Pour celles et ceux qui sont familiers avec le quartier environnant la place Vendôme à Paris, l’idée même d’y installer un tas de fumier en son centre a tout d’irréel et de grotesque. C’est pourtant précisément ce qu’il se passe en 1871, lorsque le nouveau gouvernement de la Commune, sous l’impulsion du peintre Gustave Courbet, vote la démolition de la colonne de Vendôme. Restaurée par Napoléon III en 1863, celle-ci a pour vocation de célébrer la puissance militaire bonapartiste. Pour ce faire, les communards installent un monticule de foin, de déchets et de fumier afin d’amortir la chute et de protéger les bâtiments alentour. Cet acte éminemment politique visant à éradiquer toute allusion au bonapartisme est actuellement présenté au Centre Canadien d’Architecture, avec pour principal objectif son historicisation ainsi qu’une réflexion sur le projet architectural, la ville et la démocratie.
Commissionnée par l’américain David Gissen, historien et théoricien de l’architecture, l’exposition apporte une perspective historique au mouvement Occupy de 2011, alors que ses participants se référaient déjà à leurs ancêtres les communards. Tous deux nés d’une contestation face à un régime répressif, ces mouvements se caractérisent tout particulièrement par l’espace urbain dans lequel ils évoluent. Les stratégies d’occupation spatiale de la Commune visaient ainsi les monuments architecturaux, symboles des puissances sociopolitiques gouvernant une société à un moment donné. Pour paraphraser Mirko Zardini, directeur du CCA : « Cette exposition repose sur un objectif plus large du Centre Canadien d’Architecture qui consiste à étudier les environnements politiques et les problématiques sociales au sein desquels l’architecture opère. […] C’est sous cette forme pionnière d’intervention urbaine que l’architecture sert non seulement de moyen de commémoration, mais également de révélateur d’une certaine conscience politique. »
En salle jusqu’au 28 septembre prochain, « Le monticule de Vendôme » rassemble de nombreuses photographies et gravures appartenant au CCA et documentant cet épisode historique. Cette dernière intrigue par sa clarté, son originalité ainsi que son humour particulier, côtoyant habilement les subtilités de l’absurde. Effectivement, une pétition à l’intention de la Ville de Paris ayant pour but de reconstituer ce monticule, ne serait-ce que pour un temps, attend le visiteur à l’entrée.