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Le testament de Tarkovski

Restauré, Le Sacrifice, du cinéaste Andrei Tarkovski, est en salle au Cinéma du Parc.

Fernanda Mucino | Le Délit

Le film raconte la journée d’anniversaire d’un comédien à la retraite, joué par le théâtral Erland Josephson, parti vivre avec sa famille sur une île au large des côtes suédoises. Le premier plan, la prise la plus longue de Tarkovski, montre Alexandre et son fils, muet suite à une opération, planter un arbre sec au bord de la mer. Le facteur Otto les rejoint sur sa bicyclette pour transmettre un télégramme et parler de Nietzsche. Puis, arrive Victor, le médecin qui a opéré le fils d’Alexandre, accompagné d’Adelaïde, la femme de l’ancien comédien. 

Tout le monde est de retour à la maison, et l’annonce d’une catastrophe nucléaire plonge les personnages dans la frayeur et l’hystérie.

« Un cadeau implique un sacrifice »

Après cette terrifiante nouvelle, Alexandre, ressentant alors le poids de la misère humaine, prie et offre à Dieu le sacrifice de sa vie et de sa parole, pour que soient sauvées sa famille, et l’humanité plus généralement. Il est intéressant de se demander si ce sacrifice ne se vit pas aussi comme une libération.

Par ailleurs, tout au long du film, le thème de la religion est très présent avec des symboles en abondance, comme lors du générique de début sur le tableau de Léonard De Vinci L’Adoration des Mages avec La Passion selon Saint Matthieu de Bach en bande son. Tarkovski voit la religion comme un rituel nécessaire à la vie spirituelle. Ceci provoque une plongée dans le film plutôt mystique et envoûtante. Une sensation de pureté se dégage aussi, soulignée par un minimalisme scénographique qui met en valeur les dialogues échangés par les protagonistes.

« J’ai étudié […] l’esthétique »

Les images soulignent cette idée de transcendance par le jeu de la lumière et la pureté qui se dégage des longs plans berçants. Sven Nykvist est un directeur de la photographie et réalisateur suédois considéré comme un des grands cinéastes du monde. Sa particularité a été de simplifier au plus cet art en se concentrant sur ses composantes les plus élémentaires (lumière, composition, mouvement) pour atteindre un idéal de naturel. Le travail de la lumière est sa grande signature qu’il utilise pour transmettre les sensations et pour souligner les émotions des personnages. Il a fait de la lumière sa quête cinématographique. 

« Avec espoir et confiance »

Au festival de Cannes de 1986, Le Sacrifice remporta le Grand Prix spécial du jury. Tarkovsky était malade et soigné à Paris. Il envoya son fils le récupérer. La présence du jeune homme sublima ce message 

d’espoir pour l’avenir qu’Andrei Tarkovsky dédicace à son fils, Andriosha. Ce dernier film, testament du grand cinéaste russe, qui clôture en beauté la carrière d’un homme à la sensibilité unique. Cinéaste poète, il communique par symboles et part du principe que le film ne doit pas se comprendre fondamentalement, mais se ressentir plus profondément. C’est une poursuite de la vérité, une quête existentielle. Comme disait le peintre anglais Francis Bacon : « le travail de l’artiste est de toujours sonder le mystère ». 

Ainsi, malgré quelques longueurs,  Le Sacrifice reste un film extraordinairement esthétique, qui parlera davantage aux initiés qu’aux novices. L’équipe recoWmmande néanmoins à tous de se pencher sur ces sujets et, avec le scénario en tête, de se rendre au cinéma pour se confronter aux questionnements du cinéaste. C’est aussi l’occasion d’admirer le fruit de la collaboration de grands personnages des cinémas suédois et russes. 


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