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Bang bang le registre

Éditorial à propos de l’abolition du registre des armes à feu

Alors que le Parti québécois nous donne des sueurs froides (le leadership de la cheffe est menacé, le parti renonce à la publicisation de sa première raison d’être) que le Parti libéral nous donne des chaleurs (encore et toujours la saga du scandale dans le domaine de la construction, la hausse des frais qui tournera bientôt en vinaigre) portons maintenant nos regards vers nos amis du Rest of Canada, ROC  pour les intimes, et ayons un aperçu de la dernière action controversée du gouvernement fédéral conservateur de Stephen Harper.

Le gouvernement conservateur tient mordicus à abolir le registre des armes à feu et ce, depuis des lunes (disons depuis 2006). Ce n’est toutefois qu’en mai dernier qu’on a pu commencer à croire à la réalisation de ce projet : avec l’élection majoritaire des conservateurs, il y avait de quoi s’attendre à un changement de ce côté.

Le 26 octobre, le gouvernement de Stephen Harper, par la bouche de son canon, le ministre de la Sécurité publique Vic Toews, déposait en Chambre son projet de loi abolissant le registre des armes à feu. Ainsi, toutes les armes pourront circuler librement, exception faite des armes prohibées ou à utilisation restreinte (les armes de poing dont la longueur du canon est de 105 mm ou moins est interdite, alors que tout autre arme de poing est restreinte par exemple). Si vous faites l’équation, cela laisse la carabine ou le fusil de chasse ordinaire sans condition d’utilisation, libre d’enregistrement, soit 91% des 7,3 millions d’armes en circulation actuellement. Par comparaison, en France, les armes longues de type carabine doivent être enregistrées auprès de la police.

Cela a été fait maintes fois, mais il semble essentiel de revenir sur la tuerie de Polytechnique pour expliquer des contestations à cette mesure. Dans son communiqué de presse, polysesouvient​.ca, le groupe des étudiants et des diplômés de l’École Polytechnique pour le contrôle des armes, rappelle que c’est une arme non-restreinte comme le Ruger Mini-14 qui a été à l’origine du massacre en 1989, des armes que Stephen Harper qualifie d’insignifiants « fusils à canards ».

Si l’on fait les comptes, il semblerait que le registre coûte cher à maintenir. Le corps policier le consultait avec succès, mais il n’était pas mis à jour depuis 2006, donc serait vite devenu obsolète de toute façon. Pourtant, le gouvernement fédéral au pouvoir veut non seulement détruire le registre des armes, mais en plus, il veut s’assurer que les données recueillies jusqu’à présent soient réduites à néant.

Fini. Finish. Finito. Tout ce qui a été utile, toute la paperasse qui a été recueillie, tous les efforts et, finalement, l’argent investi dans ce registre seront perdus. Pourquoi ? Le gouvernement Harper ne veut même pas qu’il y ait transfert des données vers les provinces. Pourquoi ? Selon Vic Toews, « nous ne laisserons pas ces données en suspens pour permettre qu’un nouveau registre des armes d’épaule soit créé à la première occasion venue », soit par le NPD, l’opposition officielle.

Le Bloc québécois, lui, soutient fermement sa position contre le nouveau projet de loi. Depuis 2009, le discours n’a pas changé : « tous s’entendent pour dire que le contrôle des armes à feu est un élément essentiel d’une lutte intégrée et efficace contre la criminalité. » Une position qui reflète bien ce que pense une bonne partie de la population québécoise qui en a encore gros sur le cœur avec le drame de Polytechnique, mais aussi avec la fusillade au collège Dawson.

La cerise sur le gâteau : le projet de loi C‑19 annonce la destruction complète des données de manière impromptue puisque le projet de loi S‑5, présenté l’an dernier, n’en contenait rien, tout ça pour s’assurer que personne ne puisse reprendre le travail déjà entamé.

Mais la question n’est pas là.

Les conservateurs, en adoptant ce projet de loi, montrent que le Québec et l’opposition n’ont à peu près pas de poids dans les décisions. Les conservateurs nous montrent, encore une fois, qu’ils n’ont aucun respect de ce que 24% de la population canadienne pense. C’est en effet rire au nez de tous que d’empêcher la survivance du registre des armes à feu.

Alors que le gouvernement Harper prône un pays ultra-sécuritaire avec ses mesures drastiques d’emprisonnement, n’y a‑t-il pas là une contradiction flagrante ? En fait, le parti promeut l’intervention individuelle plutôt que la prévention collective, une idéologie qui ne sied pas si bien au Québec.


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