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Pas d’antisémitisme le 23 octobre

Le rapport sur le vote AÉUM du 23 octobre dernier, publié cette semaine, provoque des réactions mitigées.

Mahaut Engérant | Le Délit

Le rapport d’enquête quant aux allégations d’antisémitisme à McGill a été rendu public ce mardi 6 février 2018. La principale Suzanne Fortier avait mandaté Spencer Boudreau —professeur en sciences de l’éducation à la retraite et ancien protecteur des étudiants— de « procéder à une identification et à une évaluation approfondies des événements survenus le 23 octobre 2017 afin de corroborer ou d’infirmer les allégations d’antisémitisme ».

Rappelons que ce jour là, une motion avait été votée lors de l’Assemblée générale d’automne de l’AÉUM (Association étudiante de l’Université McGill, ndlr), pour élire les membres de son Comité d’administration séparément, et non collectivement, comme le prévoit la constitution de l’AÉUM. Trois candidats n’avaient pas été élus, dont Noah Lew, qui a, dans une publication Facebook, soutenu que sa candidature avait été rejetée parce que « je suis juif et parce que j’ai été affilié à des organisations juives ».

Conclusions

Les conclusions principales de ce rapport indiquent que les faits étudiés par M. Boudreau « ne corroborent pas la notion selon laquelle le vote a été motivé par l’antisémitisme ». Toutefois, le rapport précise que « l’affiliation de monsieur Lew à des organisations juives manifestement favorables à l’État d’Israël, de même que son soutien à l’égard de la décision du Conseil judiciaire de l’AÉUM quant à l’illégitimité du soutien du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions, ndlr)» avait en effet conduit à sa non-élection au sein du Conseil d’administration. Pour mener son enquête, Boudreau affirme avoir mené 38 entrevues et visionné plusieurs fois l’Assemblée générale du 23 octobre. Questionnée par Le Délit sur le délai de publication du rapport (celui-ci ayant été déposé à la principale le 15 décembre dernier), l’administration a répondu dans un courriel que l’«emploi du temps [de la principale] ne permettait pas la diffusion du rapport, et c’est pourquoi il a été publié au début de février ». Suzanne Fortier a également précisé qu’elle ne voulait pas rendre le rapport public peu avant le congé des fêtes « alors que plusieurs membres de notre communauté étaient absents ».

Réactions mitigées

Le 7 février, soit le lendemain de la publication du rapport, un regroupement de cinq associations juives sur le campus (Am Mcgill, Chabad at McGill, Hillel McGill, Jewish Learning Initiative on Campus at greater Montreal et McGill Jewish Studies Students’ Association) ont affirmé dans une publication commune sur Facebook être « profondément déçues par le rapport ». Elles avancent que le rapport comporte des inexactitudes factuelles, notamment quant à la date de publication d’un poste Facebook du groupe Democratize SSMU, qui contenait des propos antisémites. Ce dernier, créé sur Facebook, s’oppose à la décision de l’AÉUM déclarant l’appui au mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions, ndlr) comme étant anticonstitutionnelle. La publication de Democratize SSMU comportait aussi des allégations de corruption au sein de l’AÉUM.

Les organisations juives critiquent également la définition d’«antisémitisme » utilisée par le professeur Boudreau. En effet, ce dernier utilise, pour la version française du rapport, une définition du Grand Robert qui décrit l’antisémitisme comme étant une « doctrine d’inspiration raciste dirigée contre les Juifs ». Notons cependant que les versions anglaise et française n’utilisent pas la même définition d’antisémitisme, la version anglaise utilisant plutôt la définition du dictionnaire Merriam-Webster : « hostility toward or discrimination against Jews as a religious, ethnic, or racial group » (hostilité envers ou discrimination contre les Juifs en tant que groupe religieux, ethnique ou racial, en français, ndlr). Cette dernière, selon ces organisations, omet « la complexité de cette forme de discrimination et exclut d’importantes catégories historiques d’actions et métaphores antisémites ».

Contacté par Le Délit, Noah Lew n’a pas souhaité s’exprimer. Toutefois, dans un article du Montreal Gazette paru le vendredi 9 février, M. Lew affirme avoir été  « faché » par le rapport, mais que les clarifications de Boudreau sur l’utilisation des termes antisémites par Democratize SSMU l’ont conforté dans son idée selon laquelle la lutte contre l’antisémitisme n’est pas terminée. Également contactée par Le Délit, la présidente de l’AÉUM, Muna Tojiboeva, a déclaré qu’«à la suite de considérations, [elle] n’[a] pas de commentaires ». Rappelons que la présidente avait déclaré à Global News le 27 octobre dernier que le résultat du vote de l’Assemblée générale n’«[était] pas quelque chose auquel [elle] ne [s]’attendait pas car [elle] avait vraiment vu des gens se mobiliser ».


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