux influents lobbys canadiens. Il s’est engagé à lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent. D’ailleurs, il a souvent réitéré le slogan du NPD pour les élections de cette année : « On se bat pour vous. » Selon lui, ses politiques sont en opposition avec les « boys club des partis libéraux et conservateurs », qui représentent davantage les intérêts des grandes entreprises plutôt que ceux des Canadiens. 

Le NPD s’est engagé à une réforme du mode de scrutin, en faveur d’un système proportionnel mixte. Jagmeet Singh a affirmé que cela permettrait aux Canadiens de voter « avec leurs cœurs et avec leurs valeurs » plutôt que de voter stratégiquement.

Les engagements de M. Singh se sont précisés en matière d’environnement. Interrogé sur les exports de déchets canadiens, il  a affirmé que ces derniers ne devraient tout simplement pas être produits. Il a ainsi annoncé son intention d’interdire le plastique à usage unique. Il s’est ensuite attaqué à Justin Trudeau, qu’il a accusé d’avoir gravement dérogé à ses promesses en matière d’environnement. Il a rappelé que le premier ministre libéral a décidé de racheter un pipeline. La transaction de 4,5 milliards avec Kinder Morgan avait provoqué un tollé à travers le Canada. 

Le chef du NPD a promis de sortir le Canada de sa dépendance aux énergies fossiles et de réaliser une transition vers une économie circulaire. Il a proposé de lancer une banque d’investissement verte, qui aurait comme objectif de fournir le crédit nécessaire aux entreprises pour qu’elles accomplissent leur transition énergétique. Le chef du NPD a aussi affirmé son intention de créer une agence gouvernementale responsable de surveiller la progression du Canada vers ses cibles en environnement, comme cela a été établi au Royaume-Uni. 

Le NPD et le Québec

Une question est venue faire échos aux inquiétudes des partisans du NPD sur la capacité de Jagmeet Singh à réaliser des gains électoraux au Québec. On lui a demandé ce qu’il avait en commun avec la Coalition avenir Québec (CAQ). M. Singh a répondu à la blague « rien » pour illustrer le grand fossé idéologique qui le sépare du parti de François Legault, mais il a nuancé sa réponse en affirmant que certaines politiques de la CAQ en matière d’immigration le rejoignaient. 

Ses propos ont d’ailleurs pris tout leur sens quand il a annoncé la fin de semaine dernière qu’il promettait plus d’argent pour la francisation et l’intégration des immigrants au Québec.

Interrogé sur la question de la laïcité de l’État et des signes religieux, M. Singh a répondu, optimiste, qu’il avait toujours été bien accueilli au Québec, et qu’il était convaincu que la province était bel et bien « progressiste ».

Jagmeet Singh n’a pas hésité à répondre à des questions plus personnelles, comme pourquoi il est sikh, pourquoi il porte un turban, et comment il choisit la couleur de celui-ci chaque matin. Le chef du NPD a répondu assez simplement en énumérant quelques fondements du sikhisme et ce que ceux-ci représentent pour lui. Il a mentionné la quête éternelle de connaissance, l’interconnexion des êtres humains et la liberté de conscience. Il a enchaîné en expliquant que c’est sa femme qui choisit la couleur de son turban chaque matin.

« Interrogé sur la question de la laïcité de l’État et des signes religieux, M. Singh a répondu, optimiste, qu’il avait ‘‘toujours été bien accueilli au Québec’’»

Une fin de rencontre chaotique

La fin de la séance de questions/réponses a toutefois été dérangée par deux hommes, l’un s’étant comporté particulièrement agressivement envers M.Singh et son auditoire. Les deux individus ont invectivé M. Singh et l’ont bombardé de questions. La scène a duré  plusieurs minutes, jusqu’à ce que le plus agressif des deux quitte les lieux.

Jagmeet Singh  a terminé ainsi sa rencontre dans une atmosphère plus tendue, ce qui ne l’a pas empêché pas de revenir sur les enjeux clés de sa campagne : justice sociale, environnement, droits humains et immigration.

Il a décoché une dernière flèche à Justin Trudeau avant de quitter, en mentionnant l’importance de l’indépendance de la justice, une référence claire au dossier SNC-Lavalin qui a ébranlé le premier ministre et son bureau dans les derniers mois. 

En somme, le chef du NPD mise sur son intégrité, ses « valeurs progressistes » et ses engagements en matière d’environnement afin de convaincre les électeurs du Québec de se rallier derrière lui.


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