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SNC Lavalin : le silence continue

Justin Trudeau et son cabinet s’empêtrent de plus en plus dans ce scandale médiatique.

Béatrice Malleret | Le Délit

La firme de génie SNC-Lavalin est accusée au criminel pour corruption et fraude en Libye. Si jamais la compagnie était déclarée coupable, cela l’empêcherait de faire affaire avec le gouvernement canadien et même certains organismes internationaux du calibre de la Banque mondiale, ce qui pourrait sonner le glas de ses activités au Canada et menacerait directement la sécurité d’emploi des quelque 9 000 employés canadiens. Depuis plusieurs mois, SNC-Lavalin fait pression pour que le gouvernement emploie un nouveau dispositif judiciaire qui lui éviterait de nombreuses pertes. Le 21 septembre dernier, une loi sur les accords de réparation est entrée en vigueur. Celle-ci permet à la justice d’imposer amendes et contraintes à une compagnie sans avoir à recourir à une poursuite au criminel. Toutefois, le ministère de la Justice a informé SNC-Lavalin qu’elle ne serait pas invitée à négocier un tel accord une première fois le 4 septembre, et une seconde fois le 9 octobre.

Selon ses propres dires, Justin Trudeau s’est saisi du dossier entre les mois de septembre et décembre. Par l’intermédiaire du Bureau du premier ministre, organe partisan, il a discuté avec l’ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, de la possibilité d’un accord avec SNC. 

La question qui a été soulevée par le Globe and Mail le 7 février dernier interroge la légitimité et la légalité de cette intervention. En effet, le principe démocratique fondamental de séparation de pouvoir aurait pu être violé si le premier ministre avait tenté d’orienter le procès de SNC. 

Éléments incriminants

Le fait que le ministère de la Justice ait été retiré à Mme Wilson-Raybould est attribué par des sources anonymes à son manque de coopération dans le dossier SNC. De plus, l’ex-ministre de la Justice a démissionné de son poste comme ministre des Anciens Combattants. Toutefois,  elle demeure au sein du caucus libéral. De peur d’enfreindre son secret professionnel, elle n’a pas encore rendu publique « sa vérité ». Par ailleurs, Justin Trudeau s’est empêtré dans des déclarations nébuleuses et contradictoires, affirmant d’abord n’avoir pas exercé de pression sur Mme Wilson-Raybould, avant d’avancer qu’elle aurait dû lui faire part de ses réserves quant à son implication dans ce dossier. Enfin, Gerald Butts, secrétaire principal et ami de longue date de Trudeau, a démissionné, en disant qu’il était devenu une « distraction ». Ce qui a été perçu comme un aveu à demi-mot n’a en rien amélioré la position du premier ministre dans cette controverse. 

Et pourtant…

Le greffier du Conseil privé Michael Wernick, qui a été nommé par les conservateurs et n’est aucunement affilié au parti libéral, malgré son étroite collaboration avec Justin Trudeau depuis 2015, s’est porté à la défense du premier ministre en expliquant qu’en aucun lieu la ministre de la Justice n’avait été la victime de pressions indues. Il a ainsi corroboré la version du premier ministre, selon laquelle il aurait toujours été clair que la décision au sujet de SNC était entièrement entre les mains de Mme Wilson-Raybould. 

Si les partis d’opposition ont intérêt à crier au scandale, il est loin d’être certain qu’on soit en face d’une situation où le premier ministre aurait enfreint la loi. Pourtant, il demeure difficile pour Trudeau de se présenter uniquement comme conseiller alors que son poste lui confère un énorme pouvoir discrétionnaire, comme celui de réaménager son cabinet comme bon lui chante. La situation demeure ainsi particulièrement ambiguë, et tous les yeux sont rivés sur l’ex-ministre de la Justice qui témoignera en commission parlementaire au cours de la semaine. 


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