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Marche historique à Montréal

Les rues de la ville ont accueilli vendredi une manifestation d’une ampleur inédite.

Rafael Miró | Le Délit

Une grenouille dans une casserole. À ses côtés, sur la pancarte, un slogan : « on doit agir avant de bouillir. » Ce vendredi, les rues de Montréal étaient en pleine ébullition pour le climat. Près de 500 000 personnes, selon les organisateurs, se sont rassemblées pour une marche initiée par une alliance de 21 organisations écologistes. Pour François Geoffroy, porte-parole du collectif La Planète s’invite au Parlement, pas de doute, il s’agit là de « la plus grosse manifestation de l’histoire du Québec ». 

11h30. Près du monument Sir George-Étienne Cartier, la foule se densifie peu à peu. Les slogans affluent, peints sur des cartons ou scandés par les plus déterminés. En français et en anglais. Dans tous les registres. Enthousiaste : « Montréal réveille-toi. » Revendicateur : « Les petits gestes, ce n’est pas assez ! » Grave : « Mes enfants voulaient des enfants. » Ironique : « Getting hotter than my imaginary boyfriend. » (Plus chaud que mon copain imaginaire, ndlr.) Anticapitaliste : « Gare au Capital. » Une manifestante décroche une pancarte de Justin Trudeau ; plus tard, on le reverra orné de sourcils verts et grimé d’une moustache. Des musiciens jouent déjà l’oraison funèbre de leur avenir. Les journalistes, perches ou micros à la main, s’activent. Dans le ciel, deux hélicoptères vrombissent. 

12h30. À l’avant, Greta Thunberg ouvre la marche en compagnie de représentants de populations autochtones. Autour d’elle, un dispositif de sécurité impressionnant auquel vient se frotter une nuée de photographes. La jeune militante suédoise s’est aussi vue remettre les clefs de la ville par la mairesse et s’est entretenue avec Justin Trudeau. Le premier ministre rejoint le cortège, quelque peu chahuté, aux côtés de sa femme, de ses enfants et de ses soutiens. Il n’est pas le seul politicien présent ; Elizabeth May et Yves-François Blanchet, respectivement chefs du Parti vert et du Bloc Québécois, se sont déplacés pour l’occasion. Tout comme Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique et certains candidats conservateurs de la région de Montréal – Jagmeet Singh aura préféré marcher à Victoria. 

Mais les manifestants croient-ils encore à la politique pour préserver l’environnement ? « J’ai envie de dire oui » confie Antoine, étudiant, « mais, honnêtement, j’ai à moitié confiance ». « Il n’y a pas vraiment d’autre moyen. Pour faire des lois, il faut que ça passe par la politique » avoue Camille. Et peut-on rire d’une telle manifestation ? « Certainement ! », affirme au Délit Jean-René Dufort, animateur de l’émission satirique Infoman, « on peut rire de certains politiciens qui sont ici, et qui le lendemain vont faire exactement le contraire de ce pourquoi ils sont ici ».

Alors, les marches pour le climat ? Remède bienvenu ? Ordonnance, en tous cas pour Camille, Caroline, Nadia et Magali : « C’est un bon départ, parce que si on n’attire pas l’attention sur les problèmes, personne ne va engager la solution », assurent-elles. Pour Sarah, en revanche, le mal est incurable : « Je n’ai plus beaucoup d’espoir. C’est presque trop tard. »

Si les jeunes impulsaient le mouvement, la mobilisation dans les rues montréalaises s’est voulue intergénérationnelle. « Il faut être avec les jeunes, c’est nous qui avons fait toute cette merde », lâche Sarah, 65 ans. Plus loin, Caroline, accompagnée de sa fille, tient un slogan : « Pour l’amour de nos enfants. » Une marche souvent en famille, mais pas seulement. Entre amis, en couple ou même entre collègues. Thu Nhon, complet impeccable sur le dos, entouré de ses collègues de travail, le reconnaît : « Il est temps que gouvernements et entreprises agissent, pas seulement les jeunes. »

15h30. La marche débouche près du fleuve, à l’intersection de la rue Wellington et du boulevard Robert-Bourassa. La foule se masse devant la scène installée par l’organisation pour une série de discours. Le parcours s’étend sur près de 4 kilomètres, il faut attendre l’arrivée de la fin du cortège. Des groupes de musiciens jouent pour faire patienter. Certains s’assoient, d’autres entament un pique-nique. L’orateur prévient : le moindre bout d’herbe piétiné sera utilisé pour « discréditer le mouvement » : la vigilance est de mise. Au bout d’une heure, les premiers discours se font entendre. Ils rappellent les revendications du mouvement (plan de sortie du pétrole et du gaz, sensibilisation scolaire…), insistent sur la nécessité de transcender les clivages sociaux et émettent un message clair : « voter pour la planète »  aux élections du 21 octobre prochain.

16h. Greta Thunberg monte sur scène, acclamée par une foule déjà conquise. Visiblement émue, elle débute son discours par quelques mots en français. Après une comparaison légère entre la Suède et le Canada, son ton se fait plus grave. Elle se dit « déçue » par les chefs d’État réunis à New York à qui elle avait demandé de « s’unir derrière la science ». Avant de conclure : « Nous sommes le changement. » Une pancarte se détache. En lettres noires sur fond jaune, on peut lire « Apocalypse ? ».


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