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Vent de changement… conservateur

L’analyste politique renommée Chantal Hébert était en visite au Cercle Universitaire de McGill pour discuter des causes et des conséquences de l’ascension des conservateurs au fédéral.

« En octobre 2003, il était tentant pour nous [les journalistes] d’assumer que les choses reprendraient leur cours normal. Mais avec du recul, c’est clair qu’il y a eu un changement de direction [dans la politique fédérale].» Ces mots songés de Chantal Hébert donnent le ton de la conférence que l’analyste politique et chroniqueuse au Toronto Star et au Devoir a donnée le 27 janvier dernier au Club Universitaire de McGill. L’exposé de Mme Hébert –intitulé « The Shifting Canadian Political Landscape»– présentait les causes et les conséquences de la montée au pouvoir stratégique du Parti conservateur du Canada (PCC).

L’union fait la force

Qu’est-il donc arrivé en 2003 ? Certains lecteurs se rappelleront sans doute la fameuse poignée de main entre Stephen Harper, alors chef de l’Alliance Canadienne, et Peter MacKay, chef du Parti progressiste-conservateur du Canada, qui a marqué l’union de deux partis pour former le Parti conservateur du Canada. « C’est cette poignée de main qui signale le début du changement du paysage politique au Canada », affirme Mme Hébert.

En effet, devant un Parti Libéral de plus en plus divisé, les tenants de la droite canadienne en ont profité, après des mois de négociation et de planification, pour se rassembler sous une seule bannière. Si les conservateurs sont défaits face aux libéraux emmenés par Paul Martin aux élections fédérales de 2004, leur stratégie, ainsi que la popularité toujours réduite des libéraux suite au scandale des commandites, leur vaut une victoire (minoritaire) en 2006. Mais pourquoi parler d’un changement profond au niveau de la politique fédérale canadienne ?

Les autres partis dans de beaux draps

Selon Mme Hébert, les conservateurs sont en train de remplacer définitivement les libéraux en tant que parti « naturel » au pouvoir. « Il est impossible de réduire l’importance des dommages que Paul Martin a laissé derrière lui. (…) Depuis le départ de Jean Chrétien, les libéraux ont perdu 20 points au Québec », et il ne suffira pas d’un changement de chef pour les sauver, explique-t-elle. De plus, le programme politique des libéraux ressemble de plus en plus, selon la journaliste, à la position des conservateurs –que ce soit sur les sables bitumineux ou la présence militaire canadienne en Afghanistan– et peine donc à convaincre les électeurs que les libéraux représentent une alternative intéressante et crédible.

Selon Mme Hébert, ce sont à la fois le PCC et le Nouveau Parti Démocratique (NPD) qui ont bénéficié de cette chute de popularité ; cependant, le NPD peine à avoir de l’influence au Parlement et « s’affaire à garder le gouvernement en vie en profitant en échange des miettes que lui redonne Harper ». « L’échec de la coalition [entre les Libéraux, le NPD et le Bloc Québécois] a marqué la fin de l’espoir de [Jack] Layton », explique la journaliste.

Quant au Bloc, un parti habituellement solitaire, on le voit de plus en plus miser sur des ententes avec les autres partis dans le but de déloger les conservateurs. « Avant, on n’aurait pas entendu Gilles Duceppe dire qu’un parti fédéral était meilleur qu’un autre. Puis, on l’a vu serrer la main de Stéphane Dion », raconte Mme Hébert. «[Le Parti conservateur n’a pas] perdu son temps », affirme la journaliste. Il recrute des candidats et des penseurs. (…) Bientôt, ce seront l’Ouest canadien et l’Ontario qui seront en charge. (…)

Il sera prochainement possible [pour les conservateurs] d’obtenir une majorité [des votes] sans le Québec », poursuit-elle. « Stephen Harper partira peutêtre, mais les conservateurs sont là pour rester », pronostique Mme Hébert.


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