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Dénoncer l’usage de la force

En réaction aux événements du 10 novembre, plusieurs personnes ont jugé bon de commenter, sur les sites du McGill Daily et du Tribune, que l’intervention violente de la police de Montréal s’explique par l’initiative infortunée de quelques étudiants.

Ces derniers se sont accordés le droit d’étendre le mouvement « occupez votre ville » sur le campus universitaire de McGill. « Tout allait bien, entend-t-on dire, jusqu’à ce que ces quatorze personnes décident d’infiltrer illégalement le bâtiment administratif de McGill, ainsi que le bureau de la principale, qui était absente ». Certains sont allés jusqu’à prétendre que ces quatorze étudiants auraient usé de la force pour empêcher les employés de l’administration de quitter leur bureau, ou encore que leurs camarades auraient attaqué les policiers à vélo qui tentaient de briser la chaîne humaine qui s’était formée à l’extérieur du bâtiment James –accusation sur la base de laquelle quatre étudiants ont été arrêtés.

Ce lundi, l’assemblée We are all McGill visait en partie à réfuter les fausses rumeurs circulant sur cet événement depuis quelques jours, invitant les témoins de la manifestation à dénoncer avec indignation le bafouement de leurs droits, qui dévoila l’illusion du bon fonctionnement de la démocratie participative devant une foule qui partageait largement le ressentiment des manifestants.

Témoignages de première main, appels à la solidarité de la part de chefs syndicaux et de cadres d’unions étudiantes ; il ne manquait certes pas de gens pour dénoncer la brutalité policière dont les manifestants furent les victimes, qu’ils aient pris une part active à la manifestation de jeudi, ou qu’ils se soient tout simplement trouvé au mauvais endroit et au mauvais moment, de passage devant le portail Milton. Certains des étudiants ayant pris part à l’occupation des bureaux de l’administration ont rappelé par ailleurs que leur geste n’était pas sans précédent, puisqu’en effet, en avril 1997, ce même cinquième étage du bâtiment James fut « occupé » pendant trois jours par des étudiants qui demandaient pacifiquement de négocier une baisse des frais de scolarité avec les autorités universitaires. À la différence près que l’administration de l’époque ne manquait pas d’assurance au point d’avoir recours à une escouade anti-émeute pour gérer ses problèmes internes. Depuis quand l’intervention d’un organisme « paramilitaire », comme l’a lui-même qualifié Marc Parent, chef du service de police de la Ville de Montréal, s’avère-t-elle nécessaire pour gérer les mauvais rapports du conseil d’administration avec la classe étudiante que ce dernier est censé représenter ?

Certains intervenants ont remarqué que le décalage considérable entre le sommet de la hiérarchie universitaire et le bas de la pyramide alimentaire académique ne fait que refléter l’abîme qui sépare présentement la plupart des gouvernements des citoyens qui les ont mis au pouvoir. Les manifestations des « indignés », d’une ampleur sans précédent, témoignent largement de cet écart à travers le monde, de Wall Street jusqu’en Espagne, en passant par le monde arabe et la Grèce, dont le premier ministre s’est vu récemment remplacer par un ancien vice-président de la Banque centrale Européenne dans le mépris de la démocratie le plus total. C’est pourquoi des étudiants ont pris la peine de préciser que ce rassemblement sur la place communautaire de McGill ne visait pas uniquement à revendiquer le droit à la parole de la classe étudiante, ni même à combattre tout bonnement le projet de hausse des frais de scolarité.

Car si l’«occupation » d’une ville ou d’une université par ses citoyens et par ses étudiants –qu’une intervenante a préféré qualifier de « réappropriation du territoire»– ne constitue pas une forme de résistance acceptable face aux mesures d’austérité imposées aux populations, de quels moyens les citoyens disposent-ils encore pour faire prévaloir leurs droits démocratiques ?


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