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Le Songe d’une nuit d’été à Denise-Pelletier : où sont passées les fées ?

Le classique shakespearien est remanié et enchante.

Gunther Gamper

Frédéric Bélanger et Steve Gagnon transposent la pièce de Shakespeare dans un Hollywood des années 60. Une représentation réussie sur le plan spectaculaire, mais qui ferait ombre au génie de Shakespeare ?

Scénographie réussie, distribution inégale

Le rideau s’ouvre sur un échafaudage en métal qui s’étend sur pratiquement toute la scène. Il permet un jeu à plusieurs niveaux qui compense l’absence regrettable de changement de décors. Le scénographe Francis Farley-Lemieux joue avec cet échafaudage en y projetant des vidéos muettes des acteurs.

La scénographie est remarquable. Le jeu de lumières, réalisé par Julie Basse, est très esthétique. Une grande enseigne DREAM assez hollywoodienne est éclairée de nombreuses manières tout au long de la pièce.  Des néons de couleur sont aussi installés sur l’échafaudage et servent la pièce en changeant régulièrement d’intensité et de couleur pour accompagner  les changements d’ambiance et les différents niveaux de la pièce de Shakespeare.

La musique est jouée en direct par trois acteurs au clavier, au violoncelle et à la guitare électrique. Cela plonge le spectateur dans l’ambiance de bal hollywoodien voulue par le metteur en scène. Le lien entre musique, vidéos et lumières est bien réalisé et suit les changements d’ambiances.

Le jeu des acteurs est assez inégal. Dany Boudreault interprète merveilleusement le rôle de l’elfe Puck, excentrique et extravagant. Plusieurs de ses interventions créent la surprise chez le spectateur. Sa présence est remarquable et son jeu très juste. C’est celui dont le jeu correspond le plus aux personnages originaux de la pièce de Shakespeare. Le jeu de Maude Guérin et Étienne Pilon, en Obéron et Titania , sont justes, mais manquent d’une touche de folie pourtant propice à leur rôle —sans doute à cause de l’ambiance hollywoodienne des années 60 voulue par Bélanger, sûrement moins propice à la bizarrerie et à l’extravagance que le surnaturel. Les compagnons de Titania ainsi que les quatre jeunes amoureux ont un jeu moins subtil, voire parfois faux en début de spectacle.

Shakespeare mis à mal

Le texte original a été beaucoup modifié. Bélanger fait le choix de se concentrer sur le quatuor des jeunes amoureux, Hermia, Lysandre, Démétrius et Héléna, et les personnages des parents, Thésée, Egée et Hyppolite sont seulement mentionnés.

Le début du spectacle, complètement écrit pour l’occasion, est interprété par le trio des soi-disant ouvreurs Adrien Bletton, Jean-Philippe Perras et Olivia Palacci, et surprend le spectateur. Il marque le ton entre réel et fiction mais, parce que trop long, impatiente le spectateur qui est d’abord venu pour voir du Shakespeare —et non une espèce de stand-up qui, bien qu’assez drôle, finit par être un peu lourd. Le trio de prétendus ouvreurs apporte souvent une tonalité comique à la pièce, la plupart du temps en ajoutant ou modifiant le texte original, mais cela finit par freiner l’envolée du texte de Shakespeare dont le comique est bien plus fin et subtil. Surtout, la pièce a‑t-elle vraiment besoin d’éléments comiques supplémentaires ?

La mise en scène est assez réussie, mais c’est surtout la qualité de la scénographie qui est à souligner. Une mise en scène plus extravagante aurait été la bienvenue et aurait servi le texte de Shakespeare. Un point regrettable est celui des costumes qui manquent clairement d’audace, notamment dans le monde féérique d’Obéron et Titania.

Ce n’est pas le choix de Bélanger de transposer l’univers de la pièce qui est dérangeant. Cependant, ajouté à la disparition de personnages —et donc de thèmes abordés dans le texte, comme celui des relations parents-enfants— et à un texte grandement modifié ne fait pas honneur au génie de l’auteur. Un spectateur qui ne connaîtrait pas la pièce originale en aurait une vision malheureusement faussée. Au contraire, Le Songe d’une nuit d’été à la Comédie-française est à la hauteur du texte de Shakespeare. La mise en scène de Murielle Mayette met en valeur chaque élément du texte et de son univers, et fait du Songe un spectacle particulièrement drôle et éblouissant, plein de bonnes idées.

Le Songe d’une nuit d’été au théâtre Denise-Pelletier reste à voir pour sa scénographie très réussie et enchanteresse. Le spectateur est emporté dans un voyage à la fois comique et grinçant, même si ramené à la réalité par les libertés parfois malvenues prises par Bélanger et Gagnon.


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