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Un nouveau Frosh ?

Retour sur les réformes de la semaine d’intégration de McGill.

Mahaut Engérant | Le Délit

Cette année encore les nouveaux étudiants de McGill ont été plongés dans le bain lors d’une semaine d’orientation, la fameuse Frosh week. Au fil des ans, cette semaine est devenue un des événements clefs de McGill. Connu de tous, Frosh est présenté et vu comme une consécration, un premier pas essentiel dans la communauté mcgilloise, une première expérience de la culture « work hard, play hard » (« travaille à fond, amuse-toi à fond ») de McGill. Or depuis quelques années, l’université essaye de décourager la culture du « binge drinking », la défonce par l’alcool, qui plane autour d’un tel évènement. L’accent est dorénavant mis sur l’inclusion de tous, l’explication du consentement aux nouveaux arrivés, et des évènements de moins en moins centrés autour de l’alcool. Mais ce changement de doctrine est-il vraiment perceptible ?

Des Frosh pour tous les goûts 

À McGill, plusieurs sortes de Frosh sont proposés, dépendamment ou non des facultés. Les Frosh non-facultaires sont généralement organisés par des associations étudiantes et ont des buts beaucoup plus spécifiques que les autres Frosh. Cette année, cinq Frosh non-facultaires étaient proposés, organisés par une variété de groupes étudiants comme plusieurs groupes chrétiens, une association d’étudiants juifs, l’Association des élèves musulmans, le Groupe de recherche à intérêt public (GRIP) et enfin le club d’activités en plein air, McGill Outdoors Club.

Sarah, qui a fait le Frosh en plein air cette année, explique au Délit que cette expérience lui a permis de rencontrer des gens partageant le même intérêt qu’elle pour la nature et de vraiment créer des liens avec ces gens sans distractions telles que les téléphones. De plus, un vrai travail d’équipe est demandé, ce qui rapproche encore plus les nouveaux étudiants, selon elle. 

Les élèves peuvent aussi choisir de participer à un Frosh lié à leur faculté. Ces derniers sont organisés par des comités élus en fin d’année scolaire, et chaque faculté choisit un thème autour duquel articuler la semaine d’intégration. Cette semaine de Frosh dure généralement autour de quatre jours au cours desquels  plusieurs événements sont organisés  la journée tels qu’une tournée des bars (« pub crawl »), tandis que le soir  des concerts et des soirées dans des discothèques de Montréal sont proposés. Ces Frosh liés aux facultés ont pour but premier que des élèves appartenant à la même faculté se rencontrent et tissent des liens avant le début des cours. 

Changement de doctrine…

Les Frosh organisés dans le cadre des facultés sont ceux qui tournent le plus autour de la consommation d’alcool, et sont donc les premières cibles du changement de culture que McGill essaye d’instaurer. En effet, Mitchell Miller, coordonnateur de la vie étudiante pour Campus Life and Engagement (CL&E – Engagement et vie du campus, ndlr) explique en entretien avec Le Délit que « le but premier de Frosh est que tout les étudiants qui choisissent d’y participer s’y amusent, et qu’ils aient une expérience d’orientation saine et sûre. » Il ajoute : « Nous voulons aussi que notre travail à McGill montre au Canada entier que Frosh peut être un événement aussi marrant et énergique que sain et respectueux. » Afin d’arriver à opérer un tel changement, l’optique dans laquelle les responsables d’équipe (« Frosh leaders ») ont été choisis et formés a été revue. En effet, Christine Koppenaal, la v.-p. aux affaires sociales de l’AÉFA (Association Étudiante de la Faculté d’Art) nous explique que « la préparation de Frosh a comme concept central que Frosh est organisé pour les premières années. Cela peut paraître évident, mais il y a quelques années les positions de responsable d’équipe et de personnel d’orientation (« o‑staff ») attiraient des étudiants en deuxième et troisième année qui souhaitaient revivre leur propre semaine de Frosh avec leurs amis. Maintenant, on s’assure que les candidats comprennent bien que ces rôles sont des rôles de mentors, et c’est dans cette perspective que les formations sont pensées. » 

Pour beaucoup, Frosh reste lié a l’idée d’une semaine de débauche, où l’on teste ses limites avant d’entamer la nouvelle année scolaire. 

Le changement de culture de Frosh est un projet qui existe maintenant depuis 5 ans et cette édition, selon beaucoup d’organisateurs, a été une des meilleures que McGill ait vu depuis un moment. En effet, cette année, encore, plus que les précédentes, des efforts ont été faits pour vraiment se défaire de l’image de débauche, et arriver à donner celle d’une semaine amusante et riche en expériences et nouvelles rencontres. De plus, des efforts ont été fait en coordination avec le Service de Police de la Ville de Montréal (SVPM) ainsi qu’avec la communauté Milton-Parc, qui inclut les habitants et familles vivant au milieu du ghetto étudiant de McGill, et qui sont souvent les premières victimes de Frosh, surtout à cause du bruit occasionné par toutes les soirées qui se tiennent dans le quartier. Pour éviter des débordements, des équipes de l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill) patrouillaient dans le « ghetto » afin de garder le bruit à un niveau gérable. 

Un autre moyen utilisé pour institutionnaliser ce changement de culture a été un vrai travail autour du vocabulaire utilisé pendant Frosh. En effet, les « pre-drinks » (« pré-boissons », ndlr) ont été baptisés « rassemblements de groupes » tout comme la tournée des bars (pub crawl, ndlr) qui est maintenant appelée la « tournée de Montréal ». Le but est de ne plus associer certains événements à l’alcool, mais de les rendre plus neutres afin de respecter les choix de chacun quant à la consommation de boissons alcoolisées. De plus, la Faculté d’Art a introduit un système d’«amis sobres » grâce auquel les premières années souhaitant rester sobres étaient mis dans des groupes avec des chefs d’équipe qui ne buvaient pas. Enfin, chaque soir, au moins un responsable de chaque groupe devait rester sobre. Comme M. Miller le souligne, un des slogans de cette année était « Frosh a de l’alcool mais n’est pas pour l’alcool », slogan qui représente bien ce changement de culture. 

…juste une illusion ?

Malgré toutes les nouveautés dans l’organisation de la semaine d’intégration elle reste une semaine où la fête est mise à l’honneur. Pour beaucoup, Frosh reste lié a l’idée d’une semaine de débauche, où l’on teste ses limites avant d’entamer la nouvelle année scolaire. De plus, certaines réformes mentionnées ci-dessus, comme le changement de vocabulaire, ou encore celle d’un responsable sobre par jour, n’ont pas vraiment été respectés. 

Or, il est vrai que cette année, les participants et les responsables ont reconnu une ambiance différente, plutôt centrée autour de l’entente entre les facultés ainsi qu’en leur sein. Anne, une première année qui a fait le Frosh de la Faculté d’Art et Sciences,  interrogée par Le Délit, affirme avoir adoré son Frosh,  s’être sentie accueillie par la société mcgilloise et directement intégrée. Les participants, les responsables ou les personnes directement touchées par Frosh, tels que les habitants de la communauté Milton-Parc ou encore les « floor fellows » (responsables d’étage, dans les résidences universitaires, ndlr) sont les premiers témoins des progrès effectués et peuvent voir que les choses s’améliorent d’année en année, comme l’affirme M. Miller. L’image renvoyée par McGill semble cette année d’avoir été différente, même si M. Miller reconnaît qu’il faudra un certain temps avant que toute la communauté ne voie Frosh d’un nouvel œil.


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