La principale de McGill, Heather Monroe-Blum, a effectué mercredi dernier une tournée des médias québécois dans le but de semer le doute sur la pertinence du Sommet sur l’enseignement supérieur, allant jusqu’à qualifier l’exercice consultatif mis en place par le gouvernement péquiste de véritable « farce ».
Plutôt que de sagement s’en tenir à s’exprimer sur les questions qui la concernent directement, telles que la qualité de l’enseignement et la gouvernance des universités, Heather a choisi de souffler à plein poumon sur la braise toujours fumante du débat sur la « juste part ». En effet, la vice-principale persiste et signe : les étudiants ne paient pas assez. Mieux encore, la hausse initialement proposée par le gouvernement libéral de Jean Charest n’était pas suffisante. Misère…
À l’occasion de cette sortie médiatique hautement constructive, la rectrice a aussi raconté sa frustration lors des rencontres préparatoires qui devaient préparer le terrain pour les discussions qui se dérouleront au Sommet. La principale s’attaquait notamment au nombre « insuffisant » de représentants du Conseil du patronat et à l’ingérence de divers partenaires de l’éducation dans le débat sur la gouvernance des universités : « Les débats des rencontres pré-Sommet ne sont pas ouverts. […] Les recteurs sont dans la salle et écoutent quelqu’un qui nous dit comment gérer nos universités. C’est une farce ».
S’il peut effectivement sembler inapproprié que des étudiants s’improvisent ainsi gestionnaires afin de souligner les faiblesses de l’allocation des ressources dans le réseau universitaire, alors l’inverse doit nécessairement être vrai : qui sont donc ces gestionnaires et ces représentants du Conseil du patronat pour juger de ce qu’un jeune de la classe moyenne inférieure peut ou ne peut pas se permettre ?
Le problème de relations publiques de la rectrice de McGill se trouve précisément là : elle est obstinément incapable de tracer la ligne entre les questions qui relèvent de sa sphère de compétence et celles à propos desquelles elle ne possède aucune expertise.
La rectrice d’un important établissement d’enseignement supérieur québécois dispose de la plus haute autorité lorsque vient le temps de débattre, par exemple, des sommes qui doivent être allouées aux universités pour la recherche ou encore pour rehausser la qualité de l’enseignement. Toutefois, lorsqu’il est question de déterminer si l’argent doit provenir d’une hausse d’impôt aux entreprises ou d’une augmentation des droits de scolarité, le discours d’Heather Monroe-Blum et des représentants du Conseil du patronat de ce monde ne devrait engager qu’eux-mêmes : il s’agit là d’une question éminemment politique, voire philosophique, qui n’est pas directement liée à la qualité de l’éducation.
Il est désolant de voir Heather Monroe-Blum confondre ainsi les débats et brouiller les cartes à la veille d’un Sommet qui s’annonce déjà suffisamment haut en couleur. En se bornant à contaminer son discours d’opinions subjectives et personnelles sur la « juste part » qui incombe selon elle aux étudiants dans le financement de leur éducation, la rectrice contribue elle-même à retirer une certaine part de crédibilité à ses prises de position pourtant importantes sur la question de la qualité de l’éducation et du sous-financement des universités.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la principale est demeurée fidèle à elle-même depuis le printemps dernier. Outre la constance remarquable de son discours, HMB n’a également rien perdu de son sens du timing : chercher à s’aliéner à nouveau les étudiants et le gouvernement en place au moment le moins opportun, voilà une stratégie tout à fait digne d’un acteur majeur du milieu de l’éducation. À l’écouter, on aurait presque tendance à croire qu’après un peu moins d’une année de débats particulièrement intenses sur la question des droits de scolarité, la rectrice de McGill n’a toujours pas compris que l’action des étudiants n’a jamais été autre chose qu’une tentative de se réapproprier l’éducation, non par mépris des institutions mais par amour de la connaissance.
Un peu de bonne volonté, Madame la Principale.