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Hypocrisie canadienne

Et si le Canada restait fidèle à lui-même ? 

Est-ce bête de souhaiter qu’il renoue avec ses dites « valeurs canadiennes », jadis appréciées à l’international ?

Voilà presque dix ans que notre feuille d’érable bifurque vers les rangs de l’isolation. Conservatisme, renfermement idéologique et fermeture menaçante. Rien de moins. Je me permets ainsi de stipuler que si la tendance se maintient, le Canada accumulera une grogne mondiale irrévocable. 

Vous l’avez certainement entendu, le Canada a fermé son ambassade en Iran. Beaucoup d’encre a coulé face à cette nouvelle – qui transpire la crise diplomatique – mais qui ne m’étonne guère. Cette décision du gouvernement Harper suit naturellement la trajectoire canadienne des dernières années : perte du siège au Conseil de sécurité de l’ONU – l’indifférence du gouvernement à cet égard est d’autant plus déplorable –, participation majeure dans l’offensive de l’OTAN en Libye, retrait du protocole de Kyoto, retrait de l’Organisation mondiale du tourisme, et la liste continue encore et encore. 

Certes, le gouvernement sait se défendre adéquatement. Jamais nous ne supporterons les dictateurs ! Devenue une « menace considérable », nous devons couper tout contact avec Téhéran ! Alors là, quelle rhétorique. Chapeau. 

Chroniqueur au Globe and Mail, Margaret Wente s’enchante de cette décision. Soulignant la force morale du gouvernement Harper, elle renchérit en suggérant que d’autres suivront l’exemple de notre nation et, qu’ainsi, nous parviendrons à modifier le comportement de l’Iran. Amen. 

C’est joli tout ça. Mais je crois qu’il est temps de mettre les contes de Disney de côté, Madame Wente. Vous ne croyez ni au dialogue ni à la diplomatie ? Vous pensez réellement qu’une coupure radicale idéologique, et c’est peu dire, servira à stabiliser le monde international ? Vous prêtez au Canada une autorité qu’il ne détient malheureusement plus. Car j’ai pour mon dire que le message envoyé par cette fermeture diplomatique est contraire à votre univers utopique : le Canada, voulant raffermir ses relations avec Washington et Tel-Aviv, envisage de boucler sa métamorphose d’état protecteur de la paix en nation-proactive-qui-doit-contribuer-aux-missions-militaires.

À votre grand étonnement, Mme Wente, dans une perspective internationale, notre plus grand atout a longtemps été notre dite diplomatie. Vous vous souvenez de Lester B. Pearson, le père des missions de paix ? Ah ! Et puis quelle coïncidence : l’édifice dans lequel siège le ministère des affaires étrangères et du commerce international porte son nom. Cependant, comme l’habit ne fait pas le moine, on se met le pied dans la bouche lorsqu’on prétend se considérer diplomate et humanitaire encore aujourd’hui.

À proprement parler, les valeurs canadiennes sont devenues des valeurs conservatrices qui dirigent le pays avec l’appui d’environ seulement 40% de la population. L’affirmation suivante peut paraître apocalyptique, mais notre démocratie canadienne peut bientôt s’échouer sur un îlot d’autoritarisme. Pendant que le Canada se permet de critiquer l’Iran et d’ainsi tenter de « manipuler » ses politiques, il ignore l’opposition canadienne – par le fait même, il omet de représenter les 60% qui ne lui ont pas accordé de vote.

Cela dit, voici un fait intéressant à surveiller : de récents sondages Ipsos Reid illustrent que la population canadienne penche davantage vers des valeurs progressistes depuis que les Conservateurs ont pris le pouvoir. Autrement dit, les décisions du gouvernement vont à l’encontre de la majorité canadienne. Rien n’est donc gagné d’avance pour les élections de 2015. 

À une certaine époque, le Canada était reconnu comme étant le pays le plus démocratique au monde. À une certaine époque, la fierté canadienne impliquait une volonté sincère d’apporter la paix dans le monde. Aujourd’hui, notre pays est enduit d’hypocrisie.


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