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Si la tendance se maintient…

Retour sur les élections provinciales du 1er octobre et ses implications.

Béatrice Malleret | Le Délit

La soirée électorale s’annonçait pleine de rebondissements. Les sondages étaient unanimes : la course promettait d’être serrée entre la Coalition avenir Québec de François Legault et le Parti libéral de Philippe Couillard. Tous les deux à environ 30% des intentions de vote dans les divers sondages, on ne pouvait encore deviner qui allait prendre le pouvoir, et il était encore plus difficile de dire si ce gouvernement allait être majoritaire ou minoritaire. La soirée a  cependant été bien moins excitante que prévu, prouvant que les sondages ne sont pas infaillibles.

Après seulement quinze minutes de dépouillement des résultats, les réseaux télévisuels annonçaient un gouvernement caquiste. Après trente minutes, on annonçait que ce dernier allait être majoritaire.

Je ne suis sûrement pas la seule à avoir été très déçue. Non seulement parce que j’anticipais une soirée plus excitante, mais également parce que, pour moi, un gouvernement majoritaire caquiste inscrit le Québec dans une tendance environnementale destructrice.

L’environnement, le grand oublié

Je comprends que les Québécois ont besoin de changement, mais M. Legault incarne-t-il réellement un changement dont nous avons besoin ? Le programme de la CAQ porte très peu d’attention à l’environnement, leur campagne s’étant majoritairement concentrée sur l’immigration et là maternelle à quatre ans. Alors que nous avons eu un été plus chaud que jamais, que les catastrophes naturelles de tous genres sont de plus en plus fréquentes et que la température est en montagne russe, il est impossible de persister à croire que le réchauffement climatique est une invention, ou qu’il ne touche pas le Québec. Face à tout ce que l’on peut observer, et ce que les scientifiques nous prédisent depuis plusieurs années, il est consternant et malheureux de constater que seul Québec solidaire offrait dans son programme le virage environnemental nécessaire pour tenter de contrer la déchéance planétaire. Peut-être bien que leur estimation de 12,9 milliards de dollars de revenus était irréaliste, comme le mentionnaient Vincent Brousseau-Pouliot et Amin Guidara dans La Presse+ à la fin août, mais il n’empêche que ce parti était l’un des rares — avec le Parti vert et le Nouveau Parti démocratique du Québec — à mettre en l’avant cet enjeu. Québec solidaire a su mettre en lumière l’urgence de la situation, ce qui le fit sortir du lot lorsque ses futurs députés abordèrent le sujet lors de débats ou d’entrevues.

Le Québec n’a certainement pas la responsabilité de régler tous les problèmes environnementaux ; il doit s’agir d’un effort collectif mondial. Néanmoins, le changement commence à petite échelle, et si le Québec n’est pas capable de faire ce pas de géant, comment peut-on espérer que des pays comme le Canada ou les États-Unis puissent le faire ?

Une tendance trop familière

La CAQ  fait écho aux gouvernements de plusieurs autres territoires et nations qui sacrifient l’environnement au profit de l’économie. Ces types de gouvernements se font de plus en plus élire — que ce soit avec Donald Trump ou Doug Ford — et ce n’est vraiment pas la bonne direction à prendre. Par exemple, le président Trump a retiré, à l’été 2017, les États-Unis de l’accord de Paris sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). En n’entreprenant rien pour atteindre les cibles de réduction de ces émissions sous couvert que l’accord n’était pas « juste » pour les entreprises américaines, il est clair que l’économie est mise en avant de la scène, reléguant l’environnement aux calendes grecques. Pour l’instant, ce retrait n’est pas encore effectif, puisque, comme l’expliquaient Jill Colvin et Julie Pace dans Le Soleil le 1er juin 2017, il est officiellement seulement possible de le faire que trois ans après la mise en vigueur de l’accord, datant du 4 novembre 2016. Un an de préavis est également nécessaire avant que le retrait ne s’opère. Si les États-Unis vont de l’avant avec cette décision de ne pas respecter l’accord, il est encore possible pour le reste de la planète de rectifier le tir en mettant les bouchées doubles pour réduire leurs émissions de GES. Cependant, si d’autres gouvernements emboitent le pas à M. Trump, les conséquences d’un échec des objectifs de l’Accord de Paris seront catastrophiques sur la température moyenne planétaire dont la hausse par rapport à l’ère préindustrielle doit, dans l’idéal, être limitée à 1,5 degrés Celsius.

Les jeunes semblent comprendre l’importance de la question environnementale et c’est probablement ce qui explique, en partie, la subite augmentation des votes en faveur de Québec solidaire. Les 18–35 ans savent pertinemment que l’avenir dépend grandement des actions que nous posons aujourd’hui, mais ils ne devraient pas être les seuls. Peut-être que les classes plus âgées ne vivront pas les conséquences de cette catastrophe humaine, mais ils ont le devoir de penser aux générations futures. J’ai l’impression que la vaste majorité des gens ne pensent qu’au présent et aux problèmes qui s’y rattachent.

« (…) si d’autres gouvernements emboitent le pas à M. Trump, les conséquences d’un échec des objectifs de l’Accord de Paris seront catastrophiques sur la température moyenne planétaire »

Les hommes et les femmes politiques ne semblent pas réaliser que, lorsque la planète, par le déclenchement de nombreux cataclysmes, aura évincé de son sol les êtres qui l’ont tant mutilée, il sera trop tard pour regretter les décisions que nous prenons maintenant. L’économie, l’emploi, l’immigration, l’éducation, la santé ; tout cela n’aura plus d’importance. La survie sera la seule priorité. Je ne dis pas que ces enjeux ne sont pas fondamentaux — car ils le sont : la vie continue malgré la crise écologique et il faut prendre soin de nos écoles, de nos immigrants, de notre système de santé. Néanmoins, ils ne devraient pas être pris en compte aux dépens d’une politique environnementale plus stricte, beaucoup plus stricte.

Les politiques actuelles des gouvernements contribuent à l’inaction, voire au désintérêt face aux questions environnementales. Doug Ford, premier ministre de l’Ontario depuis quelques mois, fait d’ailleurs partie de ceux qui ont tourné le dos à l’environnement. Pratiquement immédiatement après son élection en juin, M. Ford a retiré l’Ontario du marché du carbone, en plus d’annuler les subventions pour les automobiles électriques. Il souhaite en outre enlever la taxe sur le carbone. Ce type de mesures est pourtant une action possible vers un meilleur traitement de l’environnement.  J’espère de tout cœur que M. Legault ne fera pas les mêmes erreurs que son homologue et qu’il adoptera des normes claires et restrictives pour protéger l’environnement. Malheureusement, s’il compte respecter ses promesses électorales et appliquer les mesures dont il faisait mention tout au long de la campagne — dont son souhait de retourner à Anticosti pour y exploiter le pétrole de schiste —, et s’il n’élabore pas de plan environnemental clair, il participera certainement à la dégradation du climat, qui ne fait actuellement que se détériorer.

En d’autres mots, si la tendance se maintient, les désirs économiques omniprésents des politiciens auront raison du sort de notre planète — et de notre espèce. 


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