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Entre érudition et féminisme

Les Marguerite(s) brise l’espace et le temps et provoque la rencontre d’icônes.

Capoline Laberge

Stéphanie Jasmin, autrice et metteuse en scène avec Denis Marleau des Marguerite(s), re-constitue le portrait de Marguerite Porète. Cette écrivaine presque inconnue du 13e siècle a été condamnée au bûcher pour son traité Miroir des âmes simples anéanties dans lequel elle remettait en question l’autorité de l’Église.

Une pièce innovante

Le procès de Marguerite Porète, pendant lequel l’accusée est restée silencieuse, est évoqué dans la première partie. La danseuse et chorégraphe Louise Lecavalier, accompagnée de violons stridents, se meut lentement sur scène. La deuxième partie, d’autant plus attendue par le spectateur du fait que la première partie dure (trop) longtemps, est sans doute la plus intéressante. Cinq Marguerite historiques —de Constantinople, d’York, de Navarre, d’Oingt, Duras— racontent leurs liens réels ou imaginés avec la femme du Moyen-âge. Elles témoignent également de leur propre histoire de reine, princesse, religieuse ou femme de lettres et de l’influence du traité de Marguerite Porète sur leur vie. Stéphanie Jasmin et Denis Marleau font revivre ces Marguerite à travers chacun de leur portait sculpté grâce à un système vidéo. Celui-ci projette sur les sculptures le visage de Céline Bonnier qui interprète les cinq Marguerite en avant-scène. L’idée est originale et bien trouvée, mais finit en fait par desservir la pièce. Voir un visage parler sans le reste du corps devient pénible, ce qui incite à regarder la comédienne. Mais une imposante caméra est fixée tout autour de sa tête, ce qui gêne également la vue ainsi que le jeu pourtant juste et agréable de Céline Bonnier. Cette idée de mise en scène est exécutée pour chacune des Marguerite, ce qui rend la deuxième partie très répétitive.

La pièce s’achève par le témoignage d’une jeune femme d’aujourd’hui, tombée par hasard sur Le Miroir des âmes simples et anéanties. La comédienne, quoiqu’à la diction parfaite, récite son texte extrêmement rapidement et sans aucune interprétation, ce qui est d’autant plus dommage que le texte est beau et très bien écrit. 

Une ambition qui s’essouffle

Enfin, à part le jeu des lumières particulièrement esthétique et agréable, la scénographie des Marguerite(s) est assez simple et en plusieurs points superflue. La pièce se déroule dans un décor épuré, un atelier d’artiste où se mêlent escabeaux et sculptures. Du fait de sa lenteur et de son statisme, la pièce semble durer bien plus longtemps qu’elle ne dure réellement. Ainsi, Les Marguerite(s) est à voir pour son côté instructif et érudit, mais à éviter si l’on recherche du spectaculaire ou une pièce plus conventionnelle avec dramaturgie et coups de théâtre.


Les Marguerite(s) à L’Espace Go jusqu’au 17 mars

Mise en scène par Denis Marleau & Stéphanie Jasmin


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