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Contre la démolition

Favoriser le réemploi avec Marteen Gielen, au Centre Canadien d’Architecture.

Vittorio Pessin

Dans une dynamique où la démolition de vieux bâtiments est souvent l’option la plus économique, où il est pratiquement impensable de construire du « nouveau » à partir du « vieux », la quantité de déchets occasionnée par ces pratiques devient incommensurable. 

Le 4 février dernier, le Centre Canadien d’Architecture présentait la conférence Rotor Deconstruction, dans laquelle Marteen Gielen, chercheur, designer et gestionnaire prenant part au collectif bruxellois Rotor, proposait une nouvelle façon de concevoir l’architecture durable. Le groupe travaille en particulier sur les ressources, les déchets, l’utilisation et la réutilisation des matériaux. Rotor diffuse des stratégies innovatrices de récupération et de réduction des déchets au moyen d’ateliers, de publications et d’expositions.

Le réemploi est  au cœur du collectif afin que l’architecture et l’ingénierie des bâtiments soient dorénavant pensées de façon plus durable. Dès la première étape du plan de construction, le cynisme naît lorsque les matériaux utilisés ne sont pas considérés comme tangibles et physiques ou lorsque ceux-ci ne sont pas choisis selon leur durabilité. Lors de la conférence, M. Gielen présentait les matériaux comme éléments physiques dans la mesure où ils se feront transporter, déplacer et devront également traverser le temps. Rotor en est également venu là en mettant en évidence les effets de l’action humaine sur l’environnement bâti. De fait, comment favoriser une bonne gestion de cette tangibilité matérielle ?   

Vittorio Pessin

Esprit renouvelable

C’est par le réemploi et la démocratisation du « seconde main » dans le secteur de la construction, selon Rotor, que devra passer l’architecture durable. En présence de vieux bâtiments, le travail doit cependant être fait de façon minutieuse, puisque « démontable » ne signifie pas automatiquement « réutilisable ». De fait, le collectif Rotor cherche à prendre possession des vieux bâtiments, créer un plan de déconstruction et permettre la vente de matériaux de seconde main aux compagnies de construction. Elles sont invitées à venir récupérer les matériaux à même le bâtiment, réduisant à la fois les coûts de transport et d’entreposage. La pratique encourage une architecture plus durable et intelligente, certes, mais le plus grand problème actuellement est de trouver des clients désireux d’acheter ces matériaux usagés. Le collectif belge cherche justement à rééduquer et à démontrer que les matériaux d’occasion sont aussi valables que le neuf.

« Le cynisme naît lorsque les matériaux ne sont pas considérés comme tangibles »

Aujourd’hui, où la « vente pour démolition » n’existe plus, le coût en main d’œuvre de destruction d’un bâtiment est souvent plus économique et rapide que la considération des matériaux et de leur valeur potentielle. Une rééducation est à prescrire dans ce domaine.  Lorsqu’un bâtiment est démoli et non déconstruit, tous les matériaux qui s’y trouvaient deviennent presque automatiquement toxiques, conséquence d’une pratique bâclée et non-durable. En prenant possession des bâtiments, en les déconstruisant au lieu de les démolir, Rotor cherche alors à conserver des matériaux valables pour le seconde-main, hors de ce destin funeste. Ainsi une nouvelle stratégie et façon de voir le tangible deviennent possibles dans le domaine de la construction.


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