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Un NoShow en pleine face

Le théâtre peut-il continuer à tout prix ? 

David Ospina

Le NoShow (François Bernier, Alexandre Fecteau, Hubert Lemire, Maxime Robin et la collaboration des acteurs) est bâti sur des prémisses intéressantes : le théâtre peut-il exister à tout prix ? Nous voulons démocratiser le théâtre et faciliter son accessibilité pour que tous puissent y assister. C’est ce que fait le NoShow qui est a priori sans coût d’entrée. Le NoShow innove quant aux autres pièces présentées au Québec. À l’entrée des spectateurs, on demande à tous de payer le montant qu’ils trouvent convenable pour assister à la pièce. Dans les prix préétablis, on rappelle que 0$, comparativement, c’est comme si l’on allait voir la « messe du dimanche ». La liste des prix monte par petits bonds, jusqu’à 125$ qui est aussi le prix d’un « billet d’un match de hockey professionnel ».

« The show must go on.» C’est cette célèbre expression scandée dans la langue de l’argent qui agit comme lien unificateur de la pièce. Si le NoShow récolte des milliers de dollars, c’est parfait : on pourra monter les scènes  imaginées par le collectif Nous sommes ici et le Théâtre DuBunker. Lors de la représentation du 3 septembre, 1900$ ont été récoltés, à peine assez pour 3 acteurs rémunérés à 200$ par soir. C’est qu’il ne reste pas grand-chose après avoir payé tous les frais de location de salle, d’éclairage, d’entretien, etc. À 1900$, la pièce sera montée, mais on coupera les acteurs en trop qui n’auraient pas pu être payés à juste prix. 

C’est ainsi que le NoShow innove : face aux coupes budgétaires, le théâtre doit se réinventer, trouver des solutions. Certains acteurs en remplacent d’autres, on joue avec ce que l’on a. Surtout, on saisit l’occasion pour parler de la situation difficile des jeunes artistes. Les acteurs qui restent sur scène prennent la parole pour une myriade de jeunes qui suffoquent dans la même situation. Le NoShow ne tabouise pas le manque d’argent comme il a souvent été fait : le spectacle parle de l’argent et, surtout, du manque d’argent dans le fond  — les fonds — et dans la forme. 

On craint cependant que cette pièce politisée ne fasse changer l’opinion négative du peuple québécois sur le métier de la scène. Car l’art qui parle d’art n’attire pas les foules de tous les milieux : à un  moment dans le non-spectacle, on demande à tous les spectateurs de se lever pour faire un petit sondage « socio » maison. On dit à tous ceux qui travaillent dans le milieu de l’art de s’assoir et plus de 80 % des spectateurs s’assoient. 80 % de la salle est donc déjà consciente des déboires des acteurs. Lorsque les acteurs sur scène critiquent la foule de n’avoir payé que le deuxième plus petit montant sur la liste de prix proposés (16$ comme le prix d’un film au cinéma), on se demande si l’on s’attaque vraiment à la bonne personne. 

Le NoShow profite bien néanmoins de sa posture critique et tente de comprendre comment intéresser et faire déplacer un Québec régi par le système du divertissement et ses productions à coup de millions pour la télévision et le cinéma. C’est donc une tentative de réinventer le théâtre qui nous est présentée, un théâtre qui met au cœur la proximité du spectateur et des acteurs qui forment, ensemble, une communauté. Les acteurs parlent au public, interagissent avec lui et questionnent ses attentes. Tout ça dans le but de bâtir un nouveau théâtre dans lequel tous pourraient trouver quelque chose. Si quelques explorations hors du cadre traditionnellement théâtral sont maladroites, c’est le rire très fort du public qui reste et qui donne espoir de voir le Show continuer malgré toutes les intempéries.


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