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Suivre la tendance ?

McGill annonçait la semaine dernière le lancement de son premier cours en ligne : le cours de « chimie alimentaire » CHEM 181x, intitulé « Food for Thought ». C’est le premier de la série des MOOCs (« Massively open online courses »), prévus par l’Université.

L’Université rejoint ainsi des universités telles que Harvard, le Massachussetts Institute of Technology (MIT) ou l’Université de Toronto dans le club des institutions d’enseignement supérieur qui proposent des cours en ligne. Ces universités forment ensemble un consortium international nommé edX.

La décision de créer à McGill des cours sur Internet avait été annoncée à la session d’hiver dernière, dans un climat de controverse. Il faut rappeler en effet que l’Université avait très peu consulté la communauté mcgilloise à ce sujet ; et le projet n’était même pas passé par le Sénat.

Avec les inscriptions au cours CHEM 181x qui viennent tout juste d’ouvrir, on arrive bien dans le concret, et c’est tout un débat sur l’effet des nouvelles technologies sur l’éducation qui va refaire surface. Un sujet qui ne fait pas l’unanimité. C’est aussi l’occasion de s’interroger plus précisément sur les choix que fait McGill, notamment au niveau des communications et des échanges à l’Université.

C’est une nouvelle forme d’enseignement que McGill va tenter. Bien sûr, on sait qu’on est loin de remplacer totalement la façon dont l’Université donne ses cours. Ce n’est d’ailleurs en aucun cas l’objectif de McGill de remplacer les cours « traditionnels » par des cours offerts en ligne uniquement. Dans un récent article du McGill Reporter qui traite du sujet, on tente de nous rassurer : « cela ne signifie pas que les étudiants qui prennent des cours en ligne pourront accumuler suffisamment d’heures devant leurs ordinateurs pour obtenir, à la fin, un diplôme universitaire ». Les cours selon le modèle edX ne seront d’ailleurs pas crédités.

La question des communications à travers ces nouvelles plateformes d’enseignements numériques est particulièrement intéressante. À McGill, il y a déjà un problème de communication et d’interactions. McGill est une bonne université, oui. C’est une université « d’excellence ». Mais elle ne vantera pas ses amphithéâtres bondés (parfois remplis par plus de 600 personnes), ses conférences et ses cours de langue qui, avec plus de 30 étudiants, n’offrent pas des conditions de travail adéquates. D’autant plus que, dans un contexte de coupures budgétaires, la situation n’est pas en voie de s’améliorer.

Pour remédier à ce problème, l’Université a, semblerait-il, plusieurs alternatives.

Parmi ces possibilités, peut-être, justement, les cours en ligne. Ils offriront divers moyens d’interagir – d’entrer en interaction avec les autres étudiants du cours et les professeurs. En effet, ces cours incluront des activités interactives et des plateformes de discussion. On peut d’ailleurs penser que ces cours faciliteront l’échange et la participation de tous, puisque même les plus timides pourront s’exprimer plus librement, derrière leur écran. Il suffira d’un ordinateur et d’une connexion Internet.

Mais il manquera toujours quelque chose : le facteur « humain ». Une autre option serait de privilégier les contacts interpersonnels et de tirer profit des structures déjà existantes à McGill pour améliorer les conditions d’enseignement. C’est là le vieil argument, classique, des « relations humaines » – inexistantes dans les plateformes d’enseignement en ligne. La question est : les cours en ligne au niveau universitaire sont-ils pertinents, si on considère que l’on va à l’université non seulement pour suivre des cours, mais aussi pour rencontrer d’autres personnes, écouter d’autres points de vue, s’engager ? Avec les cours en ligne, c’est différent.

Alors, est-ce que McGill préfère investir dans cette « solution d’avenir » que représentent les cours en ligne, plutôt que d’investir dans ces « relations humaines » et d’améliorer les structures déjà existantes ? Est-ce que c’est vraiment le temps de franchir le pas ? Est-ce que c’est ce que la majorité souhaite ? À ce sujet, on n’a pas vraiment demandé l’avis de tous les étudiants, de tous les professeurs, de tous les Mcgillois.

La justification économique pour les cours en ligne n’est même pas là. En fait, ils coûtent même assez cher et c’est tout un travail de les mettre en place. Donc si l’argent est là pour ces nouveaux cours « 2.0 », est-ce qu’on ne devrait pas plutôt penser à des solutions pour améliorer l’enseignement qui est déjà donné à McGill ?

On pourrait penser à innover. À créer des nouvelles classes, des petites classes. Des nouvelles dynamiques d’échange dans les cours et à l’Université en général.

En rejoignant Harvard et le MIT, McGill suit la mode. Les nouvelles technologies, Internet, c’est la tendance actuelle. Mais parfois il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin, pour réussir à se démarquer.

Le projet est un projet pilote, intéressant. Un essai entrepris par McGill. Mais est-ce que c’est ce dont l’Université a besoin maintenant ? Peut-être pas.

La porte reste ouverte. On verra.


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