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La brouille avec la Chine continue

Trudeau forcé de congédier son ambassadeur sur fond de pressions politiques.

The Canadian Press, Paul Chiasson

John McCallum n’aura pas réussi à prendre la chance que Justin Trudeau avait consenti à lui laisser. Mardi dernier, l’ambassadeur du Canada en Chine avait commenté de manière peu réfléchie l’« affaire Huawei », qui ternit les relations entre le Canada et la Chine depuis maintenant presque deux mois, devant un groupe de journalistes chinois rassemblés à Toronto. Face aux critiques du Parti Conservateur, Justin Trudeau avait été obligé de défendre son ancien ministre, mais il avait refusé de le congédier, probablement pour ne pas avoir l’air d’avoir perdu le contrôle dans la crise diplomatique avec Beijing. Toutefois, samedi, John McCallum y est encore allé de ses commentaires personnels sur l’affaire légale derrière la crise, s’affichant à contre-courant de la position de son gouvernement, forçant ainsi Justin Trudeau à lui demander sa démission. 

Ce que l’ancien ambassadeur canadien en Chine a qualifié comme la « pire crise diplomatique avec la Chine depuis l’ouverture des relations diplomatiques en 1970 » a débuté lorsque le Canada a arrêté, à la demande des États-Unis, la vice-présidente et numéro deux du géant de la téléphonie Huawei à Vancouver. Meng Wanzhou, qui est aussi la fille du PDG et fondateur de l’entreprise, est accusée de fraude fiscale par Washington, qui a jusqu’au 30 janvier pour demander son extradition. Les officiels chinois clament haut et fort depuis un mois que cette accusation n’est qu’une fabrication et qu’il s’agit en fait de machinations politiques motivées par le conflit entre le président Trump et le gouvernement chinois.

Il aurait été bien difficile pour Justin Trudeau de refuser la demande d’extradition sans se brouiller avec l’administration américaine, mais le choix d’aller de l’avant a provoqué l’ire de Pékin.

Il aurait été bien difficile pour Justin Trudeau de refuser la demande d’extradition sans se brouiller avec l’administration américaine, mais le choix d’aller de l’avant a provoqué l’ire de Pékin. Dans les quelques jours qui ont suivi l’arrestation de Meng, deux Canadiens, dont un ancien diplomate, ont été arrêtés en Chine pour avoir « porté atteinte à la sécurité nationale ». De nombreux experts ont jugé que ces accusations étaient factices et cachaient des représailles contre le Canada. Ces deux personnes sont, en date du 27 janvier, toujours détenues.

La bourde

C’est dans ce contexte que John McCallum a affirmé devant des journalistes chinois que Meng, si elle le voulait, pourrait « faire valoir de bons arguments ». Il s’agit d’une « bourde » diplomatique, puisque dans ce dossier le Canada se défend depuis un mois en affirmant qu’étant une démocratie libérale, Mme Meng avait été accusée pour des raisons juridiques crédibles et non en raison de quelques pressions du gouvernement. Justin Trudeau n’avait d’abord pas sévi, probablement pour ne pas envenimer les relations déjà tendues avec la Chine et à cause des avantages que présentait John McCallum comme ambassadeur. Cet ancien ministre libéral sous Paul Martin, l’un des piliers du gouvernement Trudeau en 2015 comme ministre de l’immigration, était un proche de Justin Trudeau qui était en mesure de lui communiquer les dossiers importants de la relation sino-canadienne.

Toutefois, samedi, John McCallum a mis fin à sa longue carrière politique en revenant une fois de plus sur le dossier de Mme Meng, en affirmant qu’il aurait mieux valu pour le Canada que les États-Unis ne demandent pas l’extradition. Même si cette affirmation comporte peut-être un fond de vérité, il aurait probablement été préférable pour le Canada que John McCallum ne l’exprime pas à voix haute.


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